Chez les personnes atteintes de cancer, la douleur constitue une problématique majeure, impactant aussi bien la qualité de vie que les activités journalières. Si historiquement les stratégies de prise en charge de la douleur se sont structurées autour des 3 paliers de l’OMS, les recommandations internationales les plus récentes évoquent, pour les douleurs modérées, la possibilité d’utiliser de faibles doses de morphine en lieu et place du tramadol ou de la codéine (1).
Mais jusqu’à aujourd’hui, les études permettant de conclure à une meilleure efficacité ou une meilleure tolérance de la morphine à faible dose au long cours manquaient.
Un article publié en mai 2018 dans la revue « Supportive Care in Cancer » s’est penché sur cette question au travers d’une étude rétrospective menée sur 27 semaines auprès de 353 patients, comparant :
- 132 patients sous faibles doses de morphine avec une posologie initiale de 30 mg/j ;
- 221 patients sous tramadol avec une posologie initiale de 200 à 400 mg/j.
L’instauration du traitement était suivie d’une phase de titration jusqu’à obtention d’un soulagement de la douleur satisfaisant et cliniquement significatif, correspondant à une baisse de l’intensité de la douleur = 30 %. Les patients sous morphine faible dose ont atteint une posologie moyenne de 47 mg/j contre 310 mg/j pour ceux sous tramadol.
Durant les 27 semaines de suivi, les auteurs ont mesuré l’impact de différents facteurs (dont l’âge, le niveau d’éducation, les modalités de prise en charge, etc.).
Les patients les plus susceptibles d’être soulagés de leur douleur étaient ceux :
- recevant de la morphine à faible dose versus ceux recevant du tramadol,
- en situation palliative versus ceux suivis en phase de thérapie antitumorale,
- présentant des douleurs nociceptives versus ceux ayant des douleurs neuropathiques,
- habitant près de l’hôpital.
Les auteurs ont également évalué la proportion de patients présentant un soulagement significatif de leurs douleurs à 9, 18 et 27 semaines, selon s’ils recevaient un traitement par morphine faible dose ou tramadol.
Quelle que soit la période, la proportion de patients soulagés de leurs douleurs était significativement plus élevée avec la morphine.
Comparativement au tramadol, les changements de traitement ont aussi été moins fréquents chez les patients sous faibles doses de morphine : ils ne concernaient que 46,2 % contre 81,9 % des patients sous tramadol.
Sur le plan des effets indésirables, l’incidence était la même entre les 2 groupes de patients, excepté pour la constipation, plus fréquente sous tramadol (46,2 % contre 34,1 % des patients sous morphine à faible dose).
Des résultats similaires avaient déjà été publiés en 2016 par l’équipe de Bandieri (2).
Sur les 240 patients inclus dans cette étude multicentrique, ceux ayant reçu un traitement par morphine à faible posologie ont présenté un soulagement de la douleur plus soutenu, plus précoce (dès les 7 premiers jours de l’étude) en comparaison à ceux traités par codéine ou tramadol.
De la même manière, le soulagement de la douleur était obtenu sans pour autant engendrer davantage d’effets indésirables. Cependant, ces patients n’ont été suivis que sur une période de 28 jours.
La nouvelle étude publiée en 2018 semble confirmer qu’en cas de douleurs cancéreuses modérées, l’utilisation de morphine à faible posologie serait préférable à celle des opioïdes faibles, notamment par rapport au tramadol.
Et pour la première fois, cette étude met également en exergue que les bénéfices de cette stratégie antalgique sont observables sur plusieurs semaines.
Bibliographie
- (1) Caraceni A, Hanks G, Kaasa S, et al, European Palliative Care Research Collaborative (EPCRC), European Association for Palliative Care (EAPC) (2012) Use of opioid analgesics in the treatment of cancer pain: evidence-based recommendations from the EAPC. Lancet Oncol 13:e58–e68
- (2) Bandieri E, RomeroM, Ripamonti CI, Artioli F, Sichetti D, Fanizza C, Santini D, Cavanna L, Melotti B, Conte PF, Roila F, Cascinu S, Bruera E, Tognoni G, Luppi M, the Early Strong Opioid Treatment Study Investigators (2016). Randomized trial of low-dose morphine compared with weak opioids in moderate cancer pain. J Clin Oncol 34(5):436–442