Selon une étude récente publiée dans le Journal of the American Board of Family Medicine, l’item « Quand j’ai de la douleur, c’est terrible et je pense que ça ne s’améliorera jamais » permettrait en cas de douleur chronique d’identifier les patients les plus à risque de mésusage de leur traitement opioïde.
Quels sont les éléments qui définissent le catastrophisme ?
Le catastrophisme est un comportement qui se rencontre fréquemment en douleur chronique. Il se définit par des patients qui se focalisent sur les aspects aversifs et négatifs de leur expérience douloureuse. De ce fait, la pensée catastrophique va affecter la façon dont les individus expérimentent la douleur, entrainant de nombreux désagréments : accroissement de la douleur, de la détresse émotionnelle ou encore des prises médicamenteuses.
Le catastrophisme peut donc être décrit comme une attitude exagérément négative, qui se construit lors de l’expérience douloureuse, ou en appréhension d’une douleur future.
Face aux effets destructeurs du catastrophisme, plusieurs équipes ont travaillé sur l’élaboration d’outils pouvant mesurer ce phénomène. L’objectif étant de pouvoir les utiliser en pratique clinique.
Le Pain Catastrophisme Scale (PCS) et ses évolutions : des outils pour évaluer le catastrophisme.
L’outil de mesure du catastrophisme actuellement considéré comme étant le « gold standard » est le ‘Pain Catastrophisme Scale’ (PCS) [1].
Il est composé de 13 items portant sur les traits de personnalités présents chez les personnes qui catastrophisent :
- La rumination à propos de leurs douleurs (« je ne fais que penser à quel point ça fait mal »),
- L’amplification (« je me demande si quelque chose de grave va se produire »),
- Le sentiment d’impuissance à gérer la douleur (« il n’y a rien que je puisse faire pour réduire l’intensité de la douleur ») [1, 2].
La particularité du PCS est que la personne n’a pas besoin de ressentir de la douleur au moment d’y répondre.
Cependant, ce score, en raison de ses questions trop nombreuses, est parfois jugé trop lourd pour une utilisation en pratique courante.
Deux autres versions du PCS, simplifiées en 3 ou 5 items, ont également été développées, focalisant plus particulièrement sur la rumination. Elles avaient toutefois pour inconvénients, d’occulter une partie des éléments liés au catastrophisme.
De même, certains items portaient sur deux aspects différents, qu’il aurait été préférable de dissocier.
Par exemple : « c’est terrible et je pense que ça n’ira jamais mieux » donnerait en réalité « c’est terrible » (intensité de la douleur) et « ça n’ira jamais mieux » (pessimisme).
Plus récemment, l’équipe américaine du Dr Van Dyke (Université d’Alabama) a pu développer un nouvel outil appelé CCM-SF (Formulaire abrégé de mesure du composant catastrophisme), plus complet et dissociant les différentes questions.
Ainsi, le catastrophisme, un symptôme potentiellement dévastateur chez les patients souffrant de douleurs chroniques, fait l’objet de nombreuses recherches. Et selon les résultats de l’une d’entre elles, il pourrait aussi jouer un rôle dans le risque de mésusage des opioïdes.
Une étude du Journal of the American Board of Family Medicine
Une étude publiée en 2017 dans le Journal of the American Board of Family Medicine a cherché à répondre à cette interrogation [3].
En introduction de leur article, les auteurs rappellent qu’aux Etats-Unis, les patients douloureux chroniques sont souvent traités avec des opioïdes en première intention. Mais ces médicaments présentent un potentiel de mésusage, et la mise à disposition d’outil d’évaluation rapide de ce risque pourrait être particulièrement utile.
Le catastrophisme a été identifié comme un facteur potentiellement pertinent et sur lequel il serait possible d’agir : il impacte le devenir des douleurs chroniques et est prédictif du risque de mésusage.
L’objectif de l’étude, réalisée auprès de 119 patients douloureux chroniques, était d’évaluer le lien entre catastrophisme et risque de mésusage.
Chaque patient complétait différents questionnaires :
- La question sur le catastrophisme issue du CSQ (Coping Strategy Questionnaire) « Quand j’ai de la douleur, c’est terrible et je pense que ça ne s’améliorera jamais » ;
- Le PCS en 13 questions ;
- Le SOAPP-R, outil en 24 questions permettant de mesurer le risque d’abus aux opioïdes.
Les résultats ont permis de montrer que l’item unique du CSQ, bien que légèrement moins précise que le PCS, présentait une bonne capacité à distinguer les patients à risque élevé de mésusage par rapport aux patients à risque faible.
Quand j’ai de la douleur, c’est terrible et je pense que ça ne s’améliorera jamais
La question « Quand j’ai de la douleur, c’est terrible et je pense que ça ne s’améliorera jamais » pourrait donc s’avérer utile pour prédire le risque de mésusage des opioïdes dans la douleur chronique. Son intérêt est de permettre aux médecins généralistes d’obtenir rapidement des informations sur le catastrophisme, un facteur de risque potentiellement modifiable. Cette étude est une première étape dans la confirmation que la mesure d’un seul item du catastrophisme permet d’identifier rapidement les patients à risque de mésusage d’opioïdes et de limiter ainsi ce risque.
Pour conclure, la mesure de l’item catastrophisme est un atout pour l’analyse rapide du risque de mésusage des opioïdes dans des contextes de temps limités, telle que la médecine de ville.
Référence
- (1) L’échelle des pensées catastrophiques. Sullivan et al. Université de Monréal.1995, 2001, 2004.
- (2) The pain catastrophizing scale : developpement and validation. Sullivan, M.J.L., Bishop, S.R., Pivik, J ; (1995)
- (3) Predicting Risk for Opioid Misuse in Chronic Pain with a Single-item Measure of Catastrophic Thinking. Julie Lutz et al. J Am Board Fam Med. 2017;30(6):828-831.