Analyse bibliographique par la Rédaction, publiée dans le Flyer n° 44 (Sept. 2011), sur l’article « Continued Cannabis Use and Risk of Incidence and Persistence of Psychotic Symptoms: 10 Year Follow-Up Cohort Study Rebecca Kuepper, and al. BMJ March 2011 »
Chez l’adolescent, fumer du cannabis augmente le risque de survenue de symptômes psychotiques et une utilisation continue augmente le risque de maladie psychotique, selon une étude européenne publiée dans le British Medical Journal.
En préambule de leur article, les auteurs rappellent que le cannabis est la drogue illégale la plus utilisée dans le monde, en particulier chez l’adolescent.
Si d’autres recherches ont pu mettre en évidence une relation étroite entre cannabis et psychose, il restait à déterminer si c’est l’utilisation du cannabis qui favorisait ces symptômes psychotique ou si c’est l’apparition précoce de symptômes psychotiques qui favorisait la consommation de cannabis. Pour cette étude longitudinale et prospective de grande envergure, 1 923 jeunes adultes entre 14 et 24 ans (au début de la recherche) ont été suivi pendant 10 ans.
Elle est basée sur la déclaration par les patients de leur consommation de cannabis et leur description d’expériences psychotiques, révélant, ce que les auteurs appellent une psychose infraclinique, c’est-à-dire en deçà des critères de trouble psychotique constitué.
La consommation de cannabis et les symptômes psychotiques ont été évalués à trois reprises : au début, après 3,5 ans (T2) et après 8,4 ans (T3).
Lors du recrutement, à T1 : 247 participants rapportaient avoir déjà fumé du cannabis, 56 tous les jours (23%), 69 toutes les semaines (28%), et 57 (23%) tous les mois. A T2 (après 3,5 ans de suivi) : 392 fumaient du cannabis.
A ce moment, 436 (23%) adolescents rapportaient également avoir vécu un symptôme psychotique.
A la fin de l’étude à T3 : 231 déclaraient avoir vécu un épisode psychotique.
L’incidence de survenue d’un symptôme psychotique était de 31% chez les fumeurs de cannabis et de 20% chez les non fumeurs. Fumer du cannabis multipliait le risque d’expérience psychotique par 1,5. Poursuivre la consommation de cannabis (T2-T3) favorisait l’apparition d’une véritable maladie psychotique.
Ainsi consommer du cannabis même en quantité faible, ou de manière itérative, accroît le risque d’expérience psychotique, et cela chez le jeune adulte, quel que soit son sexe, son statut socio-économique, son environnement (rural ou urbain), sa consommation d’autres drogues, et ses antécédents de problèmes traumatiques dans l’enfance.
Par ailleurs, les chercheurs ont également observé que cette utilisation du cannabis précède la survenue de symptômes psychotiques chez des jeunes adultes n’ayant jamais présenté auparavant d’expérience psychotique.
Les auteurs estiment que cette étude plaide contre la théorie de l’utilisation du cannabis à des fins médicales, puisqu’ils constatent que les expériences psychotiques survenant au cours de l’étude chez les non consommateurs ne sont pas un facteur prédictif de l’utilisation de cannabis par la suite. En revanche, ils insistent sur le fait que les expériences psychotiques, relativement fréquentes dans la population générale et la plupart du temps transitoires, peuvent persister anormalement, voire s’aggraver et conduire au stade de la psychose constituée, si elles sont combinées à une consommation persistante de cannabis. Ce dernier venant alors se joindre aux autres facteurs de risque environnementaux reconnus de maladie psychotique.
L’article est en accès libre et gratuit sur le site de l’éditeur BMJ (www.bmj.com)