Résumé
Contexte
En Norvège, le traitement de substitution par la méthadone pour la dépendance aux opiacés a été approuvé en 1998 , celui par la buprénorphine en 2000.
Méthodologie
50 patients, âgés de 27 à 44 ans, satisfaisant aux critères d’inclusion norvégiens ont été randomisés pour recevoir soit un traitement par la méthadone (n = 25), soit par la buprénorphine (n = 25). Les patients ont reçu pendant 26 semaines soit une posologie fixe de buprénorphine sublinguale de 16 mg soit une posologie individuellement ajustée de méthadone, dans du jus de cassis. La prise a été supervisée. De plus, tous ont suivi un programme de réhabilitation. La rétention en traitement, le comportement à risque, le ‘rétablissement’ (auto-perçu et analyse d’urine), ainsi que la santé physique et mentale, ont été évalués au moyen de questionnaires et d’examens biologiques.
Résultats
La méthadone et la buprénorphine à haute dose étaient toutes deux appropriées. Le taux d’abandon a été significativement plus important dans le groupe de la buprénorphine, mesuré à la fois par le taux de rétention (36 % contre 85 %, p < 0,0005) et par le nombre de jours où le traitement a été reçu (114 contre 167, p < 0,001). La proportion d’analyses d’urine positives pour les opiacés (20 % contre 24 %, p < 0,01) et positives pour le cannabis (33 % contre 45 %, p < 0,001) était significativement moindre dans le groupe de la méthadone. Le groupe de la méthadone a également eu de meilleurs résultats pour ce qui était du comportement à risque (utilisation de seringues) et des améliorations de la santé mentale. La buprénorphine a seulement produit une amélioration significative de la santé physique.
Interprétation
Pour des individus plus âgés, usés, dépendants aux opiacés avec un long passé de maladie, une forte comorbidité et des traitements infructueux sans médication, la méthadone est considérée comme le médicament le plus approprié. Si la méthadone ne peut pas être utilisée en raison de ses effets secondaires ou parce que peu efficace pour le patient, la buprénorphine constitue une bonne solution de remplacement.
Introduction
Lorsque la reconnaissance du traitement de substitution par la méthadone pour les patients dépendants aux opiacés s’est imposée en 1998, les mises en garde à la fois politiques et professionnelles ne manquaient pas. Hermstad et al. (1) ont montré que les bases de connaissance pour un tel traitement étaient faibles. Des études qui pourraient démontrer une amélioration possible de la santé physique et mentale, un changement du comportement à risque et une diminution de la criminalité étaient exigées. En 2000, la buprénorphine haut dosage a été approuvée pour la même indication. Un article de synthèse sur la pharmacologie de ce médicament avait été publié auparavant dans Tidsskriftet (2).
La buprénorphine est un agoniste partiel avec un effet plafond, tandis que la méthadone est un agoniste pur avec une courbe dose-réponse à peu près linéaire. En pratique, cela signifie que la buprénorphine est moins toxique que la méthadone, à hautes doses. En théorie, la buprénorphine devrait être particulièrement appropriée pour un traitement de maintenance, parce qu’elle produit généralement une action clinique plus subtile et présente une plus grande innocuité à l’utilisation (3).
La buprénorphine a été testée dans trois centres en Norvège : Oslo, Bergen et Kristiansand.
L’étude d’Oslo a montré que le médicament était plus efficace qu’un placebo (4). Les différences pharmacologiques en faveur de la buprénorphine indiquent que des études similaires devraient être réalisées avec la méthadone. De précédentes études comparatives ont été menées avec une posologie non optimale, excessivement faible de buprénorphine (2 à 8 mg), de courtes périodes d’observation (4 à 16 semaines) et des groupes de patients mal décrits (5-10). Il y manquait des critères validées de la fonction sociale, et l’adaptation aux conditions norvégiennes n’a pas été systématiquement étudiée.
L’objectif de l’étude de 1999-2001 à Kristiansand était de trouver une réponse à la question : Quelle médication, de la méthadone ou de la buprénorphine, convient le mieux à des patients âgés, lourdement dépendants aux opiacés, en supposant un traitement à posologie élevée et dans le temps ? L’étude fut approuvée par le comité d’éthique régional et l’Agence médicale norvégienne (Norwegian Medicines Agency). Un consentement éclairé par écrit a été obtenu de tous les patients.
Méthodologie
Nous avons inclus 50 patients avec un diagnostic de dépendance aux opiacés. Tous avaient reçu l’approbation pour un traitement de substitution opiacé, mais le traitement n’avait pas commencé. Les critères d’inclusion étaient : âge supérieur à 25 ans, au moins dix ans d’abus d’opiacés par intraveineuse bien documentés et des tentatives de sevrage répétées sans succès.
Le critère d’exclusion était la grossesse.
Avant le début de l’étude, la plupart des patients avaient une quantité fixe d’opiacé prescrite par leur médecin (buprénorphine 0,4 à 3,2 mg/jour ou morphine 200 à 800 mg/jour). Certains avaient également une prescription de benzodiazépines. La majorité utilisait improprement le médicament opiacé en dissolvant les comprimés et en les prenant par voie intraveineuse. Six patients ont refusé de participer, préférant plutôt continuer à recevoir le médicament opiacé de leur médecin. Six nouveaux patients les ont remplacés.
