Depuis la conférence de consensus de 1997 et les recommandations formalisées d’expert de 2008, il était nécessaire de compléter ou modifier les questions précédemment abordées. Le point de vue du Pr Frédéric Aubrun, service d’anesthésie-réanimation-douleur, Hospices Civils de Lyon (Lu dans le Quotidien du Médecin)
Il y a près de 25 ans, un audit externe réalisé à l’Assistance Publique de Paris avait souligné les insuffisances de la prise en charge de la douleur postopératoire (DPO) dans les 24 premières heures (1).
Entre 1997 et 2007, les recommandations successives de la SFAR et les actions ministérielles, celles des Comités de Lutte contre la Douleur (CLUD) et des groupes hospitaliers se sont traduites par des résultats « globalement rassurants » (2). Le développement de la pharmacogénétique, la réduction des douleurs chroniques et liées aux soins, la réduction des événements indésirables des médicaments ou des techniques d’analgésie et le développement des techniques d’analgésie loco-régionales et des infiltrations ont marqué la décennie suivante (2).
En 2016, les recommandations formalisées d’experts (3) ont permis de compléter ou modifier les recommandations déjà existantes (34). La méthode de travail utilisée pour l’élaboration des recommandations, particulièrement rigoureuse, a été la méthodologie GRADE (pour Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation), qui permet de passer du niveau de preuve à l’action de manière transparente. La consultation des experts a été réalisée conformément à la méthode Delphi, des vagues successives de questionnement sur un sujet précis permettant de mettre en évidence les convergences et consensus. Pour émettre une recommandation, au moins 50 % des participants doivent avoir une opinion et moins de 20 % doivent préférer la proposition contraire. Pour une recommandation forte, au moins 70 % des experts doivent être d’accord.
Les questions retenues dans cette actualisation portent sur l’évaluation de la douleur postopératoire chez l’adulte et l’enfant, les méthodes permettant de monitorer l’analgésie au bloc opératoire et en post-opératoire immédiat, les thérapeutiques médicamenteuses par voie systémiques et orales, et l’anesthésie locale et loco-régionale postopératoire.
Des recommandations claires…
En période préopératoire, il est recommandé d’identifier les patients les plus vulnérables à la douleur (à risque de développer une douleur postopératoire sévère et/ou une douleur chronique post-chirurgicale), en recherchant la présence d’une douleur préopératoire y compris en dehors du site opératoire, la consommation d’opiacés au long cours, des facteurs chirurgicaux et psychiques tels que l’anxiété ou la dépression.
Concernant les thérapeutiques médicamenteuses par voie systémiques et orales, en l’absence de contre-indication, il est recommandé d’associer à la morphine un AINS non sélectif ou un inhibiteur sélectif des cyclo-oxygénases de type 2. La morphine reste l’opiacé fort de référence en postopératoire, la voie orale devant être privilégiée dès que possible.
La lidocaïne est probablement recommandée chez les patients adultes opérés d’une chirurgie majeure qui ne bénéficient pas d’une analgésie péri-nerveuse ou péridurale. Les corticoïdes, fréquemment utilisés lors d’une anesthésie générale, sont probablement recommandés pour leur effet sur la douleur postopératoire. L’administration de faible dose de kétamine, l’agent anti-hyperalgésique de première intention, est utile en cas de risque de douleur aiguë intense ou chez les patients vulnérables (en particulier les patients sous opioïdes au long cours ou en cas de toxicomanie aux opiacés).
Enfin, La littérature récente confirme l’intérêt d’un cathéter périnerveux en cas de risque de douleur postopératoire modérée à sévère en particulier dans la chirurgie prothétique de l’épaule et du genou. L’apport de ces cathéters périnerveux sur la chronicisation de la douleur n’est en revanche pas démontré. Il est recommandé de rester en deçà des doses maximales toxiques d’anesthésiques locaux. Une infiltration analgésique intra-articulaire est associée à un risque toxique des anesthésiques locaux sur le cartilage.
Références
- (1) Poisson-Salomon AS, et coll. Audit of the management of postoperative pain. Presse Med 1996; 25: 1013-7.
- (2) Aubrun F. Les nouveaux enjeux de l’analgésie postopératoire. Dossiers du mois SFETD 2017; 18: 1-6.
- (3) Aubrun F, et coll. Réactualisation de la recommandation sur la douleur postopératoire. Anesth Reanim 2016; 2(6): 421-30. Ajouter les recommandations de 2008 (Anna Fr Anesth réanim) et 2016 (anesthésie et réanimation)
- (4) SFAR Committees on Pain and Local Regional Anaesthesia and on Standards. Expert panel guidelines (2008). Postoperative pain management in adults and children. SFAR Committees on Pain and Local Regional Anaesthesia and on Standards. Ann Fr Anesth Reanim 2009; 28(4): 403-9.