Selon un article publié en avril 2018 dans la revue Addiction, la Buprénorphine Haut Dosage (BHD) pourrait être plus sûre que la méthadone, en particulier lors des premiers mois de traitement. Cette étude, réalisée conjointement par des chercheurs de l’Université de Bristol, du King’s collège de Londres, de l’Université de Manchester et du Bristol Drugs Project, pourrait avoir [ndlr : au Royaume-Uni] un impact important sur les recommandations de prescription en médecine générale.
Référence : The impact of buprenorphine and methadone on mortality: a primary care cohort study in the United Kingdom
Matthew Hickman, Colin Steer, Kate Tilling, Aaron G Lim, John Marsden, Tim Millar, John Strang, Maggie Telfer, Peter Vickerman, John Macleod
Addiction. 2018 Aug;113(8):1461-1476.
L’étude, financée par le National Institute for Health Research (NIHR), a permis l’analyse de données de mortalité recueillies en médecine générale sur près de 11 000 patients en traitement de substitution opiacée. Le risque relatif de mortalité a été évalué pour les deux médicaments de substitution (méthadone et buprénorphine), en comparaison à l’absence de traitement, sur 3 périodes différentes :
- Lors des 4 premières semaines suivant l’instauration du traitement ;
- Durant le traitement ;
- Dans les 4 premières semaines suivant l’arrêt du traitement.
Environ 1/3 patients recevaient de la BHD, et 2/3 de la méthadone. Comme montré dans de précédentes études, le risque de mortalité est augmenté au début du traitement, et immédiatement après son arrêt, rappelant l’importance d’un suivi au long cours pour sauver des vies.
Cette nouvelle étude montre aussi que les patients sous BHD ont un risque de décès par overdose considérablement plus faible par rapport à ceux sous méthadone :
- 4 fois plus faible dans les 4 premières semaines de traitement (0,3% comparé à 1,24%)
- 2 fois plus faible durant le reste du traitement (0.18% comparé à 0.33%).
Ces résultats persistaient après ajustement sur les différences entre patients et entre pratiques de prescription.
Les patients sous BHD avaient également un risque plus faible de mortalité, toutes causes confondues, pendant le traitement et immédiatement après son arrêt – ce qui pourrait s’expliquer par le fait que les patients plus âgés ou ayant d’autres complications physiques ou psychologiques répondraient mieux au traitement par BHD. L’étude a également montré que les durées de traitement étaient plus courtes avec la BHD qu’avec la méthadone.
Les bénéfices devenant de plus en plus marqué au fur et à mesure que le traitement se prolonge, il est indispensable de prendre en considération le taux de rétention dans le choix du traitement.
En parallèle, les auteurs se sont prêtés à un exercice de modélisation pour mesurer l’impact de la durée de traitement au niveau de la population. Ils en ont conclu, que la buprénorphine à elle seule ne semble pas réduire de façon globale le risque de mortalité par overdose car les durées de traitement semblent plus courtes.
Le Pr. John Macleod, coauteur principal pour le Centre for Academic Primary Care à l’université de Bristol précise : « Bien que ces données semblent compliqués, les taux de mortalités plus faibles sous BHD étant compensés au niveau de la population par des durées de traitement plus courtes, nos résultats montrent que la BHD pourrait être une alternative plus sûre. Du fait de cette durée de traitement plus courte, la meilleure approche serait de proposer dans un premier temps de la BHD en laissant la possibilité au patient dans un second temps de passer à la méthadone. »
« Au niveau international, il n’y a pas de consensus sur le traitement à privilégier. Au Royaume-Uni, la British Association for Psychopharmacology recommande actuellement la méthadone en première intention s’il n’y a pas de contre-indication. Nous sommes convaincus que les futures recommandations professionnelles devraient intégrer nos données ».
Le Pr Matthey Hickman, de l’unité de protection de la santé et des sciences sanitaires de la population au NIHR à l’université de Bristol, rappelle : « que malgré le nombre important de patients en traitement, la mortalité par overdose continue d’augmenter. Notre étude apporte des preuves en matière de dispensation de traitement qui pourraient sauver des vies. Nous avons besoin d’études au Royaume Uni sur la manière dont nous articulons les différents traitements de substitution en parallèle des interventions sur le changement de comportement. Cela permettrait de retenir les personnes suffisamment longtemps en traitement pour réduire le nombre de décès dû aux drogues dans la population ».
Il est nécessaire de replacer le contexte de cette étude. Celle-ci a eu lieu au Royaume-Uni, où la méthadone est le médicament de première intention depuis des décennies. Les médecins généralistes sont peu impliqués et les usagers sont orientés vers des structures spécialisées dans lesquelles la méthadone est historiquement le principal MSO. Le nombre d’overdoses opiacées est de 4 000 par an (presque 10 fois plus qu’en France) et, selon les échanges que nous avons eu avec des correspondants anglais, l’accès aux MSO n’y est pas très facile, avec une posologie moyenne de méthadone aux environs de 50 mg/jour…
Cette étude a par contre le mérite de poser clairement la question de la durée de traitement de substitution qui, elle-même, peut avoir un impact sur la mortalité. Donc, la question de l’arrêt du traitement, qui reste par ailleurs toujours très présente dans l’esprit des professionnels qui accompagnent les patients, mérite d’être abordé avec sérieux. La surmortalité dans les semaines qui suivent l’arrêt des opioïdes a été établie depuis de nombreuses années.
Référence : John Strang, Jim McCambridge, David Best, Tracy Beswick, Jenny Bearn, Sian Rees, Michael Gossop, Loss of tolerance and overdose mortality after inpatient opiate detoxification: follow up study, from bmj.com on 29 April 2005
Le responsable de cette surmortalité est clairement évoqué dans le titre de l’étude : « la perte de tolérance » qui rend les patients particulièrement vulnérables au risque d’overdose en cas de reconsommation.