Dépassant avec la même conviction les débats incessants sur l’efficacité du baclofène, comme nous l’avons fait dans un article précédent (« La guerre du baclofène n’aura pas lieu… ») et ignorant l’intrusion dans le débat de trop nombreux médias non scientifiques qui tour à tour se positionnent comme pro ou anti-baclofène (parfois les mêmes à quelques semaines d’intervalle), nous livrons ici une nouvelle série de réflexions provenant de la clinique quotidienne et procédant du bon sens !
Qui peut bénéficier du baclofène ?
La réponse à cette première question nous parait assez évidente. En premier lieu (mais pas seulement bien sûr), ceux qui en ont fait clairement la demande, quelle qu’en soit sa construction et son origine (« j’ai lu le livre d’Olivier Ameisen », « je me suis renseigné via les réseaux sociaux »,…). Une publication récente d’un travail mené par une équipe française (encart 1) établit clairement que cette molécule a la capacité à susciter la demande, sinon l’enthousiasme, de patients qui pour la plupart s’adressent à nous pour une primo-demande de soins avec, chevillée au corps, la croyance que c’est LA solution pour eux. Des patients qui jusqu’alors ne s’estimaient pas éligibles à une prise en soins et qui placent désormais un espoir dans cette option thérapeutique. Que leur dire ? : « Non, nous ne savons pas vraiment si ce traitement est efficace… », « Les études en double aveugle contre placebo ne sont pas assez concluantes pour que je vous le prescrive… », « Revenez quand j’en saurai un peu plus… », « Je veux bien vous prescrire un médicament, mais pas celui-là… ». « Il n’y a pas encore d’AMM… »…
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ENCART 1
Simioni N, Preda C, Deken V, Bence C, Cottencin O, Rolland B. : Characteristics of Patients with Alcohol Dependence Seeking Baclofen Treatment in France: A Two¬ Centre Comparative Cohort Study. Alcohol Alcohol. 2016 ; 51 : 664¬669
Voici le résumé de cet article, tel qu’il a été publié sur le site du JIM. Il est signé Claire Lewandoski.
Baclofène, ce sont surtout les patients qui choisissent.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a autorisé depuis mars 2014, l’utilisation du baclofène chez les patients alcoolo-dépendants en échec des traitements disponibles, par le biais d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). Le but de cette étude française, menée par l’équipe du CHU de Lille, est de définir le profil des patients qui recherchent un traitement par baclofène en France pour traiter leur alcoolo-dépendance. Une comparaison rétrospective entre les patients demandeurs de baclofène et les patients non demandeurs, a été menée dans une cohorte de sujets suivis en ambulatoire et souffrant d’une dépendance à l’alcool. Tous ont assisté à un premier entretien pour leur traitement dans deux centres d’addictologie entre septembre 2012 et mars 2014. Les données concernant les caractéristiques sociodémographiques, les comorbidités psychiatriques, les dépendances, et l’alcoolo-dépendance ont été recueillies, ainsi que l’objectif initial de consommation et l’observance du traitement à 6 et 12 mois.
Parmi les 289 patients, 107 sont demandeurs de baclofène et 182 ne le sont pas. Les seuls paramètres associés à la demande de baclofène dans les analyses multivariées sont la consommation élevée d’alcool (ß = 15,4, intervalle de confiance, IC, à 95 % [0,18¬30,65], p = 0,05), l’objectif initial d’une consommation contrôlée (odds ratio OR = 14,9;IC à 95 % [7,7¬29], p < 0,0001), et l’orientation par le patient lui-¬même (OR = 6,6, IC 95 % [3,7¬12], P < 0,0001). Les demandeurs de baclofène ont huit fois plus de chance d’être auto-¬référés et naïfs de tout traitement (OR = 8,8 ;IC 95 % [4,1¬18,9], P < 0,0001).
De plus ils sont plus susceptibles de prendre leur traitement à 6 mois (OR = 3,5, IC 95 % [1,8¬6,7], p < 0,0001) et à un an (OR = 1,9, IC 95 % [1,1¬3,2], p = 0,019).
