Préambule
« Les institutions pour toxicomanes imposent aux demandeurs de soins un contrat… Ce contrat type introduit la question paradoxale de l’abstinence, paradoxe dans la mesure où il s’agirait d’imposer au patient de « guérir » ou, tout au moins, de faire taire son symptôme comme condition préalable au début de son traitement » (1)
Ainsi, Eduardo Vera Ocampo soulevait, il y a quinze ans, le paradoxe suivant : « Le préliminaire, condition sine qua non à tout traitement médical de l’héroïnomane et de sa toxicomanie dans une institution, est la sacro-sainte abstinence aux opiacés ».
Dix ans plus tard, la substitution de l’héroïne par diverses molécules dont le chlorhydrate de méthadone aura permis de dépasser ce contre-sens puisque le sevrage aux opiacés ne sera généralement plus envisagé qu’au terme d’une prise en charge de longue haleine. La dépendance est maintenue. Elle est même multiple comme nous le verrons plus loin.
I. INTRODUCTION
Dans un programme de substitution de l’héroïne par la méthadone, l’Objet médical et positif « méthadone » se substitue à l’Objet illicite et funeste « héroïne » avec une aisance plausible puisqu’il s’agit là du désir du patient, désir qu’il exprime au cours des premiers entretiens dans un véritable plaidoyer qui ne relève pas toujours que du discours de conformité. Lorsque l’on parle d’ « abstinence » à l’héroïne, il s’agit bien là d’une abstinence à proprement dit, au sens étymologique de « maintien à distance », dudit produit (2). On pourra d’ailleurs emprunter à l’Alcoologie le terme de Non-Usage Secondaire.
Il est, du reste, bien précisé au futur patient que ce programme vise, à terme, l’abstinence définitive aux opiacés, y compris à la méthadone et qu’il s’agit notamment de faire des choix douloureux, des deuils ou, plus exactement, des mises à distances dont celle de l’Objet « Drogue ». Il y aura, non pas disparition de l’Objet et deuil imposé conséquentiel, mais maintient à distance consciente, volontaire et douloureuse de ce qui fut Objet de plaisir, de désir et de besoin.
Le désinvestissement de l’Objet pluricéphale « héroïne – mode de vie lié à l’héroïnomanie » se fera au profit de l’investissement dans l’Objet substitutif « chlorhydrate de méthadone – programme méthadone ». Ce désinvestissement – investissement sera facilité par le biais de la dépendance, d’une certaine inféodation au cadre de soins mis en place.
Ainsi, dans la plupart des cas, le sujet acceptera la Loi du Contrat de Soins qui établit un véritable cadre « surmoïque » et donc protecteur. Pour d’autres sujets à la personnalité moins marquée par des traits d’immaturité et de dépendance, le terme de concordat ou de compromis de soins correspondra plus à la réalité.
Cependant, dans tous les cas, le substitut ne sera pas tant la méthadone que ce cadre de soins dans la dimension de ses éléments multiples dont l’équipe pluridisciplinaire organisée en réseau et, bien sûr, le sirop de chlorhydrate de méthadone, arbre qui ne cache la forêt (le cadre) que dans l’imaginaire des profanes.
D’ailleurs, à ce propos, l’équipe du centre sera souvent amenée à rencontrer certains membres de l’entourage du patient, à la demande de ce dernier, pour expliquer que « la méthadone, même si elle maintient la dépendance aux opiacés, à condition qu’elle soit prescrite et prise en quantité nécessaire et suffisante, à heure fixe, en une fois et en l’absence de toute prise parallèle d’autre(s) Substance(s) PsychoActive(s) non prescrite(s), dans le cadre d’une prise en charge globale, n’a rien de comparable à une drogue ! ».
II. LA MULTIPLICITE DES RENONCEMENTS
Certes, il s’agira de maintenir à distance l’Objet « héroïne » mais pas seulement.
Les mises et maintiens à distance seront multiples.
- Il faudra également renoncer à l’Acte de se droguer, à la conduite addictive dans sa dimension comportementale à proprement parler avec ses rituels.
- Il faudra renoncer aux cordons tramés avec la communauté toxicomane qui n’acceptera pas si facilement la perte d’un de ses membres. La pression du groupe et les stratagèmes mis en jeu pour récupérer ce transfuge seront intenses.
- Il faudra renoncer au comportement d’évitement de la douleur psychique, au « recours prévalent à l’agir au préjudice de l’élaboration, à la production de sensation corporelles au détriment des émotions » (3), au repli sur soi, à la « défonce-refuge » et affronter son désarroi, braver ses propres angoisses existentielles, structurelles et/ou réactionnelles.
- Il s’agira enfin de se tourner vers un passé douloureux, d’ouvrir les yeux, de regarder et de voir, au-delà du mirage, sans se laisser aveugler par la lumière, grâce à un accompagnement psychothérapeutique qui fera soin et, par étayage, conditionnera le devenir du sujet.
III. LA MULTIPLICITE DES SUBSTITUTS ET DES DEPENDANCES MAINTENUES
Dans la substitution par la méthadone, il s’agit de substituer
- L’héroïne ou la Buprénorphine Haut Dosage faisant l’objet d’un mésusage, par le chlorhydrate de méthadone,
- La drogue par le médicament,
- Le réseau marginal par le réseau de professionnels,
- L’illégal par le légal,
- Le frelaté par le pur,
- L’injectable par la voie orale,
- Ce qui fait « défonce » par ce qui supprime le manque,
- La multiprise par la prise unique.
On peut également se demander dans quelle mesure le cadre de soins se substituant avantageusement à l’héroïnomanie, il se substitue de façon corollaire aux images parentales.
« C’est du côté de la constitution des images maternelles, que le sujet s’est construit dès sa plus tendre et plus dure enfance, que se trouvent des éléments de réponse … (à sa toxicomanie).… On pourrait souligner chez ces sujets une oralité sans fin, sans faim … Il s’est agit d’un maternage déstructurant … qui n’aurait tenu compte que des besoins physiologiques du bébé et qui aurait par un déni massif occulté toute dimension de plaisir. On n’a jamais vu un bébé ne dépendre que du lait.» C’est la manière dont celui-ci est offert qui conditionne la qualité de la relation et de l’individuation. Plus que jamais manque au toxicomane « une mère suffisamment bonne » pour reprendre l’expression de Winnicott. « Il manque une image maternelle suffisamment rassurante, permettant de concilier et d’articuler intérieur et extérieur… Lorsque ce biberon si particulier que le sujet s’est construit … devient tout aussi insatisfaisant et dangereux que la mère à laquelle il était venu se substituer … c’est le moment de la demande de soins. » (4) « Le manque d’amour ou la rupture avec un amour excessif ressenti comme destructeur, suivi d’un vide, représente une des causes d’entrée dans la toxicomanie … certains sujets cherchent désespérément à combler leur manque par une dépendance à un substitut de mère ou de père. » (5)
« L’abstinence ne règle pas le problème de la dépendance » (6).
IV. LE CENTRE METHADONE DES ARDENNES, RAPPEL HISTORIQUE
En août 1998, le Centre Méthadone des Ardennes (CMA) a ouvert ses portes pour répondre aux objectifs établis par les circulaires de Mars 1995 et Avril 1996 de la Direction Générale de la Santé. De Août 1998 à Décembre 2000, le CMA a fonctionné du lundi au vendredi, de 09h00 à 13h00.
