Introduction
Les TSO (Traitements de Substitution Opiacée), et notamment par la méthadone, ont largement fait la preuve de leur efficacité en matière de réduction de la mortalité par overdose. De nombreuses études, dans tous les pays où la méthadone est utilisée, ont démontré une baisse de la mortalité par un facteur de 4 à 7 auprès des héroïnomanes traités par rapport aux usagers ne recevant pas de TSO (1, 2, 3). Les taux de mortalité annuelle, overdoses comprises, enregistrés dans de nombreuses études, descendent en dessous de 1 % lorsqu’il s’agit de patients sous méthadone {1}, alors qu’ils peuvent dépasser les 3 % pour les héroïnomanes non traités, selon les contextes et les époques.
Dans les suivis de cohorte, les patients qui décèdent d’une overdose sont rares parmi ceux qui restent sous traitement alors qu’ils sont plus nombreux parmi ceux qui ne l’ont jamais eu (4) ou qui l’arrêtent (5, 6). Au regard de la littérature scientifique ou de ses propres constats cliniques, plus personne aujourd’hui ne peut nier l’impact de la méthadone sur la mortalité des héroïnomanes, y compris par overdose.
Il en est de même en France depuis l’accès élargi aux traitements de substitution opiacée (méthadone et buprénorphine). Les experts réunis sous l’égide de l’ANAES pour la Conférence de Consensus sur les TSO ont estimé qu’en 8 ans (1996-2003), près de 3 500 vies ont été sauvées. Pour autant, ces bénéfices ne doivent pas faire oublier le risque que courent certains usagers, voire non usagers de drogues, de décès par overdose.
Si l’accroissement très sensible du nombre de patients traités par la méthadone, qui a presque triplé en 8 ans (Graph. 2), ne s’est pas accompagné d’une augmentation du nombre de décès recensés dans le dispositif DRAMES (voir graph. 1), l’attention des prescripteurs et des usagers doit rester maximale pour éviter tout risque d’overdose. En effet, certains éléments, comme la présence croissante de méthadone sur le marché parallèle, peuvent faire craindre une augmentation des risques qui pourraient compromettre, ou tout au moins, faire rediscuter les bénéfices des TSO en terme de mortalité.

Ce taux chute considérablement si l’on ne retient que ceux qui suivent le traitement en continu, grâce à la diminution du risque d’OD.
Cette présence croissante de méthadone sur le marché parallèle est relevée par certains indicateurs, incluant les saisies policières. Si, pour l’instant, elle ne s’est pas traduite par une surmortalité constatée, on peut se poser la question d’un risque accru dans les années à venir. Il faut noter également que l’augmentation du nombre de patients recevant un traitement par la méthadone est, pour une grande part, la conséquence d’un développement des pratiques de relais en ville. Sur la base du même constat (nombre de décès/nombre de patients traités), on peut donc, sans prendre trop de risques, infirmer l’idée que le développement des TSO par la méthadone en ville pourrait être responsable d’une surmortalité.
Il faut probablement plutôt regarder du côté des caractéristiques médico-psycho-sociales et psychiatriques des patients traités et des usagers en marge des protocoles de soins, que du lieu de prescription des traitements.
Si le risque d’overdose opiacée est quasiment nul pour des patients suivant leur traitement à dose quotidienne fixe, y compris à des posologies élevées auxquelles ils sont habitués, on peut noter quelques situations à risque d’overdose dans lesquelles cette fois, les risques sont importants.
1. Les usagers naïfs ou peu dépendants aux opiacés
La dose létale pour ces usagers est de 1 mg/kg par prise, alors que cette dose correspond à une posologie habituelle pour un bon nombre de patients actuellement suivis dans le cadre de protocoles de soins.
Cet usage survient fréquemment dans un cadre festif, ou à titre de défonce, par des usagers de substances psycho-actives qui veulent tester les effets de la méthadone, et qui sous-estiment largement ses effets létaux.
La poly-consommation, très fréquemment relevée dans les études ou rapports de pharmacovigilance, avec association de benzodiazépines ou d’alcool majore grandement ce risque. Dans ces cas, la méthadone provient souvent du marché parallèle ou elle est fournie par un proche sous traitement, très peu prudent.