En France, la perspective d’une consommation contrôlée d’alcool par le baclofène semble attirer davantage de consultations spontanées que les autres options thérapeutiques, y compris pour les patients dont l’alcoolo-dépendance n’a jamais été prise en charge. Ces résultats soulèvent la question de savoir si les futures stratégies de santé publique sur l’alcool devraient favoriser de façon plus importante certains aspects du traitement de l’alcool, comme la préférence du patient et les options de traitement.
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Nous pensons que la seule raison de ne pas prescrire le baclofène à un patient en difficulté avec l’alcool, et qui de surcroit en fait la demande, est une contre-indication stricte connue et reconnue. Cela fait des décennies que nous contemplons avec une certaine forme de résignation le fossé abyssal entre le nombre de patients avec des troubles liés à l’usage d’alcool et le nombre de patients pris effectivement en charge dans le système de soins (médecine générale et spécialisée).
Il parait donc urgent de réfléchir à comment accompagner au mieux un patient qui fait la demande d’un traitement par baclofène en éliminant radicalement la question « comment lui dire non ? », ce qui pourrait avoir comme conséquence de le renvoyer rejoindre le groupe de ceux qui continueront à subir leur relation problématique avec l’alcool et à surseoir une prise en soins.
Nous pensons que la seule raison de ne pas prescrire le baclofène à un patient en difficulté avec l’alcool, et qui de surcroit en fait la demande, est une contre-indication stricte connue et reconnue. Cela fait des décennies que nous contemplons avec une certaine forme de résignation le fossé abyssal entre le nombre de patients avec des troubles liés à l’usage d’alcool et le nombre de patients pris effectivement en charge dans le système de soins (médecine générale et spécialisée).
Il parait donc urgent de réfléchir à comment accompagner au mieux un patient qui fait la demande d’un traitement par baclofène en éliminant radicalement la question « comment lui dire non ? », ce qui pourrait avoir comme conséquence de le renvoyer rejoindre le groupe de ceux qui continueront à subir leur relation problématique avec l’alcool et à surseoir une prise en soins.
Bien sûr, nous ne croyons pas à la pilule miracle qu’ont essayé de nous faire avaler certains journalistes soucieux de faire le buzz avec fortes promesses, non pas électorales, mais pharmacologiques. Nous savons que certains patients ne répondront pas au traitement et au suivi médical ou médico-psychosocial (selon les cas) ! Un tiers, la moitié, deux tiers…Dans le pire des cas, cela semble au moins aussi bien, voire mieux, que ce dont on dispose et que nous mettons en œuvre aujourd’hui. Si le traitement avec le baclofène aide le patient à améliorer sa relation avec l’alcool, c’est tant mieux ! S’il ne lui est d’aucune aide, alors c’est peut-être un de ces patients non répondeurs au traitement lui-même, ou insuffisamment prêt, ou encore un patient qui n’aura pas bénéficié d’un traitement optimal, à la fois en termes de prescription elle-même ou de prise en charge des comorbidités psychosociales, s’il en avait besoin. Il sera temps alors de lui proposer une autre option ou d’autres approches.
Ce qui nous conduit à évoquer la prescription elle-même et le risque de non-réponse au traitement, non pas par « manque de motivation du patient » (ce qui est toujours très pratique à invoquer) mais liée à l’inadéquation du traitement au besoin du patient. C’est, comme pour les traitements de substitution opiacée, le besoin du patient et surtout pas la croyance du clinicien (ou son manque de connaissances) qui doit conditionner l’adaptation de la posologie.
Bien sûr, d’autres patients, non demandeurs de baclofène, peuvent bénéficier de ce traitement. En fin d’article, nous évoquerons quelques-uns des cas de figure où nous proposons cette modalité de traitement.
Comment prescrire le baclofène ?
