Les arguments en faveur de l’utilisation de la méthadone : les mêmes en prison qu’en milieu libre
A ce jour, les traitements agonistes se sont révélés les plus efficaces dans le traitement de la dépendance aux opiacés. Même si d’autres types de traitement se sont avérés intéressants dans cette indication, ils restent accessoires. Dans un programme thérapeutique correctement structuré, ils peuvent même interférer avec la pharmacologie des traitements agonistes, ou plus précisément, risquent d’abaisser l’effet agoniste des thérapeutiques en dessous du seuil d’efficacité.
L’objectif principal des traitements agonistes est de prévenir rechute et récidive en supprimant le craving à l’héroïne. Ces traitements ont en plus d’autres intérêts: les doses administrées peuvent limiter les effets de l’héroïne, même si les patients continuent à s’en injecter en début de traitement (blocage des récepteurs opiacés). Enfin, en terme d’intérêt thérapeutique, et bien que cet effet soit chronologiquement au premier plan, les agonistes fournissent une protection rapide contre les manifestations du sevrage.
Une prise en charge par agonistes opiacés ayant pour objectif de restaurer un niveau de tolérance identique à celui précédant l’intoxication devrait être exclue car inefficace. De fait, et bien que l’équilibre physique soit retrouvé, la toxicité psychique et la tolérance pour le craving à l’héroïne sont alors tout, sauf sous contrôle. C’est pourtant cette expérience que vivent actuellement la majorité des patients héroïnomanes incarcérés dans les prisons italiennes. Aucune procédure permettant d’accéder à un programme de substitution (par buprénorphine ou méthadone) n’est mise en place. L’avenir thérapeutique des prisonniers n’est pas corrélé à la pathologie en elle-même, la maladie étant la même pour les héroïnomanes incarcérés ou libres. Pour ces mêmes patients, cette pathologie reste inchangée avant, pendant et après l’incarcération.
Ceux qui sont opposés à ce point de vue soutiennent que les thérapies anti-craving sont inutiles à l’intérieur de la prison car, les drogues de rue étant absentes, aucun contrôle de la demande d’héroïne n’est nécessaire, de même qu’un blocage des récepteurs opiacés est sans objet.
Laissant de côté le vieux débat sur la disponibilité des drogues en prison, nous préférons aborder la question d’un point de vue médical. Les traitements agonistes ont pour principal objectif de prévenir l’évolution spontanée vers la rechute. Parallèlement, nous devrions évaluer précisément les fonctions cérébrales endommagées par la prise chronique d’héroïne. Par ailleurs, ces traitements ne produisent aucun effet subjectif comparable à ceux de l’héroïne, contrairement à ce que le terme ambigu de traitement de substitution suggère.
Transformer le temps de l’incarcération en temps thérapeutique offre des avantages qui ne dépendent pas uniquement d’un éventuel usage de drogue en prison. Si le critère essentiel d’évaluation de l’efficacité d’un traitement est le maintien d’une prise en charge individuelle une fois dans un environnement libre, un projet thérapeutique associant posologie standard et programme spécifique fonctionnera, en augmentant la probabilité que les détenus restent en contact avec un dispositif de soin après leur libération. Même si l’efficacité n’est que partielle, cette solution permet au moins de fournir une protection contre les incidents liés à la consommation de produits.
Les partisans d’une intervention pharmacologique (50) et ceux de programmes thérapeutiques communautaires (9, 18) ont tous validé la faisabilité et l’utilité de traitements standardisés des addictions en prison, sur le principe que les différences dans les approches thérapeutiques ne s’opposent pas au partage d’un objectif commun qui est la prévention de la rechute. La vraie promesse des traitements de substitution, pour les détenus héroïnomanes, est d’accroître la stabilité de leur vie sociale sur des bases scientifiques pendant qu’ils sont maintenus sous contrôle dans une institution correctionnelle. Sinon, les détenus libérés recouvrent habituellement la liberté, avec la certitude de rechuter. Ainsi, aussi longtemps qu’une intervention pharmacologique est maintenue, la liberté individuelle continue d’être associée à une garantie d’atténuation des risques sociaux (38).
Vers une prise en charge des addictions en milieu carcéral
La définition de l’addiction comme maladie par l’OMS en 1950 a permis d’entériner la prise de conscience de l’importance de la dimension psychopathologique dans la genèse des phénomènes associés aux drogues. L’emprisonnement n’a de ce fait plus été considéré comme le recours spécifique dans les addictions et des mesures alternatives furent recherchées afin de permettre aux détenus de bénéficier d’approches thérapeutiques adaptées. La Loi stipulait que les toxicomanes relevaient plus d’une approche soignante, en particulier par l’intermédiaire de « libérations conditionnelles thérapeutiques », que correctionnelle. Même si la prison ne peut jouer un rôle thérapeutique en soi, elle peut constituer une étape cruciale dans l’histoire de l’addiction.
En fait, les patients ne sont pas tous éligibles pour une libération conditionnelle. Les toxicomanes n’en relevant pas peuvent néanmoins être pris en charge différemment. D’un côté, la Loi souligne la nécessité de développer des programmes thérapeutiques au cours de la peine et d’un autre côté, celle d’assurer la continuité des soins entre le milieu ouvert et la prison.
