Introduction
La mise sur le marché des gélules de méthadone est survenue en avril 2008. Cette mise à disposition était très attendue depuis plusieurs années. Les pouvoirs publics l’avaient demandée (Rapport de la Mission KOUCHNER en 2002, Plan gouvernemental de la MILDT 2004-2008, Comité stratégique du plan national hépatites virales en 2007), ainsi que les professionnels (Conférence de Consensus ANAES, juin 2004). Elle semblait répondre à une attente conjointe des acteurs (sanitaires et politiques) et des usagers eux-mêmes (1).
Elle a été accompagnée d’un PGR (Plan de Gestion des Risques), toujours à l’œuvre au moment de la rédaction de cet article – mars 2010, conjointement élaboré par les Laboratoires Bouchara-Recordati, exploitant des AMM de méthadone en France, et l’Afssaps. Ce PGR avait pour ambition de limiter au maximum les risques inhérents à la mise à disposition de cette nouvelle forme de méthadone qui arrivait en complément du sirop déjà existant.
Les conditions de prescription des gélules de méthadone elles-mêmes étaient faites pour limiter l’accès à un certain type de patients (stabilisés sur le plan médical et des conduites addictives et traités depuis au moins un an par sirop de méthadone) et soumettaient notamment les médecins de ville, les pharmaciens d’officine et leurs patients à certaines contraintes.
Ces mesures au moment de la rédaction de cet article (2 ans plus tard) sont les suivantes :
- Consultation semestrielle en CSST/CSAPA ou service hospitalier spécialisé dans les soins aux toxicomanes (cette mesure s’adresse aux patients suivis en ville, par leurs médecins de ville auquel la possibilité du passage de sirop à gélules, de ce fait, ne leur est pas accordée)
- Analyse urinaire à l’initiation et lors de chaque renouvellement semestriel
- L’obligation d’un protocole de soins (ALD non exonérante) pour tous les patients sous gélules de méthadone (JO du 8 avril 2008)
Dès la première année de la commercialisation de la gamme de gélules de méthadone (1, 5, 10, 20 et 40 mg), des réactions se sont faites entendre, notamment par la voix d’un collectif de médecins qui ont lancé une pétition (http://escoleta.free.fr/spip.php?article124).
Dans le même temps, un article au titre évocateur, « Méthadone en gélules : le retour du toxicomane bandit et du généraliste incapable » (2), dénonçait « une décision hautement symbolique mais dramatiquement stupide » dans lequel les auteurs hésitaient quant à la responsabilité de cette décision : la firme, le ministère, les centres spécialisés…
D’autres voix ont fait part de la difficulté pour les usagers de retourner dans les CSST/CSAPA qu’ils avaient quitté, parfois il y a plusieurs années (3).
Selon des données fournies par la firme qui commercialise la méthadone en France, la mise à disposition des gélules de méthadone s’est faite donc progressivement (graph. 1). Elle s’est faite également de façon non homogène sur le territoire, très probablement en relation avec les conditions de prescription (graph. 2) et des différences notées par ailleurs dans l’accès global au traitement par la méthadone (4). Pour autant, vers la fin de l’année 2009, c’est presque 23 % de patients traités par la méthadone qui bénéficient de la nouvelle galénique.
Graph. 1 : Évolution du nombre de patients traités par sirop et gélules de méthadone

Graph. 2 : situation en mai 2009

Dans les mois qui ont suivi, des articles publiés dans différentes revues ont donné des nouvelles plutôt rassurantes liées à la commercialisation des gélules de méthadone. Les usagers et les cliniciens apprécient indéniablement cette nouvelle forme (3, 5) et le bilan semble plutôt positif (6, 7). Les doutes quant à l’équivalence thérapeutique des deux formes se sont estompés (8, 9).
Il reste à déterminer quelles sont les positions des intervenants de terrain sur les conditions de prescription de ces gélules de méthadone.
Les pharmaciens d’officine ont eu l’occasion de s’exprimer dans une enquête réalisée par Stéphane ROBINET (10), pharmacien d’officine, président de l’association Pharm’addict et membre de la Commission Nationale des Stupéfiants et Psychotropes.
Une majorité d’entre eux se dit confrontée à la difficulté d’appliquer le renouvellement semestriel de la délégation et elle est favorable à une évolution du cadre de prescription, notamment vers une délégation permanente (comme pour le sirop).
