« Les médecins administrent des médicaments dont ils savent très peu, à des malades dont ils savent moins, pour guérir des maladies dont ils ne savent rien. » Voltaire
1. Le point sur cette impossible association
Le foie est quantitativement et qualitativement l’organe le plus important pour la vie du médicament administré. En effet, nonobstant son intervention active à tous les niveaux de la chaîne thérapeutique (absorption, fonctionnalisation ou réactions de phase I, conjugaison ou réactions de phase II, excrétion), il interfère avec les autres émonctoires (notamment le rein) et dans des processus physiologiques essentiels à l’homéostasie comme la coagulation. On ne s’étonnera pas de l’impact de l’insuffisance hépatocellulaire, pas plus que de l’appréhension légitime des soignants face à cette pathologie et aux traitements qui doivent associer efficacité thérapeutique et innocuité vis-à-vis d’un organe fragile.
Ce problème est prégnant en thérapeutique antalgique, d’autant plus que la littérature à ce sujet est assez pauvre alors que ces patients, quelle que soit l’étiologie de leur douleur ou de leur hépatopathie nécessitent une prise en charge antalgique au même titre que les autres.
Si l’excès d’alcool vient largement en tête des étiologies de l’insuffisance hépatique, comme en témoigne la figure ci-dessous, il ne faut pas oublier le rôle des conduites addictives, du VIH et les pathologies cancéreuses. Or, tous ces facteurs peuvent, consciemment ou non, se révéler sinon un frein, tout au moins une entrave à une prise en charge précoce et adaptée chez des patients, pas forcément aussi compliants qu’on pourrait souhaiter. Il importe donc de fournir aux praticiens confrontés à la douleur liée ou non à l’atteinte hépatique, des pistes de traitement adaptées en fonction de la pathologie, du patient et du médicament.
2. Rappel sur le foie et l’insuffisance hépatique
L’association française d’hépatologie définit l’insuffisance hépatique aigüe comme une « altération majeure et globale des fonctions hépatiques installée sur un intervalle de temps de quelques jours à quelques semaines sur un foie auparavant normal ».
L’altération du Taux de Prothrombine (TP) et le retentissement neurologique en sont des critères de gravité. D’origine alcoolique, dans 9 cas sur 10, elle touche 0,3% des patients en France.
La fonction hépatique est impliquée à tous les stades de la vie du médicament.
La première phase concerne l’extraction hépatique du médicament.
On appelle « effet de premier passage hépatique » la transformation du médicament lors d’une administration par voie orale au moment de son premier passage par le foie, avant d’avoir atteint la circulation systémique. Cet effet ne concerne que l’absorption par voie orale avec l’arrivée du médicament dans la circulation porte. Le flux sanguin hépatique (donc l’état hémodynamique) et l’intégrité des cellules du tube digestif jouent un rôle majeur dans cette phase.
La fixation aux protéines est déterminante dans la mesure où nombre de médicaments se lient soit à l’albumine, soit à l’orosomucoïde, toutes deux synthétisées par le foie. C’est la forme libre du médicament qui est active.
Outre la fixation protéique extra cellulaire, il existe une fixation intra cellulaire à l’origine de gradients entre foie et sang. Selon le coefficient d’extraction hépatique des médicaments et leur fraction libre, on peut définir deux types de médicaments à biotransformation hépatique :
- Les médicaments à haut coefficient d’extraction hépatique dits « débit dépendants » dont la biodisponibilité est largement dépendante du débit sanguin hépatique,
- Les médicaments à bas coefficient d’extraction hépatique dits « enzymes dépendants ». Ici, le rôle des systèmes enzymatiques (CYP450) est prépondérant.
La deuxième phase peut être considérée comme un processus de détoxification puisqu’on assiste, au sein du parenchyme hépatique, à la transformation d’un composé actif en un métabolite inactif. En outre, les composants lipophiles sont transformés en composants hydrophiles pour permettre leur élimination au niveau des émonctoires.
Dans une première phase, le système du CYP450 procède à une fonctionnalisation du médicament par des réactions d’oxydation, de réduction ou d’hydrolyse. C’est à ce niveau qu’on distingue les « métaboliseurs lents » et les « métaboliseurs rapides ».
Le rôle des facteurs génétiques y est important car tous les sujets n’ont pas le même équipement enzymatique. Le cas le plus typique est celui du CYP450 2D6 pour la transformation de la codéine en morphine (Seirafi et al).
Dans une seconde phase, la conjugaison du métabolite obtenu consiste à polariser la molécule pour faciliter son élimination, essentiellement par glycurono-sulfoconjugaison, qui aboutit à la production de pro-drogues, de métabolites plus ou moins stables, de produits toxiques ou plus simplement à l’inactivation de la substance obtenue.
Enfin, les xénobiotiques sont éliminés au cours de la dernière phase par le système digestif (bile ou fèces) ou par la circulation générale (rein).