De manière générale, les petits délinquants, qui représentent la catégorie criminologique la plus fréquente parmi les toxicomanes, sont de ce fait mieux pris en charge car considérés comme mentalement malades, les soins devant primer sur le recours à l’incarcération. Quels que soient leurs crimes, les toxicomanes ne relevant pas d’une libération conditionnelle thérapeutique montrent néanmoins que leur addiction doit continuer à relever d’une approche médicale, appelant à des interventions spécifiques. Il a été recommandé que l’accès aux soins pour les patients toxicomanes soit le même que pour l’ensemble de la population.
Par ailleurs, les traitements ne devraient pas être interrompus lors de passages entre prison et milieu ouvert, dans un sens comme dans l’autre. Les établissements pénitentiaires devraient coopérer avec le dispositif de soin en milieu libre. Enfin, les toxicomanes incarcérés devraient être considérés comme venant de la communauté et, si tout va bien, destinés à y retourner. (Oldenburg Conference on “Jail and Drug Addiction”, March 12-14, 1999). La prison, en tant que communauté thérapeutique, peut devenir un cadre utile d’initiation aux soins, l’objectif étant de maintenir l’identité sociale des patients dans la perspective de leur libération prochaine. Le coercition à l’intérieur des murs peut faciliter la mise en place de soins en surmontant le défaut de compliance qui conduit habituellement à l’échec des soins dans un dispositif libre.
En d’autres mots, les individus particulièrement difficiles à traiter du fait d’un défaut de compliance ou d’une absence de demande associée à la maladie en liberté, pourraient bénéficier de l’opportunité d’un traitement pendant la durée de leur privation de liberté. Récemment, le système pénitentiaire a été modifié afin de permettre la mise en place d’un dispositif spécialisé destiné aux détenus toxicomanes. Il y a cependant un risque que ces innovations se développent sans outils spécifiques de prise en charge des addictions, se limitant à des aménagements environnementaux, récréationnels ou de réhabilitation pouvant se révéler inadaptés.
De notre point de vue, la possibilité d’exploiter certaines particularités de la vie carcérale, rendues de toute façon nécessaires par le contexte sécuritaire, devrait être envisagée afin d’augmenter l’impact et l’efficacité des mesures thérapeutiques ciblant l’addiction. Lorsque la Loi décide l’incarcération, elle offre l’opportunité d’administrer un traitement (38) et nous pourrions commencer à parler d’ « initiation carcérale au traitement ».
Impact des traitements de substitution sur la criminalité associée à la toxicomanie et sur la prise en charge des détenus toxicomanes
Traitement spécifique des addictions et de la prévention de la récidive criminelle
Les patients héroïnomanes bénéficiant d’une thérapie de substitution ont une probabilité de 5% d’être incarcérés à un moment quelconque d’une période d’un suivi de 7 ans (35) et de 2% à l’issue d’un suivi de 12 ans (46). Chez les sujets traités par méthadone, le risque d’incarcération est comparativement moins élevé que chez des patients non traités d’une part (12, 20, 23 ,25, 30, 32, 34, 37, 40, 44, 52), et d’autre part, que chez ces mêmes patients avant traitement (3, 13, 15, 39).
En cas de rupture thérapeutique, la dimension protectrice de la méthadone disparaît dès que les comportements addictifs réapparaissent, parfois après une période d’abstinence initiale.
Habituellement, c’est à moyen ou long terme que le craving et les conduites addictives réapparaissent, plongeant le patient dans une spirale de rechute plus puissante qu’antérieurement. En Italie, 75% des toxicomanes incarcérés (6) avaient arrêté leur traitement plus de 60 jours avant leur interpellation, tandis que seuls 3% étaient incarcérés très rapidement après son interruption.
L’extension et l’amélioration de la continuité des soins pour les traitements par la méthadone est probablement associée en Italie aux modifications observées dans la criminalité des sujets toxicomanes entre 1986 et 1995 (en particulier, du fait d’une augmentation des détenus bénéficiant d’une thérapeutique de substitution). Le nombre de patients toxicomanes incarcérés est passé de 6 000 en 1986 à 13 000 en 1995. La proportion de patients substitués parmi l’ensemble des toxicomanes incarcérés a cependant évolué différemment : accroissement initial à la fin des années 80, puis chute brutale au début des années 90, le pourcentage baissant de 33% à 3% (4) (voir tableau 1). En France, où les traitements agonistes commencent à s’étendre dans les années 90, le pourcentage de patients substitués parmi les toxicomanes incarcérés chute progressivement. Les experts du Ministère français de la Santé ont tenté de lier ce phénomène à un effet préventif des traitements en cours sur les faits de délinquance aboutissant habituellement à l’incarcération (21, 49). Plus de 40% de l’ensemble des héroïnomanes ayant eu des problèmes avec la justice liés à leur toxicomanie ont été emprisonnés à un moment quelconque d’un suivi sur 20 ans (16).