De nombreux protocoles sont disponibles et facilement accessibles mais nous nous attacherons ici à des principes de base, applicables par ailleurs à d’autres traitements comme les morphiniques forts pour la douleur sévère ou encore les traitements de substitution opiacée qui nous paraissent relever de la même logique clinique et pharmacologique.
Commencer bas, augmenter doucement !
Démarrer un traitement à 60 mg de baclofène par jour n’a aucun sens, comme c’est le cas pour un traitement antalgique à 60 mg de morphine ou un TSO à 60 mg de méthadone (il s’agit en fait de la posologie moyenne dans l’indication neurologique et celle qui a été testée dans les premières études). Le risque, dans les 3 cas, est de provoquer des effets secondaires ayant pour conséquence de disqualifier le traitement aux yeux du patient. C’est une possibilité d’abandon du traitement, du soin et une perte de chance pour lui, non de son fait mais d’une qualité de prescription indigente. De surcroit, les patients avec des troubles liés à l’usage d’alcool ne présentent pas (dans la majorité des cas) une urgence absolue de réduction à très court terme de leurs consommations ni d’abstinence immédiate et absolue. En effet, contrairement à un traitement de la douleur avec des opioides forts, où l’impératif de soulagement rapide s’impose, un traitement par baclofène ne nécessite pas de trouver la ‘bonne’ posologie en quelques jours.
Donc, rien ne presse et le recul dont on dispose incite à démarrer à une posologie maximale de 10 à 20 mg par jour. Ensuite, avec l’entière coopération du patient, celle-ci devra être augmentée très progressivement en évaluant en permanence les effets secondaires, dont l’apparition, nous le savons maintenant, peut nécessiter des pauses dans l’augmentation progressive de la posologie, voire un pas en arrière, avant de reprendre la ‘titration’.
Comme exemple, on peut donner ici le protocole proposé dans la 2ème version de la RTU :
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ENCART 2
De 15 à 30 mg/j
- Posologie initiale : 15 mg/j
- Augmentation de 5 mg tous les 2 à 3 jours
A partir de 30 mg/j
- Augmentation de 10 mg tous les 3 jours jusqu’à apparition de l’effet du baclofène
Posologie journalière maximale : 300 mg/j
- Réévaluation régulière de l’efficacité et de la tolérance, afin de déterminer la posologie la plus faible permettant d’obtenir une réponse optimale et une bonne tolérance.
- En cas d’effet indésirable, progression posologique ralentie (plateau d’une semaine).
Arrêt du traitement : arrêt progressif : 1 à 4 semaines, par paliers de 10 à 15 mg tous les 2 jours par exemple.
Discussion du comité (CSST : Comité Scientifique Spécialisé Temporaire) :
- Le comité souligne qu’il s’agit d’un schéma donné à titre indicatif qui peut être adapté à chaque patient. La notion de « progressivité » est importante étant donné le risque de survenue d’effets indésirables en cas d’augmentation (ou de diminution) trop brutale de la posologie.
- La question de la titration dans le cadre de la conduite automobile a également été abordée. Actuellement la conduite automobile est contre-indiquée durant la phase de titration. La phase de titration pouvant s’étendre sur plusieurs mois, il est proposé de distinguer la « phase d’instauration » et la « phase de titration ». Une prise en fin de journée peut limiter la survenue d’assoupissements brutaux au volant. Finalement, le sur-risque de somnolence est accru pendant l’instauration du traitement, mais il peut se poursuivre au-delà. Il conviendrait donc d’appeler à la vigilance. La contre-indication à la conduite pourrait être appliquée pendant la phase d’instauration du traitement, la prudence serait préconisée pour la suite du traitement.
- Le libellé nécessite de préciser clairement qu’en cas d’apparition d’effet indésirable le ralentissement de la progression posologique doit être envisagé soit par un plateau soit par un retour à une posologie inférieure.
- Il est souligné que l’arrêt du traitement ne doit pas être brutal, qu’elle qu’en soit sa raison.
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Quel rythme de prise ?
