Comme l’indiquait l’édito du Flyer n° 23 (février 2006), le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a présenté en décembre une série de mesures destinées à améliorer la prise en charge des personnes infectées par le virus de l’hépatite C, et notamment à « inverser la tendance » qui veut que 60% d’entre elles soient actuellement suivies à l’hôpital, contre seulement 40% en médecine de ville.
Différentes actions issues des propositions faites par le Comité stratégique du programme national hépatites virales prévoient ainsi l’établissement, courant 2006, d’un référentiel de prise en charge et la mise en place d’un « parcours coordonné de soins » autour du malade, et des mesures spécifiques pour les usagers de drogues.
Alors que ces derniers représentent les 3/4 des nouvelles infections par le VHC, seuls 15 à 20% d’entre eux sont, en effet, traités. Pour le ministre, il importe donc de doubler la proportion d’usagers pris en charge, mais aussi de renforcer les dispositifs d’information et de sensibilisation, et de faciliter le dépistage. Dès ce début d’année, une circulaire devait ainsi demander à chaque établissement médico-social accueillant des usagers d’établir une convention avec un centre de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) ou un laboratoire d’analyses pour faciliter le dépistage, et de préciser leur stratégie de sensibilisation sur les modes de contamination, les moyens de prévention, la nécessité du dépistage et, le cas échéant, celle d’un suivi ou d’un traitement, en insistant sur l’observance thérapeutique.
Elaborées en juillet 2005, les « propositions d’actions » du programme national hépatites comprenaient, pour leur part, 13 recommandations pour les usagers de drogues « par voie veineuse ou intranasale » visant à renforcer la prévention, la prise en charge pluridisciplinaire et l’accès au traitement, y compris en milieu carcéral.
Prévention
En matière d’information et de prévention, le groupe de travail co-présidé par Bernard Filoche et Didier Jayle propose, tout d’abord, d’informer en trois ans au moins 60% des usagers sur les risques d’hépatites liés à la réutilisation du matériel, notamment grâce à la diffusion de messages individuels et collectifs.
L’INPES devrait ainsi être chargé d’élaborer une campagne de sensibilisation qui rappellera que, quelle que soit la pratique, le matériel utilisé doit être personnel, stérile et à usage unique. Les messages sur les risques d’infection virale B ou C n’étant souvent pas correctement perçus, le groupe suggère, par ailleurs, d’informer les usagers et de former les intervenants sur les modes de transmission, mais aussi de fournir des messages personnalisés « clairs, positifs et adaptés » en cas de dépistage négatif, et de proposer systématiquement un dépistage de l’hépatite B et une vaccination en l’absence de marqueurs d’infection.
Afin d’éviter la contamination d’usagers non encore infectés, l’action n°10 prévoit également « l’individualisation, au sein des structures bas seuil, de salles de consommation de drogues, favorisant les liens entre les professionnels et les usagers de drogues ainsi que l’éducation de ces derniers à des pratiques à moindre risque ».
Soulignant que « l’efficacité de la méthadone semble supérieure à celle de la buprénorphine pour réduire l’incidence de l’hépatite C », le rapport préconise, dans la même optique, d’augmenter de 35 000 en quatre ans le nombre d’usagers substitués par la méthadone. Un rééquilibrage entre les deux types de traitement qui suppose à la fois de développer les traitements méthadone (18 000 personnes actuellement) et d’augmenter le nombre de primo-prescripteurs.
Enfin, afin de réduire le nombre annuel de nouveaux injecteurs parmi les usagers, en particulier de drogues psychoactives dont « l’usage est très répandu dans notre société », le groupe suggère d’informer sur les risques liés à l’injection et éventuellement de proposer des méthodes d’usage à moindre risque de contamination par les virus transmissibles par le sang, tout en s’assurant des possibilités d’accès à des compétences psychiatriques lorsqu’elles sont jugées nécessaires.
Dépistage
Le rapport propose ensuite de modifier les modalités pratiques du dépistage du VHC, tout d’abord en le répétant tous les 4 à 6 mois chez les usagers – « une recommandation admise » –, mais surtout en développant les alternatives au prélèvement par ponction veineuse, en particulier la piqûre au doigt avec recueil de sang sur buvard, ou par salivette. Deux méthodes qui « ne s’excluent pas », selon les auteurs qui soulignent que « la technique du buvard est plus sensible que celle de la salivette et la technique de la salivette a plus d’intérêt épidémiologique du fait de sa simplicité ».
Le premier serait ainsi préférentiellement utilisé dans les structures les plus médicalisées (présence d’une infirmière), et la seconde plutôt dans les structures bas seuil dans un but plus épidémiologique.
Reste que si la prescription du test au moment de la venue de l’usager « est constamment efficace », « sa réalisation différée est très souvent aléatoire », et il importe donc de pouvoir effectuer le prélèvement le jour même pour les quelque 10 000 usagers ayant des pratiques à risques mais non encore dépistés.