Le Centre méthadone bénéficiait alors de quatre vacations médicales hebdomadaires et d’un poste infirmier à mi-temps. L’équipe du CMA était constituée de : Monsieur le Docteur C. PENALBA, médecin responsable ; Monsieur le Docteur JC. PAGIN, médecin vacataire (2 vacations) ; Monsieur le Docteur S. PELISSERO, médecin vacataire (2 vacations) ; Monsieur B. RESSUCHE, infirmier DE référent (1 poste à mi-temps)
Ces moyens peu importants ne permettaient la prise en charge que de 25 patients. La réponse aux demandes de traitement était donc inappropriée et une liste d’attente avait dû être constituée. A compter de Janvier 2001, le CMA a bénéficié de six vacations médicales hebdomadaires et le mi-temps infirmier a été transformé en un poste à plein temps. L’équipe est restée inchangée.
L’élargissement des moyens du CMA a donc permis la prise en charge d‘un nombre croissant de patients jusqu’au seuil actuel de 75 personnes. Ce nombre semble constituer un plateau puisqu’il reste pratiquement inchangé depuis plusieurs mois indépendamment d’une quelconque volonté de limitation de la part de l’équipe du CMA. On peut donc estimer que les moyens humains dont dispose le CMA lui permettent de répondre à la demande locale.
Il faut rappeler qu’au sein du CMA, toutes les décisions sont collégiales et qu’il fonctionne en réseau, en partenariat avec l’AAST * qui assure le suivi psychologique des patients, les Assistantes sociales de secteurs, les médecins et pharmaciens de ville, l’ELT08 ** et avec d’autres institutions ou professionnels locaux, d’une manière satisfaisante.
* AAST : Association d’aide et de Soins aux Toxicomanes.
** ELT08 : Equipe Liaison Toxicomanie des Ardennes
V. LE CONTRAT DE SOIN
Contrat d’engagement dans le Programme Méthadone
Vous avez rencontré l’infirmier référent, puis les médecins du CMA, le médecin du Centre de Dépistage Anonyme et
Gratuit et le médecin psychiatre de l’AAST pour une évaluation médico-psycho-sociale globale.
A partir de cette évaluation, la Commission Technique accepte votre adhésion au programme méthadone.
Ce protocole répond aux objectifs établis par le Ministère de la Santé (circulaire N° 14 du 17/03/95)
La prise en charge médico-psycho-sociale a pour but d’élaborer à terme une vie sans dépendance, y compris à la méthadone.
L’adhésion au programme méthadone CMA est une démarche volontaire avec acceptation des contraintes de cette prise en charge.
- vous êtes volontaire,
- vous êtes dépendant aux opiacés naturels et/ou de synthèse depuis plus de deux ans,
- vous avez tenté sans succès une ou plusieurs cures de sevrage ou de substitution,
- vous n’êtes pas engagé dans un autre programme méthadone.
La méthadone est un opiacé de synthèse et maintient donc la dépendance aux opiacés.
Il y a absolue nécessité d’observance des contraintes du traitement.
L’association méthadone-médicament(s) psychotrope(s) est dangereuse.
Votre médecin traitant doit être informé de votre adhésion au programme CMA.
Seule l’équipe du CMA est habilitée à modifier le dosage de méthadone.
Vous vous engagez à respecter toutes les contraintes du contrat thérapeutique :
- Entretiens sur rendez-vous
- avec l’infirmier du CMA
- avec les médecins du CMA
- avec un psychothérapeute
- Respect des lieux, de l’équipe et des autres patients,
- Vous vous engagez à avoir, dans le centre, un comportement correct. Pas d’arme, de violence, de provocation, de manipulation ou de détournement
- Abstinence de drogues y compris de cannabis
- Abstinence de médicament non prescrit
Rappel : votre attention est attirée sur le fait que l’intoxication alcoolique aiguë est une contre-indication à la prescription et/ou à la délivrance de méthadone.
Durant le premier trimestre de soins, il ne sera pas accepté d’entrave au contrat, qu’elle qu’en soit la raison.
Lorsque vous observerez une parfaite adhésion au contrat de soins, L’équipe du CMA pourra décider d’une délivrance tous les deux, trois, puis sept jours.
Par la suite, dans un délai moyen de 6 à 18 mois, la délivrance puis la prescription de méthadone pourront avoir lieu en ville auprès de vos pharmacien et médecin traitant, en partenariat avec le CMA.
La délivrance de méthadone a lieu sur rendez-vous du lundi au vendredi pendant les heures d’ouverture du CMA.
Le sirop de méthadone est absorbé sur place.
Pour les week-end et jours fériés, vous recevrez une dotation de méthadone et devrez ramener les flacons vides au centre.
Une carte de méthadonien vous sera délivrée tous les trois mois. Elle sert d’information médicale en cas d’accident notamment de la voie publique.
Vous êtes tenu de vérifier la quantité de méthadone qui vous est délivrée.
Vous êtes responsable de son bon usage, même en cas de vol ou de perte.
L’interruption du contrat intervient :
- par accord entre vous et l’équipe du CMA,
- par arrêt volontaire de votre part,
- par une exclusion temporaire de trois, sept jours ou définitive pour non-respect du contrat de soin.
L’équipe du CMA est constituée de : Monsieur le Docteur Jean-Christophe PAGIN, médecin du CMA, Monsieur le Docteur Serge PELISSERO, médecin du CMA, Monsieur Bruno RESSUCHE, infirmier DE du CMA.
L’équipe de psychothérapeutes du CAST 08 est constituée de : Madame le Docteur Louisa GATER-LEGRIS, médecin psychiatre, Madame le Docteur Claudine STOEFFEL, médecin psychiatre, Madame Brigitte HATAT, psychothérapeute, Madame Emmanuelle ROCHE, psychothérapeute, Monsieur Pierre VAUCHELET, psychothérapeute,
Pour la commission technique, L’intéressé(e)
VI. LE PREMIER ENTRETIEN
On met souvent l’accent sur le premier entretien. Il est, dans l’imaginaire collectif, capital voire décisif et verbalisé comme tel : « La première impression est la bonne ! ».
L’impression devrait-elle être la bonne pour le soignant « Tout Puissant » qui, expert en toxicomanie, aurait la capacité de mesurer, d’apprécier, de juger le devenir du patient ?
L’impression devrait-elle être la bonne pour le prétendant aux soins qui, à l’exposé du protocole de soins par un des soignants, apprécierait simultanément le professionnalisme de son interlocuteur et l’efficacité future de ce processus de soins relatif à son propre trouble ? Ou bien l’impression devrait-elle être la bonne pour ces deux protagonistes qui verraient, dans les premiers instants de cette relation duelle, les dés jetés ?
L’expérience acquise au cours de la pratique dément bien souvent cet adage. Le discours du patient fluctue en fonction de la réputation du centre, conséquences des pratiques internes, des convictions et de la personnalité des intervenants. Mais aussi et surtout, cette réputation se forge par le ressenti des patients ou ex-patients « méthadoniens », ceux-là même qui traduisent le « dogme » des intervenants à la lumière de leur propre expérience, créent et colportent les préjugés.
