En préambule, les auteurs de cette recherche rappellent que la mise en place des traitements de substitution par la méthadone à Taiwan est récente (2006).
En effet, c’est par le biais de la propagation du VIH (cas incidents en 2005 : 2 381) chez les usagers de drogues injecteurs que la méthadone ainsi que d’autres programmes de réduction des risques (programmes d’échange de seringues et d’aiguilles…) ont pu être mis en place dans ce pays, comme dans de nombreux autres pays comme la France.
Les résultats de cette étude constituent donc une base de connaissances importante dans l’évaluation des besoins des usagers et dans le développement des programmes de réduction des risques (dont fait partie la méthadone) à Taiwan.
L’équipe du Dr Huang a donc mené une étude de cohorte prospective pendant plus d’un an, sur 4 357 détenus présentant des antécédents d’injection d’opiacés et tous libérés de prison au même moment. Le nombre de décès dans cette cohorte a pu être identifié par couplage des dossiers entre le Death Certification Registry System National, une base de données gérée par le département de santé de Taiwan contenant des informations sur tous les décès signalés, le National MMT qui répertorie tous les usagers sous traitement par la méthadone (enregistrements, fréquentations quotidiennes dans les cliniques et hôpitaux…), et le ministère de la justice qui a fourni les renseignements personnels (sexe, âge, etc…) et les dates d’éventuelles réincarcérations des participants.
Au total, 142 décès ont pu être répertoriés. Les chercheurs ont pu observer un pic de décès au cours de la 1ère semaine après la libération (MR = 13,7/100 personne par année (Pyrs) bien plus élevé que celui observé au cours des 4 semaines suivantes, (MR = 3,2/100 Pyrs, RR = 4,3, p <0,001).
Sur les 13 participants décédés au cours de cette 1ère semaine, 7 l’étaient par suite d’une overdose. Sur 4 357 anciens détenus, 1 982 (46%) se sont inscrits à un MMT, mais, 1 282 d’entre eux ont abandonné le traitement à un moment ou à un autre. Le taux de mortalité des sujets ayant continué leur traitement par la méthadone était beaucoup plus faible (MR = 0,24/100 Pyrs) que celui des anciens détenus ne s’étant jamais inscrit en MMT (MR = 2,6/100 Pyrs) ou de ceux qui avaient abandonné leur traitement (MR = 7,0/100 Pyrs).
Cette étude conclut donc qu’une participation régulière à un traitement par la méthadone après une incarcération chez des usagers injecteurs de drogues, est associée à la fois à un taux de mortalité plus faible mais aussi à une baisse de la réincarcération (3,4%) comparativement à ceux ayant interrompu le traitement par méthadone (61%) ou ne l’ayant jamais initié (40%) (p<0,0001).
Ces résultats confirment les effets bénéfiques de la mise en place d’un accès à la méthadone à Taiwan, s’inscrivant dans un programme global de réduction des risques. C’est la raison pour laquelle les auteurs encouragent son développement et sa généralisation à l’ensemble du pays.
Estimation statistique de l’espérance de vie des participants en MMT vs non-participants en MMT (méthode de Kaplan-Meier).

Commentaire du Dr Laurent MICHEL pour le Comité de Rédaction
Cette étude intéressante rappelle avec pertinence les bénéfices de la substitution aux opiacés pour les usagers de drogues mais aussi les périodes critiques que représentent la sortie de prison et également la sortie du traitement chez ceux ne souhaitant pas le pérenniser.
On peut s’interroger dans ce contexte sur l’importante proportion d’usagers quittant le programme méthadone dans cette étude. Des informations complémentaires sur le cadre accompagnant la délivrance de méthadone dans ces programmes taïwanais (posologies, type de cadre….) fourniraient certainement des éléments utiles de compréhension.
Enfin, cette étude met en évidence de manière spectaculaire une chose : la méthadone doit être autant que possible initiée pendant l’incarcération et non pas après. Ceci aurait certainement permis d’éviter de nombreux décès par overdose à la libération de ces détenus.