En fin de vie, les douleurs sont principalement provoquées par des soins d’hygiène et de confort, réalisés sans analgésie
Les douleurs iatrogènes chez les patients en fin de vie sont principalement provoquées par des soins d’hygiène et de confort, réalisés sans analgésie spécifique, selon les résultats préliminaires d’une enquête présentés lors du colloque annuel du Centre national de ressources de lutte contre la douleur (CNRD), à Paris en octobre 2015. Les personnes susceptibles de relever de soins palliatifs sont de plus en plus nombreuses. Soumises à des douleurs liées à la maladie elle-même, elles ont encore à subir des douleurs provoquées par les soins qu’on leur dispense et ces douleurs supplémentaires diminuent la qualité de vie et augmentent l’anxiété, la fatigue, la dépression, pouvant conduire jusqu’au refus des soins, rappellent le Dr Frédéric Maillard de l’hôpital Armand-Trousseau à Paris (AP-HP), responsable du CNRD, et ses collègues dans sa communication.
« Indissociable des gestes les plus courants, la douleur provoquée par les soins est méconnue des professionnels, parfois considérée comme normale, inévitable, alors qu’au contraire, correctement identifiée, elle peut être prévenue, traitée ou évitée », soulignent-ils. Dans cette étude, le CNRD a souhaité faire un état des lieux des procédures potentiellement douloureuses pour les patients nécessitant des soins palliatifs ciblés, selon un score PPS (performance palliative scale) inférieur ou égal à 60%, au sein de plusieurs services des hôpitaux Saint-Antoine et Tenon à Paris (AP-HP), de structures d’hospitalisation à domicile (HAD) en Ile-de-France et d’un établissement de soins palliatifs, la Maison médicale Jeanne-Garnier à Paris. Les résultats préliminaires présentés sont issus uniquement de l’enquête menée un jour donné, sur 24 heures, au sein de cet établissement de soins palliatifs, qui comporte 81 lits d’hospitalisation. L’enquête a été menée auprès de 59 patients âgés de 72 ans en médiane, de 32 à 102 ans. La majorité avait un cancer. Les autres maladies étaient neurologiques, cardiaques et pulmonaires. Ils étaient 84,7% à recevoir un traitement de fond antalgique, principalement de palier 3 (morphinique), 54,2% avaient un traitement anxiolytique (32 patients dont 16 à dose élevée à visée prioritairement sédative) et 23,7% un traitement pour douleur neuropathique. Au total, 603 gestes ont été réalisés chez ces patients, essentiellement des aides-soignantes et/ou des infirmières, et dans 81,4% des cas, sans analgésie spécifique. Près des trois quarts de l’ensemble des gestes (73,6%) étaient des soins d’hygiène et de confort et parmi les autres figuraient notamment des ponctions/effractions (9%), des actes de kinésithérapie (4,8%), des sondes et aspirations (3,3%) et des pansements (2,7%). Parmi les 112 gestes réalisés avec une analgésie spécifique, il s’agissait aussi principalement de soins d’hygiène et de confort (87,5%).
Dans cette cohorte, plus des deux tiers des patients (67,8%) étaient capables d’autoévaluer leur douleur, ce qui a été toutefois fait pour seulement un peu plus de la moitié des gestes (52,4%). Le soignant a évalué lui-même la douleur sur échelle numérique dans la majorité des cas (88,6%) et sur l’échelle Algoplus (en cas de troubles de la communication verbale) dans 90%. Les auteurs notent l’intérêt de cette échelle chez les patients en soins palliatifs même si elle n’a pas été validée dans ce contexte mais dans les douleurs aiguës.
Cette enquête montre qu’en 24 heures, une dizaine de gestes est réalisée par patient. Il s’agit principalement de soins d’hygiène et de confort, souvent rassemblés au moment de la toilette. « Il est parfois difficile pour le soignant de les distinguer les uns des autres au plan de la douleur provoquée et donc d’envisager la nécessité d’une analgésie spécifique », commentent les auteurs. Ce peut être un déshabillage ou un repositionnement.
Concernant la fréquence élevée des gestes réalisés sans analgésie spécifique, les auteurs se demandent si, pour les soignants, ces gestes sont considérés comme peu douloureux ou si les patients sont considérés comme suffisamment couverts par un traitement antalgique de fond. Ils relèvent en particulier que 112 gestes étaient douloureux chez 17 patients recevant pourtant à la fois un traitement de fond de palier 3 et une analgésie spécifique. « Les soins d’hygiène et de confort sont fréquents et, malgré leur appellation, peuvent être pourvoyeurs de douleurs importantes chez des malades en fin de vie avec un PPS bas. Ces douleurs peuvent être dépistées par l’échelle Algoplus, compris en cas de sédation associée », concluent les auteurs.