Pour résumer, trois facteurs jouent un rôle majeur dans le bon fonctionnement du foie et le maintien d’une clairance hépatique physiologique :
- Le débit sanguin hépatique
- Les systèmes enzymatiques (CYP 450)
- La fraction libre des médicaments
Illustration adaptée de l’article de Buyse S et al.
En pratique, il est difficile de mesurer, de façon courante, les divers paramètres en action dans le fonctionnement hépatique, aussi est-il important de dépister les dysfonctionnements sur des critères plus simples et de déclencher, à partir de la constatation de ces troubles la prescription d’examens adaptés visant à confirmer la présence du trouble et à en quantifier l’intensité.
En pratique, il est difficile de mesurer, de façon courante, les divers paramètres en action dans le fonctionnement hépatique, aussi est-il important de dépister les dysfonctionnements sur des critères plus simples et de déclencher, à partir de la constatation de ces troubles la prescription d’examens adaptés visant à confirmer la présence du trouble et à en quantifier l’intensité.
La défaillance hépatique évolue par étapes. L’atteinte des fonctions métaboliques du foie s’accompagne de troubles de l’hémostase (dans la mesure où le foie synthétise un certain nombre de facteurs de la coagulation) et d’altération de la fonction rénale, nonobstant les troubles neurologiques.
Sur le plan pharmacologique, on peut observer un certain nombre de modifications témoins de l’interaction des divers organes :
- Rétention hydro-sodée par augmentation du volume de distribution,
- Diminution de la synthèse protéique,
- Diminution du débit sanguin hépatique fonctionnel,
- Diminution de l’activité enzymatique hépatique :
- Diminution de la clairance hépatique,
- Augmentation de la demi-vie d’élimination des médicaments,
- Insuffisance rénale associée,
- Sensibilité accrue aux effets centraux de la morphine et aux AINS,
- Troubles de l’hémostase.
Le score de Child-Pugh permet de quantifier la sévérité de l’atteinte hépatique tout en introduisant un élément pronostique (dans le cadre des hépatites virales) utile pour les choix thérapeutiques. Il associe des éléments cliniques et biologiques.
L’atteinte va de légère (5/6) à sévère (>10).
Les traitements de la douleur sont les mêmes que ceux utilisés en pratique courante.
Seules, les modalités de prescription vont changer pour s’adapter au terrain avec deux objectifs indissociables :
- Ramener la douleur à un niveau acceptable pour le patient,
- Et éviter l’aggravation de l’insuffisance hépatique par des prescriptions inappropriées, mal choisies et/ou mal surveillées.
Il existe très peu de recommandations pour une telle pathologie, aussi nous en tiendrons-nous aux connaissances pharmacologiques et physiopathologiques vérifiées et admises et à l’extrapolation des techniques utilisées dans diverses spécialités pour des circonstances proches (anesthésie, réanimation, soins de support etc…).
3. La prise en charge de la douleur chez le patient cirrhotique
L’article très complet de l’équipe de Matthew Klinge nous apprend que la douleur est retrouvée chez 82% des patients souffrant d’une cirrhose et que cette douleur est chronique chez la moitié d’entre eux. Il existe un net manque d’évaluation, le praticien étant focalisé sur d’autres problèmes concomitants. La douleur est abdominale en premier lieu (douleur d’ascite, de distension hépatique ou de splénomégalie) mais elle peut se généraliser, avec un tableau proche de trouble de la perception de la douleur (fibromyalgie) due à un état pro-inflammatoire chez ces patients. L’article fait l’état des lieux de la littérature sur les différentes approches qui ont fait leur preuve : traitement physique, approche comportementale, technique procédurale et pharmacologie.
Illustration réalisée à partir du travail de Klinge et al. Curr Hepatol Rep. 2018.
Rappelons les grands principes d’Hippocrate quand on prend en charge la douleur : « Guérir parfois, soulager souvent, consoler toujours. »
Le traitement physique
Le traitement physique est particulièrement intéressant dans cette population à tous les stades de l’insuffisance hépatique notamment avec l’activité physique qui agit non seulement sur la perte de poids mais aussi sur la diminution du seuil douloureux, comme le montrent les études prometteuses du Dr Stéphanie RANQUE. La perte de poids aide spécifiquement dans la stéatose hépatique non alcoolique avec la prise en charge de l’obésité mais n’est pas d’un grand secours dans la phase plus catabolique de la cirrhose. Le TENS est aussi à prescrire (par des médecins détenteurs d’un DU douleur ou certaines spécialités : rhumatologue, rééducateur fonctionnel, neurologue…) car il permet aussi l’autonomisation du patient et l’implication de son entourage dans la prise en charge. La rééducation, élément primordial, permet de lutter contre la sarcopénie, dans la mesure où le taux d’albumine est essentiel pour continuer à utiliser certains antalgiques. N’oublions pas enfin l’action du chaud sur les courbatures et du froid sur les douleurs aigues.