Dans cette même enquête, certains pharmaciens ont évoqué clairement l’idée que les médecins puissent eux-mêmes passer leurs patients de sirop à gélules, ce qui était le vœu de la firme (11) au moment de la demande d’AMM.
L’objectif de cette enquête est d’apporter des informations complémentaires sur des questions abordées ci-avant :
- Quelles sont les conditions cliniques du passage de sirop à gélule auprès des médecins prescripteurs de gélules de méthadone ?
- Comment ces médecins qualifient les conditions de prescription actuelles des gélules de méthadone (au moment de l’enquête – décembre 2009) ?
- Comment souhaitent-ils voir évoluer ces conditions ?
Matériel et méthode
Un questionnaire a été élaboré au 3ème trimestre de l’année 2009. Il a été adressé par mail à plus de 400 médecins exerçant en milieu spécialisé (associatif ou hospitalier) et en ville au mois de décembre 2009. Les adresses mail ont été fournies par la firme qui commercialise la méthadone.
45 questionnaires ont pu être traités en janvier 2010 (un peu plus de 10 % des médecins sollicités). La population de patients recevant un traitement par gélules de méthadone correspond à 925 patients, principalement suivis par des médecins de CSST/CSAPA. Le traitement des données a été confié à la société CENBIOTECH de Dijon (21).
Résultats
Typologie des médecins ayant répondu à l’enquête
Nous avions pré-identifié 3 typologies de médecins qui se répartissent comme suit :
- Pour 23 sur 45 (51,10 %), ils sont médecins exerçant principalement en service spécialisé (CSST/CSPA, service hospitalier) et disposent, de ce fait, de la possibilité de primo-prescrire la méthadone (sirop et gélule)
- Pour 12 sur 45 (26,7 %), ils sont médecins de ville sans activité en service spécialisé (non primo-prescripteurs)
- Pour 10 sur 45 (22,2 %), ils sont médecins de ville ayant également une activité en service spécialisé
En moyenne, les médecins ayant répondu à cette enquête ont suivi chacun 20,6 patients (min : 1, maxi : 91, médiane : 15), ce qui fait d’eux des prescripteurs plutôt expérimentés.
Conditions cliniques du passage de sirop à gélules
Les 45 médecins ont suivi 925 patients dans le cadre d’un passage de sirop à gélule. Pour 775 patients, il n’y a eu aucun effet lié au changement de galénique. Le graphique 3 résume la répartition des effets relevés lors du changement de galénique.
Au total, pour 10 % des patients, les médecins interrogés ont évoqué rétrospectivement des « signes de manque, manque d’effet, montée trop lente », mais pour une grande majorité (53 sur 90), il n’y a pas eu nécessité d’adapter la posologie.
Si l’on ne retient que les 37 patients pour lesquels il y a eu une nécessité d’adapter la posologie conséquemment au passage du sirop à gélule comme témoin d’un défaut éventuel d’équivalence thérapeutique, cela touche moins de 4 % d’entre eux, confirmant les résultats de l’étude de bioéquivalence de l’étude pré-AMM (8) et les résultats de l’étude post-AMM confirmant l’équivalence thérapeutique (9). La subjectivité même de l’appréciation de l’effet psychotrope d’un opiacé et l’appréhension des usagers dans le cadre du changement semble expliquer cette proportion de sujets qui évoquent des signes de manque ou de manque d’effet.
Enfin, le caractère rétrospectif de cette enquête empêche toute conclusion concernant cette donnée et ne figure ici qu’à titre indicatif.

Au total, 21 patients sur les 925 ont dû repasser au sirop pour une des raisons évoquées ci-avant (2,27 %).
Détournements de voie d’administration
5 tentatives de sniff (1 fois ou occasionnelle, non pérennisée) ont été relevées, soit 0,5 % des patients. Un seul patient sniffe (ou a sniffé) régulièrement le contenu des gélules de méthadone.
Concernant l’injection, les médecins interrogés évoquent 3 cas de tentatives d’injection (ou de préparations d’injection) avortées et aucune injection occasionnelle ou régulière.
Cette donnée, même si elle repose à nouveau sur une enquête rétrospective, semble confirmer le caractère peu, voire non injectable des gélules de méthadone.