« … La rumeur se charge de répandre au sein des communautés d’usagers de drogues l’information en feed-back sur ce qui attend le candidat, sur les réponses les mieux accueillies … et comme par enchantement, après un temps d’adaptation, l’institution … se réjouira de voir arriver des candidats adaptés à ce qu’elle s’apprête à accueillir … » (7)
Le premier entretien peut être de type séducteur, catastrophiste et/ou conflictuel. Il n’est en tous cas jamais neutre. Dans ce dernier cas de l’entretien conflictuel, un des rôles du soignant sera de désamorcer l’agressivité verbale du sujet et de faire que naisse de cet entretien une relation qui pourra évoluer vers l’alliance thérapeutique.
Coté patient, c’est souvent le désarroi et l’anxiété qui dominent. Son admission dans le programme sera-t-elle effective ? Combien de temps devra t-il attendre avant de bénéficier du traitement de substitution ? Va-t-on, comme ce fut souvent le cas dans son long passé de toxicomane, lui demander de parler de lui, d’évoquer de douloureux souvenirs ? Quel jugement portera-t-on sur sa conduite ?
Coté soignant, il est important de n’accorder aux apparences qu’une importance relative en tant qu’elles ne sont qu’une façade, le travestissement d’une personnalité escamotée par le sempiternel « Je suis toxicomane », le fameux « El Khôl »
Le professionnel, au début de sa pratique, peut se dire « voilà un junkie … ou … voilà une personne qui n’a pas du tout l’aspect classique du toxicomane, il paraît bien portant, voire un peu ventripotent … ou … il vient pour échapper à la justice, c’est un antisocial … ou … il relève plutôt de la psychiatrie … ou … il ne vient que pour la gestion du manque, c’est perdu d’avance, il ne tiendra pas … ou … voilà un candidat idéal ! » Souvent, le recul désavouera cette fameuse première impression fondée sur un « look », une agressivité défensive, une attitude induite par les SPA, un discours type et tendra à prouver que, au-delà du fard, la motivation est souvent bonne à construire car, derrière le Verbe, quel qu’il soit, se taisent d’autres desseins.
Plus précisément, ce qui est d’emblée étiqueté comme la motivation fondamentale n’est parfois que le facteur déclenchant d’une démarche échappatoire (à la justice, à l’entourage ou tout simplement à la galère, voire à soi-même). La motivation réelle, si elle existe, reste confuse, au moins dans un premier temps, même et parfois souvent, surtout pour le sujet lui-même.
Il incombe au soignant, par le biais de la fameuse alliance thérapeutique, d’aider le Sujet à se construire au travers d’une motivation qui viendra dans un second temps.
Quelques discours ordinaires
Le discours séducteur :
« Bonjour, je viens vous voir parce qu’on m’a dit beaucoup de bien du centre et surtout de vous… ».
« Aidez moi » : « Je n’en peux plus, je suis trop mal dans ma tête, il faut que vous m’aidiez, ici et maintenant… ».
« Je suis toxicomane » : Voilà qui peut s’apparenter à un mutisme notoire. Ce « je suis toxicomane » peut signifier « je ne sais pas qui je suis » … ou … « je ne tiens pas à dire qui je suis » … « mon totem est la drogue » … « Je ne veux ou ne peux pas parler mais je vous présente ce que je désigne comme un vice et qui vous apparaîtra comme une maladie, la Toxicomanie ! Faites votre travail de soignant, donnez-moi de la méthadone et restons en là ! … ».
Le Chantage aux soins :
« Je viens m’inscrire dans un programme méthadone, voilà deux jours que je ne prends presque plus rien, je suis physiquement très mal mais très motivé, aujourd’hui ! Alors donnez-moi de la méthadone aujourd’hui ! Je vous promets que je vais me soigner … Rassurez vous … je vais vite guérir ! Comment, vous ne me donnez rien ? vous me laissez en manque ? On voit bien que vous ne savez pas ce qu’est le Manque. Votre devoir est de me soigner ! Vous savez, je vais sortir d’ici et aller chercher de l’héroïne. Ça sera de votre faute, vous porterez cette responsabilité ! ».
Le Discours de conformité :
« Je veux arrêter de prendre de l’héroïne, me soigner, être bien dans la vie, travailler, avoir des enfants, comme tout le monde quoi ! … ». L’usager de drogues s’attend-il à fasciner par son statut auto proclamé de toxicomane ? à intimider ou à attendrir par son chantage ? à satisfaire l’attente de son interlocuteur par son discours de conformité ?
Il va s’agir de dépasser ce discours de façade pour entendre un autre message.
VII. L’ACCUEIL
L’accueil se doit d’être compréhensif et particulièrement respectueux.
Le centre de soins doit être un lieu, un espace-temps où le respect vis à vis de l’autre mais surtout de soi-même doit être prégnant. C’est la condition sine qua non d’une possible reconstruction de l’identité du sujet. En effet, un vécu humiliant face auquel le sujet s’est retrouvé impuissant a souvent fait naître un sentiment de honte, de culpabilité, de dépréciation, de mésestime de soi. Oter le psychotrope qui permettait de taire cette souffrance psychique grâce à ce monde de l’illusion impose une attitude à l’opposé de celle du rejet, du mépris, de l’exclusion. C’est ainsi que le terme d’inclusion dans le programme de soins prendra toute sa signification.
Si l’empathie est de rigueur, un certain détachement, une certaine neutralité reste cependant de mise.
Le temps doit être donné au sujet pour exprimer sa demande première.
Le temps doit être pris par le soignant pour entendre cette demande.
Ce qui apparaît alors généralement est « l’envie de sortir de la galère ». Galère financière, galère judiciaire avec parfois une comparution prochaine ou une peine à effectuer, galère professionnelle avec perte d’emploi imminente ou effective liée à l’absentéisme, galère du temps fractionné passé à courir à la rencontre une héroïne dont la qualité s’amoindrirait avec le temps, perte de contact avec le dealer, galère affective avec rejet par la famille ou menace de rupture de la part du conjoint.
Sans oublier ce que j’appellerai la galère du mésusage
« Mon médecin rechigne à me prescrire du Subutex® que je sniffe ou que j’injecte. Mes veines sont dans un état … de toute façon, je ne supporte pas le Subutex®, ça ne me fait rien et ça me rend malade !… ».
« Je prends de la méthadone acquise dans la rue mais je continue à prendre de l’héroïne en parallèle. Seul, je n’arrive pas à m’arrêter !… »
La situation géographique des Ardennes permet un approvisionnement aisé en méthadone prescrite et délivrée en Belgique ce qui donne parfois à entendre : « Je prends de la Méthadone en Belgique (à la quinzaine ou au mois) depuis plusieurs mois mais ça ne m’empêche pas de consommer de l’héroïne en parallèle puisque mon médecin prescripteur n’évalue l’efficacité du traitement qu’en fonction de mon discours. Lorsqu’il veut un contrôle urinaire, il me donne un flacon que je dois ramener plein la fois suivante. Il m’est alors facile de substituer mes urines par celles de quelqu’un d’autre ».