Le parcours judiciaire des héroïnomanes substitués est nettement amélioré en termes de fréquence de réincarcération (3, 15, 35), de nombre de périodes de détention et de temps total d’incarcération en étant traité (20). Les patients acceptant de prendre 6 0mg/j de méthadone (seuil habituel de blocage des récepteurs opiacés) sont moins susceptibles d’être réincarcérés que ceux refusant d’atteindre cette posologie (2, 48). Inversement, les traitements non spécifiques ne modifient pas chez les anciens détenus l’évolution naturelle de l’addiction et la délinquance qui y est associée (40).
Avantages des traitements de substitution par méthadone en milieu carcéral
Au Canada, un détenu toxicomane à l’héroïne a initié le mouvement en attaquant en justice la prison de Kent pour défaut de soins, l’initiation d’un traitement par méthadone lui ayant été refusée pendant son incarcération (33). En République d’Irlande, c’est le personnel pénitentiaire qui a proposé l’introduction de la méthadone en prison (24).
Ces deux événements ne devraient pas nous surprendre dans la mesure où détenus et personnels pénitentiaires sont au plus près de ce qui se passe dans la prison : entre 1989 et 1995, aucun décès lié aux drogues ne fut relevé chez les détenus substitués par méthadone et parmi ceux dont le décès était associé à l’usage de drogue, aucun ne recevait de traitement de substitution (14).
Dysphorie, agressivité et automutilations
L’agressivité des héroïnomanes a plus d’une signification. Dans la majorité des toxicomanies graves à l’héroïne, elle est étroitement corrélée à la sévérité de l’addiction et à l’intensité du craving. Une minorité d’héroïnomanes, par ailleurs particulièrement violents, se caractérisent par l’extrême intensité de leurs symptômes de sevrage ainsi qu’une personnalité intolérante à la douleur, ce qui pourrait être l’expression comportementale d’une prédisposition biologique aux complications les plus graves d’une exposition durable à l’héroïne.
En fait, il existe une interrelation entre susceptibilité aux conséquences comportementales de l’héroïne (dysphorie et agressivité) et prédisposition à développer une addiction (avec passage rapide d’un usage expérimental à un usage régulier), suggérant que l’agressivité et la vulnérabilité aux addictions ont en commun un même fondement biologique sous-jacent. Chez l’héroïnomane typique, les symptômes d’agressivité découlent du craving et de ce fait reflètent la sévérité de l’addiction. En prison, les comportements violents, les passages à l’actes suicidaires et les auto-mutilations sont surreprésentés chez les héroïnomanes.
Cependant, automutilations et comportements suicidaires ne surviennent pas spécifiquement durant le sevrage (19). Il faut avoir à l’esprit que le risque augmente à moyen terme et qu’ainsi, interrompre progressivement un traitement agoniste représente une faute médicale, même si cela paraît sans retentissement à court terme. Les conséquences du dysfonctionnement opioïdergiques deviennent progressivement évidentes et certains toxicomanes sevrés et non traités peuvent brutalement présenter des comportements agressifs.
Les patients tirent plus de bénéfice d’un traitement de substitution, même si la posologie est insuffisante. Lorsque l’agressivité est élevée en début de traitement, une posologie plus élevée est habituellement nécessaire.
Par ailleurs, le risque de comportements agressifs et suicidaires est plus élevé au cours de traitements par naltrexone que par la méthadone, comme le démontre la comparaison de groupes de patients ne différant pas pour le risque suicidaire et agressif en début de traitement. La nécessité de contenir vigoureusement et rapidement l’agressivité tout en réduisant le craving et les comportements addictifs sont à l’origine de la proposition par le personnel pénitentiaire d’étendre les traitements par la méthadone en prison (24).
Pratiques à risques
Avant d’évoquer de possibles interventions pharmacologiques, il paraît raisonnable de souligner l’efficacité, au moins partielle, des mesures de sécurité destinées à éviter la circulation de drogues. Cependant, du fait de la promiscuité carcérale et de l’habituel regroupement de sujets présentant une problématique commune de craving, les usages partagés tendent à devenir incontrôlables même s’ils sont peu fréquents (8, 21, 27, 42).
L’importance des pratiques à risque est corrélée à des marqueurs habituels de sévérité de l’addiction chez les patients incarcérés : un contrôle pulsionnel défaillant ou une personnalité antisociale. La substitution par la méthadone favorise un pattern opposé de comportements addictifs : les sujets traités, à la différence de ceux non traités, sont plus stables même lorsqu’ils continuent à s’injecter et présentent un meilleur contrôle pulsionnel. A l’opposé, lorsque un craving élevé avec accès difficile aux toxiques est contemporain d’une couverture thérapeutique insuffisante, le risque sanitaire grimpe en flèche.
Par ailleurs, même si l’usage de drogues continue en prison et retourne à son niveau préalable à l’incarcération dès la libération, les pratiques à risque (échange de seringue, sexualité non protégée) restent peu fréquentes chez les héroïnomanes substitués par la méthadone (8, 51).
Dans une enquête allemande (45), le risque de séroconversion pour le VIH devenait négligeable pour les détenus traités par la méthadone, contrastant fortement avec un taux de séroconversion de 5.9/100 par an et par personne pour l’ensemble de la population incarcérée et de 8.9/100 par an et par personne pour les héroïnomanes non traités par la méthadone.