Le traitement comportemental
Il n’y a pas non plus d’études portant spécifiquement sur la population des patients atteints de cirrhose. Cependant, on connait l’intérêt des TCC, de l’hypnose, de la pleine conscience sur l’addiction, les troubles d’anxiété et de dépression ainsi que sur la prise en charge de douleurs chroniques.
Le traitement pharmacologique
L’approche pharmacologique de la gestion de la douleur est particulièrement difficile chez les patients atteints de cirrhose en raison d’un métabolisme altéré et souvent imprévisible des médicaments. De plus, dans le traitement de la douleur chronique, il faut proposer une prise en charge biopsychosociale mais aussi être conscients du potentiel de dépendance avec des médicaments spécifiques : prégabaline, opioïdes et notamment chez les patients ayant des antécédents de mésusage.
A. Les antalgiques antinociceptifs
Les douleurs nociceptives sont d’origine viscérale (abdominale essentiellement) mais aussi mécanique (l’arthrose en particulier touche cette population plus âgée) et parfois inflammatoire.
Le paracétamol reste intéressant mais doit être limité à la dose de 3 g par jour (2 g en cas d’atteinte cirrhotique sévère).
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), mêmes topiques, sont contre-indiqués. Si les AINS topiques se sont avérés efficaces dans le traitement de la douleur musculo squelettique dans des contextes aigus et chroniques et ont des effets secondaires systémiques limités par rapport aux AINS oraux, leur profil d’innocuité n’est pas clair chez les patients atteints de cirrhose, et cela devrait être pris en compte au vu des dangers des AINS systémiques dans cette population.
La prescription d’opioïdes peut être envisagée sous certaines conditions.
La codéine transformée en Morphine par le CYP2D6 n’est pas efficace et encore moins indiquée.
Le tramadol métabolisé aussi par le CYP2D6 expose, outre le risque de surdosage, à un syndrome sérotoninergique et à une diminution du seuil épileptogène en cas d’accumulation.
La morphine est glycurono-conjuguée au niveau du premier passage hépatique et la survenue d’une hépatopathie peut en doubler la biodisponibilité et la demi-vie d’élimination.
Les autres spécialités sont toutes métabolisées par le système du CYP450, donc susceptibles de problèmes en cas de défaillance hépatique :
L’hydromorphone est de peu d’utilité en raison de sa commercialisation en France uniquement sous forme LP.
L’utilisation de l’oxycodone en première intention ne se justifie pas par rapport à la morphine et son potentiel addictogène devrait la faire réserver aux situations d’échec, avec la plus grande prudence.
Il n’existe pas d’étude sur la buprénorphine, cependant le médicament commercialisé sous forme injectable (Temgésic 0,3 mg) semble plus adapté à la situation que la forme sublinguale (Temgésic 0,2 mg et Subutex 0,4 – 2 et 8 mg). Elle est métabolisée essentiellement par glycurono-conjugaison et en partie par le CYP3A4 pour être éliminée par voie biliaire. Le problème de son utilisation se pose essentiellement dans les cas de substitution chez des patients en cours de sevrage.
Il en est de même pour la méthadone, métabolisée par le CYP3A4 mais inhibitrice du CYP2D6, dont la demi vie longue et la difficulté d’induction du traitement contre balancent son indépendance de l’excrétion rénale (excrétion fécale). C’est un produit à éviter et à surveiller si le patient est déjà traité.
Le fentanyl, lié à plus de 80% aux protéines plasmatiques, est métabolisé au niveau du CYP3A4 en norfentanyl, molécule sans effet pharmacologique. Il est éliminé par les urines ou les selles essentiellement sous forme de métabolites inactifs :
- Le fentanyl transdermique est à proscrire compte tenu de sa durée de vie longue et son risque d’accumulation en cas d’obésité ou de sarcopénie.
- Tout s’oppose à l’usage des fentanyl transmuqueux (opioïdes à action immédiate)
- L’indication très restrictive souvent ignorée (uniquement dans les accès douloureux paroxystiques du cancer en association avec un traitement de fond)
- L’absence de littérature dans ce contexte, tant sur le plan pharmacologique que clinique ou observationnel,
- La proscription du Fentanyl transdermique dans ce contexte.
Pourtant, l’intérêt de telles molécules sur les accès douloureux paroxystiques qui existent hors du cadre oncologique et de manière totalement isolée sans contexte de douleur de fond semble évident. Les sept spécialités à base de Fentanyl sur le marché sont absorbées par voie transmuqueuse de manière rapide par voie buccale (Abstral, Effentora, Recivit), trans-jugale (Actiq, Matrifen) ou nasale (Instanyl, Pecfent). La biodisponibilité varie selon les produits entre 54% (Abstral) et 89% (Instanyl*).
