Dans une lettre ouverte au prochain président de la République, des associations de patients et des professionnels de santé rappellent l’urgence de nouvelles mesures concrètes dans une tribune publiée dans Le Monde daté de mardi 1er novembre. En effet, les Prs Didier Bouhassira, président de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) et Serge Perrot, président du Collège des enseignants de la douleur, ainsi que Martine Chauvin, présidente de l’Association francophone pour vaincre les douleurs (AFVD) et Carole Robert, présidente de Fibromyalgie France, « invit[ent] le futur président de la République à mettre en place, dès le début de son mandat, des mesures concrètes ».
Les auteurs introduisent leur appel ainsi :
« Fardeau personnel pour le patient, la douleur est un phénomène de société, tant par le nombre de personnes concernées que par l’importance des défis qu’elle soulève. La lutte contre la douleur est d’abord un défi démographique car près de 20 % de la population souffrirait de douleur chronique sévère à modérée (la douleur chronique correspond à des douleurs persistantes impliquant une détérioration significative des capacités du patient). C’est aussi un défi médical, notamment pour les patients atteints de cancer ou de maladies chroniques, fréquemment exposés à des douleurs sévères. C’est un défi économique et social car la douleur chronique induit une forte consommation de soins ainsi qu’un important ¬absentéisme professionnel. C’est enfin un défi moral car la douleur est aussi souffrance, c’est-à-dire psychique, sociale, et existentielle : près d’un patient douloureux sur trois estime que la ¬douleur est parfois tellement forte qu’il ressent l’envie de mourir. »
L’objectif est de « répondre à un certain nombre de besoins ».
Les auteurs de la tribune en détaillent huit :
- (1) consolider le rôle des structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur chronique en développant leur accessibilité sur tout le territoire et en renforçant l’articulation de leurs missions avec les professionnels de santé de ville
- (2) mieux prévenir les douleurs chroniques et leurs impacts en proposant un dépistage et une prise en charge précoces des facteurs de chronicisation, ainsi que des plans de prévention au travail
- (3) sensibiliser les professionnels de la santé aux douleurs chroniques post-opératoires afin qu’ils soient en mesure de détecter les patients susceptibles de les développer et de les accompagner sur la durée
- (4) renforcer la formation des professionnels de santé à la prise en charge de la douleur et de la souffrance, en mettant l’accent sur la nécessaire coordination des soins
- (5) garantir la prise en charge de la douleur lorsque le patient est hospitalisé à domicile
- (6) associer plus étroitement les patients et leurs représentants à l’évaluation des nouvelles thérapies de lutte contre la douleur et la souffrance et favoriser l’accès d’un arsenal thérapeutique diversifié, permettant de répondre au plus près du besoin du patient
- (7) améliorer le soulagement de la douleur aiguë lors de l’arrivée des patients aux urgences
- (8) développer des outils d’évaluation de la douleur pour les patients qui rencontrent des difficultés de communication (nourrissons, personnes souffrant de troubles psychiatriques, handicapés…).
« Ambition éthique et humaniste, lutter contre la douleur constitue un des socles de la médecine et du soin », estiment les auteurs de la tribune. Ils rappellent que « la France a longtemps été pionnière dans l’amélioration de la prise en charge de la douleur », avec la loi du 4 mars 2002 qui a inscrit le soulagement de la douleur comme un droit fondamental du patient et la structuration progressive d’une politique de lutte contre la douleur autour de trois plans nationaux successifs sur 1998-2000, 2002-05 et 2006-10, « permettant aujourd’hui le suivi de près de 300.000 patients douloureux ».
En 2012, conformément à l’avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) de et dans la continuité des plans précédents, « les pouvoirs publics se sont engagés à mettre en place un ‘programme d’action contre la douleur' ». « Maintes fois, ce programme d’action n’a finalement jamais vu le jour », regrettent les signataires.
Les médecins et les patients appellent le prochain président de la République car il reste « tant de chemin […] encore à parcourir! »
« Plus de 60% des patients admis aux urgences ont une douleur modérée à sévère et moins d’un sur deux reçoit un traitement antalgique à l’admission. Près de 20% des patients opérés gardent des séquelles douloureuses après une opération chirurgicale. »
« Les douleurs aiguës, trop souvent peu ou mal prises en charge, font le lit de la douleur chronique… laquelle devrait enfin être reconnue comme une maladie à part entière ! », poursuivent les signataires.
Mais actuellement, « sur les six années d’études médicales générales, moins de 20 heures de cours sont officiellement consacrées à la problématique de la douleur », pointent-ils.