Ce sont souvent ces cas qui sont relatés dans les colonnes « faits divers » de la presse locale, voire nationale, avec, au pire, inculpation pour homicide pour celui qui a fourni les produits ou, au mieux, inculpation pour incitation à l’usage ou trafic de stupéfiants.
Si la méthadone est, dans ces cas, responsable de l’overdose (avec un risque de décès), elle l’est tout autant que les substances psychoactives avec effet dépresseur respiratoire qui lui sont associées. Mais plus encore que l’une ou l’ autre substance, c’est le contexte de l’usage qui est responsable de l’overdose, ainsi que le ‘fournisseur’ (moralement et pénalement).
2. Overdoses délibérées chez des consommateurs habituels
Overdoses délibérées chez des consommateurs habituels, y compris des patients participant à un protocole de soins. Celles-ci peuvent être liées à des comorbidités psychiatriques, avec une notion claire (ou ambivalente) de tentative de suicide. Une étude récente (7) a confirmé les résultats d’autres publications, puisqu’elle retrouvait plus de 40 % d’overdoses délibérées auprès de survivants d’overdoses. Dans ces cas, la poly-consommation est également très fréquente (près de 4 substances psycho-actives en moyenne dans l’étude précédemment citée), et la méthadone n’est qu’un des facteurs causaux, par sa présence au milieu d’autres substances sur le lieu de l’overdose.
Il peut s’agir également d’une consommation en une seule fois de plusieurs jours de traitement.
C’est évidemment la tentative d’overdose délibérée elle-même et les ressorts de cette tentative qui sont responsables du décès (s’il y a lieu). La méthadone, comme chacune des autres substances, n’en est ici qu’un instrument.
3. Accidents domestiques
Et notamment absorption accidentelle par un enfant. A cet égard, il y a eu une modification des flacons unidose de sirop de méthadone. Depuis novembre 2005, les flacons sont équipés de bouchons sécurisés, suite à une décision prise en « Commission Nationale des Psychotropes et Stupéfiants ». Il semblerait que cette mesure ait eu un impact favorable sur les intoxications chez l’enfant, en même temps probablement qu’une prise de conscience par les usagers eux-mêmes et les professionnels de santé qui les accompagnent et qui ont renforcé leurs messages de prévention.
Les gélules de méthadone qui seront commercialisées en début d’année 2008 bénéficie, elles-aussi, d’un conditionnement ‘child proof’, qui devrait limiter le risque d’ingestion accidentelle et d’intoxication chez les enfants.
Face à ces trois situations à hauts risques, accidents domestiques, overdoses délibérées et usagers naïfs ou peu dépendants, il n’y a pas de solutions simples.
Sécurité des traitements
L’accès élargi et facilité aux TSO, condition nécessaire à l’obtention des résultats attendus en terme de santé publique et individuelle (mortalité, infections virales, réinsertion socioprofessionnelle…), doit également s’accompagner de mesures allant dans le sens de la sécurité des traitements :
- Les délivrances fractionnées, pour des périodes courtes, en font partie, notamment pour les patients chez lesquels on redoute, un risque de mésusage. Des situations sociales et financières difficiles par exemple, au cours desquelles la possession de nombreux flacons de méthadone entraîne un risque d’approvisionnement du marché parallèle. La délivrance de 14 jours de traitement ne peut être une règle pour tous, sauf à considérer que tous les usagers de drogues pharmaco-dépendants aux opiacés sont systématiquement aptes à l’auto-gestion de substances opiacées ! La question du service que l’on rend à l’usager et à son entourage en lui délivrant plusieurs jours de traitement doit se poser.
- Le retour des flacons vides vers le pharmacien d’officine ou le CSST est, pour certains, une mesure limitant les risques de dispersion sur le marché noir. Cette attitude doit être tempérée par la notion suivante : elle peut avoir comme conséquence un e-conditionnement avec une perte d’information sur la quantité qui fait l’objet du re-conditionnement et par conséquent, une prise quantitativement aléatoire.
- La prise en charge des comorbidités psychiatriques et sociales, qui peuvent être en partie responsable des overdoses délibérées évoquées ci-avant. Le traitement des causes pouvant conduire à un passage à l’acte doit être une des priorités.