VIII. ANONYMAT ET RECHERCHE D’IDENTITE
Si, au cours du premier entretien, l’anonymat est garanti au futur patient, il ne s’agit là que de l’anonymat vis à vis des administrations et dans le cadre du secret professionnel, bien entendu. Le patient doit s’entendre nommé, non pas par un code, non pas comme toxicomane, jamais comme toxicomane mais par ce qui le définit comme individu d’un point de vue identitaire, par ses nom et prénom, dans le cadre du respect déjà évoqué. Ceci peut paraître aller de soi ou être sans grand intérêt. Il s’agit là au contraire d’une dimension essentielle du soin dont la portée est conséquente.
Au sein de ce monde de la toxicomanie qui est paradoxalement celui du bavardage et du silence sur soi à l’autre, le sujet a adopté une identité totémique tribale. Il n’y est notamment désigné presque systématiquement que par un surnom. « Le leurre du groupe est de chercher à supprimer la solitude et l’angoisse en supprimant l’individualité et la différence » (8).
Ainsi donc, au-delà du produit héroïne, ce sont d’autres aspects de cette conduite addictive qui focalisent l’attention des soignants :
- Appartenance à un groupe. C’est le néotribalisme avec adoption psychiquement économique d’une identité fantasmatique.
- Tentative inconsciente d’autothérapie.
« Qu’ils stimulent, euphorisent ou anesthésient, tous les psychotropes aident à abaisser ou à gérer les tensions intrapsychiques » (9).
« Deux grandes études du CNRS (1999) ont mis en évidence des taux importants d’abus de drogues chez les malades psychiatriques (entre 25 et 30 %) et des taux encore supérieurs d’usagers de drogues présentant des pathologies psychiatriques (50%, voire plus) » (10)
« Avec l’héroïne, je n’étais plus timide et je pouvais aller vers les autres, notamment les filles » (11).
« L’héroïne me calmait, me rendait moins impulsif, me permettait d’éviter les embrouilles » (12).
« Le manque me vide de partout, l’héroïne me donnait la sensation de remplissage, d’être comblé » (13).
« Se remplir d’un contenu, en tant que contenant qui éprouve un vide, donne une contenance. » Jean MAISONDIEU - Aspect comportemental des conduites addictives, l’Addiction.
« L’objet de l’addiction … est la répétition de séquences comportementales … sous-tendues par un désir irrépressible … l’acte est le lieu de réalisation d’une impression de toute puissance artificielle et complaisante à laquelle succèdent rapidement culpabilité et regret … » (14).
« L’addiction est un processus dans lequel est réalisé un comportement qui peut avoir pour fonction de procurer du plaisir et/ou de soulager un malaise intérieur. Il se caractérise par l’échec répété de son contrôle et sa persistance en dépit des conséquences négatives ». (15)
« Le terme d’addiction désigne un comportement de dépendance, que ce soit vis à vis d’un produit ou d’une action spécifique ».(16)
« On appelle conduites addictives les addictions à un ou plusieurs produits toxiques ».(17)
« La notion d’addiction réduite à la perte de contrôle élimine la fonction identitaire de la conduite, donc de l’appartenance au groupe, donc des troubles narcissiques sous-jacents ». (18) - Le Rituel qui consiste en une stratégie d’évitement de penser et qui situe la personne en dehors du rapport d’altérité, l’objet prenant valeur d’identité.
« Le signe rituel n’est pas un signe représentatif. Il ne mérite donc pas l’intelligence. Mais il nous délivre du sens. Seul le rituel abolit le sens ».(19)
X. LES EXCLUSIONS
Si le pragmatisme me fait employer le terme « exclusion », il s’agit en fait de l’ajournement d’un traitement dont l’efficacité se délite parfois dans le temps à l’image de la motivation du sujet lorsque ce dernier reproduit la conduite addictive qui l’avait amené à consulter. La majorité des postulants au programme méthadone nous tiennent à peu près ce langage : « Je viens pour le cadre, notamment les contrôles urinaires avec risque d’exclusion. Il n’y a que cela qui puisse me tenir !… ». Un tel discours correspond parfaitement à l’opinion de l’équipe soignante et on est d’ailleurs en droit de se demander s’il s’agit là de propos sincères ou d’une manipulation induite par la réputation du centre.
Se poser ce type de question ne doit pas faire réapparaître le spectre du toxicomane manipulateur. Après cinq années de pratique au sein du CMA, ce qui est encore trop peu, je dirai ma surprise de côtoyer des hommes et des femmes somme toute globalement sincères, en mal de vivre et très désireux de sortir de cette spirale qu’ils qualifient d’infernale.
Les personnes antisociales mises à part, je suis toujours étonné de voir avec quelle sérénité les patients exclus pour prises répétées d’héroïne accueillent l’annonce de leur exclusion temporaire ! A tel point que je me suis souvent demandé si ces ajournements de traitement n’étaient pas des cartes blanches pour une consommation sans retenue.
Je pense plutôt que, si un patient est en accord avec cette décision de l’équipe soignante, c’est qu’il a conscience d’avoir enfreint à plusieurs reprises le contrat de soins, d’avoir franchi les garde-fous pour tester les limites du cadre et/ou à l’occasion d’appétences irrésistibles et que la « sentence » marquera une nouvelle période d’abstinence.
Les patients diront : « Il fallait bien que cela s’arrête mais je n’en avais pas la force ! Je comprends mieux maintenant que cette exclusion n’était pas tant une mesure coercitive qu’une nouvelle confrontation à la Galère. Avec le confort de la substitution, j’avais tendance à oublier la galère d’antan. En une semaine, j’ai dépensé mes économies, je me suis bien pris la tête avec mon entourage, j’ai vraiment galéré. Je suis à nouveau motivé ».
Il faut ajouter que cette méthode a prouvé son efficacité dans le temps. Cette résignation du sujet à accepter l’interruption temporaire d’un traitement qui montre les limites de son efficacité, si elle atteste de sa soumission à la Loi du Cadre de soins, démontre t-elle l’immaturité du patient qui subit la Loi certes castratrice mais également protectrice, salvatrice ?
Est-elle, au contraire, le signe d’une maturation du sujet qui se responsabilise et admet donc plus facilement les conséquences de ses actes dans un souci d’honnêteté ?
Ou bien encore n’est-elle que l’écho passif de la « Toute Puissante » des soignants ? S’il n’est pas question de parler de « Toute Puissance » de l’équipe soignante (ce serait en effet une erreur, voire une faute professionnelle) on peut malgré tout évoquer celle du cadre dont le contrat de soin qui a été ratifié au départ par le patient après une discussion ouverte. Si, en général, les patients ont une personnalité marquée par certains traits de dépendance et d’immaturité, on est en droit d’attendre que leur cheminement cadré soit évolutif.
Ainsi, les prises ponctuelles de SPA ne signent pas l’échec du traitement mis en place mais témoignent plutôt d’une progression marquée par des écueils. L’évolution du patient dans le temps l’amène indubitablement à une certaine maturation, aboutissement concret d’épreuves douloureuses, de confrontations à la réalité dont il ne peut plus faire l’épargne.