« 1 fois par jour », « matin, midi et soir », « 1 heure ou deux avant les moments où le craving est le plus présent »… En fait, là-aussi, cela mérite d’être systématiquement adapté à chaque patient ! A lui, avec son médecin, de trouver la combinaison gagnante (doses et moments de prise). Le médecin doit au minimum savoir que le pic plasmatique se situe 1h30 à 2h00 après la prise et que la demi-vie est de 5 heures.
Sans prétendre qu’il s’agit de haute-couture, il est évident que ce n’est pas du prêt-à-porter. Nous dirons qu’il s’agit bel et bien de « sur-mesure ». Les traitements qui démarrent à dose fixe (60 mg par exemple) ont de grandes chances d’échouer mais, dans ce cas, ce n’est pas la faute du médicaments mais bien de la qualité de la prescription.
C’est un peu ce qui arrive avec les traitements par méthadone à dose fixe. Le taux d’échec imputé alors au patient est la responsabilité de la qualité de la prise en soins et de la prescription. Cela n’empêche pas certains médecins de continuer à prescrire des médicaments de substitution à dose fixe, tout en se posant la question de leur efficacité. Donc ce n’est pas la peine de reproduire cette erreur !
Quelle posologie ?
Le baclofène est un agoniste (des récepteurs GABAB) comme la morphine et la méthadone (qui sont des agonistes des récepteurs mu). Contrairement aux antagonistes (comme le nalméfène ou la naltrexone, antagonistes des récepteurs aux opioides), son activité thérapeutique est directement corrélée avec la dose prescrite et la quantité de baclofène qui ira activer les récepteurs GABAB.
La quantité nécessaire et la réponse thérapeutique dépendra très probablement du niveau de tolérance à l’alcool des patients. Celui-ci peut être lui-même lié aux quantités consommées, à l’âge de début de consommation et à la durée d’exposition comme pour la plupart des substances psychoactives et addictives.
Par ailleurs, comme pour beaucoup de médicaments, il peut y avoir des variations interindividuelles entre la dose de baclofène ingérée et les concentrations sanguines et sur les récepteurs. La persistance d’une consommation d’alcool, plus ou moins importante, pourrait, elle-aussi, avoir un impact sur l’adaptation de la posologie.
Tout ceci étant dit, on comprend que toutes les études ayant utilisé le baclofène à doses fixes (30 ou 60 mg par exemple) ou avec une recherche de posologie cible (150 à 180 mg par exemple) n’ont finalement que peu d’intérêt pour orienter nos pratiques. Ces posologies prédéterminées peuvent convenir à certains, mais ce n’est pas optimal pour aider le plus grand nombre. Pour rester dans la métaphore ‘couturière’, c’est un peu comme si on habillait un groupe de personnes prise au hasard avec une taille L. Cela conviendra à une partie d’entre elles mais les plus petits et les plus grands seront mal fagotés…
A l’instar des traitements par la méthadone ou la morphine, la posologie doit donc s’inscrire dans une fourchette la plus large possible. Celle-ci doit être adaptée au strict besoin des patients, à leurs attentes, à la balance bénéfice-risques et à l’atteinte de leurs objectifs individuels. Elle ne doit surtout pas être influencée par la conviction du prescripteur ou à son manque de connaissances cliniques ou pharmacologiques. C’est le patient qui doit rester aux commandes de l’adaptation de la posologie !
Enfin, l’utilisation de termes comme « bas-dosage » ou « hauts-dosage » qu’on lit encore trop souvent dans les titres des publications doit être bannie. Elle jette la confusion (« où est la limite entre haut et bas ? ») et ne correspond pas aux connaissances que nous avons acquises avec le baclofène et, plus globalement, en addictologie. Nous avons mis des années à bannir le terme « haut-dosage » pour les traitements de substitution, aidés en cela par des médecins suisses (notamment Jean-Jacques Deglon). Espérons que cela ira plus vite avec le baclofène.
Quel est l’objectif thérapeutique ?
