QUATRE ANS après le début du programme de distribution de méthadone à Montréal, la moitié des anciens héroïnomanes inscrits pourraient être suivis par des médecins de famille. Mais la régie régionale peine à trouver des médecins qui acceptent ces patients à la réputation difficile.
Résultat : l’objectif de 2500 ex-héroïnomanes recevant de la méthadone, qui était prévu pour 2001, est seulement à moitié atteint. « Nos ressources spécialisées doivent faire du suivi qui pourrait parfaitement être fait par des médecins de famille », a expliqué Monique Tessier, une responsable du programme à la régie régionale de MontréalCentre, hier au Forum mondial sur les drogues et dépendances, au Palais des Congrès. « Sans ces 500 à 600 cas dont nous assurons le suivi, nous pourrions prendre plus de gens ». La méthadone prévient les symptômes de sevrage des opiacés comme l’héroïne, sans causer les effets euphorisants. Un héroïnomane peut en prendre toute sa vie s’il le désire. Un médecin doit avoir une licence spéciale pour en prescrire, car ses effets sont moins connus que d’autres opiacés utilisés contre la douleur, et moins étudiés dans les écoles de médecine.
Les premiers programmes de distribution de méthadone, un médicament qui se prend par voie orale, ont vu le jour aux Pays-Bas dans les années 1970. Le programme de méthadone coûte un million par année et dessert 1198 ex-héroïnomanes dans quatre centres, presque deux fois plus qu’en 1998. Le nombre de médecins inscrits est passé de 43 à 71 en quatre ans. Dans toute la province, 2022 ex-héroïnomanes reçoivent de la méthadone de 130 médecins.
Selon Mme Tessier, il faudrait deux fois plus d’argent pour atteindre les objectifs de traitement. « Mais la véritable priorité, c’est de trouver une manière de bonifier les honoraires des médecins de famille qui suivent des héroïnomanes. Après avoir passé de six mois à un an avec l’équipe spécialisée, ils sont stabilisés, mais ça reste une clientèle plus exigeante pour les médecins. Ceux-ci ont peur de se retrouver avec une clientèle qui n’a pas que des problèmes médicaux, mais aussi psychosociaux. Nous devons publiciser que ce n’est pas vrai qu’ils feront du chahut dans la salle d’attente ou qu’ils seront toujours en retard ». La régie régionale voudrait étendre le programme de méthadone aux détenus dans les prisons, offrir des traitements aux cocaïnomanes et offrir aux ex-héroïnomanes de la buprénorphine, un autre substitut qui est considéré moins dangereux. La régie régionale de Montréal-Centre n’a recensé aucun cas de surdose de méthadone, comme cela s’est produit dans un centre carcéral de Sherborooke. « Nous n’avons pas entendu parler de décès lié à la méthadone », a affirmé Mme Tessier.
NDLR : A la lecture de cet article, nous constatons que les problèmes que rencontrent les centres qui initient les traitements à la méthadone pour passer le relais en ville, sont bien plus aigus dans la province du Québec que ceux rencontrés en France. Rappelons en effet, qu’aujourd’hui, c’est près de 8 à 9 000 patients qui sont suivis en ville (médecin + pharmacien d’officine), contre 6 à 7 000 en CSST. Il est manifeste que les CSST (pour la plupart) ont largement développé leurs pratiques de relais, et que les soignants en ville ont intégré cette patientèle d’usagers de drogue traités par la méthadone, doucement mais sûrement. Il faut dire que l’arrivée de la buprénorphine en 1996 a permis aux médecins et pharmaciens de ville de rencontrer et se familiariser avec cette population, et à son contact, de se former à sa prise en charge.