XI. LES CONSOMMATIONS DE CANNABIS, D’ALCOOL, DE BENZODIAZEPINES
De nombreuses études sur la prévalence des consommations d’alcool et/ou de cannabis chez les patients traités par la méthadone montrent qu’une forte proportion de ces patients maintiennent ou s’orientent vers ce type de consommation de SPA.*
On peut raisonnablement supposer que cette recherche d’ivresse alcoolique et/ou cannabinique se substitue à celle induite précédemment par l’héroïne. Là encore, il s’agit d’une recherche de sensations, d’une automédication en rapport avec des troubles psychiatriques préexistants ou induits (anxiété, troubles dépressifs, états limites, psychoses) ou d’une « défonce-refuge ».
Alors que la dépénalisation de la consommation de cannabis est d’actualité, alors qu’elle est banalisée par les médias, voire par certains politiques qui ont valeur d’autorité médicale, la prohibition pure et simple de cette consommation au sein du CMA serait vécue par nos patients comme une mesure coercitive de plus. L’élimination rapide de l’alcool ne permet pas toujours la mise en évidence d’un usage nocif et/ou à risque. D’autre part, d’autres signes (modification caractéristique du faciès) permettent la mise en évidence d’une consommation abusive d’alcool.
Si certains consommateurs sont dans le déni, la majorité de nos patients consommateurs d’alcool acceptent d’en parler sans difficulté. C’est par le dialogue, « ni trop tôt, ni trop tard », avec le temps et grâce à la prise en charge pluripartenariale que nous obtenons de certains patients qu’ils diminuent, voire qu’ils cessent leur(s) consommation(s) parallèle(s).
Les consommations de benzodiazépines sont exceptionnelles et ne s’inscrivent pas dans le temps. Elles sont souvent solutionnées par une révision temporaire à la hausse de la dotation de méthadone.
* Des taux élevés de cannabinoïdes ont témoigné d’une consommation importante de cannabis chez 63% des patients d’une Unité Méthadone du Centre Drogues et société de Créteil. Un lien positif a été démontré entre la consommation de cannabis et une symptomatologie dépressive. (21)
XII. NOTION DE SEUIL
Le mode de prise en charge des patients et les contraintes définies par le contrat de soin du CMA déterminent son seuil d’accès à la substitution.
1) Tableau comparatif des seuils d’accès à la substitution

Lorsqu’en 1998, nous avons mis en place le protocole de soins et notamment le contrat de soins en vigueur au CMA, nous nous sommes prononcés pour un seuil d’accès aux soins à hautes exigences dit « haut seuil ».
Les déterminants de ce choix ont été les suivants :
2) La dimension théorique de la substitution :
La substitution pharmacologique n’est qu’un des éléments de la prise en charge des toxicomanes aux opiacés. Se contenter de ce remplacement serait limiter la toxicomanie à son hypothèse métabolique réductrice. Certes, la molécule substitutive est l’élément central mais il est essentiel de ne pas occulter les dimensions psychologique et sociale de la toxicomanie. Le dipôle prescription-dispensation du chlorhydrate de méthadone est l’élément essentiel, nécessaire mais non suffisant de la prise en charge du patient. Il doit être le pivot central d’une prise en charge globale effective. La dispensation non contrôlée des produits de substitution que sont le Subutex® en France (*) et la méthadone en Belgique constitue souvent une forme de bas seuil « sauvage », un bas seuil de mauvaise qualité dont les effets pervers connus sont :
- stockage et trafic,
- entrée dans la toxicomanie par le produit de substitution,
- risque de surdose. (liste non exhaustive).
D’autre part, l’occultation des dimensions psychologiques et sociales dans ces formes de substitution, en dehors de leurs effets pervers et même si elles constituent un amortisseur social, ne peut que difficilement permettre la sortie de la toxicomanie.
La délivrance fractionnée, les contrôles urinaires visant à vérifier l’abstinence aux opiacés et aux autres SPA qui font « défonce », le travail en réseau avec un médecin psychiatre, un psychothérapeute, une assistante sociale, le médecin et le pharmacien de ville et avec toute autre institution ou professionnel sont indispensables, non pas à une guérison certaine du patient mais à une aide efficace visant à mettre fin à son parcours de toxicomane.
(*) Ce n’est pas la molécule BHD qui constitue le « pseudo bas seuil » inacceptable. C’est la non observance des recommandations de l’Autorisation de Mise sur le Marché (l’AMM vise plutôt un moyen ou haut seuil) dont la « … délivrance quotidienne à l’initialisation du traitement … (et la) … thérapeutique globale de prise en charge du patient, médicale, sociale et psychologique … » (22) qui en font un produit de « pseudo bas seuil ». « Il convient de permettre à tous les patients insuffisamment stabilisés par la buprénorphine ou incapables d’en faire bon usage responsable de pouvoir accéder à un traitement à la méthadone bien contrôlé. » (23). « L’objectif sous-jacent, dans les traitements de substitution, qui est au minimum l’arrêt de la consommation de produits illicites, ne peut intervenir favorablement que si la prise ne charge est globale, pluridisciplinaire et spécifique à chaque individu. Car l’entrée dans la toxicomanie est pour chacun une histoire unique qu’il convient d’accompagner pour l’en sortir. » (24) « On sait, d’après une centaine d’études, pourquoi le résultat d’un traitement par méthadone peut varier considérablement : du meilleur au pire. Cela tient à deux facteurs principaux : la dose prescrite et la disponibilité et l’utilisation de soins psychosociaux». (25) « Le Haut seuil n’implique pas une psychothérapie obligatoire mais un réseau ». (26)
3) La dimension pratique de la substitution
Les Ardennes sont sécables en cinq parties :
- Le Sud du département délimité par les villes de Rethel et de Vouziers.
- Le Centre du département qui comprend une zone de trente kilomètres autour de Charleville-Mézières, délimitée par Launois au Sud, Liart à l’Ouest, Sedan à l’Est, Bogny, Monthermé et Revin au Nord.
- L’extrême Nord du département qui comprend Fumay, Vireux-Molhain et Givet.
- L’extrême Ouest du département, au delà de Liart.
- L’extrême Est du département, au delà de Sedan.
Pour des raisons d’éloignement géographique, le CMA est difficilement accessible aux patients du Sud du département qui préféreront se déplacer à Reims dans la Marne.
Pour les mêmes raisons et surtout de par la proximité géographique de la Belgique et de par la facilité d’accès à une substitution par la méthadone non cadrée auprès des médecins libéraux de ce pays frontalier, les patients des zones extrêmes, Nord, Est et Ouest du département ne s’inscriront pas dans un protocole de soins du CMA.
En conséquence, le fait de devoir venir quotidiennement au centre pendant une première période pour équilibrer le traitement et vérifier l’abstinence à l’héroïne ne pose pas de problème majeur.
L’accès à la substitution par la BHD est commode. En pratique, même si elle n’est pas toujours efficace en terme d’abstinence, elle permet une certaine gestion du manque.
L’accès aisé à la prescription de méthadone en Belgique, si elle n’est pas non plus toujours efficace en terme d’abstinence, permet elle aussi une gestion avérée du manque.
La substitution qui s’inscrit dans une politique gouvernementale de réduction des risques est donc possible en dehors du CMA.
Ce dernier s’est donc donné comme vocation d’être le lieu à partir duquel lui et ses partenaires organisés en un réseau pluridisciplinaire mettent en œuvre les moyens d’une prise en charge globale du patient pour viser, à terme, une abstinence définitive aux opiacés.