On peut légitimement penser que, au regard du caractère ‘extraordinaire’ d’un détournement par voie injectable de gélules de méthadone, la comptabilité de ces cas est précise.
Un seul patient a tenté l’injection, avant abandon de la pratique. A noter enfin que 3 patients parmi ces 10 patients sont repassés à la forme sirop de méthadone.
Appréciation du cadre de prescription par les médecins enquêteurs
Quels sont selon vous les freins (pour les patients) à l’accès aux gélules de méthadone (plusieurs réponses possible) ?
Nous avons soumis aux médecins différentes propositions afin de répondre à la question ciavant. Les réponses sont regroupées dans le graphique 4. La proposition qui arrive en tête est l’obligation du passage en milieu spécialisé pour obtenir une prescription et/ou une délégation vers le médecin de ville (37 médecins sur 45, soit 82,2 % des médecins interrogés).
Il est à noter que ce fort taux n’est pas uniquement influencé par les réponses des médecins exerçant seulement en ville (non primo-prescripteurs autorisés).
En effet, si l’on observe les réponses des médecins exerçant en service spécialisé, 78,8 % (26 sur 33) estiment que le passage dans ‘leurs’ structures est un frein à l’accès aux gélules de méthadone.
Les 2 propositions qui suivent sont la peur du changement, pour 2/3 des médecins qui considèrent qu’elle est un frein (pour le patient) et le renouvellement semestriel de la délégation obligeant les patients en ville à retourner au centre, non pas une seule fois, mais tous les 6 mois.

Quel est selon vous le premier frein (pour les patients) à l’accès aux gélules de méthadone (1 seule réponse possible) ?
Afin d’affiner cette question, il a été demandé aux médecins de citer selon eux le premier frein à l’accès aux gélules de méthadone. Dans cette configuration, c’est le passage obligatoire dans un service spécialisé qui apparaît comme le frein principal (graph. 5) à l’accès aux gélules de méthadone.

Êtes-vous favorable à un assouplissement du cadre de prescription et de délivrance ?
43 médecins sur 45 sont favorables à un assouplissement du cadre de prescription actuel des gélules de méthadone. Seuls, 2 médecins, exerçant en milieu spécialisé, déclarent ne pas y être favorables.
Si OUI, êtes-vous favorable à (plusieurs réponses possibles) ?
36 parmi les 43 médecins favorables à un assouplissement ont plébiscité (graph. 6) le passage de la durée de validité de la délégation de 6 mois (renouvellement semestriel) à permanente (comme pour le sirop). Il est à noter que, là aussi, presque 3/4 (72,7 %) des médecins de service spécialisé (primo-prescripteurs autorisés) sont favorables à ce changement.
Viennent ensuite la possibilité pour les médecins de ville de faire le switch sirop-gélule eux-mêmes (27 sur les 43, soit 62,8 %) et la possibilité de démarrer un traitement par gélule de méthadone sans attendre un an de traitement préalable par sirop.

Si OUI, quelle est la première mesure qui devrait être prise (1 seule réponse possible) ? :
Pour respectivement 17 (39,5 %) et 14 (32,6 %) des 43 médecins interrogés, la possibilité de switch sirop-gélule par les médecins de ville ou le passage à une délégation permanente est la mesure qui devrait être prise en premier dans le cadre de l’évolution du cadre de prescription qu’ils souhaitent.
Niveau de satisfaction en matière de bénéfice pour les patients
A cette question, les médecins interrogés se déclarent à 80 % (36 sur 45) très satisfaits des gélules de méthadone en matière de bénéfice pour les patients. Huit se déclarent satisfaits (17,8 %) et un seul s’est déclaré peu satisfait (graph. 7).
Ce fort niveau de satisfaction exprimé n’a d’intérêt qu’au regard de la qualité des médecins interrogés, qui pour la plupart sont des prescripteurs expérimentés de MSO et ont, pour beaucoup de ceux qui ont répondu à ce questionnaire, une appréciation sur plusieurs dizaines de patients (20 en moyenne dans cette enquête).

Discussion
Cette enquête menée auprès de médecins prescripteurs de gélules de méthadone laisse clairement évoquer la satisfaction des prescripteurs vis-à-vis de cette modalité de traitement.
Néanmoins, elle exprime tout aussi clairement un désaccord sur le cadre de prescription actuel. Deux éléments se détachent. Le premier est l’impossibilité pour les médecins de ville qui suivent des patients sous sirop de méthadone d’opérer le changement de galénique.