- Les messages de prévention et d’alerte sur les risques potentiels de décès par overdose dans les cas décrits ci-avant doivent être sans cesse martelés, jusqu’à ce que chacun prenne conscience de la dangerosité de la méthadone, pour lui-même et pour ceux qui l’entourent, notamment quand elle est prise en dehors d’un cadre médical.
On peut ajouter à ces situations à risques d’overdose, deux cas de figure, bien documentés dans la littérature scientifique et dont la prise en compte paraît de ce fait plus facile à mettre en oeuvre. Ces situations à risque ont ceci en commun qu’elles concernent directement la pratique des TSO par les médecins, même si celle-ci peut être influencée par les patients eux-mêmes.
4. Re-consommation (rechute) après une période d’abstinence
Re-consommation (rechute) après une période d’abstinence plus ou moins longue, par exemple, à la sortie de prison, ou encore suite à l’arrêt d’un TSO.
Dans ce cas, l’overdose est la conséquence de la perte de tolérance induite par la période d’abstinence. De nombreuses études, dont celles de Strang (6), rappellent que le risque d’overdose pour des patients, dont le traitement de substitution opiacée est interrompu, est plus élevé dans les semaines qui suivent que pour des héroïnomanes non traités. Ce constat doit faire poser la question de la durée du traitement, et donc du moment où l’on envisage son arrêt. Tout arrêt prématuré, non envisagé avec un maximum de garanties quant au risque de rechute, doit être discuté avec le patient, même s’il en est le demandeur.
Tout au moins, le patient doit être clairement averti du risque qu’il court, après une période de sevrage, en reprenant une dose d’opiacé (méthadone incluse) habituelle pour lui. Des conduites addictives toujours présentes, des comorbidités psychiatriques non traitées ou des problèmes psycho-sociaux graves sont des facteurs de risque de re-consommation, de rechute, et de décès par perte de tolérance.
En cela la rechute dans le cadre de la pharmacodépendance aux opiacés est à appréhender différemment de celle à d’autres substances, car il ne s’agit plus ici de décrire avec poésie la ‘trajectoire’ du toxicomane, pour lequel la rechute peut signifier la fin définitive du trajet !
5. La mise en place du traitement
La mortalité est 100 fois supérieure pendant la phase d’initiation comparée à la période entière de traitement suivant les deux premières semaines (8) et 7 fois supérieure comparée à la mortalité des héroïnomanes non traités si l’on en croit l’étude de Caplehorn en Australie. Cette surmortalité des deux premières semaines de traitement n’a pas été retrouvée à un tel niveau dans l’étude de Buster (9), qui attribue ce résultat à une attitude plus prudente en matière de mise en place du traitement par la méthadone. ‘Commencer bas’ (20 à 40 mg maximum) et ‘augmenter doucement’ (par palier de 5 à 10 mg tous les 4 à 5 jours) pour éviter le risque d’OD, chez des patients dont on a du mal, par définition, à évaluer le niveau de tolérance.
Qu’il s’agisse de consommateurs d’héroïne (dont la pureté et la fréquence de prise est difficile à évaluer), de buprénorphine (pour laquelle il n’y a pas de table d’équivalence opiacée utilisable en clinique) ou de méthadone ‘hors cadre’, le risque d’un niveau de tolérance faible ne doit jamais être écarté. Concernant les consommateurs de méthadone, le fait qu’un usager déclare avoir déjà pris 60 mg de méthadone sans problèmes (!), ne signifie pas qu’il puisse bénéficier d’un traitement à une posologie quotidienne de méthadone de 60 mg. Les conséquences pharmaco-cinétiques d’une prise isolée de 60 mg de méthadone ou de 3 jours à 60 mg de méthadone ne sont pas les mêmes en matière de pic plasmatique et de risque d’overdose (graph. 3). Toutes les recommandations et guidelines diffusées dans le pays où elles ont été produites et où l’impact des TSO sur la mortalité des patients a été évaluée concluent à une seule et même attitude : Commencer bas et augmenter doucement.

