Le CSST du Puy-en-Velay existe depuis Novembre 2002. A cette époque la Haute-Loire était l’un des derniers départements français à ne pas avoir de CSST. Il n’y avait par ailleurs pas d’équipe hospitalière de liaison et de soins en addictologie à l’hôpital général, ni de réseau addictologie sur le département. Tout a été débuté en même temps, avec un CSST intrahospitalier et une équipe de liaison en addictologie comprenant le même personnel : une psychologue à mi-temps (qui faisait son autre mi-temps au centre d’alcoologie en ville, géré par l’ANPAA), une infirmière, une secrétaire et un médecin temps plein.
Depuis les missions se sont élargies avec les consultations tabac, le centre référence cannabis et la gestion de 3 à 5 lits de sevrage dans un service de médecine de l’hôpital. L’équipe s’est renforcée avec un temps partiel de psychologue supplémentaire, une infirmière à mi-temps (qui fait son autre mi-temps au CDAG), un médecin temps partiel (6 vacations pour le centre cannabis et le CSST), deux vacations de tabacologie et une secrétaire à temps partiel.
Initialement dans ce département de l’Auvergne, c’est plutôt la mission en alcoologie qui semblait devoir prendre le plus de temps, d’autant que le médecin de la DDASS annonçait « seulement une trentaine de toxicomanes sur le département » au vu des patients de HauteLoire qui allaient sur les CSST de Saint-Etienne et de Clermont-Ferrand.
L’évolution de la file active depuis 2002 a permis de se rendre compte que bon nombre de patients de Haute-Loire ne faisait pas de démarche de soins faute d’une structure adaptée sur place. (cf. tableau ci-dessous) Le fait de n’avoir qu’une infirmière dès l’ouverture du CSST (au lieu des 2 postes demandés) ne nous permettait pas de débuter les TSO sur place comme nous l’avions envisagé et nous a obligé à nous organiser différemment. De même que l’absence de travailleur social ou d’éducateur…
Les premiers temps ont été essentiellement consacrés à créer des liens avec les acteurs sanitaires et sociaux et les structures existantes sur le département : l’espace Toxicomanie LA PLAGE (structure « bas seuil », en ville, gérée par l’ANPAA et reconnue CARRUD aujourd’hui), PAJO (permanence d’accueil de jour et d’orientation) où de nombreux patients de LA PLAGE se retrouvent pour manger le midi, les missions locales, « allo écoute ados », le CODES, les travailleurs sociaux de secteur, ceux du Conseil Général, celle de la PASS de l’hôpital, les psychiatres du CHS du Puy en Velay, le centre de soins du Chambon-sur-Ligon (établissement SSR pour cure alcool du département), les médecins généralistes et les pharmacies.
Dès l’ouverture de l’unité d’addictologie, et dans la mesure où le médecin était aussi le référent médical du réseau, des formations ont été organisées pour les généralistes du département ainsi que pour les pharmaciens dans le cadre des UTIP (formations continues des pharmaciens).
Deux formations ont été organisées la 1ere année pour les pharmaciens : une autour de la prescription et de la délivrance de la méthadone, de l’addictologie et de l’abord du patient et une autre, quelques mois plus tard, autour de la délivrance de buprénorphine et de la gestion des conflits (puisqu’il y avait eu un incident avec un patient agressif dans une pharmacie où il venait chercher son traitement de substitution).
A chaque soirée, il y a eu une très grande représentation des pharmacies du département (entre 60 et 80 personnes présentes) ce qui était incontestablement le témoin d’une véritable volonté des pharmaciens de s’informer et de se former pour mieux faire face à une population qu’ils voyaient déjà mais sans prise en charge médicale associée (demandes de Néocodion®, de seringues…).
Ces formations ont très vite permis de travailler directement avec les pharmacies du département pour la délivrance de méthadone dès la première prescription faite en CSST ou dès la sortie de maison d’arrêt (puisque nous intervenons tous les 14 jours à la maison d’arrêt). En pratique chaque nouveau patient est vu par l’une des 2 infirmières du CSST.
Lors de ce premier entretien une information est donnée sur notre façon de travailler, une fiche « RECAP » est remplie, une analyse d’urine est faite lorsqu’il y a une demande de traitement de substitution et un rendez-vous est pris quelques jours plus tard avec un médecin du centre.
Il est expliqué au patient que si un traitement de substitution doit débuter, cela se fait en début de semaine et le patient doit choisir une pharmacie où il ira prendre sur place son traitement de substitution tous les jours (sauf le dimanche où le traitement est donné la veille par la pharmacie), au moins les premiers temps.
Lors de la consultation avec le médecin, après bilan, information et décision d’un traitement de substitution, le médecin téléphone à la pharmacie choisie par le patient pour confirmer le début du TSO et s’assurer que la pharmacie est d’accord. Le pharmacien est informé de la posologie de départ de méthadone, de l’évolution possible sur les prochains jours et de la durée de l’ordonnance (entre 2 et 5 jours, sachant que le patient peut téléphoner dans le service le jour même si le traitement était insuffisant lors de la première prise le matin).
Selon les pharmacies, le médecin téléphone à chaque nouvelle ordonnance ou uniquement lorsqu’il y a un changement de posologie. Ces coups de téléphone répétés prennent généralement peu de temps en plus (fait pendant la rédaction de l’ordonnance) et permettent un contact régulier et des informations qui sont nécessaires dans les 2 sens, devant le patient, pour assurer une prise en charge dans de bonnes conditions, conformément aux recommandations qui ont accompagné la mise à disposition des MSO (circulaires DGS/DHOS, recommandations ordinales…).