En dépit de toutes ces réserves raisonnables, il ne semble pas illogique d’utiliser, sous contrôle strict et en hospitalisation d’abord, ces spécialités en choisissant les plus simples à administrer. Au risque de choquer, il nous semble que la forme trans-jugale d’Actiq* peut s’avérer la plus maniable du fait de l’arrêt de l’administration dès le soulagement, en dehors, bien sûr, d’un trouble de l’hémostase. Disons-le clairement, ce ne sont que des hypothèses et des propositions qui mériteraient, au vu de la pharmacologie de ces produits et du faible nombre de thérapeutiques à proposer à ces patients, une réflexion approfondie sans a priori.
Au final, il est logique et prudent privilégier les opioïdes métabolisés par glycurono-conjugaison telle la morphine avec des adaptations à réaliser (augmentation du délai entre deux prises, réduction des doses) en fonction de l’état hépatique et d’utiliser avec grande circonspection les autres spécialités notamment celles métabolisées par le CYP450, d’autant que leur supériorité par rapport à la morphine n’a jamais été clairement établie.
Le tableau suivant présente les adaptations thérapeutiques des antalgiques selon la fonction hépatique.
D’après Innaurato G et al. Antalgie chez les patients avec une atteinte hépatique. Rev Med Suisse 2015 ; 11 : 1380-4.
Nous retenons dans la pratique l’algorithme proposé par Innaurato avec en première intention le paracétamol à doses réduites, en cas d’échec le tramadol (pas de codéine ni d’opium !) et enfin en cas d’échec, la morphine. Avec tout opioïde, nous veillerons à prévenir le risque d’encéphalopathie hépatique avec l’adjonction d’un traitement par lactulose.
D’après l’étude de Innaurati et al, des recommandations de la SFETD et notre revue de la littérature
B. Les traitements de la douleur neuropathique
La douleur neuropathique est une douleur liée à un dysfonctionnement du système somatosensoriel. On la rencontre en post-opératoire, dans la SEP, l’AVC, le cancer par atteint des plexus par la tumeur mais aussi en événement indésirable de la chimiothérapie, de la radiothérapie ou de la chirurgie invasive. Pour la dépister, l’utilisation du questionnaire « Douleur neuropathique en 4 questions » est utile.
Son traitement repose par l’utilisation d’antiépileptiques et/ou d’antidépresseurs.
Parmi les anticonvulsivants, la gabapentine n’a pas fait l’objet de rapports d’hépatotoxicité significative et sa dose maximale est de 3600 mg/jour en supposant une fonction rénale normale. La prégabaline fait l’objet de rares cas de lésions hépatiques et doit donc être utilisée en deuxième intention d’autant plus qu’elle est utilisée à but récréatif et induit plus de dépendance. La gabapentine et la prégabaline peuvent provoquer une sédation et avoir un potentiel de dépendance, de sorte que les doses doivent à nouveau être lentement augmentées avec une posologie préférentielle avant le coucher. Respectons l’adage : start low, go slow. La prégabaline a été plus étudiée que la gabapentine bien que ce soient des racémiques. Deux études cliniques sur des effectifs faibles sont intéressantes à noter. A la dose de 75 mg deux fois par jour pendant 6 semaines puis 150 mg deux fois par jour pendant 6 semaines, on note une nette amélioration des crampes musculaires chez le patient cirrhotique (Ahn S et al). Même protocole, même efficacité pour le syndrome des jambes sans repos sauf que le traitement s’arrêt au bout des 12 semaines et conserve une efficacité même après arrêt du traitement 6 à 12 semaines après (Mundala K et al).
Par contre, la carbamazépine présente une hépatotoxicité et la réaction médicamenteuse avec éosinophilie et symptômes systémiques (DRESS) ont été bien décrites, de même que le redoutable syndrome de Lyell : son utilisation chez les patients cirrhotiques doit être évitée (Klinge M et al).
Concernant les antidépresseurs, presque toutes les classes ont été impliquées dans une certaine mesure dans les lésions hépatiques idiosyncrasiques induites par les médicaments. Les antidépresseurs tricycliques sont couramment utilisés pour le traitement de la douleur neuropathique et sont métabolisés par les enzymes CYP et reposent sur l’élimination rénale. A ce titre, une accumulation de médicament peut être observée dans une maladie hépatique progressive. La nortriptyline est préférée à l’amitriptyline, l’imipramine et la doxépine car elles semblent avoir moins d’effets anticholinergiques et sédatifs. Cependant, tous ces tricycliques peuvent d’induire ou exacerber une encéphalopathie et ont un risque de surdosage mortel, de sorte que leur utilisation n’est généralement pas recommandée dans le contexte d’une cirrhose évoluée.
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-norépinephrine (IRSN), y compris la venlafaxine et la duloxétine, ont également été utilisés dans le traitement de la douleur neuropathique, mais ne sont probablement pas de bonnes options pour les patients atteints de cirrhose. La duloxétine porte un avertissement de fabrication d’hépato toxicité étant donné son implication dans de nombreux cas de lésions hépatiques d’origine médicamenteuse et est contre-indiquée chez les patients atteints d’une maladie hépatique chronique. La venlafaxine nécessite une réduction significative de la dose (risque d’augmentation du temps de saignement).
