Le concept de recovery, rétablissement, est de plus en plus utilisé en addictologie, au regard de l’évolution des soins en réhabilitation psychosociale. Dans un article récent publié dans Alcohol Research, Current Reviews, K. Witkiewitz et al. nous proposent une revue générale du concept de recovery en addictologie.
Référence : What is recovery ? K. Witkiewitz, K. Montes, F. J. Schwebel, J. A. Tucker, Alcohol Res. 2020 ; 40(3) : 01
Les auteurs s’attachent tout d’abord à reprendre le contexte historique d’émergence du concept.
Dans les années 1700, les premières notions de modération de la consommation d’alcool et de réduction de risque apparaissent. Celles-ci seront vite abandonnées avec l’apparition des mouvements de « tempérance » (Temperence Movement) ou des Alcoholics Anonymous (AA) en 1930 qui affichent clairement la nécessité de l’abstinence.
Ces mouvements, expliquent les auteurs, auront une influence importante dans la conception moderne du recovery. Au milieu du 20ème siècle, Jellinek soutient l’idée que l’alcoolisme est une maladie évolutive et chronique. Glatt, alors, développera l’idée de réhabilitation et de la guérison par l’application d’un programme fortement inspiré par les principes des AA. C’est dans les années 1970 que le psychiatre M. Pattison et les psychologues M. et L. Sobell introduisent la notion de comportement dans la pathologie liée à l’alcoolisme. Ainsi apparaît la notion d’une globalité de l’addiction à l’alcool, avec des conséquences somatiques, psychologiques et sociales. Ces auteurs ne prônent pas l’idée de l’abstinence, mais beaucoup plus d’un équilibre.
Les définitions récentes du recovery vont insister sur l’importance d’un bien être dans ces différents rôles (fonctionnel et global). C’est en 2017 que lors d’un congrès organisé par la Recovery Science Research Collaborative, la définition a été établie comme « un processus individuel, intentionnel, dynamique, relationnel engageant des efforts soutenus pour améliorer son bien-être ».
Il est intéressant de noter qu’il n’est pas fait mention de changements concernant la consommation d’alcool, ou/et l’abstinence.
On pourrait s’étonner de l’absence d’indication à ce sujet, mais les observations empiriques montrent que spontanément, afin d’améliorer leur bien-être, les patients vont diminuer ou même arrêter leur consommation d’alcool, au regard de leur constatation de la chronicité du trouble, et de la chronicisation des rechutes.
Ce qui est intéressant d’observer, c’est que le prisme d’observation par le concept de recovery de la pathologie addictive permet de distinguer des facteurs prédictifs d’évolution vers le bien-être (comme la minimisation des problèmes, épisode de fortes consommations, …).
Les auteurs rapportent qu’ainsi dans une étude récente de Kaskutas et al. portant sur 9341 sujets, 47 facteurs de recovery, parmi lesquels on retrouve l’abstinence, les principes du recovery, l’enrichissement personnel, le développement par le recovery, et la spiritualité.
Référence : Elements That Define Recovery: The Experiential Perspective, Lee Ann Kaskutas, Dr.Ph., Thomasina J Borkman, Ph.D., Alexandre Laudet, Ph.D., Lois A Ritter, Ed.D., Jane Witbrodt, Ph.D., Meenakshi Sabina Subbaraman, Ph.D., Aina Stunz, B.A., and Jason Bond, Ph.D., J Stud Alcohol Drugs. 2014 Nov; 75(6): 999–1010. doi: 10.15288/jsad.2014.75.999
D’autres équipes ont défini d’autres critères (Etude SURE). La définition du recovery devient donc un processus de changement du comportement caractérisé par l’amélioration du fonctionnement bio psycho social et de la poursuite de la vie. Dans les années récentes, Granfield et Smith ont développé le concept de « capital de recovery », qui varie selon les individus et en fonction du temps. Mais surtout, on s’aperçoit que dans les programmes de soin, en particulier aux Etats Unis, le maintien de l’abstinence est mis en valeur.
Cela n’est pas sans poser un problème au regard même d’un des concepts fondamentaux du recovey, la destigmatisation. En effet, le comportement d’abstinence, d’abstention de consommation d’alcool a une valeur hautement stigmatisante et vient heurter de face un des fondements du recovery. Et de plus insister sur l’abstinence a des conséquences délétères sur la réduction de risques, et donc sur l’espoir qui est là aussi un des concepts fondamentaux du recovery.
Ces tensions dans la définition même du recovery nous montrent que des recherches sont encore nécessaires à la fois dans la définition conceptuelle mais aussi dans la mise à disposition d’outils d’évaluation standardisés, même si certains comme l’échelle de qualité de vie de l’OMS ou celles dispensées par le SURE permettront à l’avenir de mieux définir cette dimension de soin.







