Selon un article publié en avril 2018 dans la revue Addiction, la Buprénorphine Haut Dosage (BHD) pourrait être plus sûre que la méthadone, en particulier lors des premiers mois de traitements.
Cette étude, réalisée conjointement par des chercheurs de l’Université de Bristol, du King’s College de Londres, de l’Université de Manchester et du Bristol Drugs Project [ndlr : au Royaume-Uni], pourrait avoir un impact important sur les recommandations de prescription en médecine générale.
L’étude, financée par le National Institute for Health Research (NIHR), a permis l’analyse de données de mortalité recueillies en médecine générale sur 11 033 patients dépendants aux opioïdes ayant reçu un traitement de substitution opiacée de 1998 à 2014.
Le risque relatif de mortalité a été évalué pour les deux médicaments de substitution (méthadone et buprénorphine), en comparaison à l’absence de traitement, sur 3 périodes différentes :
- Lors des 4 premières semaines suivant l’instauration du traitement ;
- Durant le traitement ;
- Dans les 4 premières semaines suivant l’arrêt du traitement.
Environ 1/3 patients recevaient de la BHD, et 2/3 de la méthadone. Comme cela a déjà été démontré dans de précédentes études, le risque de mortalité est augmenté au début du traitement, et immédiatement après son arrêt, rappelant l’importance d’un suivi au long cours pour sauver des vies.
Cette nouvelle étude montre que les patients sous BHD ont un risque de décès par overdose considérablement plus faible par rapport à ceux sous méthadone :
- 4 fois plus faible dans les 4 premières semaines de traitement (0,3 % comparé à 1,24 %) ;
- 2 fois plus faible durant le reste du traitement (0,18 % comparé à 0,33 %).
Ainsi, en Médecine Générale au Royaume-Uni, le traitement de substitution opiacé est associé à un risque de mortalité toutes causes confondues et lié à une overdose, plus faible avec la BHD qu’avec la méthadone.
Ces résultats persistaient après ajustement sur les différences entre patients et entre pratiques de prescription. Les patients sous BHD avaient également un risque plus faible de mortalité, toutes causes confondues, pendant le traitement et immédiatement après son arrêt – ce qui pourrait s’expliquer par le fait que les patients plus âgés ou ayant d’autres complications physiques ou psychologiques répondraient mieux au traitement par BHD.
L’étude a également montré que les durées de traitement étaient plus courtes avec la BHD qu’avec la méthadone. Les auteurs concluent qu’il est peu probable que la BHD confère une protection globale plus grande en raison de la durée relativement courte du traitement.
Effectivement les bénéfices devenant de plus en plus marqués au fur et à mesure que le traitement se prolonge, il est indispensable de prendre en considération le taux de rétention dans le choix du traitement.
En parallèle, les auteurs se sont prêtés à un exercice de modélisation pour mesurer l’impact de la durée de traitement au niveau de la population. Ils en ont conclu que la BHD ne semble pas réduire plus que la méthadone le risque de mortalité par overdose car les durées de traitement semblent plus courtes.
Le Pr John Macleod, coauteur principal pour le Centre for Academic Primary Care à l’université de Bristol précise : « Bien que ces données semblent compliquées, les taux de mortalité plus faibles sous BHD étant compensés au niveau de la population par des durées de traitement plus courtes, nos résultats montrent que la BHD pourrait être une alternative plus sûre. Du fait de cette durée de traitement plus courte, la meilleure approche serait de proposer dans un premier temps de la BHD, en laissant la possibilité au patient, dans un second temps, de passer à la méthadone. »
« Au niveau international, il n’y a pas de consensus sur le traitement à privilégier. Au Royaume-Uni, la British Association for Psychopharmacology recommande actuellement la méthadone en première intention s’il n’y a pas de contre-indication. Nous sommes convaincus que les futures recommandations professionnelles devraient intégrer nos données ».
Le Pr Matthey Hickman, de l’unité de protection de la santé et des sciences sanitaires de la population au NIHR à l’université de Bristol, rappelle que : « malgré le nombre important de patients en traitement, la mortalité par overdose continue d’augmenter. Notre étude apporte des preuves en matière de dispensation de traitement qui pourraient sauver des vies. Nous avons besoin d’études au Royaume-Uni sur la manière dont nous articulons les différents traitements de substitution en parallèle des interventions sur le changement de comportement. Cela permettrait de retenir les personnes suffisamment longtemps en traitement pour réduire le nombre de décès dû aux drogues dans la population ».
Cette publication rappelle une notion que notre revue ne cesse de mettre en avant depuis sa création dans les années 2000, à savoir que la durée de traitement est un facteur de protection par rapport au risque de mortalité par overdoses et par toutes causes confondues. Mieux encore, s’astreindre à des durées de traitements les plus courtes possibles est un non-sens et va à l’encontre de l’intérêt des patients qui se présentent à nous.
Ce qui est intéressant dans cette étude anglaise, c’est qu’elle met à mal le modèle « Méthadone en première intention » qui est pourtant la règle au Royaume-Uni comme dans de nombreux pays européens proche de nous : la Belgique, la Suisse, l’Italie ou encore l’Espagne.
On se satisferait presque de voir ce pays précurseur en matière de Réduction des Risques et des Dommages se rapprocher du « french model », pour ne pas dire « french paradox », où la Buprénorphine Haut Dosage est le traitement de première intention et où les Sociétés Savantes et Autorités de Santé ont tenté, ces dernières années, de favoriser l’accès à la méthadone afin d’équilibrer l’offre de soins en TSO.
Toutes ces considérations scientifiques acquises, il reste que le choix du traitement est souvent et heureusement conditionné par la demande de l’usager. Nous avons toujours défendu cette position. Ensuite, le choix se fait en fonction du lieu dans lequel il se présente. Auprès d’un médecin de ville, le choix est alors limité à la buprénorphine, même si celui-ci est formé à la prescription et au suivi d’un traitement par la méthadone. Le débat sur la PPMV (Primo-Prescription de Méthadone en Ville) devrait donc rester ouvert, souhaitons-le.