Il est donc logique de conclure qu’une thérapeutique adaptée, c’est à dire destinée à prévenir la rechute en supprimant le craving, devrait être choisie en première intention pour les héroïnomanes aussi bien incarcérés qu’en milieu libre. Les données de la littérature nous permettent même de conclure que les toxicomanes détenus représentent une population de choix pour une substitution par la méthadone en raison de son efficacité particulière chez les patients présentant une addiction sévère et à haut risque.
Les traitements spécifiques des addictions ne sont pas envisageables chez tous les patients, soit du fait d’une incompatibilité médicale, soit en raison d’un refus définitif du patient, avec le risque d’allonger sa détention. Dans ces situations, l’inclusion dans un programme d’héroïne médicalisée est scientifiquement justifiée, à la condition que ces détenus soient isolés des autres héroïnomanes incarcérés (32).
La mise à disposition de matériel d’injection stérile ne favorise pas l’usage de drogues alors qu’elle réduit efficacement les accidents infectieux (séroconversions et partage de matériel d’injection) (32). Les traitements de substitution sont par conséquents compatibles avec la réduction des risques dans un même environnement. La réduction des risques n’interfère pas avec le développement de traitements efficaces, et bien au contraire, elle aide à réduire les prises de risques résultants d’usage de drogues résiduels non couverts par les traitements agonistes.
Au total, l’usage de drogues en prison peut être contrecarré de deux manières : d’une part, la ‘pénitentiaire’ contrôle la circulation de drogues et, ainsi, l’incidence de sa consommation.
D’autre part, les prises en charges spécialisées améliorent l’efficacité des contrôles en agissant par les sujets eux-mêmes (en réduisant la demande). Dans ce contexte, les traitements agonistes opiacés aident à prévenir les risques résultants des failles du système de surveillance. De même, en milieu libre, les traitements de substitution représentent le moyen le plus simple et le moins cher de limiter les complications associées à l’usage de drogues.
Conséquences de l’incarcération sur l’addiction et sur sa prise en charge
Problème médical ou environnemental ?
L’incarcération entrave nécessairement une consommation régulière de drogue. L’abstinence, qu’elle soit volontaire ou imposée, ne fait cependant pas diminuer le craving, en particulier en cas de dépendance aux opiacés. Ceci explique la demande de stupéfiants en milieu carcéral et la raison pour laquelle il est nécessaire d’y empêcher la circulation de drogues par des mesures ‘policières’. Ces dernières limitent certainement efficacement l’usage de drogue parmi les détenus, mais elles ne touchent pas le coeur de l’addiction.
Le parcours menant à la dépendance ne prend pas ses racines en prison : ce n’est pas une habitude acquise en milieu carcéral mais la conséquence du regroupement d’individus isolément malades, qui ont débuté leur addiction alors qu’ils étaient libres.
Il faut distinguer les deux types d’intervention : La première, non spécifique, dont l’objectif est de limiter l’usage de drogues derrière les barreaux (réduction de l’offre) et qui est de la compétence des forces de la ‘pénitentiaire’. La seconde, plus spécialisé, basée sur les compétences médicales et ayant pour objectif la diminution de la recherche de drogues en prison (réduction de la demande) (47).
Ainsi, l’initiation aux drogues en prison est conditionnée par leur disponibilité dans les murs mais aussi par la recherche de produits par les usagers de drogues habituels. De fait, quand aucune couverture thérapeutique n’est proposée, les toxicomanes à l’héroïne non traités risquent d’initier leurs codétenus à l’héroïne.
Un dispositif spécifique au milieu carcéral pourrait utilement améliorer la qualité de vie des détenus, mais la partie médicale du contrôle des addictions ne peut relever que d’une intervention individuelle spécialisée qui sera malgré tout à terme profitable à l’ensemble de la prison.
Si les traitements sont rendus accessibles, le cadre carcéral peut faciliter la gestion des problèmes liés aux drogues aussi bien pour les patients que pour l’ensemble de la communauté (50).
Rationnel en faveur des traitements agonistes opiacés en prison
L’environnement carcéral n’atténue pas l’efficacité de la méthadone sur la recherche de produits (11). La méthadone doit donc être facilement accessible, les patients toxicomanes étant tôt ou tard libérés.
De nombreux programmes de prise en charge des addictions aux opiacés, bien que bénéfiques à ceux capables de rester sous traitement, sont associés dans la population courant d’héroïnomanes à une mauvaise compliance en début de traitement (42, 43). Au contraire, un essai thérapeutique conduit par l’équipe du MTC project au cours duquel un traitement par LAAM a été initié 3 mois avant la libération des détenus, était associé à une compliance de 92% en phase d’induction (22).
