Préambule
Un collectif d’associations, impliquées dans la réduction des risques et plus particulièrement sensibilisées aux risques d’overdose que prennent les usagers de drogues, décide en fin d’année 2008 de concevoir un document d’information sur les risques d’overdose et la façon les prévenir.
Il s’agit de :
- Nova Dona (CSAPA et CAARUD à Paris) et son directeur, Mustapha BENSLIMANE,
- l’ARUDA (Association pour la Réinsertion des Usagers de Drogues du secteur d’Abbeville dans la Somme) et sa présidente, le Dr Maroussia WILQUIN,
- ASUD Nîmes (CAARUD et Association d’usagers) et son directeur, Jef FAVATIER.
En janvier 2009, un comité scientifique s’emploie à la rédaction du contenu. Aux initiateurs du projet cités précédemment, s’ajoutent le Pr Christophe LANÇON, psychiatre à Marseille, Elisabeth KENNEDY, pharmacien d’officine à Versailles, Pascaline DEBRABANT, infirmière à St-Valéry-sur-Somme, Etienne MATTER, représentant les usagers, le Dr Bruno VANRENTERGHEM, médecin urgentiste à Dunkerque et le Dr Michel KFOURY, urgentiste à Abbeville.
Dès avril 2009, avec le concours financier et logistique des Laboratoires Bouchara-Recordati, une plaquette d’information est mise à disposition des usagers de drogues dans tous les lieux qu’ils fréquentent (CSST/CSAPA, services hospitaliers, pharmacies d’officine, cabinets de médecine de ville, CAARUD et associations d’usagers…).
C’est un document de 16 pages, format poche, qui décline son message en trois parties distinctes :
- Connaitre les facteurs de risque
- Reconnaitre les signes d’overdose
- Savoir réagir en cas d’overdose
Un premier article publié dans LE FLYER n° 39 d’avril 2010 (1) donnait les résultats d’une étude visant à dresser un état des lieux du niveau de connaissance des facteurs de risque d’overdose par les usagers de drogues des 3 bassins de population suivants, avant la diffusion de la plaquette (Comment prévenir les overdose – Agir rapidement peut sauver une vie) :
- Le bassin d’Abbeville dans la Somme, au nord-ouest de la France
- Le département de la Meuse, dans l’Est
- Et le département de la Haute-Loire, et plus précisément le bassin de population du Puy-en-Velay
Les résultats de cette étude sont résumés ci-dessous
- 11% parmi les 255 interrogés ont déjà fait une overdose
- Près de 80% des usagers interrogés se déclarent dépendants (usagers fréquentant et interrogés dans des structures de soins de type CSAPA ou service hospitalier, ce qui constitue un biais de recrutement)
- Le mode de consommation le plus représenté est le sniff avec 67,5% d’usagers ayant cette pratique, loin devant l’injection (13,7%)
- Sur une échelle de 0 à 10 :
- 40% des usagers ont une connaissance des facteurs de risque d’overdose < à 5, ce qui constitue, selon nous, un niveau plutôt faible en regard de l’idée convenue de l’usager-expert
- 30% seulement des usagers interrogés reconnaissent les signes d’overdose, sur eux-mêmes ou un tiers
- La même proportion déclare clairement savoir réagir si quelqu’un fait une overdose en leur présence
Et enfin, ce résultat qui nous a surpris, 70% des personnes interrogées disent n’avoir jamais reçu d’informations de la part de professionnels de la santé, de la justice ou du milieu social
L’ensemble de ces résultats justifiait a posteriori la pertinence de cette campagne d’information à l’initiative du collectif d’associations réunies sur le projet. Ces associations nous ont indiqué qu’à ce jour (mai 2011) près de 200 000 plaquettes « Comment prévenir les overdoses » ont été diffusées sur l’ensemble du territoire dans les endroits que fréquentent les usagers.
Comme nous l’avions indiqué dans le premier article, il eût été peut-être trop ambitieux de mesurer l’impact sur le nombre d’overdoses en France au cours des mois qui ont suivi la mise à disposition des plaquettes. Les overdoses surviennent, pour une part non négligeable, dans un contexte de ‘défonce’, auprès d’usagers naïfs ou peu dépendants ne fréquentant pas forcément les lieux de passage des usagers avec, de ce fait, une opportunité faible de recevoir la plaquette de prévention.