Conclusion
Si nul ne remet en cause aujourd’hui les bénéfices des TSO par la méthadone, notamment en matière de morbi-mortalité, il n’en reste pas moins que tous les acteurs du soin et les usagers eux-mêmes, doivent se mobiliser pour limiter les risques de décès par overdose. Ceux-ci surviennent le plus souvent dans des contextes de poly-consommations et/ou d’accidents (plus ou moins provoqués) liés à une inadéquation entre le niveau de tolérance du consommateur et la quantité absorbée.
En raison de son statut ‘stupéfiant’ et de la difficulté à en obtenir par le biais de multiprescriptions, la méthadone utilisée hors cadre médical provient le plus souvent de patients qui cèdent une partie de leur traitement. C’est donc dans cette voie qu’il faut oeuvrer.
Si l’augmentation importante, constatée ces dernières années, du nombre de patients recevant un traitement par la méthadone (de 10 000 en 2000 à près de 30 000 aujourd’hui) n’a heureusement pas entraîné un nombre de décès par overdose en proportion, elle a peut-être, a contrario, laissé penser à une certaine innocuité de la méthadone elle-même.
Malgré un cadre de prescription et de délivrance bien plus souple que dans beaucoup de pays, les traitements par méthadone sont ‘relativement’ peu responsables d’accidents, si l’on met en perspective les indications du dispositif Drames avec les 20 millions de flacons de méthadone vendus chaque année.
Cette relative sécurité peut être mise à l’actif du fonctionnement en réseau des CSST et services hospitaliers spécialisés qui adressent leurs patients stabilisés, à des médecins généralistes de ville, volontaires et souvent bien formés.
Pour autant, il faut se prémunir du risque de voir dans les années à venir les données de ce dispositif Drames ou d’autres dispositifs (OPPIDUM, rapports de pharmacovigilance) évoquer une dangerosité croissante de la méthadone dont immanquablement la conséquence pourrait être le durcissement du cadre de délivrance. Rappelons, pour exemple, les nombreux articles qui ont alimenté ces dernières années la presse médicale anglaise. Notamment, le débat sur le retour ou non à une délivrance supervisée généralisée des TSO (8, 9, 10).
Il a fallu plusieurs évaluations pour montrer, en Angleterre comme ailleurs, que l’élargissement de l’accès à la méthadone se traduit par une diminution du risque global d’overdose pour les consommateurs d’opiacés. Même si le changement d’opiacé (héroïne par méthadone) à l’échelle d’une population entraîne mécaniquement un nombre de cas plus élevé d’accidents par la substance de remplacement, en l’occurrence la méthadone, c’est évidemment en termes de taux de mortalité globale de la population qu’il faut raisonner ! Il s’agit également de préserver un système qui, quoi qu’on en dise parfois, fonctionne globalement bien, et ce, pour les usagers comme pour ceux qui les accompagnent. Car il n’est pas certain qu’une restriction de l’accès au traitement par des règles de prescription et de délivrance plus strictes puisse être d’une grande efficacité et d’un grand confort pour les patients qui en bénéficient !
Enfin, rappelons que l’overdose à la méthadone survient généralement plusieurs heures (5 à 6 heures) après la prise du produit (13). En cas de prise inhabituelle dans les cas évoqués ci-avant, il ne faut pas attendre la perte de conscience pour appeler une ambulance ou conduire l’usager aux Urgences. L’euphorie, la dysarthrie et l’ataxie précèdent les troubles de la vigilance et doivent faire craindre la survenue d’une OD.
Note
{1} Le taux de mortalité annuelle aux alentours de 1% retrouvé dans les études de SOYKA et DOLAN inclut les patients qui n’étaient plus sous traitement au moment de leur décès !
Bibliographie
- (1) Grönbladh L, Ohlund LS, Gunne LM. Mortality in heroin addiction: impact of methadone treatment. Acta Psychiatr Scand. 1990 Sep;82(3):223–227
- (2) M. T. Brugal, A. Domingo-Salvany, R. Puig, G. Barrio, P. García de Olalla, L. de la Fuente. Evaluating the impact of methadone maintenance programmes on mortality due to overdose and aids in a cohort of heroin users in Spain Addiction 2005, 100 (7), 981–989.
- (3) Ingo Ilja Michels, Heino Stöver and Ralf Gerlach. Substitution treatment for opioid addicts in Germany. Harm Reduction Journal 2007
- (4) Kate A. Dolan, James Shearer, Bethany White, Jialun Zhou, John Kaldor, Alex D. Wodak. Four-year follow-up of imprisoned male heroin users and methadone treatment: mortality, re-incarceration and hepatitis C infection. Addiction 2005, 100 (6), 820–828.
