C’est ainsi qu’on pouvait lire le titre d’un article sur le site Medscape écrit pas le Dr Isabelle Catala, en plein trêve estivale, plus précisément le 2 août 2017. Article dont nous reprenons l’essentiel ici :
« En 2011, quand le dextropropoxyphène a été suspendu, les autorités sanitaires ont présenté le tramadol – un opioïde inhibant la recapture de la sérotonine – comme l’antidouleur de palier 2 idéal. Mais l’étude publiée dans Thérapie [1], qui rapporte l’expérience française de pharmacovigilance entre 2011 et 2015, laisse planer un doute sur l’avenir de cette molécule en France. En effet, outre les effets neurologiques, psychiatriques et addictifs déjà connus, l’équipe du Dr Florence Moulis insiste sur les atteintes hépatiques, les syndromes sérotoninergiques et les hyponatrémies.
Des effets notifiés sur les RCP
Pendant la durée de l’enquête (4,5 ans) une moyenne de 300 millions de doses pour traitement quotidien ont été vendues : il s’agissait de tramadol seul (dont les ventes augmentent régulièrement de 10 % par an) ou d’association tramadol-paracétamol.
Au total, 1 512 notifications d’effets indésirables graves ont été enregistrées chez des patients âgés de 61,1 ans en moyenne.
Les principaux effets secondaires étaient, comme attendu, neurologiques (29,4 %) et psychiatriques (22,8 %) : il s’agissait d’altérations de la conscience (13,2 %) ou de convulsions ( 6,7 %), de confusions (14,6 %) et d’hallucinations (7,3 %). Les troubles intestinaux mentionnées dans les RCP de ce médicament surviennent aussi de façon assez fréquente (17 %, dont 9,6 % de nausées et vomissements). Des complications cutanées sont aussi signalées (13,4 %).
Cholestase, cytolyse
Mais d’autres effets indésirables – peu signalés jusqu’à présent – sont rapportés dans la série française : hypoglycémie (1,5 %) ou élévations d’INR (2,3 %). Les auteurs insistent sur les atteintes hépatobiliaires avec le tramadol utilisé seul et non en association avec le paracétamol.
Les RCP signalaient de « rares élévations isolées des enzymes hépatiques ». Mais l’équipe de Toulouse rapporte aussi, en dehors de toute situation de surdosage, des cholestases avec le tramadol seul et des cytolyses, lorsque ce médicament est associé au paracétamol. Un cas d’hépatite fulminante a été signalé avec le tramadol utilisé de façon exclusive.
57 décès dont 16 par surdosage
Pendant la période analysée, 57 personnes sont décédées dans les suites de la prise de tramadol, dont 16 dans un contexte de surdosage. Certaines imputabilités du décès au tramadol sont difficiles à établir en raison de la prise conjointe d’autres médicaments. Néanmoins, une personne est décédée de défaillance multi-viscérale et une autre de fibrillation ventriculaire alors qu’elles ne prenaient aucun autre traitement que le tramadol. Enfin, les investigateurs rapportent des cas de syndromes sérotoninergiques dans des contextes de surdosages, des hyponatrémies, des syndromes d’hypersensibilités médicamenteuses et des affections bulleuses. La majorité des effets indésirables graves est en lien avec le mécanisme d’action de la molécule inhibitrice de la recapture de la sérotonine.
Les données ont été transmises à l’ANSM. Que décidera-t-elle pour le tramadol ? L’avenir nous le dira.