Cet avis est par ailleurs également exprimé par les médecins des services spécialisés de l’échantillon. En effet, près de 80 % d’entre eux pensent que c’est un frein à l’accès aux gélules de méthadone et, près de la moitié (51,5 %), que les médecins généralistes pourraient faire le switch eux-mêmes. Le second élément est le renouvellement semestriel de la délégation.
A cet égard, 80 % des médecins interrogés plaident pour une délégation qui devrait être permanente (comme pour le sirop) dont près de 3 sur 4 des médecins exerçant en milieu spécialisé. A la proposition d’une délégation annuelle, 39 des 45 médecins (86,7 %) répondent ne pas être favorable, dont 82 % des médecins des services spécialisés.
Au regard des positions et des débats qui ont eu lieu avant et depuis la mise à disposition des gélules de méthadone, cette enquête a permis de quantifier les positions de médecins qui, en milieu spécialisé et en médecine générale, suivent des patients sous gélules de méthadone.
Les éléments du cadre qui apparaissent comme des freins à l’accès aux gélules ne sont pas surprenants.
L’obligation d’aller dans un service spécialisé, puis d’être obligé d’y retourner tous les 6 mois, mais aussi le fait de devoir attendre 1 an de traitement préalable par sirop de méthadone sont clairement désignés comme restreignant l’accès aux gélules de méthadone. Cela concerne uniquement les patients suivis par des médecins de ville, c’est-à-dire prés de 28 000 sur les 37 000 patients recevant un traitement par méthadone (en 2009). Pour les autres, suivis par un médecin d’un service spécialisé, cette question ne se pose pas.
Plus surprenante et peut-être moins attendue, la peur du changement citée par 2 tiers des médecins, qui apparait comme un frein (pour les patients) à l’accès au traitement.
Compte-tenu des freins évoqués par les médecins interrogés, il n’est pas étonnant que le passage à une délégation permanente (comme pour le sirop) soit la mesure plébiscitée dans cette enquête. Elle est suivie par la possibilité pour les médecins généralistes de faire le switch eux-mêmes.
Notons que cette seconde mesure rend la première caduque, car si les médecins généralistes peuvent passer leurs patients de sirop à gélule, le passage en CSST/CSAPA ou service hospitalier n’est plus obligatoire. La notion même de délégation de prescription devient nulle et non avenue.
Cette enquête fait enfin apparaitre qu’une minorité de médecins (40 %) est favorable à la suppression du protocole de soins obligatoire (ALD non exonérante), qu’ils exercent en milieu spécialisé (42 %) ou en ville (33 %) . D’autre part, seuls 29 % sont pour une suppression des analyses urinaires comme examen préalable au passage du sirop aux gélules.
Sur cet item, la différence entre médecins des services spécialisés et médecins de ville est importante (18 % pour les premiers contre 58 % pour les seconds) et le score global est largement influencé par la position des médecins (les seconds) qui ont peut-être une pratique des analyses urinaires plus habituelle et de plus grandes facilités pour les réaliser.
Conclusion
Les résultats de l’enquête précédente menée auprès de pharmaciens (10) sont confirmés dans cette enquête. Qu’il s’agisse des médecins qui les prescrivent ou des pharmaciens qui les délivrent, les gélules de méthadone posent des problèmes aux professionnels de santé, et plus encore probablement aux patients qui en bénéficient ce que semblent confirmer différents auteurs (3, 5, 7). Pour les patients traités par sirop de méthadone et suivis en ville, ce qui apparait le plus problématique, en termes d’accès au traitement lui-même, c’est aller puis retourner tous les 6 mois dans un CSST/CSAPA ou service hospitalier.
Problématique, mais surtout difficile à mettre en œuvre, le pharmacien d’officine se retrouvant à la place de celui qui doit faire appliquer une mesure à laquelle les prescripteurs, spécialisés et généralistes, n’adhèrent pas.
La délégation de prescription permanente (un seul passage du patient en milieu spécialisé) ou la possibilité pour les médecins généralistes de passer eux-mêmes de sirop à gélules leurs patients semblent être les mesures attendues par la majorité des intervenants en toxicomanie, médecins ou pharmaciens.