Le concept nouveau d’indifférence qu’Olivier Ameisen a décrit pour la première fois à partir de son auto-observation a fait couler beaucoup d’encre. Il a été décrit à nouveau par d’autres patients qui, à des posologies très variables, ont rapporté ce sentiment de pouvoir choisir de boire ou ne pas boire et de reprendre ainsi le contrôle de leur consommation, avec ou non un désir d’abstinence. Y a-t-il un lien avec la baisse du craving qui a été notée comme significative dans les deux études françaises présentées à Berlin (Bacloville et Alpadir) ou s’agit-il d’autre chose ?
Toujours est-il que l’émergence de ce concept a brouillé les cartes puisque les deux objectifs thérapeutiques, bien établis et souvent à tort opposés l’un à l’autre, sont la réduction de la consommation ou l’abstinence. S’agit-il d’une troisième voie ou d’une donnée clinique superposable à la disparition du craving ? Si c’est une troisième voie, alors elle n’a pas été évaluée dans les études Alpadir et Bacloville, puisque celles-ci se sont attachées à mesurer soit le maintien de l’abstinence après sevrage, soit la réduction de la consommation. Si la disparition du craving à une posologie individualisée est synonyme d’indifférence, aucune des 2 études n’a été réellement configurée pour mesurer l’apparition de cette indifférence, la posologie à laquelle elle survient et auprès de quel pourcentage de patients !
Tout cela étant dit, nous devons être pragmatiques (plus que les études en double aveugle contre placebo, dont l’objet est surtout d’obtenir une AMM, moins de nous aiguiller sur les pratiques cliniques à adopter).
En pratique, les patients viennent nous voir
- (a) en quête d’abstinence,
- (b) de réduction de leur consommation ou
- (C) pour parvenir à l’indifférence ou pour tout autre objectif moins catégorique.
On sait aussi que les objectifs peuvent changer en cours de route, une fois, plusieurs fois… A nous de les accompagner au mieux sur ce chemin parfois direct, souvent tortueux. Une re-consommation (qui n’est pas encore une rechute) alors que le projet était l’abstinence ne doit pas démobiliser le patient, ni le médecin. Si la consommation est réduite significativement mais qu’elle n’est pas encore en-dessous des fameux seuils de l’OMS qui ne sont que des valeurs arbitraires (remises en cause récemment par l’Inca, encart 3), c’est que la prise en soins n’est pas optimale ou que ce n’est pas le bon moment. Et, si l’indifférence n’est pas atteinte mais que la consommation d’alcool est significativement réduite, c’est un résultat sur lequel on peut capitaliser dans le cadre d’un suivi à long terme.
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ENCART 3
Recommandations sur les conseils à délivrer au grand public en termes de consommation d’alcool
Santé publique France et l’Institut national du cancer (INCa) – mai 2017
Les risques liés à la consommation d’alcool pour la santé au cours de la vie augmentent avec la quantité consommée ;
- à long terme, la consommation d’alcool est une cause de morbidité et de mortalité pour certaines maladies chroniques comme la cirrhose, certains cancers comme ceux des voies aérodigestives, du foie et du sein et certaines maladies cardiovasculaires, comme l’hypertension artérielle (HTA) et l’accident vasculaire cérébral (AVC) ;
- à court terme, la consommation d’alcool est responsable de traumatismes intentionnels et non intentionnels, notamment des accidents pouvant causer des blessures (et la mort dans certains cas), la mauvaise évaluation des situations à risque et la perte du contrôle de soi. C’est en particulier vrai en cas de consommation ponctuelle importante.
Si vous consommez de l’alcool, il est recommandé pour limiter les risques pour votre santé au cours de votre vie :
- de ne pas consommer plus de 10 verres standard par semaine et pas plus de 2 verres standard par jour ;
- d’avoir des jours dans la semaine sans consommation.