Par ailleurs, comme l’a montré l’étude de Pfab (2), près de la moitié des overdoses opiacées sont la conséquence d’un acte délibéré avec souvent une notion ambivalente de tentative de suicide. Dans ces cas, une action de prévention comme celle-ci ne peut avoir que très peu d’impact.
Nous avons donc fait le choix de soumettre aux usagers qui fréquentent nos 3 structures un nouveau questionnaire, un an plus tard. Ce questionnaire est en annexe de l’article.
Pendant 1 mois (avril 2010), il a été administré aux usagers que nous avons rencontrés.
Résultats
171 usagers ont participé à la seconde phase de l’étude visant à évaluer, si possible, l’impact de la diffusion de la plaquette « Comment prévenir les overdoses », en avril 2010 (255 dans la première phase).
Il n’y a pas d’écart significatif dans les 2 populations interrogées en avril 2009 et avril 2010 sur leur âge, leurs modes et anciennetés de consommations ni sur le type d’usage (2/3 sniffent [MSO ou drogues illicites] et 3 sur 4 déclarent être dépendants).
Seuls, 32 patients déclarent avoir déjà rempli un questionnaire comparable un an auparavant. Cette donnée ne peut pas être interprétée de façon formelle, certains usagers ayant pu simplement l’avoir oublié un an plus tard.
Il y a une légère amélioration du niveau de connaissance des facteurs de risque d’overdose (40,4% en 2010 vs. 37,3% en 2009 ont une bonne connaissance [> à 7] mais non significative).
Usagers ayant reçu la plaquette « Comment prévenir les overdoses »
Sur les 171 usagers ayant participé à la deuxième phase de l’étude, 101 déclarent clairement avoir reçu la plaquette.
L’impact de celle-ci est résumé dans le tableau 1.
Tableau 1 : Impact sur l’amélioration de la connaissance par l’usager des facteurs de risque d’overdose et/ou de gestion d’une OD chez un autre usager (DM = données manquantes) – en % de patients
Près de 90% des usagers ayant reçu la plaquette avant d’être interrogés déclarent qu’elle leur a permis d’améliorer leur connaissance des facteurs de risque d’overdose et/ou de gestion d’une OD chez un autre usager.
Interrogés sur les 3 aspects correspondant aux objectifs de la plaquette sur lesquels ils ont amélioré leurs connaissances, ils ont répondu comme suit :
- Connaître les facteurs de risque d’overdose : 85%
- Comment réagir en cas d’overdose : 79%
- Identifier les signes d’overdose : 78%
Il faut noter également que 41% d’entre eux ont diffusé le document auprès d’autres usagers (ou donner un conseil), ce qui met en exergue la propension des usagers à communiquer entre eux sur des pratiques préventives en matière d’usage de drogues lorsqu’eux-mêmes sont informés. Cet effet « boule de neige » a déjà été établi dans le passé (2).
Plus d’un tiers d’entre eux (35,6%) a changé ses pratiques d’usage d’opiacés (Tableau 2), ce qui peut paraître satisfaisant compte-tenu de la part importante d’usagers recevant un traitement de substitution pour lesquels ce dernier a probablement déjà contribué à limiter les pratiques à risque. Cette dernière donnée n’est pas formellement identifiée dans l’étude mais les lieux de cette étude (CSAPA hospitalier ou service spécialisé) le laisse penser.
Tableau 2 : Impact sur le changement de pratiques dans l’usage d’opiacés après l’information reçue par la plaquettes (DM = données manquantes, NSP = ne sait pas)
Près de 90% des usagers ayant reçu la plaquette avant d’être interrogés déclarent qu’elle leur a permis d’améliorer leur connaissance des facteurs de risque d’overdose et/ou de gestion d’une OD chez un autre usager.