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ne sont pas recommandés pour le traitement de la douleur neuropathique dans les populations générales car ils ont une efficacité moindre par rapport aux tricycliques, un potentiel effet pro-algogène, et présentent également un risque accru de saignement gastro-intestinal. Cependant, étant donné les risques des tricycliques dans cette population, la fluoxétine, le citalopram et l’escitalopram seraient intéressants dans cette population, mais restent à étudier.
Concernant le cannabis, le tétra-hydro-cannabinol (Marinol en France) est contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique. Devant des articles contradictoires sur l’apparition d’une fibrose hépatique lors d’une consommation régulière de cannabis, les études manquent dans cette population de patients.
Les traitements locaux de la douleur neuropathique sont à privilégier chez les patients atteints de cirrhose. Le patch topique de lidocaïne à 5 % a été utilisé avec succès dans le traitement des syndromes douloureux somatiques neuropathiques, aigus et chroniques et constitue un traitement à faible risque et bien toléré qui mérite d’être pris en compte dans la cirrhose. L’AMM en France est limitée aux douleurs post-herpétiques du zona. Mason et al ont décrit une efficacité modérée de la capsaïcine topique dans le traitement des douleurs neuropathiques (avec la mise en garde qu’une sensation de brûlure topique peut limiter l’utilisation chez certains patients). L’accès limité à cette thérapeutique via une structure spécialisée douleur n’aide pas non plus.
D’après l’étude de Innaurati et al, des recommandations de la SFETD et notre revue de la littérature
C. La kétamine ? « Primum non nocere »
Comme nous l’avions évoqué dans le Flyer de Novembre 2018, la question de l’effet antalgique de la kétamine fait toujours débat, et cela n’est pas près de se terminer. Les risques que nous avions pointés, essentiellement dans l’utilisation hors AMM doivent inciter à la plus grande circonspection quant à son utilisation en cas d’insuffisance hépatique :
- « Troubles hépatiques par action sur la musculature lisse des voies biliaires allant de la simple cholestase à l’atteinte sévère voire mortelle (patients brûlés) pouvant imposer une transplantation hépatique dont plus de 50% des cas observés entrent dans le cadre des traitements de douleur chronique.
- Troubles urinaires avec atteinte du tractus, de mécanisme probablement similaire aux troubles hépatiques lors d’exposition prolongée au produit ;
- Troubles cardio-vasculaires (Tension artérielle, rythme cardiaque) pouvant aller jusqu’à l’arrêt circulatoire ;
- Troubles neurologiques avec céphalées, convulsions, troubles de la conscience ;
- Troubles psychiatriques avec essentiellement des syndromes de sevrage. »
D. Le traitement procédural et les anesthésiants
L’acupuncture (y compris l’acupuncture factice !), a été associée à des complications hémorragiques (0,03 à 38 %) telles que les ecchymoses et les hématomes. Il faut donc adresser le patient chez des médecins diplômés d’acupuncture, en particulier dans le cas de patients atteints de coagulopathies.
« En France, on utilise globalement des diamètres et des longueurs d’aiguilles d’acupuncture plus petits qu’en Chine. Utilisant des aiguilles de 13 mm par 0.26 dans cette population, je n’ai pas constaté d’hématomes ni d’ecchymoses. D’autre part, les points d’acupuncture réalisés sont très souvent situés sur les avant-bras ou sur les jambes qui sont des zones moins gênantes en cas d’hématomes. » Dr Virginie PIANO
E. Les techniques d’analgésie péri nerveuse
S’il existe nombre de publications sur les techniques d’anesthésie locorégionale, il y a très peu d’articles sur l’analgésie loco régionale au long cours. A l’exception de quelques travaux de thèse et d’observations, on ne retrouve dans la littérature nationale que les travaux pilotés par l’équipe du Dr. D. DUPOIRON au CLCC d’Angers pour l’analgésie péri nerveuse centrale et les rapports d’expérience du réseau SOS Douleur Domicile 16 du Dr. E. Bures à Angoulême, structure malheureusement sacrifiée sur l’autel de prétendues économies de santé. Que dire alors des publications associant douleur, insuffisance hépatique et anesthésie locorégionale, hors période péri opératoire ? Nous nous inspirerons des pratiques anesthésiques et de ces expériences en douleur pour proposer l’utilisation de ces techniques invasives dans le cadre des douleurs de l’insuffisance hépatique.
La distinction classique entre bloc périphérique et bloc central doit être oubliée pour faire place, au vu du risque hémorragique, à la notion de bloc superficiel et de bloc profond, qui conditionne la facilité de contrôle d’un éventuel saignement.
