Peginterferon alfa-2a does not alter the pharmacokinetics of methadone in patients with chronic hepatitis C undergoing methadone maintenance therapy. Sulkowski M, Wright T, Rossi S, Arora S, Lamb M, Wang K, Gries JM, Yalamanchili S. Clinical Pharmacology &Therapeutics 2005 ; 77(33) : 214
Cette étude pharmacocinétique évalue l’effet du traitement de l’hépatite chronique C par peginterféron alfa-2a sur la pharmacocinétique de la méthadone chez des patients usagers de drogues par injection (UDI), recevant un traitement de substitution par méthadone.
La pharmacocinétique et la pharmacodynamique du peginterféron alfa-2a ont aussi été étudiées chez ces patients. Le métabolisme stéréospécifique de la méthadone est médié par l’intermédiaire d’isoenzymes CYP qui sont aussi impliqués dans l’activité de l’interféron alfa, à la base du traitement de l’hépatite C. Chez la souris, par exemple, la méthadone possède une propriété anti-interféron.
Au cours de cette étude, divers dosages ont été effectués dans le sérum des patients : méthadone, peginterféron alfa-2a, ARN-VHC et activité de la 2’,5’-oligoadénylate synthétase (2’,5’-OAS : indicateur de l’activité interféron) ; puis plusieurs paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques ont été calculés selon des méthodes et des modèles bien précis.
Dans cette étude, 24 patients sous méthadone (aucune posologique spécifique sélectionnée) et recevant une injection sous-cutanée de 180 µg de peginterféron alfa-2a par semaine, pendant 4 semaines, ont été inclus. Les valeurs des paramètres pharmacocinétiques mesurés (Cmax, tmax, AUC : aire sous la courbe, clairance totale apparente, volume apparent de distribution) ont été comparées à des valeurs de base avant administration de l’un ou l’autre des traitements. Une augmentation de 10-15% de l’exposition à la méthadone a été notée. Aucun patient n’a eu de symptômes ou signes cliniques de surdosage en méthadone.
Sur le plan pharmacodynamique, l’activité de la 2’,5’-OAS est restée inchangée. Le taux d’ARNVHC des patients traités par méthadone et peginterféron alfa-2a a évolué comme celui de patients traités uniquement pour une hépatite chronique C. Parmi les 24 patients, la moitié a répondu après 4 semaines de traitement par peginterféron alfa-2a (ARN-VHC indétectable ou diminué de plus de 2-log10). La méthadone n’a donc entraîné aucune altération de l’effet pharmacodynamique du peginterféron alfa-2a. Les effets secondaires observés ont été pour une grande partie, les mêmes que ceux causés par un traitement classique à base d’interféron ou de peginterféron.
Cette étude a néanmoins quelques limites puisqu’elle a été menée avec une monothérapie sur 4 semaines seulement. Par ailleurs, il resterait également à évaluer l’effet de la ribavirine sur les paramètres pharmacocinétiques de la méthadone puisque le traitement de référence de l’hépatite chronique C est l’association peginterféron alfa-2a et ribavirine.
En conclusion, le peginterféron alfa-2a n’induit pas de modification significative de la pharmacocinétique de la méthadone. Ainsi, un traitement par méthadone chez un UD ne doit pas être un frein au traitement par peginterféron-alfa2a et les posologies de l’un ou l’autre des traitements n’ont pas besoin d’être réajustées.
The effect of multiple doses of Peginterferon alfa-2b on the steady pharmacokinetocs of methadone in patients with chronic hepatitis C undergoing Methadone Maintenance Therapy. Samir K. Gupta et al., Journal of Clinical Pharmacology, March 2007.
Cette étude ouverte multicentrique étudie les effets de doses répétées d’interferon pegylé sur les concentrations plasmatiques de méthadone auprès de 20 adultes infectés par le virus de l’hépatite C et suivant un Traitement de Substitution Opiacée par la méthadone.
Les 20 sujets ont reçu des doses d’interféron alfa-2b pegylé de 1,5 µg/kg par semaine pendant 4 semaines en continuant leur traitement par la méthadone dans les conditions habituelles.
Des échantillons sanguins ont été prélevés juste avant la première prise d’interféron et après la quatrième prise. Les taux sanguins de méthadone ont augmenté de 15 % en moyenne, qu’il s’agisse de R-méthadone ou de S-méthadone (ndlr : la quasi-totalité des présentations de méthadone dans le monde est une formulation dite racémique, contenant 50% des deux énantiomères).
Cette augmentation modeste ne présente aucun risque et n’a pas d’incidence clinique significative.
Effects of Pegylated Interferon alpha-2b on the pharmacokinetics and pharmacodynamic properties of methadone : A prospective, non randomized, crossover study in patients coinfected with hepatitis C and HIV receiving Methadone Maintenance Treatment. Steven I. Berk et al., Clinical Therapeutics/Volume 29, n° 1, 2007.
Cette étude réalisée sur un échantillon de 9 patients, présente des résultats similaires à celle de Gupta et al. (ci-dessus) en terme d’impact d’un traitement interferon pegylé sur les concentrations plasmatiques de méthadone. La posologie moyenne des patients est de 104 mg/jour de méthadone, et à la différence des patients de Gupta et AL, ils sont co-infectés VIH-VHC (leur taux de CD4 est compris entre 200 et 1170). Il y a une hausse globale de 16,5 % des taux sériques de méthadone liés à la prise d’interferon pegylé (AUC) sans que cette hausse ne soit significative.
Les échelles de mesure d’un syndrome de sevrage opiacé (SWOS et OOWS) ainsi que le BDI (Beck Depression Inventory) relevées aux différents temps de l’étude (baseline, 7, 14 et 21 jours), ne subissent pas de variations significatives.
Les auteurs concluent, malgré la taille réduite de la population étudiée, qu’il n’y a pas de variation significative des taux sanguins de méthadone liée à la prise d’interféron pegylé, et qu’un ajustement de la posologie de méthadone ne paraît pas utile.
L’effet d’un traitement interferon pegylé à long terme (24 ou 48 semaines) sur les paramètres pharmacocinétiques de la méthadone nécessiterait d’être évalué, selon les auteurs.
Commentaire de la rédaction
Les 3 études qui viennent d’être analysées confirment ce que les cliniciens observent : il n’y a pas d’interactions pharmaco-cinétiques suffisantes entre la bi-thérapie de l’hépatite C et la méthadone qui pourraient s’exprimer par l’apparition de signes cliniques pouvant déstabiliser le patient. Ces études révèlent une majoration de 15 % des taux plasmatiques de méthadone.
Si dans ces études, des modifications de posologie n’ont pas paru utiles, cela n’exclut pas que pour certains patients, une variation de la posologie, à la baisse ou la hausse, puisse être nécessaire, comme dans toute autre situation nouvelle pour un usager de drogues recevant un traitement de substitution opiacée, par méthadone, comme par buprénorphine.