Bibliographie
- (1) LAURENT Michel, Gélules de méthadone, quand les préoccupations de santé publique rejoignent les attentes des usagers. Alcoologie et Addictologie 2008 ; 30(1), 79-80.
- (2) DEVRIES Martine et al., Méthadone en gélules : le retour du toxicomane bandit et du généraliste incapable. La Revue Prescrire, novembre 2008 ; n° 301, 871-872.
- (3) PEYBERNARD C., Expérience de la méthadone gélule en CSST. Le Flyer n° 36, mai 2009.
- (4) VELASTEGUI Sophie et al., Analyse de la répartition par département des patients recevant un traitement par BHD et par méthadone. Le Flyer n° 33, septembre 2008 ;
- (5) DANG-VU PM., Suivi d’une cohorte de 56 patients traités par gélule de méthadone. Le Flyer n° 38, décembre 2009.
- (6) WILL A., La méthadone gélule un an après. Asud-journal 40, été 2009.
- (7) BENSLIMANE Mustapha, Bilan plutôt positif pour la gélule de méthadone, Swaps n° 56, 2009.
- (8) A propos de la pharmacocinétique de la méthadone, des conditions du passage du sirop de méthadone aux gélules et de l’étude de bio-équivalence. Entretien avec le Dr Xavier LAQUEILLE, Paris. Le Flyer n° 34, décembre 2008.
- (9) MAIRE Alex, Etude observationnelle de l’équivalence thérapeutique des formes sirop et gélules de méthadone. Le Flyer n° 39, avril 2010.
- (10) ROBINET Stéphane, Enquête menée auprès de pharmaciens d’officine délivrant des gélules de méthadone au cours de la première semaine de février 2010, à paraître en 2010.
- (11) KIN Thierry, Méthadone en gélules : le retour du toxicomane bandit et du généraliste incapable (suite). La Revue Prescrire, mars 2009 ; n° 305, 232-233.
Commentaires de lecture adressé à la Rédaction par la Dr Didier BRY, Psychiatre, Médecin Directeur-Coordinateur, Réseau Addictions-VIH-Hépatites, Resad Vaucluse Camargue
Publié dans le Flyer n° 45 (Déc. 2011)
A propos du cadre de prescription des gélules de méthadone et de son application !
La prescription de méthadone en gélule est régie par un cadre qui est parfois en contradiction avec les données cliniques.
Ainsi en est-il particulièrement avec la nécessité d’une stabilisation d’au moins une année avec la forme sirop.
Celle-ci contenant alcool et sucre, sa prescription parait non pertinente pour les femmes enceintes (« zéro alcool pendant la grossesse »), pour les patients qui viennent de faire un sevrage de l’alcool ou encore pour les patients diabétiques.
Généralement, les médecins de l’assurance maladie, sur la base des explications fournies via les protocoles de soin accordaient le remboursement.
Des médecins du réseau Addictions-Vaucluse-Camargue m’ont rapporté récemment deux exemples montrant que le respect sans discernement de la réglementation peut conduire à l’absurde :
Un addictologue hospitalier voulait mettre un héroïnomane injecteur sous méthadone mais comme celui-ci avait des antécédents de mauvaise tolérance à la forme sirop, il lui a proposé le traitement en gélules. Refus du médecin de l’assurance maladie car il n’y avait pas une année de traitement par la forme sirop. On est habitué à cette réponse mais moins à la suite. Il notifie en effet qu’il acceptera le remboursement du Moscontin® (mais pas du Skénan® qui s’injecte trop facilement) !
Une patiente sous méthadone sirop depuis des années, se voit refuser la prise en charge de la forme gélule par le médecin de l’assurance maladie, car durant l’année passée, il y a eu modification de la posologie (augmentation de 10 mg). Elle ne peut donC pas être considérée comme « stabilisée » !
Parallèlement, on connaît des pharmacies où il est proposé aux patients de substituer la forme sirop par des gélules (« bien plus faciles d’utilisation ») sans recours ni à une prescription initiale en centre, ni à un protocole de soin et a priori sans problème de remboursement.
A la décharge des pharmaciens, il faut convenir qu’il peut être difficile d’imaginer que le changement de galénique entre deux formes orales fasse l’objet d’une réglementation particulière.
Si vous avez des « anecdotes » de la même veine, ce serait bien de les faire connaître : on ne sait jamais, cela pourrait aider à faire évoluer le cadre !