Interrogés sur les 3 aspects correspondant aux objectifs de la plaquette sur lesquels ils ont amélioré leurs connaissances, ils ont répondu comme suit :
- Connaître les facteurs de risque d’overdose : 85%
- Comment réagir en cas d’overdose : 79%
- Identifier les signes d’overdose : 78%
Il faut noter également que 41% d’entre eux ont diffusé le document auprès d’autres usagers (ou donner un conseil), ce qui met en exergue la propension des usagers à communiquer entre eux sur des pratiques préventives en matière d’usage de drogues lorsqu’eux-mêmes sont informés. Cet effet « boule de neige » a déjà été établi dans le passé (2).
Plus d’un tiers d’entre eux (35,6%) a changé ses pratiques d’usage d’opiacés (Tableau 2), ce qui peut paraître satisfaisant compte-tenu de la part importante d’usagers recevant un traitement de substitution pour lesquels ce dernier a probablement déjà contribué à limiter les pratiques à risque. Cette dernière donnée n’est pas formellement identifiée dans l’étude mais les lieux de cette étude (CSAPA hospitalier ou service spécialisé) le laisse penser.
Deux autres résultats de cette étude nous paraissent intéressants – ils concernent 85 sujets ayant reçus la plaquette et pour lesquels toutes les items de l’étude étaient renseignés :
- 62% des usagers interrogés et ayant reçu la plaquette estiment que l’information ainsi donnée leur a permis ou aurait pu leur permettre d’éviter une overdose
- 70% estiment que l’information donnée aurait pu leur permettre de secourir quelqu’un qui fait une overdose
Enfin, le croisement des données selon les modes de consommation, l’ancienneté, le sexe, le lieu de l’étude, ne montre pas de différence significative sur l’impact de la plaquette.
Discussion
Cet outil de réduction des risques d’overdose chez les usagers et ceux qu’ils côtoient nous paraît répondre à l’objectif que s’étaient fixées les associations qui l’ont conçu.
Il est légitime de penser que sa large diffusion ait permis et puisse permettre de limiter le nombre d’overdoses mortelles et non mortelles lors de l’usage d’opiacé, principalement visé par son contenu.
Le retour confirmé de l’héroïne (4) ainsi que l’augmentation de sa pureté (5) doivent alerter toutes les équipes soignantes et du secteur social sur l’impératif de le diffuser à tout usager qu’elles rencontrent, sans restriction.
La plaquette rappelle les facteurs de risque d’overdose dont tous les usagers n’ont pas forcément conscience :
- L’injection, qu’il s’agisse d’héroïne ou de MSO
- Les mélanges, notamment avec les benzodiazépines
- Un faible niveau de tolérance (jeunes usagers peu dépendants ou ayant interrompu leur prise d’opiacé)
Elle donne, par ailleurs, des indications claires aux usagers sur les signes d’overdose qu’ils doivent reconnaître pour eux-mêmes, comme pour un tiers. Et enfin, elle décrit une série d’attitudes à avoir en cas d’overdose (mise en Position Latérale de Sécurité, numéros d’appel d’urgence…).
Nous étions déjà convaincus de son utilité pour les usagers qui fréquentent nos structures. Les résultats de nos études, la première réalisée avant la diffusion des plaquettes et la seconde réalisée un an après sa diffusion, nous incitent à engager tous les professionnels travaillant au contact des usagers d’opiacés à la diffuser très largement à leurs publics.
Ceci est d’autant plus vrai que les indicateurs dont nous disposons laissent à penser que la baisse importante du nombre d’overdoses mortelles aux opiacés depuis le début des années 90 (5) semble avoir marqué le pas (6). Il est vrai dans le cadre d’un regain de consommations d’opiacés et la présence croissante d’une nouvelle génération d’usagers que nous rencontrons, plus jeunes, plus souvent poly-consommateurs, avec parfois une grande précarité sociale et de plus grandes prises de risques en matière de consommations.
Limites de l’étude
Nous avons administré, à un an d’intervalle, des questionnaires assez proches l’un de l’autre pour évaluer le niveau de connaissance des usagers de drogue sur différents aspects autour de la question de l’overdose. La méthodologie utilisée et nos possibilités excluaient d’interroger la même cohorte, avant et après la remise de la plaquette.