Le choix du bloc sera fonction de la zone douloureuse. Le produit utilisé est actuellement la Ropivacaïne 0,2% (2 mg/ml) seule spécialité en rétrocession hospitalière qui permette le retour du patient à domicile. La mise en place initiale est réalisée par un anesthésiste (sous échographie dans la quasi-totalité des cas), ainsi que la première injection. Le relai est pris soit par une structure hospitalière, soit par des prestataires de services, formés à ce genre de dispositifs, avec une capacité de réponse et d’intervention immédiats en cas de besoin.
La décision de mise en œuvre doit être portée au prorata de la balance bénéfice/risque. Les contre-indications classiques (refus du patient, absence de suivi, non compliance,) doivent être respectées. Quant au problème des troubles de l’hémostase, on peut s’inspirer des recommandations actuelles d’Anesthésiologie concernant ALR et traitements anti thrombotiques, à savoir :
- Pour les blocs superficiels, pas de contre-indication liée à un trouble de l’hémostase,
- Pour les blocs profonds, obligatoirement : TP > 60% et INR < 1,5 (Kietaibi S et al).
Le risque infectieux des cathéters périphériques externalisés reste, à la condition d’une prise en charge rigoureuse par des équipes formées, minime comme la montré l’expérience du D. Bures. En revanche, il semble préférable pour les cas où l’on s’oriente vers une analgésie rachidienne de choisir, pour des raisons d’économie de produit et de sécurité (risque d’injection intra vasculaire par mobilisation de l’extrémité du cathéter) l’analgésie intra thécale en privilégiant un système totalement implanté avec pompe en raison du risque infectieux.
Pour le moment, peu d’équipes réalisent de tels gestes ou sont capables d’en assurer le suivi, mais il faut souhaiter que cela change.
La Ropivacaïne est une molécule de lipophilie intermédiaire entre la Lidocaïne et la Bupivacaïne ce qui explique son délai d’installation autour de 20 minutes (10 minutes pour la Lidocaïne). Elle est très fortement liée aux protéines plasmatiques (94%). La dégradation hépatique se fait au niveau des CYP3A4, 2D6 et surtout 1A2 qui donne les métabolites principaux 2 et 3 Hydroxyropivacaïne. Une très faible partie de la Ropivacaïne (1%) est éliminée sous forme inchangée. Le risque consiste ici en l’accumulation en cas de trouble de la métabolisation dans le système du cytochrome P450 avec le risque d’accident aux anesthésiques locaux. La prudence voudra qu’on utilise des débits les plus faibles possibles (1 à 3 ml/H en entretien des infusions périphériques) avec la concentration à 0,2%. En ce qui concerne les analgésies centrales, la même prudence devra de règle, d’autant que la concentration utilisée est beaucoup plus forte (1%).
En pratique, il est essentiel de décider en fonction de la balance bénéfice/risque, et de mettre en œuvre avec des équipes formées et prêtes à intervenir dès que nécessaire.
E. Céphalées et migraines
Aucune donnée de la littérature n’a été retrouvée sur la prise en charge de la migraine, de la névralgie de la face, de l’algie vasculaire de la face (AVF) ou autre céphalée chez un patient avec une insuffisance hépatique ou une cirrhose. Nous avons donc repris les données du VIDAL et du DOROZ. Pour les traitements les plus récents (anticorps monoclonaux dans le traitement de la migraine chronique) ont réalisé les études de phase 1 à 3 avec comme critères d’exclusion : l’âge, l’insuffisance hépatique, les pathologies cardiaques entre autres. De ce fait, nous ne pouvons pas conclure.
a. Traitement de la crise
Pour le sumatriptan, l’almotriptan, l’élétriptan, le frovatriptan ou le naratriptan, il existe une contre-indication en cas d’insuffisance hépatique sévère (Score Child Pugh>7, fibrose sévère). Pour l’almotriptan, une attention particulière est recommandée pour les patients atteints d’une insuffisance hépatique légère ou modérée du fait de sa pharmacocinétique : 45 % de l’élimination semble être liée à un métabolisme hépatique. Pour l’élétriptan et le frovatriptan, il est intéressant qu’en cas d’insuffisance hépatique légère ou modérée, aucun ajustement posologique n’est nécessaire. En cas d’insuffisance hépatique sévère, devant l’absence de donnée, il est contre-indiqué. Pour le rizatriptan, en cas d’insuffisance hépatique légère, il n’y a pas de modification des taux plasmatiques, mais en cas d’insuffisance hépatique modérée, il est noté une augmentation significative de l’aire sous la courbe (ASC) de 50 % et de la Cmax de 25 %. Il n’y a pas de données concernant l’insuffisance hépatique sévère. Concernant le zolmitriptan, son métabolisme est essentiellement hépatique. Nous n’avons pas retrouvé d’autres données. Pour le naratriptan, la dose maximale est d’un comprimé par jour en cas d’insuffisance légère ou modérée et contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique sévère.
b. Traitements de fond
Concernant les bétabloquants, nous avons plus de données. En cas de cirrhose, il y a une diminution de la clairance et donc augmentation de la concentration plasmatique. En pratique, il convient de surveiller la fréquence cardiaque (risque de bradycardie) et de diminuer les doses si celle-ci est inférieure à 50-55 batt/min au repos. Pour le propranolol, en cas d’insuffisance hépatique sévère, nous recommandons d’initier le traitement à faible dose, avec au maximum 3 prises de 20 mg par jour en surveillant la fréquence cardiaque.