Un programme méthadone assurant la transition de l’environnement carcéral vers le milieu libre, malgré un échappement notable après libération (40%), rend possible l’instauration d’une relation thérapeutique, à renouer si possible annuellement, même lorsque les patients n’ont pas réellement le désir d’intégrer un programme structuré. La coercition carcérale dans ces programmes améliore constamment le taux de rétention sans modifier le succès d’un programme ultérieur en milieu libre. Il faut cependant signaler que l’efficacité d’un traitement ne dépend pas que du type de molécule utilisée : la méthadone sera peu efficace si elle est utilisée sans cadre ni objectif, en dehors de limiter le malaise lié aux drogues. La majorité des patients arrêteront probablement le traitement dès leur libération, si cela n’a pas déjà été le cas en phase d’induction, passant à côté d’une opportunité d’assurer une continuité entre initiation carcérale du traitement et stabilisation ultérieure. Même dans ce cas, au moins 60% de ceux ayant passé le cap de l’induction ont été régulièrement substitués ensuite pendant 6 mois et 30% pendant une période plus courte mais suffisante pour les protéger du risque d’overdose, élevé chez les sujets libérés sans traitement agoniste aux opiacés.
Les détenus toxicomanes devraient être autorisés à intégrer le programme au moment de la libération afin de permettre l’induction ou même la stabilisation du traitement, mais surtout, d’avoir l’opportunité d’intégrer un programme structuré pendant leur détention. Le programme KEEP a été conçu dans cet esprit, devenant le premier programme expérimental de maintenance par la méthadone pour les détenus toxicomane de l’île de Ryker (NYC). Un de ses principaux intérêts est d’avoir permis que l’incarcération donne aux détenus l’opportunité de débuter des soins spécialisés. Au moins 85% des détenus non pris en charge sont traités au moment de leur libération et orientés vers des structures spécialisées de proximité (48).
D’un point de vue médical, un programme méthadone en milieu carcéral a deux objectifs principaux : d’une part, et comme pour toutes les catégories de toxicomanes, la prévention de la rechute et d’autre part, l’amélioration de la qualité de vie pendant la détention. En outre, les objectifs du programme peuvent être adaptés en fonction de la durée prévue de l’incarcération et du statut du patient lors de sa mise sous écrou. Ceux déjà stabilisés doivent être maintenus sous substitution quelque soit leur durée d’incarcération. La posologie de méthadone de ceux incarcérés pendant la phase d’induction doit être ajustée.
L’objectif d’une stabilisation doit également être recherché en milieu carcéral et si ce n’est pas le cas, devrait l’être en milieu libre. L’adaptation des posologies et d’autres modalités de prise en charge peuvent être nécessaires lors de la sortie. La perte de liberté peut par ailleurs être un stress majeur pour un patient stabilisé et justifier un accroissement des posologies ou une prise en charge plus soutenue en prison. De plus, l’augmentation des posologies est souvent nécessaire et possible après libération alors que la réduction des posologies ou un sevrage sous contrôle médical sont à éviter. Les patients devraient en fait retourner dans leur environnement habituel avec la garantie d’une possible stabilité ultérieure sur des critères soit individuels (par exemple dosage au moins égal à celui permettant la stabilisation antérieurement) soit standardisés (posologie moyenne permettant habituellement la stabilisation). Dans tous les cas, une dose moyenne protège contre le risque d’overdose aux opiacés après libération.
La réduction des posologies ou les sevrages médicalisés effectués en prison confrontent les patients libérés à un risque élevé de troubles du comportement et d’overdose. En conséquence, ces deux procédures doivent être considérées comme des « mauvaises pratiques ».
La réduction des posologies de méthadone associée à l’administration de benzodiazépines pour limiter les symptômes de manque est une pratique encore plus néfaste, les patients étant non seulement privés d’un traitement spécifique mais en plus, à risques de développer d’autres consommations abusives (29). Certaines catégories de patients devraient être orientées en priorité vers les programmes méthadones, quelque soit l’environnement thérapeutique (milieu libre ou carcéral). Il s’agit de ceux pour lesquels une consommation durable d’héroïne peut aggraver ou compliquer des problèmes somatiques, psychiques ou psycho-sociaux. Par exemple, les patients traités par méthadone sont plus susceptibles d’être inclus dans un programme anti-tuberculeux et de se soumettre aux étapes d’une antibiothérapie (28).
Les détenus toxicomanes qui ont bénéficié d’une prise en charge spécialisée en prison retournent moins fréquemment en prison et rechutent moins souvent dans les 6 mois suivant leur libération (36). Les patients les mieux protégés sont ceux encore en traitement longtemps après leur libération, alors que chez ceux dont le traitement a été initié en prison puis interrompu peu de temps après la libération, la prévention de la rechute à long terme est peu efficace (17).
L’attribution de réductions de peines découlant d’une adhésion à un programme thérapeutique pourrait se justifier scientifiquement. Le caractère spontané des demandes de traitements n’est pas prédictif de meilleurs taux de rétention bien que les sujets ayant une demande de traitement volontaire aient un taux de réincarcération plus faible. Les arrêts de traitements dus à un défaut de compliance sont cependant aussi fréquents que pour les sujets faisant l’objet de soins contraints. Proposer le traitement en alternative à l’incarcération pourrait finalement améliorer efficacement la compliance des patients et les taux de rétention (1, 10).
Si l’on considère que l’efficacité du traitement n’est pas liée à la décision de se traiter, dont le patient garde la liberté de choix, la motivation à se traiter ne devrait pas être considérée comme cruciale pour l’évolution ultérieure. La demande de soins est généralement au moins partiellement motivée par des enjeux psychosociaux tels qu’un risque d’éloignement du domicile, rompre avec son conjoint, être séparé de ses enfants ou perdre son emploi ou ses revenus.