Et pour chaque occasion de consommation, il est recommandé :
- de réduire la quantité totale d’alcool que vous buvez ;
- de boire lentement, en mangeant et en alternant avec de l’eau ;
- d’éviter les lieux et les activités à risque ;
- de s’assurer que vous avez des gens que vous connaissez près de vous et que vous pouvez rentrer chez vous en toute sécurité.
Pour les femmes qui envisagent une grossesse, qui sont enceintes ou qui allaitent : pour limiter les risques pour votre santé et celle de votre enfant, l’option la plus sûre est de ne pas consommer d’alcool.
Pour les jeunes et les adolescents : pour limiter les risques pour votre santé, l’option la plus sûre est de ne pas consommer d’alcool.
D’une façon générale, l’option la plus sûre est de ne pas consommer d’alcool en cas :
- de conduite automobile ;
- de manipulation d’outils ou de machines (bricolage, etc.) ;
- de pratique de sports à risque ;
- de consommation de certains médicaments ;
- de l’existence de certaines pathologies.
Il faut noter qu’on autorise une alcoolémie à 0,5g/l ou à 0,2 g/l pour les détenteurs d’un permis de moins de deux ans, alors qu’il existe un sur-risque entre 0 et 0,5g/l.
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Et rappelons-le, il y aura des non-répondeurs ! Non-répondeurs au baclofène, ou non-répondeurs pour le moment ?
Quels sont les patients qui peuvent bénéficier d’un traitement par baclofène, en dehors de ceux qui nous en font la demande expresse ?
Nous décrivons ici quelques situations cliniques où la prescription de baclofène nous parait judicieuse :
- Patients sous MSO (méthadone ou Subutex®) avec une co-addiction à l’alcool. Dans des cas précis de patients que nous suivons, nous avons noté une nette efficacité pour des patients pour lesquels des doses de 60 à 90 mg ont montré un réel impact sur la consommation d’alcool. Bien sûr, dans ces cas, il est important d’être vigilant sur le risque de dépression respiratoire, le baclofène potentialisant l’effet dépresseur respiratoire des opiacés.
- D’une façon générale, pour des patients avec des consommations de substances illicites, parmi lesquelles peuvent se trouver des opiacés, même occasionnelles (ex : speedball pour des usagers de cocaïne…). Les antagonistes opiacés (nalméfène, naltrexone) étant contre-indiqués dans ce cas, c’est une bonne indication pour le baclofène.
- On peut y ajouter les patients traités pour des douleurs modérées à sévères avec des opioides analgésiques (tramadol, codéine, morphine, fentanyl..). Pour eux également, la prescription de nalméfène ou de naltrexone est contre-indiquée. Celle du baclofène est possible.
- Des patients avec des troubles anxieux associés à l’addiction à l’alcool. De nombreux patients, au premier rang desquels Olivier Ameisen lui-même, ont décrit une amélioration de leurs troubles anxieux, avant même de ressentir une baisse de leur craving pour l’alcool.
- Patients en échec avec un premier traitement par nalméfène ou toute autre pharmacothérapie, désirant essayer un autre traitement. Comme il est possible qu’il y ait des patients qui ne répondent pas au baclofène mais répondront à d’autres traitements, l’inverse l’est également.
Pour conclure
Nous dirons qu’il n’y a pas d’indications fermées à l’utilisation du baclofène. Le passage de la RTU version 1 à la RTU version 2 a d’ailleurs confirmé la non-pertinence d’un cadre trop strict et contre-productif de seconde intention. La contre-indication en cas de co-addiction aux opiacés a été elle-aussi supprimée à bon escient.
Ce sont bien les demandeurs de baclofène qui se sont présentés les premiers dans nos consultations. Par leur détermination, ils ont ouvert la voie aux cliniciens, aux Autorités de Santé, mais aussi à la firme qui déposera un dossier d’AMM. Ils seront encore nombreux à venir à nous, notamment quand le médicament aura une AMM et qu’il se présentera avec une gamme de dosage plus adaptée. C’est dans cet esprit que nous avons fait un focus sur eux dans la première partie de l’article. Mais bien sûr, nous aurons aussi à le proposer à des patients pour lesquels nous pensons qu’il est adapté ou mérite d’être tenté.