Une meilleure connaissance des pratiques locales de substitution m’amène cependant à apporter quelques corrections à cette conception des choses.
XIII. DE L’INTERET D’UNE STRUCTURE « BAS SEUIL »
1) Rappel :
Le cheminement du toxicomane aux opiacés peut être résumé en un parcours comportant trois stades essentiels :
stade I : La Lune de Miel (C. OLIVENSTEIN)
Un sujet en mal de vivre rencontre un produit, l’héroïne, qui lui apporte du plaisir et/ou supprime le déplaisir. Elle calme, stimule ou désinhibe, elle « gomme les soucis » et induit une « défonce-refuge ». « Dans nos sociétés, il y a un risque accru que l’angoisse d’un sujet, au sortir de l’adolescence, se joue par le biais d’un objet » (27). Homère, dans l’Odyssée dit que « l’opium éloigne toutes les peines » (28).
La consommation d’héroïne fait parfois, voire souvent, suite à une consommation immodérée de cannabis, notamment la journée. C’est ce qui a fait dire à une certaine époque que le cannabis amenait à l’héroïne. Le sujet non dépendant ou non conscient de l’installation des dépendances, psychique puis physique, ne trouve que peu d’inconvénients à sa consommation. La durée de cette période de centration est variable, de quelques semaines à quelques mois.
stade II : la Gestion du Manque
L’héroïne a encore ses effets que le sujet qualifie de bénéfiques (on parle d’autothérapie) mais il devient hypertolérant au produit et hypersensible au manque. Il lui faut de l’argent et du temps qui est fractionné, rythmé par la recherche du produit, la prise du produit, les effets du produit, le manque etc. Le sujet est alors étiqueté toxicomane.
Il est stabilisé dans sa recherche d‘identité si tel était le cas. Apparaissent alors la violence urbaine, le deal, les vols à l’arraché, casse ou braquage, les trafics en tous genres y compris la revente et la consommation sauvage de divers médicaments psychotropes (nomadisme médical). Ce temps est celui des prises de risques, celui de l’apparition des comorbidités liées à la toxicomanie et des passages à l’acte délictueux. « Ce n’est pas le toxicomane qui pose problème…mais le toxicomane en manque… en particulier pour la délinquance » (29).
stade III : La Galère
L’héroïne a envahi la vie du sujet. Il lui faut de plus en plus d’argent, de produit, les effets ne se font plus sentir et le corps se dégrade. Il est en souffrance mais s’anesthésie par le produit. Quelques mois ou années lui seront nécessaires à prendre conscience de sa perte totale de liberté. Il est pragmatique de comprendre qu’au cours des deux premières phases, un toxicomane est peu demandeur de soins liés à l’abstinence et peu demandeur de mettre en place durablement ce qui est nécessaire à l’acquérir.
Il est impératif de tenir compte de la trajectoire et de la demande évolutive de l’héroïnomane, ce qui impose de mettre en place différents types de prise en charge non opposés mais complémentaires, se succédant dans le temps. « Parce que l’héroïnomane n’a d’abord pas de demande d’arrêt, qu’il a ensuite une demande d’arrêt du manque puis une demande d’arrêt de la toxicomanie, la proposition d’abstinence ne peut être la seule réponse offerte par les intervenants» (30).
2) Quelques constats :
L’auto substitution via les codéinés (Néocodion®) correspond à une forme de substitution sans exigences.
Le mésusage du Subutex® :
- Son injection constitue un usage à risques (abcès, thrombose, possible échange de seringues) et un usage nocif à court terme (détérioration du capital veineux). Selon les diverses sources parfois aux antipodes les unes des autres (Laboratoires Schering-Plough ou association AIDES), il y aurait 7,5 à 55 % d’injecteurs de Buprénorphine Haut Dosage. (31)
- Son inhalation fait apparaître le danger d’une contamination par échange de paille. La méthadone prescrite et délivrée en Belgique :
Comme il est décrit plus haut, l’absence de cadre peut amener une dérive regrettable.
D’autre part, l’article 75 de la convention d’application des accords de Schengen rappelle la nécessité d’obtenir, auprès de la DDASS, une « autorisation de transport des stupéfiants et des substances psychotropes dans le cadre d’un traitement médical » (32) pour traverser les frontières. Cette disposition n’étant pas respectée, franchir la frontière avec de la méthadone est un acte délictueux qui s’apparente à l’importation illégale de stupéfiant.
Cette forme de substitution n’est donc pas acceptable.
Si le CMA, structure « haut seuil » est ouvert à ceux qui s’accommodent de l’intentionnalité de l’abstinence, le seuil d’accès à la substitution proposé au plus grand nombre et visant la gestion du manque et la réduction des risques est incertain. On ne peut pas toujours réellement parler, ni de haut seuil, ni de bas seuil. L’usager, dans le temps de la gestion du manque, n’est pas toujours accessible ou réceptif aux messages de prévention diffusés dans un monde qu’il ne fréquente plus qu’à l’occasion.
3) Un dispositif « bas seuil » est peu sélectif, donc facile d’accès
Une substitution, dans ce cadre aux exigences moindres, matérialiserait, grâce à une confortable gestion du manque et, conjointement, de certains troubles sociaux associés, l’objectif de réductions des risques. Rappelons à cette occasion la corrélation linéaire entre l’augmentation du nombre de patients bénéficiant d’un traitement de substitution et la diminution du nombre de décès par surdose à l’héroïne. (33) Il permettrait puis renforcerait la relation avec une équipe « de contact » qui pourrait ainsi faire passer des messages sur la réduction des risques et des comorbidités.
Au cours d’entretiens occasionnés par une dispensation contrôlée, l’intervenant pourrait également mettre l’accent sur les problématiques individuelles et amorcer ainsi un début de prise de conscience.
4) Une prise en charge de l’héroïnomane dans un cadre de soins au seuil adapté vise :
- Une prise en charge médicale précoce,
- La limitation des dommages médicaux,
- La limitation des dommages sociaux,
- Une prise de conscience plus précoce et à terme, un engagement dans un programme de substitution « haut seuil », quel que soit le produit de substitution,
La différence entre le « haut seuil » et le « bas seuil » ne se fait pas sur le contrôle de la délivrance et de la prise. Cette différence est technique : prise quotidienne ou non, contrôle urinaire ou non, intentionnalité de l’usager en accord avec l’équipe soignante, moyens et mode de prise en charge, réseau ou non.
5) L’accès immédiat à la méthadone
Les bus « Médecins du monde » à Paris et à Marseille mais aussi un certain nombre de centres : Le trait d’union, Boulogne ; Le centre Baudelaire, Metz et le centre Sainte Marguerite, Marseille pratiquent l’accès immédiat à la méthadone.
En effet, quel est le bénéfice à remettre dans le temps et/ou à négocier un traitement que l’on prescrira quasi certainement, sachant que, dans l’intervalle, l’Usager de Drogue (UD) s’approvisionnera de toute façon en opiacé de substitution plus ou moins licitement ? quel est l’intérêt de différer à plusieurs semaines l’inclusion d’un patient injecteur multiquotidien d’héroïne et/ou de Buprénorphine Haut Dosage alors qu’à la lumière des connaissances actuelles, on sait qu’il est en danger ?