Concernant l’oxetorone, il n’existe pas de données mais il est proche d’un neuroleptique, de ce fait, nous recommandons d’être prudent en cas d’insuffisance hépatique en raison du risque de surdosage. Il est métabolisé par le CYP2D6. De même, la flunarizine est metabolisée par le CYP2D6 et est considéré parfois comme un « petit » neuroleptique.
Pour le topiramate, nous n’avons pas retrouvé de données en cas d’insuffisance hépatique légère. En cas d’insuffisance modérée ou sévère, nous recommandons de diminuer les doses car la clairance plasmatique est diminuée de 26% (le médicament restant plus longtemps dans le sang).
Pour le divalproate de sodium, il est proposé hors AMM dans le traitement des céphalées mais son hépatotoxicité le contre-indique.
Le pizotifène est un dérivé des tricycliques (cf. chapitre ci-dessus) et donc il y a un risque d’hépatite sévère et d’augmentation des enzymes hépatiques.
Le candésartan, en cas d’insuffisance hépatique légère ou modérée, peut être initié à 4 mg par jour, la dose est à adapter selon l’efficacité clinique et au bilan hépatique que l’on surveillera. Il est contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique sévère et/ou de cholestase en raison de son hépatotoxicité. Il est d’autant plus à éviter dans la migraine qu’il n’y a pas d’AMM. La balance bénéfice-risque ne nous semble donc pas favorable sur les données que nous avons.
Pour les anticorps monoclonaux, le galcanézumab : aucune étude de pharmacologie clinique spécifique destinée à évaluer les effets de l’insuffisance hépatique sur les paramètres pharmacologiques n’a été menée. L’erenumab n’est pas métabolisé par les enzymes du cytochrome P450 et la clairance hépatique n’est pas une voie de clairance majeure.
Concernant les autres traitements de fond, il existe le vérapamil pour le traitement de fond des AVF et les antiépileptiques pour le traitement de fond de la névralgie du trijumeau. Nous n’avons pas abordé les céphalées plus rares (SUNCT, hémicrânia, etc).
Le métabolisme du vérapamil est modifié par l’insuffisance hépatique : il y a un risque de surdosage. La posologie initiale devra être réduite. Chez l’insuffisance hépatique sévère, la posologie doit être réduite par 5, pour Chez l’insuffisance hépatique légère ou modérée, nous recommandons de réduire de 20% (Doroz). Une réduction des doses et une surveillance clinique claire doit être proposée au patient : interrompre immédiatement le traitement en cas de signes d’insuffisance cardiaque, d’hypotension marquée, de survenue de troubles de la conduction.
La carbamazépine est hépatotoxique, un bilan hépatique préalable puis toutes les semaines pendant un mois, puis tous les mois est recommandé pour tout patient, qu’il soit insuffisant hépatique ou non. La diminution voire l’arrêt du traitement est à envisager en cas d’altération du bilan hépatique. Il n’y a pas d’étude que nous ayons retrouvée concernant l’oxcarbazépine. Cependant, les hépatites seraient plus rares qu’avec la carbamazépine. Dans ce cas, il faut prévoir un bilan hépatique préalable puis une surveillance identique à celle de la carbamazépine.
F. Addiction et insuffisance hépatique
Les données sont aussi assez pauvres. Cependant, une étude américaine portant sur les vétérans, cirrhotiques, montre que très peu utilisent la méthadone ou la buprénorphine en mésusage. Sur les 13% concernés, on note comme facteurs de risque la consommation active d’alcool, la schizophrénie, et la consommation antérieure d’opioïdes. De ce fait, il est important avant toute prescription d’opioïdes de se rappeler ceux qui peuvent être utilisés en cas de cirrhose mais aussi de proposer au patient sous opioïdes réaliser un score POMI en consultation de surveillance afin d’éviter le risque de mésusage.
La méthadone est fréquemment utilisée dans le traitement des troubles liés à l’utilisation d’opioïdes mais elle est également prescrite dans la douleur chronique. La clairance du médicament n’est pas altérée par une maladie hépatique ou une insuffisance rénale et donc l’ajustement de la dose n’est théoriquement pas nécessaire. Cependant, sa longue demi-vie peut entraîner une accumulation au fil du temps, ce qui a réduit son utilisation pour la gestion de la douleur dans le contexte d’une cirrhose.