Certains avantages de la méthadone sont indirects. Par exemple, elle ne réduit pas seulement le risque de séroconversion des patients toxicomanes mais également celui des partenaires séronégatifs de toxicomanes séropositifs. De même, l’efficacité du contrôle comportemental d’héroïnomanes entrants en prison influe sur la probabilité qu’ils initient leurs codétenus non usagers de drogues, ce qui est loin d’être négligeable. En fait, 3 à 26% des détenus toxicomanes disent avoir expérimenté l’héroïne lors d’une précédente incarcération. Au total, de 0,4 à 21% des héroïnomanes injecteurs ont initié leur consommation d’héroïne en prison.
Sécuriser la remise en liberté
Les overdoses consécutives à la remise en liberté surviennent le plus souvent, et de loin, précocement après la levée d’écrou (dans les 2 premières semaines) (41). Ces accidents sont donc plus la conséquence d’une accentuation brutale du craving, sans verrou « anti-craving » et alors que la tolérance opiacée a disparue, que le fait d’une réelle rechute d’une consommation régulière d’héroïne. Pour certaines substances comme la cocaïne, une période d’abstinence peut permettre de réduire le craving. Pour l’héroïne, une période d’abstinence sans aucun traitement anti-craving d’accompagnement a, au contraire, des chances de se solder par une rechute.
La libération d’individus non tolérants aux opiacés, sevrés en prison sans instauration de traitement de substitution, est donc dangereuse. Le risque est paradoxalement plus faible pour des sujets ayant pu se procurer de l’héroïne pendant leur incarcération. Une intervention médicale ne devrait en aucun cas accroître le risque inhérent à la pathologie sous-jacente. Un traitement de substitution maintenu jusqu’à la libération protège au mieux, même si certains l’arrêtent dehors. Cette protection contre l’overdose est tout aussi efficace en prison que plus tard, tant que le traitement est maintenu (22). Les patients remis en liberté devraient être tolérants pour une posologie d’au moins 60 mg/jour.
Un traitement par naltrexone ne devrait jamais être débuté avant ou peu après la libération, au risque d’augmenter le risque d’une rechute, la seule réelle protection restant celle procurée par les traitements agonistes. De même, il serait imprudent et vain de débuter un traitement par naltrexone en prison, les indications étant limitées et l’évaluation devant se faire dans un contexte où l’héroïne est accessible (hors de la prison).
Naltrexone
D’autres mesures thérapeutiques sont envisageables tant que les patients restent compliants.
Lorsque la compliance est absente, les garanties que les mesures prises seront profitables au maintien de l’insertion sociale du patient ou permettront d’envisager une réinsertion disparaissent également. La capacité à s’orienter vers une réinsertion sociale plutôt que vers une pérennité des difficultés est étroitement associée à la sévérité de l’addiction, mesurable à ses principaux symptômes.
L’intoxication chronique ou l’abus répété entravent sans aucun doute la réinsertion sociale mais leur impact négatif est sans doute inférieur à celui des dysfonctionnements cognitifs, affectifs ou comportementaux, tous capables d’influer sur le déroulement des projets en déplaçant les investissements du côté des produits.
L’abstinence ne conduit pas en soi à l’extinction de la pathologie addictive. Mais, par ailleurs, les traitements s’opposant au craving favorisent le maintien de l’abstinence malgré l’usage éventuel de substance en début de traitement. En dépit des connaissances acquises à ce jour, les traitements agonistes opiacés sont fréquemment considérés comme des drogues de remplacement, et les thérapeutiques opiacées, qui favorisent la réduction des risques associés à l’usage d’héroïne et autres dérivés opiacés, souvent perçues comme un moyen légal d’entretenir une consommation de stupéfiants. Certains opiacés peuvent tout à fait être utilisés dans un but thérapeutique en raison de leurs caractéristiques propres : aucun renforcement positif n’est associé à leur usage, ce qui les différencie des opiacés « de rue » recherchés pourleurs effets subjectifs gratifiants. En fait, une des justification de leur utilisation, commetraitement du craving, réside dans leur absence d’effet renforçant chez des patients« accrochés » aux opiacés de rue. Les antagonistes opiacés ne sont d’autres part utilisables, et même indiqués, que chez des patients héroïnomanes modérément dépendants pour lesquels laqualité de réinsertion sociale ou leur état de santé comptent plus que la puissance du plaisirfournie par le produit. Le fait de ne plus retirer de plaisir de l’héroïne du fait de l’effet antagoniste suffit à leur permettre de cesser leur consommation malgré le craving.