- (5) Soyka M, Apelt SM, Lieb M, Wittchen HU. One-year mortality rates of patients receiving methadone and buprenorphine maintenance therapy: a nationally representative cohort study in 2694 patients. 2006-12, J Clin Psychopharmacol., 26(6):657-60.
- (6) Strang J, McCambridge J, Best D, Beswick T, Bearn J, Rees S, Gossop M. Loss of tolerance and overdose mortality after inpatient opiate detoxification: follow up study. BMJ 2003;326: 959-60.
- (7) Pfab R et al., Cause and Motivation in Cases of Non-Fatal Drug Overdoses in Opiate Addcits. Clinical Toxicology, 44 ;255-259, 2006.
- (8) Capelhorn JR M. et al., Mortality associated with New South Wales methadone programs in 1994 : lives lost and saved. MJA 1999; 170: 104-109.
- (9) Buster et al., An increase in overdose mortality during the first 2 weeks after entering or re-entering methadone treatment in Amsterdam. Addiction 2002; 97: 993-1002.
- (10) Morgan O. Association between availability of heroin and methadone and fatal poisoning in England and Wales 1993 to 2004. International Journal of Epidemiology 2006;35: 1579-1585.
- (11) Hickman M, Madden P and Henry J et al..Trends in drug overdose deaths in England and Wales 1993–98: methadone does not kill more people than heroin. Addiction 2003; 98 :419–25.
- (12) Deborah Zador, Soraya Mayet and John Strang. Commentary: Decline in methadonerelated deaths probably relates to increased supervision of methadone in UK. International Journal of Epidemiology 2006;35:1586–1587.
- (13) John R.M. Caplehorn, Olaf H. Drummer. Fatal methadone toxicity: signs and circumstances, and the role of benzodiazepines. Australian and New Zealand Journal of Public Health 2002; 26(4), 358–362.
Commentaire du Dr Claude JACOB, Intersecteur des pharmaco-dépendances de Moselle, METZ (57)
Publié dans le Flyer n° 32 (Avril 2008)
La lente progression des doses requises en ambulatoire installe parfois le patient dans la nécessité pour lui de compléter par de l’héroïne ce qui lui manque en opiacé. Il prend alors l’habitude de consommer les deux. Par mon expérience, le fait de les hospitaliser permet un bilan, une surveillance, une appréciation des co-occurences psychiatriques.
La prise en compte de ces éléments, et la surveillance possible nous amène à une initialisation dont la posologie est fixée et stabilisée en moyenne en 10 jours.
Un contrôle de la méthadonémie encadré nous évite les posologies vraiment intempestives sollicitées par les patients qui pourraient avoir des vocations commerciales. C’est une aide à l’appréciation clinique du confort du patient.
Pour le reste, il me semble que, sauf existence d’une pathologie qui indique de façon impérative un traitement associé, les médecins devraient se contenter d’une mono-thérapie opiacée. Celle-ci dans la majorité des cas apporte le confort nécessaire au patient. La méthadone en particulier est mieux perçue par les patients malgré la lourdeur des contraintes qu’on leur impose et qui la différencie de la buprénorphine.
Le reste des considérations de l’article me paraissent classiques quoique l’on ne sache rien ou pas grand chose des heuristiques ordinaires des toxicomanes. Ceux-ci, s’ils n’utilisent pas la méthadone selon les algorithmes de la faculté, trouvent parfois des modalités d’utilisation qualifiées de mésusage, qui peuvent les extraire de comportements à risque. La sollicitation d’une expertise par les utilisateurs eux -mêmes serait peut-être utile à promouvoir, pour en cerner le champ et en apprécier les avantages ou inconvénients éventuels.
Commentaire du Dr Didier BRY, coordinateur du réseau de santé addictions Vaucluse-Camargue RESAD 84.
Publié dans le Flyer n° 32 (Avril 2008)
Je suis en accord avec l’article, mais je crois qu’il faut, parallèlement à la prudence, avoir également une attitude pragmatique.
