Des médecins de Chicago ont évalué les effets d’un traitement de maintenance par méthadone à dose élevée (> 100 mg/j). Ils ont comparé prospectivement pendant près de 3 ans (1997-2000) un groupe de patients (n=164) recevant initialement une dose quotidienne moyenne de 211 mg/j (120-780) à un groupe témoin de patients (n=101) traités par une dose quotidienne moyenne de 65 mg (10-100) et choisi de façon aléatoire. Les caractéristiques distinctives initiales de ces patients étaient une consommation deux fois plus importante d’héroïne et une co-prescription de psychotrope significativement plus importante pour le groupe de patients à dose élevée de méthadone (63 %) par rapport au groupe témoin (32 % ; p<001). Les résultats importants ont été une diminution significativement plus importante des contrôles urinaires positifs pour les opiacés pour les patients à dose élevée de méthadone (87 % de positifs avant l’augmentation de posologie et 3 % de 3 à 6 mois après ; versus 54 % avant le début de l’étude et 37 % après pour les patients du groupe témoin).
La réponse au traitement psychotrope a été améliorée par l’augmentation des doses de méthadone des patients aux troubles psychiques « réfractaires ». Le devenir à long terme n’a pu être étudié que sur 144 patients traités initialement par dose élevée de méthadone en raison de 20 arrêts thérapeutiques rapides. Le taux de rétention à 152 semaines n’était pas significativement différent selon les 2 groupes : 61 % des patients à dose initialement élevée versus 55 % pour les patients du groupe contrôle. Par contre, les raisons d’exclusion du protocole étaient significativement différentes entre les deux groupes. Les perdus de vue représentaient 55 % du groupe témoin contre 7 % du groupe de patients à dose élevée. A l’opposé, 82 % des patients exclus du groupe à dose élevée l’étaient pour des raisons administratives (financière) ou de déménagement, contre 32 % des exclus du groupe témoin (p<001). Les autres causes d’exclusion du protocole (sevrage, décès, incarcération) étaient similaires dans les 2 groupes (11 % du groupe à dose élevée versus 13 % du groupe témoin).
Après 3 ans de suivi, la distinction selon la dose quotidienne initiale n’existait plus, car des patients avaient augmenté leur dose au-delà de 100 mg/j dans le groupe témoin et d’autres l’avaient diminuée à 100 mg ou moins dans le groupe à dose élevée. Une comparaison a été faite selon le critère de rétention en traitement à 152 semaines dans les 2 groupes initiaux, réalisant 4 sous groupes.

Les différences de dose moyenne de méthadone sur 3 ans se retrouvaient dans les différences de pourcentages de contrôles urinaires positifs pour les opiacés. Il apparaît une prévalence plus importante de comorbidités psychiatriques dans les sous-groupes maintenus en traitement que dans les exclus. Cette observation a également été rapportée par Maremmani (1) . La distribution graphique des doses pour les deux groupes initiaux donne des courbes de Gauss normales. Ce qui confirme pour les auteurs que des doses élevées de méthadone sont, pour certains patients, des doses normales et non dangereuses. Elles sont nécessaires pour réduire la consommation d’héroïne et permettent de stabiliser les troubles psychiatriques et de réduire la consommation d’alcool et de benzodiazépines pour beaucoup de patients.
D’autres études sur le sujet :
Methadone dose and retention during treatment of heroin addicts with Axis I Psychiatric Comorbidity. Maremmani and al.; Journal of addiction diseases, Vol 19(2) 2000
Dans cette études sur 90 patients, les auteurs établissent que ceux d’entre eux présentant une comorbidité psychiatrique (n=52), nécessitent une dose moyenne de stabilisation de 154 mg (± 84 mg), alors que pour les patients sans comorbidité psychiatrique, la dose moyenne est de 99 mg (± 49 mg)
Importance d’un dosage de méthadone individuellement adapté pour un suivi efficace des héroïnomanes polytoxicomanes. Deglon et al. ; présentation au Congrès THS 3, novembre 97 Nice. Dans sa présentation établie sur une analyse de la littérature internationale, le Dr DEGLON confirme l’intérêt d’un dosage adapté à chaque individu. Il propose l’abandon du terme ‘haut dosage’, au profit de ‘dosage adéquat’. Ce dosage adéquat s’obtient en trois étapes.
- Dosage grossier : Disparition des signes objectifs de manque dans les premiers jours (mydriase, réflexes tendineux, rhinorrhée, larmoiements, pilo-érection,…)
- 2. Dosage fin : à partir de signes subjectifs (anxiété, fatigue, irritabilité, trouble du sommeil avec réveil précoce, tendances dépressives, pulsion pour les drogues)
- 3. L’usage continu d’opiacés illicites ; l’auteur considère que l’on doit retenir comme principe de base que l’indication absolue pour augmenter le dosage de la méthadone est l’usage continu d’opiacés illicites.
Il rappelle à l’occasion l’avis des experts, exprimé par Mary-Jeanne KREEK ; celle-ci dit qu’il n’est pas souhaitable au cours des premiers mois d’augmenter le dosage au-delà de 150 mg, même en cas de persistance d’urines positives aux opiacés, car plusieurs mois sont parfois nécessaires pour équilibrer les systèmes opioïdes et obtenir un effet thérapeutique stable. Il vaut mieux dans ce cas renforcer le soutien psychosocial qui reste l’axe thérapeutique essentiel durant cette période, et d’assurer quand elles sont présentes, une prise en charge efficace des comorbidités psychiatriques.
Par ailleurs, il faut souligner ici le risque de troubles du rythme pouvant être liés à des hauts dosages de méthadone et plus précisément à des méthadonémies très élevées. Dans la stratégie d’adaptation des posologies décrite ci-avant, la prudence doit rester de mise, avec entre autres mesures, des méthadonémies chez les patients nécessitant des dosages supérieurs à 120 mg ( cf. : Le courrier des addictions, n° 3, juillet 2001. Méthadone haut dosage, méthadonémie et troubles du rythme cardiaque : quelles recommandations ?)