D’un point de vue comportemental, nous pouvons dire que ces patients sont modérément malades, comme en témoigne leur volonté d’adopter une stratégie de soin qui ne permet pas de contrôler en soi le craving et limite considérablement la prise de plaisir. Ce traitement s’avère efficace et sûr chez des sujets le prenant régulièrement et acceptant les contrôles urinaires. Des détenus observants et traités avec succès par naltrexone ont pu bénéficier d’aménagement de peines (4). Les héroïnomanes en libération conditionnelle ayant spontanément demandé à être mis sous naltrexone ont plus de chances de rester abstinents et ont un taux de réincarcération pendant les 6 premiers mois de libération conditionnelle plus faible (7). Ces résultats sont comparables à ceux observés chez des patients héroïnomanes n’étant pas sous main de justice bien qu’ils ne concernent qu’une faible minorité de patients, présentant une addiction modérée et maintenus sous traitement de manière prolongée, ce qui est radicalement différent d’une prise de naltrexone peu de temps après un sevrage. Un traitement par naltrexone prescrit à brève échéance ne garanti pas une évolution favorable.
De manière générale, libérer des patients toxicomanes après mise sous naltrexone n’est pas suffisamment protecteur, le craving pouvant réapparaître brutalement en cas d’exposition aux drogues, et le risque d’overdose étant augmenté. Les traitements des patients toxicomanes devraient être initiés en fonction de leurs dates prévisibles de libération afin de les rendre tolérants aux opiacés et simultanément d’atténuer leur craving. Cet objectif est habituellement atteint en initiant un traitement par méthadone avec une posologie au moment de la libération d’au moins 60 mg/j.
Conclusions
Les addictions peuvent en elle-même se compliquer de problèmes judiciaires et entraîner une confrontation à la justice. Tout incident légal peut constituer un problème supplémentaire, ou, au contraire, une opportunité d’initier une démarche thérapeutique, de préférence spécialisée.
Quelles que soient nos approches, nous souhaitons tous favoriser la réinsertion de nos patients et leur permettre de réintégrer le plus rapidement possible leur environnement habituel, en ayant à l’esprit qu’en fonction de l’orientation thérapeutique choisie et du cadre de prise en charge, prison comprise, le meilleur traitement est celui s’étant montré le plus efficace dans un environnement standard. Les traitements de substitution opiacée sont actuellement les thérapeutiques offrant le plus de garanties en termes de réhabilitation, de prévention de la rechute et de réinsertion sociale. Qu’il s’agisse du système de soins traditionnel ou du milieu carcéral, les toxicomanes ont parfois un accès libre à des dispositifs à très bas niveau d’exigence, dont l’objectif est seulement de favoriser un état de non-consommation, sans travail sur la prévention de la rechute ni garantie ultérieure de maintien de l’abstinence.
L’extension des traitements de substitution par la méthadone en prison, sous la forme de programmes progressifs, est censée offrir une prise en charge spécialisée aux toxicomanes incarcérés. Cela constitue en fait le moyen le plus efficace de contrôler le craving et la propension à la rechute, indépendamment de l’environnement ou du cadre.
Il paraît essentiel d’intégrer le système carcéral dans le réseau global des soins aux addictions, les héroïnomanes rencontrant fréquemment l’incarcération.
Si nous transformons avec succès le temps de la détention en un temps thérapeutique, l’incarcération pourrait prendre une toute autre signification pour les héroïnomanes délinquants.
Appendice 1 : recommandations pour les détenus traités par la méthadone selon la phase de traitement à l’incarcération
Extrait de Heroin Addiction and Related Clinical Problems Vol. 6 n° 2 June-September 2004.
Appendice 2 : recommandations pour les détenus traités par la méthadone selon leur durée d’incarcération
Appendice 3 : recommandations pour les détenus traités par la méthadone en fonction de la situation clinique
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Commentaires du Dr Laurent MICHEL pour le Comité de rédaction
Le dispositif légal en Italie, décrit par Maremmani, existe en France depuis plus de 30 ans : il s’agit de la Loi de 1970 !
Nous en connaissons le succès puisque nombreux sont ceux, autant du côté politique que du côté sanitaire, qui demandent actuellement son abrogation ou son adaptation. La rigidification progressive des textes répressifs n’a fait que croître depuis 1970, sans résultat, alors que le volet sanitaire (injonction de soin/obligation de soin) n’a jamais été réellement exploité. Maremmani ne s’y trompe pas, craignant la vacuité d’un tel dispositif si des programmes spécialisés n’y sont pas associés. Et c’est bien là le problème en France : en termes de dispositif et de formation, rien n’a jamais réellement été fait.
La tutelle sanitaire se sentait bien mal à l’aise dans le prononcé de ‘sanctions’ sanitaires, la formation n’a pas suivi ou si peu, restant très théorique alors que les problèmes ‘techniques’ (secret professionnel, nature de l’interface avec la justice…) restent encore aujourd’hui mal cernés par de nombreux professionnels. Les outils mis à la disposition des équipes soignantes étaient limités et peu convaincants. le « tout » sevrage chez des patients incapables d’abstinence, et l’incontournable psychothérapie, seule voie de salut était envisagée dans un contexte où prédominait la psychanalyse.
Etait-il raisonnable d’attendre de patients confrontés à la justice, justement parce qu’ils s’avéraient incapables de contrôler leurs consommation, que dans le cadre d’une démarche de soin imposée, ils puissent adopter l’abstinence et soient accessibles à une démarche psychothérapique ? En cela, on peut supposer que Maremmani voit juste en prônant la substitution comme principale outil de prise en charge sanitaire de sujets judiciarisés. Bien maîtrisée, elle peut tout à fait permettre une stabilisation favorable à une vraie démarche de soin ultérieure et en tout cas réduire les principaux risques sanitaires. Encore, et comme il le rappelle également, ne faut-il pas oublier que sans cadre, objectifs ou ajustement individuel, aucun traitement ne peut-être pleinement efficace.