Sans céder au fameux hic et nunc des UD, il importe de réduire au maximum le délai d’attente de l’effectivité de l’inclusion, délai nécessaire à la mise en évidence de prise récente d’opiacés au moyen de l’analyse d’urine d’inclusion. Il est essentiel que, dans un même bassin géographique, se côtoient deux centres de substitution par la méthadone aux seuils d’accessibilité et aux exigences thérapeutiques distincts.
XIV. HYPOTHESE BIOLOGIQUE DE LA PERSONNALITE ET TRAITEMENT DE SUBSTITUTION
A la lumière des recherches en cours sur les neuromédiateurs, doit-on réduire la toxicomanie à son hypothèse biologique ?
D’après R. Ebstein, généticien à Jérusalem et D. Hamer, institut mental de Bethesa, USA, les chercheurs de sensations fortes et de risques sont porteurs d’un trait de tempérament d’origine héréditaire. C’est le gène DRD4 lié à la dopamine qui serait déficient. « Les individus qui répondent à ce profil ont dans la vie un comportement exploratoire qui les conduit à multiplier les expériences pour y puiser la stimulation émotionnelle que le quotidien ne peut leur apporter » (34). Robert Cloninger, psychiatre et généticien, Université Washington Saint Louis, USA, avance l’hypothèse que l’intensité de chacun des traits de tempérament serait sous-tendue par le niveau d’un neurotransmetteur particulier : la dopamine pour la recherche de la nouveauté, la sérotonine pour l’évitement de la souffrance, la noradrénaline pour le besoin de récompense. Chaque monoamine serait liée à différents traits de caractère et de tempérament.
En fait, la réalité serait plus complexe que cette explication. On retiendra surtout que le tempérament est la résultante de l’interaction de deux grands domaines : le tempérament et le caractère. Le tempérament est l’ensemble des réponses automatiques aux stimulations émotionnelles qui forgent les habitudes. D’origine plutôt génétique, il reste stable de l’enfance à l’âge adulte. L’environnement familial n’aurait pas d’influence sur le tempérament contrairement à l’environnement social.
A l’inverse, le caractère est uniquement forgé par l’environnement socioculturel familial et non familial est évolue par étape jusqu’à l’âge adulte. Il reflète l’idée que nous nous faisons de nous même et des autres, idées qui influencent nos intentions et attitudes volontaires.
Le tempérament, selon l’auteur, est constitué de 3 traits indépendants dont la recherche de la nouveauté, l’évitement de la souffrance et le besoin de récompense. Le caractère est constitué de 4 traits indépendants qui sont l’autonomie, la coopérativité, la stabilité affective et la transcendance de soi. L’ensemble constitue la personnalité.
A Parme, Gilberto Gerra pense que le travail de Cloninger permettra une meilleure prise en charge des utilisateurs de stupéfiants qui n’ont pas un profil unique. Certains ont une véritable recherche de la nouveauté développée et recherche dans la prise de cocaïne par exemple l’euphorie. D’autres ont un véritable évitement de la douleur et sont des dépressifs.
Le traitement doit donc être personnalisé.
Les tests pratiqués par le Docteur John Constantino à Saint Louis USA sur les enfants montrent que les nouveautés +++ et coopérativité – ont un risque élevé d’être attirés par les drogues.
- RN (recherche de la nouveauté) élevée : besoin compulsif de sensations nouvelles et complexes. Désir de prise de risques physiques et sociaux (impulsivité, extravagance) .
- RN basse : comportement réservé, voire rigide. Les sujets dont la recapture de dopamine est trop importante ont besoin d’une extraordinaire stimulation émotionnelle pour maintenir des niveaux optimaux de dopamine dans les neurones post synaptiques.
- RN + : éthylisme précoce, tabagisme, drogues, boulimie, hyperactivité avec déficit d’attention. (35)
Si la théorie de Dole, Nyswander sur les déficits endorphiniques chroniques se révèle exacte grâce aux travaux actuels de M. Kreek, le sevrage de la méthadone serait aussi contre-indiqué que la réduction progressive de l’insuline chez les diabétiques ?
Cette hypothèse du tout biologique me paraît bien réductrice. Dans ce cas, ce n’est pas la substitution par les opiacés dans un cadre relationnel qui serait salvatrice mais un sevrage court associé à la prescription de neurotransmetteurs…
Si cette dimension doit bien évidemment être prise en compte, la reconstruction de la personnalité doit en passer par la relation à l’autre, la parole, et la prise de conscience. Si les travaux actuels sur la biologie de la personnalité apporteront, souhaitons le, de nouveaux outils de soin, on ne peut pas faire l’économie des soins tels qu’ils sont proposés à l’heure actuelle.
« La toxicomanie touche, certes, différents types de personnalité, mais plus il y a de la pathologie narcissique, plus le toxicomane est toxicomane… ». (36)
« …l’addiction est transnosographique, mais plus il y a de la pathologie narcissique, plus il y a de la reconstruction identitaire. Et ça, ça n’est pas du biologique, ce n’est pas le biologique qui donnera une réponse. ». (37)
XV. FAUT-IL SORTIR DE LA SUBSTITUTION ?
Certains patients souhaitent sortir rapidement du programme de soins, au bout de quelques mois. Ces demandes d’arrêt peuvent ne recouvrir que des moments de découragement, constituer des demandes détournées de reprise des conduites addictives ou marquer la non-prise de conscience de sa fragilité par le sujet. Rappelons cependant que la majorité des patients, s’ils disent avoir estimé dans un premier temps pouvoir sortir rapidement du protocole de soin avec succès, déclarent ensuite prendre conscience du bénéfice de l’inscription de ce soin dans le temps. Dans un troisième temps, ils décrivent l’intérêt du maintien d’une prise de méthadone à faible dose garant de la pérennité de leur qualité de vie. Le traitement de substitution par la méthadone est un traitement de longue haleine, le consensus est général sur ce point. Si le décret ministériel définit, comme objectif de la substitution, le sevrage à terme, y compris de la méthadone, notre objectif primordial en tant que soignants reste la qualité de vie de nos patients.
Notre pratique nous amène à cette interrogation : faut-il sortir de la substitution ?
Il paraît évident que, pour une forte proportion de patients présentant des comorbidités psychiatriques sévères, rompre l’équilibre d’un traitement efficace associant méthadone et neuroleptiques n’est raisonnablement pas envisageable.
Dans les cas où les troubles psychiatriques en évolution ou les comorbidités psychiatriques sont absentes ou peu marquées, si les patients sont fortement motivés, si leur qualité de vie est satisfaisante, un sevrage de la méthadone peut et doit être envisagé, mais au terme d’une période de plusieurs années. On parle au CMA d’une durée moyenne de traitement de 5 années. Néanmoins, l’arrêt du traitement de substitution correspond à l’arrêt du traitement pharmacologique et non à l’arrêt de la prise en charge, qui doit au contraire être maintenue. Rappelons que l’objectif de ce traitement de longue haleine est, d’une part, de laisser le temps au sujet de se reconstruire physiquement, psycho-socialement et affectivement, de réinvestir des activités socialement compatibles et, d’autre part, de laisser le temps à tous les systèmes neurobiologiques qui interfèrent entre eux de s’adapter, dans la mesure du possible, sans conséquences négatives.
