Le CSST d’Arpajon, rattaché à l’Etablissement Public de Santé Barthélemy Durand, est l’émanation d’une activité CMP (Centre-Médico-Psychologique), plus particulièrement impliqué depuis 20 ans dans l’accueil et la prise en charge des usagers de drogues, ainsi que dans le travail en réseau avec l’hôpital général et différents partenaires du secteur médicosocial au niveau local et départemental.
La file active actuelle du CSST (chiffres 2007) compte 239 patients à l’année. Parmi eux, 143 bénéficient d’un traitement de substitution aux opiacés, dont 102 par la méthadone, soit plus de 2 tiers.

Dès sa mise à disposition, la méthadone gélule a été proposée aux patients du centre de soins remplissant les conditions requises dans le cadre des AMM, c’est à dire :
- Les patients bénéficiant d’un traitement de substitution par méthadone sirop depuis au moins 1 an.
- Les patients stabilisés (selon nous, ayant des analyses urinaires négatives depuis au moins 3 mois et socialement insérés).
- Nous avons systématiquement exclu les patients en situation précaire et/ou injecteurs.
Au moment où nous avons pu prescrire des gélules de méthadone, 72 patients bénéficiaient de la méthadone sirop.
24 d’entre eux ont reçu la méthadone sous forme de gélule à posologie quotidienne strictement équivalente, avec la répartition suivante:

Sur l’ensemble des patients pour qui la gélule a été prescrite et délivrée, un seul a préféré revenir à la forme sirop, se plaignant de « sensations de manque ». Ce patient présentait par ailleurs une dépendance alcoolique. Au moment de la mise sous méthadone gélule, il venait d’effectuer un sevrage suivi d’une reprise rapide de sa consommation d’alcool. Cela permet de considérer qu’une modification de posologie de méthadone aurait été de toute façon nécessaire, qu’elle ait été sous forme sirop ou sous forme gélule.
La raison est l’activation du métabolisme de la méthadone par l’alcool, largement décrite dans la littérature, et ayant pour conséquence la nécessité d’augmenter la posologie pour maintenir une substitution opiacée efficace (1).
Trois autres patients ont eu « besoin de 2 ou 3 semaines pour s’habituer » à la nouvelle forme.
Lorsque nous leur avons demandé de nous décrire leur symptomatologie, ils nous ont rapporté :
- 1) Un léger malaise général ou une nervosité présente dès le premier jour suivant le changement de forme. Compte tenu de la ½ vie de la méthadone sirop, il faudrait au moins 5 jours pour que l’on puisse de manière certaine relier cette symptomatologie à un défaut d’équivalence.
- 2) Certains ont verbalisé rétrospectivement leur attachement à la forme sirop, « la fiole », et à « son goût particulier qui nous rappelait qu’on avait bien pris quelque chose, avec la gélule on n’a plus cette impression ».
Il existe donc de manière certaine un aspect subjectif dans ces ressentis. Il y a une anxiété latente liée au changement et exprimée sous forme d’une symptomatologie somatique a minima rappelant le manque. Et, un deuil à faire de cette « fiole » ainsi que des projections fantasmatiques existant autour d’elle et de son remplacement.
4 autres patients se sont plaints d’une somnolence dès le premier jour de changement du sirop pour la gélule, et ce durant la première semaine de traitement. Ces patients fractionnaient leur prise de méthadone sirop. Lors du passage à la forme gélule ce fractionnement n’a plus été possible, ce qui explique un relatif surdosage, pour lequel un réajustement a été nécessaire.
Le reste des patients ont accueilli ce changement avec beaucoup d’enthousiasme, arguant ses nombreux avantages :
- Plus de goût amer et sucré du sirop
- Absence de sucre (avantage pour les dents !)
- Absence d’alcool
- Discrétion et aspect pratique lié au transport
- Efficacité équivalente
- Et surtout, existence du dosage à 1 mg qui rassure les patients qui ont des faibles dosages et qui souhaitent arrêter leur traitement de substitution. Parmi ceux-ci, ce dosage a permis à 3/4 d’entre eux de diminuer leur posologie sans difficulté et d’avoir une perspective d’arrêt de la méthadone sans anxiété anticipatoire.
Les seules difficultés rencontrées ont concerné les patients qui ont une délivrance de méthadone en officine. Ceux-ci doivent en effet bénéficier d’un protocole de soins, plus précisément une ALD non exonérante, condition pour obtenir le remboursement de la méthadone sous sa forme gélule (2). Ce protocole de soins doit être établi par le médecintraitant du patient si l’on suit les directives de l’arrêté publié au Journal Officiel du 8 avril 2008.
Parmi les patients bénéficiant d’une délivrance de méthadone sirop en officine, je n’ai prescrit à aucun d’entre eux des gélules de méthadone pour 2 raisons :
- ⇒ Psychiatre en CSST, je ne souhaite pas être leur médecin traitant.
- ⇒ Les patients du centre de soins soit n’ont pas de médecin traitant, soit clivent leur prise en charge et ne souhaitent pas que leur médecin traitant, également médecin de famille, ait connaissance de leur traitement de substitution opiacée.
Et cela, malgré leur éligibilité aux critères des AMM de la méthadone gélule.
D’autre part, à ce jour, un seul médecin généraliste du département m’a contacté, afin d’établir une ordonnance initiale de mise sous méthadone gélule avec une délégation de prescription. Cela semble confirmer une certaine réticence des patients suivis en ville de revenir dans un CSST pour obtenir une délégation de prescription, valable de surcroît que pendant 6 mois.
De mon point de vue, l’arrivée de la forme gélule semble s’accompagner d’un succès d’estime auprès des patients qui y voient beaucoup d’avantages.
Nous sommes nombreux, patients et soignants, à espérer que les démarches administratives pour la mise sous méthadone gélule soient simplifiées afin que les patients qui se font délivrer leur traitement en officine, puissent également en bénéficier, et ne soient pas exclus de cette modalité de traitement.
Notes :
- (1) Stenbacka et al.: Problem drinking in relation to treatment outcome among opiate addicts in methadone maintenance treatment. Drug and Alcohol Review (January 2007), 26, 55 – 63.
- (2) Journal Officiel du 8 avril 2008. Arrêté du 1er avril 2008 relatif à la liste de soins ou traitements susceptibles de faire l’objet de mésusage, d’un usage détourné ou abusif, pris en application de l’article L. 162-4-2 du code de la sécurité sociale.