Mais l’obligation de soin peut-elle, en plus d’imposer le principe d’une prise en charge sanitaire, déterminer la nature des soins qui y sont associés ? En d’autres termes, cette obligation peut-elle porter non plus sur le contact avec une équipe sanitaire, mais sur la dispensation d’une molécule ?
Maremmani est en faveur de mesures fortement incitatrices pour la méthadone (la méthadone comme alternative à l’incarcération, l’initiation en fin de détention pour les toxicomanes incarcérés,…), se basant sur l’évolution des connaissances scientifiques actuelles (amélioration de la compliance, meilleur taux de rétention dans le dispositif, baisse de la récidive délinquante…).
Si, bien sûr, la liberté de choix reste un des éléments essentiels du contrat thérapeutique soignant-soigné, nous savons aussi effectivement que la conviction soignante va jouer un rôle déterminant dans les options thérapeutiques finalement adoptées par le patient. De là à imposer un protocole de soin standardisé…Un débat sur « l’entre deux » mérite sûrement d’être engagé.
Ailleurs, certains ont franchi le pas. Ayant exercé pendant de nombreuses années à Strasbourg, j’ai été amené à suivre des patients toxicomanes ayant commis des actes de délinquance en Allemagne et faisant l’objet de soins en France avec obligation de justifier de ces soins auprès de la justice allemande. J’ai le souvenir particulier d’un patient psychotique et héroïnomane qui acceptait volontiers la substitution mais pas la chimiothérapie antipsychotique, ce qui aboutissait à des rechutes psychiatriques mais aussi délinquantielles régulières. L’obligation de soin allemande a alors porté sur la justification d’une injection mensuelle de neuroleptique retard et a en fait permis que ce patient se stabilise pendant des années aussi bien au plan de sa toxicomanie par le traitement de substitution que d’un point de vue psychiatrique.
Par contre, il est certain que le milieu carcéral peut particulièrement se prêter à la rencontre des soins : les consommations sont au moins diminuées et il existe une proximité avec les soins que beaucoup n’ont jamais connu à l’extérieur, trop isolés ou vivant dans la plus totale marginalité, voir dans l’illégalité. La question de la présence soignante et de la formation de ces équipes soignantes est alors essentielle. Les traitements de substitution sont entrés en prison avec les patients-détenus alors que les soignants y exerçant n’avaient aucune formation à leur sujet et pas forcément la fibre militante des intervenants ayant choisi de s’en étant emparer en milieu ouvert. Le résultat a évidemment été chaotique, la plupart des traitements ont été arrêtés dans un premier temps pour des raisons idéologiques (rappelons que la plupart des personnels soignants ayant en charge la toxicomanie découlait de la filière « psy », de forte influence psychanalytique à l’époque et basant la prise en charge sur l’expression de la demande).
Dans d’autres cas, il s’agissait plus simplement de méconnaissance, mais aussi de peur d’incidents (trafics, rackets, overdoses…) dans un contexte de tensions fréquentes avec les personnels pénitentiaires (la scission ministère de la justice/sécurité-ministère de la santé/soins en milieu carcéral date de 1994 et ne s’est pas faite sans tensions entre les institutions).
Le traitement de substitution offre effectivement de nombreux avantages d’un point de vue sanitaire : prise de contact avec le système de soins, réduction des risques en milieu carcéral (l’échange de seringue n’est pas prévu dans les prisons françaises) mais aussi à la sortie de l’incarcération (prévention des overdoses, des risques liés à la reprise de l’injection), facilitation d’un cadrage médical de consommations « de rue » de la substitution, amélioration de la qualité de vie des détenus et facilitation de la gestion des comorbidités (en particulier pour la méthadone) somatiques ou psychiatriques (troubles psychotiques ou de la personnalité, bénéfice comportemental avec réduction de l’agressivité, des auto-mutilations et passages à l’acte suicidaires).
Il est à ce titre important de souligner le risque majeur d’arrêter abruptement ces traitements en prison, car si les conséquences ne se manifestent pas dans l’immédiat, confortant dangereusement dans la décision prise, elles ont toutes les chances d’apparaître à moyen ou long terme sous forme de troubles du comportement, reprise de l’addiction ou complications somatiques (liées à la reprise de l’injection, l’intoxication ou une surdose).
Les tableaux de Maremmani en fin d’article, systématisant les intervention thérapeutiques selon la situation clinique, carcérale ou l’étape de prise en charge, ont l’intérêt de fournir des orientations concises. Ils soulignent, pour les situations cliniques, la nécessité de traiter conjointement l’addiction et le trouble comorbide (délire, agressivité…). La condamnation de l’usage au long cours de benzodiazépines est bienvenue, spécialement en France où leur usage est tellement banalisé. L’indication de naltrexone dans les états déficitaires/athymhormiques se discute certainement bien que nous ayons en France peu d’expérience des traitements antagonistes.
BIBLIOGRAPHIE