L’évaluation porte donc sur une cohorte de 101 patients.
Bibliographie
- (1) Etude du niveau de connaissance des facteurs de risques d’overdose par les Usagers de Drogues dans 3 départements français (Meuse, Somme, Loire), Wilquin M., Guirlet D., Gérard A., Le Flyer n°39, avril 2010.
- (2) Cause and motivation in cases of non-fatal drug overdoses in opiate addicts, Pfab et al. Clin Toxicol (Phila). 2006;44(3).
- (3) Evaluation de 2 opérations « Boule de neige » organisées par l’association RuptureS en déc. 2000 et juin 2001. http://www.ors-rhone-alpes.org/pdf/rapport_final_bdn.pdf
- (4) Phénomènes émergents liés aux drogues en 2006. 8ème rapport national du dispositif Trend, OFDT, février 2009. A. Cadet-Taïrou et al. http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxaco2.pdf
- (5) Composition de l’héroïne et connaissance des usagers. Résultats de l’enquête SINTES mars 2007 à juin 2008). Emmanuel Lahaie et al. Trend 2010. http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxelq2.pdf
- (6) Epidémiologie des décès par surdose chez les usagers de drogue. F. Questel. Le courrier des addictions n° 3, septembre 2010.
Annexe : Questionnaire anonyme visant à évaluer les pratiques à risque et la connaissance des facteurs de risque d’overdose, en cas de consommation d’opiacés
Age : ___
Sexe : __
- (1) Avez-vous rempli un questionnaire du même type que celui-ci, il y a un 1 an environ ? : OUI / NON
- (2) Depuis combien de mois consommez-vous des substances opiacées (héroïne, morphine, codéine, médicaments de substitution…) comme substances principales ? : _ mois
- (3) Vous-considérez-vous comme usager (plusieurs réponses possibles) ? : très occasionnel / occasionnel / régulier / très régulier / dépendant
- (4) Quels sont vos modes habituels de consommations (plusieurs réponses possibles) ? : injection / absorption par la bouche / fume / sniff / autre
- (5) Avez-vous déjà fait ce que vous pensez être une overdose ? : oui / je crois / je ne crois pas / non
- (6) Sur une échelle de 0 à 10, à combien estimez-vous votre connaissance des facteurs de risque d’overdose (0 = nulle, 10 = parfaite connaissance), en dehors du fait de consommer des substances opiacées ? : __
- (7) Avez-vous reçu cette plaquette d’information sur le risque d’overdose ? : OUI / NON / NSP
- Si vous avez répondu oui à la question précédente (vous avez reçu la plaquette au cours de l’année passée – que vous ayez répondu ou non au questionnaire et quelque soit l’endroit où vous l’avez eue) :
- (8) Selon vous, vous a-t-elle permis d’améliorer votre connaissance sur les facteurs de risque d’overdose et/ou la gestion d’une OD chez un autre usager ? : OUI / NON / NSP
- (9) Si oui, sur quels aspects :
- Connaitre les facteurs de risque (mélange, injection, faible tolérance) : : OUI / NON / NSP
- Identifier les signes d’overdose (sur vous-même ou sur un autre usager) : OUI / NON / NSP
- Comment réagir en cas d’overdose (qui appeler, position de sécurité…) : OUI / NON / NSP
- (10) Vous-même, avez-vous diffusé le document d’information ci-dessus ou donner des conseils à d’autres usagers sur les risques d’overdose (contenus dans ce document) ? OUI / NON / NSP
- (11) Vos pratiques d’usage d’opiacés ont-elles changées avant et après l’information que vous avez reçue avec ce document ? OUI / NON / NSP
- (12) Estimez-vous que l’information que vous avez-eu avec ce document vous a permis, ou aurait pu vous permettre d’éviter de faire une overdose ? OUI / NON / NSP
- (13) Estimez-vous que l’information que vous avez-eu avec ce document vous a permis, ou aurait pu vous permettre d’aider ou de secourir quelqu’un qui fait une overdose ? OUI / NON / NSP