Pendant la phase d’initialisation, il convient de voir l’usager tous les jours, voire en fin d’après midi du 1er jour, si la première prise s’est faite le matin.
N’augmenter la posologie de 5 à 10 mg qu’au bout de 4 jours conduirait à l’abandon les plus dépendants d’entre eux (ou à la prise parallèle d’opiacés de rue !).
Devant un usager avec des signes manifestes de manque quelques heures après la 1ère prise, il me parait licite d’augmenter la posologie, sous surveillance bi-quotidienne, jusqu’à une posologie de confort minimum (qu’on maintiendra pour un pallier de 4 à 5 jours, avec un moindre risque de consommation parallèle).
Quoiqu’il en soit, il faut dans les recommandations insister sur la nécessité d’une évaluation quotidienne, voire bi-quotidienne, pendant les premiers jours qui suivent l’initialisation.
Commentaire de Jef FAVATIER, Directeur d’ASUD Nîmes (CAARUD)
Publié dans le Flyer n° 33 (Sept. 2008)
Je comprends bien la nécessité de réduire le nombre de décès liés aux mésusages des TSO et en particulier concernant la méthadone, mais attention que le remède ne soit pas pire que le mal !
Il n’a pas échappé aux rédacteurs de l’article que l’obligation d’un retour des flacons vides pourrait entraîner un re-conditionnement qui serait extrêmement plus dangereux en cas de revente au marché noir. Cette éventualité me semble devoir être absolument écartée au risque de voir un plus grand nombre de décès par overdose se produire avec la méthadone.
Autre élément que je souhaiterais commenter : l’évaluation par le praticien de la situation économique de l’usager qui reviendrait à suspecter les plus défavorisés de deal !
Le risque zéro n’existera jamais.
Une amélioration des conditions d’information auprès des professionnels et des usagers est indispensable. Voire une incitation assez ferme en direction des professionnels pour s’assurer de l’information diffusée (contenu) avec, pourquoi pas, un support écrit spécifique à remettre à l’usager.
On pourrait imaginer une plaquette ou flyer, déclinés en 3 phases chronologiques et qui aborderaient les risques spécifiques que l’usager peut rencontrer : la phase d’initiation du traitement, la phase de relais vers un médecin de ville avec des informations sur les interactions avec d’autres molécules, et en dernier lieu, la phase d’arrêt et/ou reprise du MSO ou d’une consommation associée d’opiacé.
Supports à délivrer soit par le primo-prescripteur, le médecin-relais, le pharmacien ou les associations de RDR ou d’usagers.
La question des risques encourus par des personnes naïves aux opiacés pourrait systématiquement figurer pour les 3 phases évoquées ainsi que les conséquences morales et pénales pour celui qui fournirait la molécule.
Reste deux éléments moins politiquement corrects à aborder.
D’une part, la formation des prescripteurs (que je m’abstiendrais de commenter ici).
D’autre part, la notion de relation thérapeutique.
En effet, la négation de la part des professionnels vis-à-vis des demandes de diminution de posologie sont, en grande partie, à l’origine du stockage et parfois de la revente.
Rappelons que, dans la grande majorité des cas, remettre à son prescripteur une quantité de méthadone non utilisée équivaut à prendre le risque de sanction ou au moins à détériorer la relation patient prescripteur.
Accompagner l’usager dans ses tentatives de diminution, d’arrêt, de ré-augmentation de posologie ou de reprise du traitement n’est pas si terrible ! La question doit être posée ?
Ne pas accompagner l’usager dans son projet thérapeutique (diminution ou arrêt de traitement) au simple motif que cela reviendrait à lui faire courir un risque de reprise d’opiacé, d’overdose ou tout simplement de rompre l’équilibre que le prescripteur juge bon pour lui, ne revient il pas à faire prendre le risque d’une auto-médication propice à l’échange, le revente, le dépannage, avec en ligne de mire le risque d’une surdose ou d’un mésusage pour un malheureux destinataire ?
Je pense réellement que cette question doit être ré-étudiée et intégrée dans le contenu des formations dispensée par tous.
Quant aux situations de comorbidité psychiatrique, je ne m’étendrais pas sur le sujet tant la situation des patients et/ou usagers souffrant de pathologies psychiatrique devient aberrante.