G. La surveillance
Il n’existe pas à ce jour de critères de surveillance particulier en pratique pour la prescription d’antalgiques et notamment chez le patient souffrant d’insuffisance hépatique. La HAS décrit cependant des objectifs de surveillance chez le patient atteint d’une cirrhose non compliquée et de prévention des complications, notamment de l’apparition d’un carcinome hépatocellulaire.
Les recommandations nous semblent intéressantes à utiliser dans le contexte de surveillance de prescription d’un antalgique chez le patient insuffisant hépatique. Il s’agit des propositions des auteurs, fondées sur notre revue de la littérature et sur notre pratique quotidienne.
Avant la prescription d’un antalgique :
- Il convient d’évaluer la fonction hépatique en regardant les résultats du dernier bilan en possession du patient et si celui-ci est ancien (plus de 6 mois), il convient de réaliser le bilan de surveillance préconisé par la HAS ;
- Pensons aussi à dé-prescrire en discutant avec le patient de l’importance d’enlever les traitements hépatotoxiques au maximum (AINS en particulier);
- Rappelons au patient l’intérêt d’arrêter ou de diminuer sa consommation d’alcool, de tabac ou de toxiques et de l’orienter vers une structure adaptée (CSAPA, service d’addictologie ou médecin libéral addcitologue).
Réévaluer la fonction hépatique au bout d’un mois de traitement :
En cas d’aggravation, une consultation chez le gastro-entérologue et une diminution des antalgiques s’impose, voire un arrêt selon le degré de décompensation biologique et impératif selon la décompensation clinique.
Dans le cas d’un traitement antalgique au long cours :
Nous proposons dans cette population vulnérable, d’autant plus que la personne présente des facteurs de risque (IMC>30, poly médication, poly pathologies, âge supérieur à 65 ans, comorbidités, consommation active d’alcool ou de toxique), de faire le bilan biologique à un rythme semestriel au lieu d’un rythme annuel.
H. Et aux Etats-Unis, comment cela se passe ?
Aux Etats-Unis, l’accès aux opioïdes est depuis de nombreuses années démocratisé. De ce fait, de nombreux chercheurs ont travaillé sur cette thématique notamment ces 2 dernières années. Lune A rappelle l’importance de limiter la prescription d’opioïdes dans le temps, d’autant plus qu’elle est associée à un risque plus élevé d’encéphalopathie (Moon et al). D’autre part, l’endroit où la prescription s’initie est l’hôpital ce qui augmente la durée de séjour et le risque d’une utilisation persistante dans le temps (Moon et al, Lune et al).
4. Conclusion
L’insuffisance hépatique est un iceberg. On connait bien sa partie émergée, la cirrhose, mais il est logique de penser que la surconsommation médicamenteuse actuelle, l’obésité et sans doute d’autres pathologies considérées comme plus anodines retentissent sur la fonction hépatique de manière torpide pendant de longues périodes.
La nécessité de traiter la douleur, quel que soit le terrain confronte le praticien à des situations où une prescription inadaptée peut faire basculer un équilibre précaire, d’autant que le bon fonctionnement du foie interagit avec la fonction rénale, l’hémodynamique, l’équilibre hydro électrolytique et l’état nutritionnel.
Un bilan exhaustif est indispensable avant toute induction de traitement en cas de doute sur l’intégrité de la fonction hépatique, avec une surveillance régulière et adaptée.
Il existe déjà des standards thérapeutiques reconnus et validés en fonction de la gravité de de l’affection. Le nombre restreint des molécules disponibles doit nous conduire à chercher d’autres thérapeutiques, médicamenteuses, procédurales, physiques ou comportementales afin d’assurer à ces patients une antalgie efficace et une qualité de vie satisfaisante au prix d’effets secondaires les plus faibles possibles.
Après les progrès sur nombre de terrains (âge, insuffisances rénale ou respiratoire, patients non communicants), la prise en charge de la douleur dans l’insuffisance hépatique représente une « Nouvelle Frontière » thérapeutique devant l’explosion des addictions à bon marché (Purple drank), des déséquilibres nutritionnels et de la surconsommation médicamenteuse sauvage, dérives de nos sociétés.
L’urgence est d’autant plus prégnante que « Hannibal est à nos portes », comme le souligne le récent article d’Hépatology paru en octobre 2022, article qui pointe l’augmentation exponentielle des cancers du foie (plus de 900.000 dans le monde en 2020) qui fait craindre une explosion de cette pathologie pour les années à venir (un million et demi en 2040 avec une mortalité de plus de 90%) si on ne s’attelle pas sans attendre à la correction des causes où le diabète de type 2, et l’obésité prennent le pas sur les causes plus classiques. Laissons conclure, comme l’avait fait défunt président Chirac au quatrième sommet de la terre : « notre maison flambe ». Puissions-nous cette fois ne pas « regarder ailleurs ».
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