La population de patients sous MSO, en particulier, mérite qu’on s’y intéresse. C’est une population déjà suivie en médecine générale ou en milieu spécialisé, contrairement à ceux qui ne consultent pas pour un problème d’addiction (les quelques millions de français ayant un problème avec l’alcool et pour lesquels on se demande bien comment les faire venir au soin…). Il y a 150 000 patients sous MSO en France, vus régulièrement par un médecin et parfois une équipe soignante. On évalue généralement à près de 40% la prévalence des troubles liés à l’usage d’alcool dans cette population. C’est donc près de 60 000 patients qui sont déjà dans ‘nos murs’ et qui doivent être sensibilisés aux dommages causés par leurs consommations d’alcool, même si celles-ci leurs paraissent moins ‘graves’ que les consommations d’opiacés illicites qu’ils ont, en partie ou totalement, arrêtées. Ils ont l’expérience d’un traitement pour une addiction, celle aux opiacés, sur laquelle ils peuvent capitaliser. Pour ceux qui ont l’hépatite C, réduire la consommation est un objectif intéressant pour la santé de leur foie.
Nous n’avons pas insisté, dans cet article, sur la nécessité d’accompagner le traitement pharmacologique d’un suivi médico-psychosocial, adapté aux besoins des patients, car nous l’avions fait dans le précédent. Mais bien sûr TCC, soutien social, familial, prise en charge des comorbidités psychiatriques et somatiques et toute autre thérapie validée, proposée et acceptée/demandée par les patients doivent être mises en œuvre à bon escient. Si certains s’en « sortent » uniquement avec le traitement, ils ne peuvent être un modèle pour tous. Tous nos patients n’ont pas la même capacité à s’affranchir de leur relation pathologique avec l’alcool en lisant un livre et en prenant du baclofène. Un grand nombre d’entre eux, notamment parmi les plus en difficulté, nécessitent une prise en soins adaptée qui tienne compte de la dimension plurifactorielle de l’addiction, à l’alcool comme aux autres substances psychoactives.
Et, si le traitement pharmacologique est demandé, proposé, accepté, il doit être prescrit avec les mêmes standards de qualité qu’on appliquerait à tout autre traitement. Dans le domaine des addictions, peut-être plus qu’ailleurs, un traitement mal prescrit, baclofène ou autre, se verra disqualifié par le patient, son entourage, voire le médecin lui-même. Le risque d’éloigner du soin un patient et de le décourager pour une longue période est trop grand pour être pris. La difficulté à remotiver un patient à prendre en charge son addiction après un échec ou une rechute est une des difficultés majeures auxquelles nous sommes confrontés dans notre pratique clinique.
Co-auteurs : Dr Philippe Masson (Pont-à-Mousson, 54), Pr Christophe Lançon (Marseille, 13), Dr Richard Lopez (Saint-Denis, 93), Dr Didier Bry (Avignon, 84), Dr Thierry Jamain (Nancy ,54), Éric Doudet (Tours, 37), Dr Christophe Cutarella (Marseille, 13), Dr Jean-Jacques Pik (Beauvais, 60), Dr Patrick Vogt (Mulhouse, 68), Dr Anny Zorn (Strasbourg, 67), Dr Benjamin Rolland (Amiens, 80), Dr Pascal Hamm (Strasbourg, 67), Grégoire Caracotch (Besançon, 25), Dr Béatrice Cherrih-Pavec (Charleville-Mézières, 08), Dr Jean Lévy (Charleville-Mézières, 08), Dr Roseline Chavagneux (Arles, 13), Dr André Glibert (Tarbes, 65), Dr Véronique Vosgien (Lille, 59), Dr Pierre Polomeni (Sevran, 93), Dr Sylvie Fauvelot (Provins, 77), Dr Frédérick Fry (Meulan, 78), Stéphane Robinet (Paris, 75)