Depuis le début de ce fonctionnement en novembre 2002, il n’y a eu qu’un incident avec un patient qui a du être changé de pharmacie (à 2 reprises).
La délivrance quotidienne avec le fait de prendre la méthadone sur place en pharmacie les premiers jours est finalement bien acceptée par les patients et les pharmaciens. Dans la plupart des pharmacies, il y a une salle à part où le patient peut prendre son traitement avec une plus grande discrétion.
Sur les 11 pharmacies qui existent au Puy-en-Velay, nous avons des patients suivis dans 10. 1 seule n’acceptait pas de prendre des patients pour des raisons de « coffre-fort trop petit… » mais a téléphoné récemment au CSST pour demander des précisions de délivrance concernant un patient adressé dans leur pharmacie par un médecin généraliste pour de la buprénorphine.
Nous travaillons également de la même façon avec 17 pharmacies dans le département.
Le retour que nous avons des médecins généralistes est que, depuis l’ouverture du CSST, ils voient moins de patients qui « circulent » d’un généraliste à l’autre pour des prescriptions de codéine ou autres dérivés morphiniques. Pour les pharmaciens, les patients existaient déjà avant et le fait qu’un CSST existe sur le département leur permet d’avoir au moins un interlocuteur pour améliorer les prises en charge.
Conclusion
Le fait que le CSST soit intra-hospitalier n’a pas été un frein à l’accueil des patients les plus marginalisés ; cela a certainement été facilité par le fait que nous allions nous aussi, dans un premier temps, rencontrer les partenaires dans leur structure dès le début de notre activité.
Cela a aussi été facilité par le fait que l’hôpital comprend différents pavillons et que l’unité d’addictologie a une entrée proche de l’entrée générale de l’hôpital, dans un pavillon en rezde-chaussée où il n’y a que l’addictologie, avec un espace vert et des chaînes prévues pour les chiens qui doivent être attachés dans l’enceinte de l’hôpital.
Le CSST intra-hospitalier a permis aux patients les plus marginalisé d’avoir un pied dans l’hôpital.
Pour tous ceux qui le souhaitaient, un dépistage des hépatites B, C et du VIH a été effectué (avec l’anonymat du CDAG grâce à l’infirmière commune). Ceux qui avaient une sérologie VHC positive ont pu bénéficier d’un bilan complémentaire avec génotype, charge virale et fibrotest, et voir l’hépatologue (pour certains dans le service d’hépatologie… pour d’autres, pour qui c’était plus compliqué, dans le CSST).
Traitements de substitution
L’avis du pharmacien d’officine Dr PELLISSIER Catherine
En tant que pharmacien d’officine, je ne peux que me réjouir de participer au circuit de soin mis en place par le Dr Alain Gérard et son équipe. Depuis la naissance du C.S.S.T du Puy, et grâce à des contacts réguliers, nous pouvons désormais assurer une meilleure prise en charge des patients et aborder avec sérénité les problèmes liés à la toxicomanie.
D’abord concernant les usagers :
- Dès l’initialisation de leur traitement, ils sont pris en charge en ville, au même titre qu’un autre malade diabétique ou hypertendu, par une pharmacie qui leur délivre de façon journalière (au début) leur traitement.
- L’avantage est de ne pas enfermer les patients dans un cadre hospitalier, de ne pas les marginaliser, mais au contraire les amener directement en ville pour une prise en charge médicale comme une autre, ce qui est propice à mon sens, à une meilleure réinsertion sociale, familiale et professionnelle.
- De plus, l’approvisionnement en continu de leurs médicaments dans un cadre médical strict et sans préjugé sur leur dépendance, permet une réduction des risques liés aux drogues illicites.
- Les relations fréquentes avec ces patients, durant des années, permettent de tisser des liens, d’entamer le dialogue et de passer avec eux autant de temps qu’avec les personnes âgées ou autres personnes en quête de contact.
- L’attention particulière qu’on leur porte et la véritable alliance entre médecins-pharmacienspatients, créent un climat de confiance propice au traitement de substitution opiacée au plus grand nombre, une amélioration de leur comportement, une réduction des mésusages (ils doivent rapporter les flacons vides à la pharmacie) et une réduction du nomadisme médical.
Par ailleurs, au niveau de nos conditions de travail :
- La création du C.S.S.T et nos contacts permanents ont permis un accueil des toxicomanes beaucoup moins anxiogène et des situations conflictuelles en constante diminution, face à une population vis à vis de laquelle nous étions auparavant totalement démunis.
- De plus, la méthadone étant un dérivé opiacé potentiellement dangereux, sa délivrance engage notre responsabilité, il est donc très sécurisant d’avoir à notre disposition une telle structure de spécialistes. Elle nous a permis d’être moins isolés et d’avoir un interlocuteur en cas de doute.
Autre intérêt pour nous :
- L’organisation progressive au sein de l’équipe officinale d’un groupe de travail de trois personnes chargées d’entretenir une relation privilégiée avec chaque patient permet d’instaurer un climat de confiance réciproque. En communication permanente avec les médecins du centre (grâce à des contact quasiment journaliers), toutes les personnes impliquées ne subissent plus la prise en charge des toxicomanes comme un stress, mais comme une expérience positive où elles s’impliquent volontiers.
Conclusion
Grâce à toute l’équipe du C.S.S.T et à ses méthodes de travail impliquant fortement le pharmacien, le patient n’est plus stigmatisé et le pharmacien peut prétendre à une attitude cohérente dans la délivrance des traitements de substitution.
Le but de chacun étant d’aboutir au succès de la prise en charge, et à plus ou moins long terme à la guérison d’un nombre toujours plus grand de patients, avec un nombre toujours plus petit de risques.