« Au cours de la période de sevrage, si la qualité de vie se péjore à un moment donné et si apparaissent les premiers signes du syndrome déficitaire, il convient de réadapter le dosage et de retrouver l’équilibre psychosocial antérieur. Plusieurs autres tentatives de sevrage peuvent ensuite être entreprises. En cas d’échec systématique en dessous d’une certaine dose, il faut conclure à l’existence d’un dysfonctionnement chronique et ne plus hésiter à convaincre le patient et son entourage de la nécessité d’une cure à vie. » (38)
XVI. CONCLUSION
Si la toxicomanie ne peut-être caricaturée, pas plus d’ailleurs que les toxicomanes, les usagers de drogues, au fur et à mesure de leurs consommations, présentent de plus en plus de similitudes de comportement.
Derrière ce type de conduites addictives se taisent des personnalités distinctes marquées par des parcours individuels.
Les centres Méthadone « haut seuil », en proposant des prises en charge globales individualisées, tendent à prouver leur efficacité en terme de reconstruction physiologique et psychologique. Cependant, ce type de prise en charge nécessite, de la part des usagers de drogues, une réelle volonté de sortir de ce marasme.
Cette détermination ne se forge habituellement qu’au terme de plusieurs années de consommation et d’exposition aux risques induits par la toxicomanie.
La délivrance de méthadone dans un cadre aux exigences minimales permettrait un accompagnement visant d’une part à réduire les comorbidités qu’induisent la nécessaire autogestion du manque par les UD et d’autre part à orienter ces derniers vers la structure « haut seuil ». Deux structures de substitution à seuils opposés dans un même bassin géographique ne seraient donc pas antagonistes mais complémentaires. Il me semble également que les traitements de substitution ne doivent plus systématiquement viser à terme l’abstinence à la méthadone. La limitation dans le temps de ce type de traitement doit être repensée au cas par cas et il faut introduire la notion de maintenance.
Notes :
- (1) Eduardo Vera Ocampo, Docteur en psychopathologie. Psychanalyste. ‘L’envers de la toxicomanie’Editions Denoêl
- (2) Dictionnaire étymologique Larousse.
- (3) Michel Reynaud, Psychiatre. Professeur des universités. Praticien hospitalier. Revue THS. 1999
- (4) Pierre Zanger. Psychiatre. Revue THS. 09/2000
- (5) Jean-Jacques Déglon. Médecin directeur de la fondation Phénix, Genève. Revue La cène. 04/2000.
- (6) Alain Rigaud. Psychiatre. DU SPA et conduites addictives. CHU Reims. 2002.
- (7) Jean-Pierre Jacques. Psychiatre. Congrès THS 5. Revue le Flyer. 2001.
- (8) Nadia Panunzi-Roger. Docteur es psychologie. Le toxicomane et sa tribu. DDB
- (9) Nadia Panunzi-Roger. Docteur es psychologie. Le toxicomane et sa tribu. DDB.
- (10) Sue M. Barrow. Groupement de Recherche psychotropes, politique et société, CNRS N°3. 1999. Revue SWAPS N° 16. 2000
- (11) Paroles de « méthadoniens
- (12) Paroles de « méthadoniens »
- (13) Paroles de « méthadoniens »
- (14) Marks, Behavioural addictions
- (15) A. Goodman. 1990
- (16) Philippe Jaury, Revue THS
- (17) A. Rigaud, opere citato
- (18) Lionel Gibier, Psychiatre. Revue INTERVENTIONS, ANIT. 03/2002
- (19) Jean Baudrillard, De la séduction. L’horizon secret des apparences. Denoël.
- (20) A. Rigaud, op. cit.
- (21) Prévalence de la consommation de cannabis et de tabac chez les patients d’un Centre Méthadone. P. Hatchuel, G. Lagrue. Ann. Med. Interne. Masson . 2001.
- (22) extrait de l’AMM de 1995 révisé le 21/01/02. VIDAL. 2002.
- (23) Jean-Jacques Déglon. Revue TSH 1999
- (24) 9° Rencontres Scientifiques et Techniques Infirmières. Paris. 1999.
- (25) INSERM-IFR N° 8 et CNRS-FR N° 13. Revue THS 06/2000.
- (26) A. Rigaud, op.cit.
- (27) Charles Melleman. Passion chimique-Passion chimérique. Psychotropes.vol.7. DBU. 28 A. Eschotado « Histoire élémentaire des drogues des origines à nos jours » Editions du Lézard. 29 L. Gibier, op. cit.
- (30) Lionel Gibier, op. cit.
- (31) Alain Morel. Traitement de substitution à la buprénorphine : l’expérience française. Toxibase. 3° trimestre 2000. 32 (32) Circulaire N°DGS/PH4/97/842 du 17/11/97 33 W. Lowenstein. A propos du rôle des traitements de substitution. Ann. Med. Int. 2001.
- (34) Sciences & Avenir. La biologie de la personnalité. Juin 2001.
- (35) Sciences & Avenir, op. cit. 36 Charles Nicolas. Revue ANIT 37 Lionel Gibier, op. cit.
- (38) J-J Déglon, op. cit.
BIBLIOGRAPHIE
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- BAUDRILLARD J. De la séduction. L’horizon secret des apparences. Editions Denoël.
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- DICTIONNAIRE ETYMOLOGIQUE LAROUSSE.
- ESCHOHOTADO A. Histoire élémentaire des drogues des origines à nos jours. Editions du Lézard.
- GIBIER L. Prise en charge des usagers de drogues.. Editions Doin.
- GOODMAN A. 1990.
- MARKS. Behavioural addictions.
- OLIVENSTEIN C. Il n’y a pas de drogués heureux. Editions Laffont.
- PANUNZI-ROGER N. Le toxicomane et sa tribu. Editions DDB.
- RACHLINE M. La toxicomanie et sa prise en charge. Editions ATLAS
- RIGAUD A. DU SPA et conduites addictives. CHU Reims. 2002.
- VERA OCAMPO E. L’envers de la toxicomanie. Editions Denoël.
- Vidal. 2002.
- 9° Rencontre Scientifiques et Techniques Infirmières de Paris (10/1999)
- Ministère de l’emploi et de la solidarité. Direction générale de la santé. Circulaires.
- ANNALES DE MEDECINE INTERNE. Masson 2001. Revue.
- ALTER EGO. Revue.
- ASUD-JOURNAL. Revue de consommateurs.
- CRIPS. Lettre du Centre Régional d’Information et de Prévention du Sida.
- DRUGNET EUROPE. Lettre de l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanies.
- INTERVENTIONS. Revue de l’ANIT.
- LA CENE. Revue Européenne de Toxicomanie et Addictions.
- LE COURRIER DES ADDICTIONS. Revue.
- LE FLYER. Bulletin de liaison des Intervenants en Toxicomanie
- PSYCHOTROPES. Revue. Vol.7. DBU. Anthropologie des conduites à risques et des dépendances.
- SWAPS. Revue.
- SCIENCES ET AVENIR. Revue. Juin 2001.
- TOXIBASE. Revue documentaire.
- THS. La revue des addictions.