Prise en charge
En ce qui concerne la prise en charge des usagers infectés par le VHC, dont le niveau est « globalement insuffisant », le rapport dresse, par ailleurs, 5 propositions d’action, à commencer par la formation des professionnels. Afin de renforcer le nombre d’usagers traités, le groupe de travail propose ainsi d’améliorer la « prise en compte de la précarité sociale et psychique des usagers » (y compris dans les établissements pénitentiaires), mais aussi d’assurer la formation pluridisciplinaire des intervenants des différentes structures en contact avec les usagers « sur la base d’un glossaire commun régulièrement mis à jour et de messages clés », et sur l’opportunité de traiter les hépatites des usagers poursuivant leur consommation de drogues et/ou d’alcool lorsque ceux-ci manifestent leur motivation à suivre un traitement. Un dernier point sur lequel les auteurs soulignent que « les malades diminuent souvent d’eux-mêmes leur consommation en cours de traitement ».
Face à la crainte de la biopsie hépatique qui constitue « un frein réel à la prise en charge des usagers », ils suggèrent, d’autre part, d’initier le traitement antiviral sans biopsie chaque fois que possible (notamment pour les infections à virus de génotypes 2 et 3), et de proposer des méthodes alternatives non invasives, comme les tests biologiques de fibrose et/ou la mesure de l’élasticité du foie, pour lesquelles une évaluation médico-économique a été demandée.
Afin d’améliorer l’observance et d’augmenter la part des usagers menant à terme leur traitement, le rapport préconise également de recruter un médiateur de santé par département et d’organiser un accompagnement global de la personne à traiter : thérapeutique, psychiatrique et psychologique pour les effets secondaires, et social avec accès à des hébergements thérapeutiques pendant la durée et les mois suivant le traitement.
Soulignant la difficulté d’accès aux hépatologues, les auteurs proposent, en outre, d’augmenter la part des CSST disposant d’un hépatologue et de mettre en place des consultations d’hépatologie sur les lieux de consultation des usagers. Cette prise en charge pluridisciplinaire pourrait encore être améliorée grâce au développement de systèmes locaux privilégiant l’unité de temps et de lieu, à l’instar des micro-structures comme celle mise en place en Alsace.
Prison
Enfin, 2 propositions concernent plus particulièrement le milieu carcéral qui souffre d’un « déficit majeur dans le dépistage et la prise en charge des hépatites », qu’il s’agisse de l’absence de consultation avancée d’hépatologie dans les UCSA, de la formation insuffisante des personnels ou des problèmes d’extraction des détenus pour réaliser une biopsie ou des examens.
Afin d’augmenter le taux de dépistage du VHB, du VHC et du VIH chez les personnes incarcérées, mais aussi celui des personnes vaccinées contre le VHB, le groupe de travail recommande donc de proposer systématiquement le dépistage de ces pathologies (à l’accueil) et la vaccination contre le VHB (en l’absence de marqueurs sérologiques), mais aussi de former les équipes médicales et les cliniciens intervenant dans les UCSA aux addictions et à leur prise en charge, de faciliter l’accès des associations de malades au milieu carcéral, et de promouvoir l’initiation du traitement pendant le séjour carcéral, en harmonisant le suivi après l’incarcération.
Le groupe de travail « Renforcement de la prévention, de la prise en charge pluridisciplinaire et de l’accès au traitement de l’hépatite C chez les usagers de drogues »
- Pr Bernard Filoche, représentant l’Association française pour l’étude du foie (AFEF), responsable du groupe ;
- Dr Didier Jayle, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), coresponsable du groupe ;
- Marie-France Chedru, Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) ;
- Frédéric Blettery, représentant le directeur de l’administration pénitentiaire (DAP) ;
- Dr Julien Emmanuelli, représentant l’Institut de veille sanitaire (InVS) ;
- Anne Guichard, représentant l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) ;
- Dr Jean-Philippe Lang, personne qualifiée ;
- Sandrine Loubière, personne qualifiée ;
- Dr Alain Morel, président de la Fédération française d’addictologie (FFA) ;
- Dr Catherine Pecquart, directeur médical de l’association Charonne ;
- Pr Patrick Marcellin, représentant la Fédération nationale des pôles de référence et réseaux hépatites (FNPRRH) ;
- Dr Laurent Michel, psychiatre en milieu pénitentiaire ;
- Dr Hélène Prodhon, représentant la Conférence des médecins inspecteurs régionaux ;
- Cynthia Benkhoucha, représentant l’association Aides et le Collectif hépatites virales (CHV) ;
- Étienne Matter, représentant l’association Asud ;
- Thierry Faucher, président de l’association Safe ;
- Dr Pascal Melin, représentant l’association SOS Hépatites fédération.