Introduction
Malgré les preuves de l’efficacité de la méthadone, il existe des inquiétudes ou des réserves quant à la nécessité, la sagesse, l’éthique et le coût d’un tel traitement administré indéfiniment.
L’incapacité des patients en MMT (Methadone Maintenance Treatment) à atteindre un niveau psychosocial normal, et certaines attitudes visant à préférer l’abstinence totale au détriment des traitements de substitution ont contribué à promouvoir les traitements méthadone à durée limitée.
Pour certaines personnes également, la méthadone encourage la dépendance économique, la consommation de drogues autres que les opiacés (la cocaïne par exemple). Idées réfutées lors d’études cliniques, mais généralement admises du grand public et des législateurs.
Ainsi, certaines mesures et actions nationales et internationales ont-elles été mises en place : limitation de la durée de traitement, blocage ou limitation des subventions pour les patients, utilisation de doses faibles, personnel des établissements peu formé ou peu motivé, etc.
Tous ces facteurs contribuent au départ prématuré des patients de leur MMT : sur le plan national, la moitié des patients en MMT quittent le traitement dans la première année qui suit leur admission.
La réflexion de cet article se fait autour de la question suivante et à partir de résultats d’études réalisées antérieurement : quelles sont les conséquences d’un arrêt de la MMT ? Est-il sage d’envisager cet arrêt, et si oui, pour quel type de patient, et dans quelles circonstances ?
En particulier, les traitements à long terme sont-ils plus efficaces ?
Méthodes
Utilisation de bases de données (MEDLINE) afin d’identifier les articles publiés sur le sujet depuis 1966 (journaux et livres). Trois différents types d’études ont été analysés :
- des études concernant des patients entrés dans un programme de méthadone à durée limitée,
- des études concernant des patients en MMT avec un arrêt programmé de la méthadone,
- des études concernant des patients qui ont quitté la MMT pour des raisons diverses ou inconnues. Ces études ne précisent pas si ces patients ont suivi un programme de sevrage avant leur départ (comme celles précédemment citées).
Paramètres analysés
Rechute et consommation d’opiacé dans une période d’un an après l’arrêt de la méthadone (ou 6 mois ou 2 ans, suivant les différentes études). La consommation d’opiacés lors du départ, le retour à la méthadone, la mortalité et la criminalité sont également considérés comme des signes de rechute. Pas d’analyse au long cours (5 ans et plus).
Résultats
Programme méthadone à durée limitée
Seulement 4 études ont été analysées.
L’une d’elles décrit 38 sujets. Méthadone pendant une durée de 3 mois puis arrêt. Support psychologique important. 27% ont terminé le programme avec succès. Diminution de la consommation d’opiacé pendant le traitement, puis augmentation après l’arrêt.
Une autre étude décrit la difficulté de maintenir les patients dans ce type de protocole. Et enfin, dans une étude australienne, 25% des patients en méthadone pour une courte durée ont des urines positives aux opiacés contre 18% chez des patients en MMT.
Programme MMT avec arrêt programmé de la méthadone
(D’après les travaux de Milby qui a analysé 14 études de ce type réalisées entre 1970 et 1985).
Taux d’abstinence à l’héroïne après 6-12 mois d’arrêt : 33%. Cependant, certaines informations fournies par les études sont inadéquates et incomplètes, et ce chiffre serait en réalité inférieur. Le pourcentage le plus élevé est rapporté par une étude est de 46% d’abstinence pendant 2,4 ans. Une étude similaire rapporte un taux d’achèvement du programme de sevrage de 17% seulement, 83% ne montrant aucun signe de consommation de stupéfiants pendant une période de 26 mois après la fin du traitement. D’autres études mettent en évidence la difficulté de sevrer même les patients les plus motivés et les plus stables (ceux qui ont envie d’arrêter la méthadone et qui présentent des critères en faveur d’un succès).
Programme MMT abandonné pour des raisons diverses ou inconnues.
Etudes à court terme (1 ou 2 ans) publiées sur une période d’environ 35 ans.
Résultats similaires d’une étude à l’autre : une grande majorité de patients reviennent au traitement MMT peu après l’avoir quitté, ou suite à l’arrêt du traitement, utilisent des opiacés, ont des problèmes avec la loi ou décèdent. Comparés aux patients qui restent en MMT, ceux qui arrêtent le programme s’en sortent moins bien.
Les patients qui reprennent une consommation quotidienne d’héroïne (comparés à ceux qui n’en prennent pas) ont un passé de dépendance plus long, et des périodes de traitement plus courtes.
Une étude réalisée sur du long terme a montré que les rechutes (consommation d’opiacés) sont de 56% pour les personnes menant le traitement à bout, 76% pour ceux qui l’arrêtent en cours et 84% pour ceux qui sont expulsés.
Discussion
- la plupart des patients ayant arrêté leur traitement méthadone n’avait pas reçu l’accord averti des médecins,
- parmi les patients programmés pour arrêter la méthadone, la plupart ont arrêté le protocole de sevrage avant la fin,
- parmi les patients ayant arrêté un programme de méthadone, la plupart ont rechuté et consommé à nouveau de l’héroïne,
- le personnel des centres se montre en général en faveur d’un arrêt du traitement,
- le taux de mortalité des patients ayant interrompu leur traitement est élevé (consommation d’opiacés à des doses élevées),
- il faut choisir le bon candidat à l’arrêt du traitement méthadone, et réaliser que peu d’entre eux possèdent les critères cliniques leur permettant d’arrêter ce traitement (abstinence de prise de drogues, emploi stable, absence de problèmes médicaux ou psychologiques, etc…),
- il existe également une raison médicale importante au maintien de ces patients en MMT : l’incidence pour le VIH diminue, et est sensiblement inférieure chez les patients en MMT pendant plus d’un an,
- on ne sait pas à l’heure actuelle comment améliorer l’avenir des patients après sevrage de la méthadone.
Conclusion
En conclusion, il est en effet difficile d’identifier le patient pour lequel l’arrêt de la méthadone sera suivi de succès. Les résultats sont meilleurs pour les patients maintenus en MMT (en matière de criminalité, consommation d’héroïne). Le but ne doit pas être de prévoir un arrêt futur du traitement pour chaque patient entrant en MMT. L’abstinence n’est pas un but réaliste pour tous. Il faut adapter le traitement au cas par cas.