Avant le début de l’étude, il a été demandé aux patients de subir une désintoxication et il a été demandé que les échantillons d’urine soient négatifs à l’analyse des opiacés, des amphétamines et des benzodiazépines. Des valeurs en baisse étaient acceptées pour le cannabis.
Les patients ont été randomisés pour recevoir soit de la buprénorphine, soit de la méthadone. Les caractéristiques des deux groupes sont présentées dans le tableau 1.
Tableau 1

Schémas thérapeutiques
Les patients du groupe buprénorphine recevaient 16 mg/jour sous forme de comprimés sublinguaux.
Le groupe méthadone recevait des doses individuelles de méthadone de 80 à 160 mg (moyenne de 106 mg/jour) mélangées à du jus de cassis. Les deux groupes ont été suivis pendant six mois après avoir atteint la dose de maintenance. Toutes les prises ont été effectuées sous supervision. Aucun des patients n’a pris son médicament à la maison. L’adaptation de la posologie a eu lieu pour la moitié des sujets dans le service de consultation externe. Pour les autres, ce fut soit dans un centre de désintoxication, soit en prison.
Principaux points
L’utilisation de la méthadone et de la buprénorphine à haute dose en tant qu’élément d’un traitement de substitution opiacé réduit l’usage d’héroïne et améliore les chances de rétablissement chez les patients dépendants aux opiacés. Pour des individus âgés lourdement dépendants aux opiacés avec un long passé d’abus, le traitement de maintenance avec la méthadone reste la référence.
Trois programmes différents d’adaptation de traitement ont été utilisés ; un pour la buprénorphine et deux pour la méthadone. Les patients en prison étant généralement restés sans héroïne pendant une période prolongée, la posologie a été augmentée plus lentement pour ces patients.
L’adaptation jusqu’à la posologie de maintenance pour la buprénorphine (16 mg) a pris 15 jours.
Après un mois de monoprise quotidienne, les patients ont reçu une dose double un samedi et aucune le dimanche. Après deux mois de plus, les patients recevaient une double dose tous les deux jours (32 mg).
Pour les patients en prison, l’adaptation a débutée avec 20 mg de méthadone le premier jour et s’est terminée avec 90 mg, le dix-neuvième jour. Pour les patients en consultation externe, l’adaptation a débuté avec 30 mg et a atteint 90 mg après huit jours. Par la suite, la dose de maintenance a été ajustée sur une base individuelle, en se basant sur des examens cliniques et des analyses sériques (méthadonémies).
Autres traitements
Un programme individuel a été établi pour chaque patient et des réunions mensuelles ont eu lieu. Tous les patients ont suivi un programme de réhabilitation standard. Ceux qui n’étaient pas en activité (ou étudiants) recevaient un enseignement d’une heure par semaine sur des sujets tels que le permis de conduire, la conduite, l’alcool et les médicaments créant une accoutumance, les drogues et le traitement de maintenance, l’hépatite et d’autres pathologies, les troubles psychologiques, la nutrition, la finance et les réseaux de soin. Les patients en activité (ou étudiants) bénéficiaient de deux heures de thérapie psycho-éducative de groupe par semaine pendant dix semaines. Les patients ont, de plus, été associés dans la création de groupes d’entraide (Méthadone Anonyme, MA). Des parents furent invités à deux occasions.
Instruments
Tous les questionnaires d’évaluation ont été réalisés avant le début de l’étude, après trois mois et à six mois. Si un patient quittait l’étude plus tôt, un entretien final avait lieu avant que le patient ne parte.
Le SCL-90-R (Symptom Check List) est un questionnaire pour l’auto-évaluation de symptômes et de problèmes psychopathologiques (11).
Le MAP (Maudsley Addiction Profile) est un questionnaire d’entretien court établi par Marsden et al. (12) pour déterminer l’usage de stupéfiants, le comportement à risque, la santé physique et mentale, ainsi que les aspects sociaux et le comportement criminel.
L’échelle visuelle analogique (EVA) avec son échelle de 0 à 10 a été utilisée pour l’évaluation du rétablissement auto-perçu (0 = intoxication aiguë quotidienne, 10 = pas d’intoxication). L’abus d’opiacés était évalué séparément, tandis que les autres stupéfiants (amphétamines, benzodiazépines, cannabis et alcool) étaient évalués ensemble.
Les analyses sanguines et les résultats de l’analyse d’urine ont été exécutés par le « Avdeling for legemidler (département médical) in Trondheim » en utilisant la technologie de LC/MS. Des échantillons d’urine ont été obtenus sous supervision et testés deux fois par semaine pour les opiacés, les benzodiazépines, les amphétamines et le cannabis. Il y a eu un total de 2 000 échantillons. Toutes les analyses positives pour les stupéfiants ont été incluses et de plus, il a été convenu que les échantillons non fournis seraient également comptés comme positifs.
Critères d’évaluation
Les critères d’évaluation primaires ont été la rétention en traitement, le rétablissement auto-perçu et les analyses d’urine. Les critères d’évaluation secondaires ont été le comportement à risque, la santé physique et la santé mentale.
Statistiques
La taille de l’échantillon de 50 patients a été déterminée sur la base du matériel accessible et du calcul de résistance. Le taux de rétention, c’est-à-dire la proportion de patients restant en traitement, a été analysé au moyen d’une analyse de suivi, la méthode de Kaplan-Meier et un test de log-rang.
Les comparaisons entre les groupes en ce qui concerne les analyses positives pour les stupéfiants, l’échelle EVA pour le rétablissement auto-rapporté et les changements dans la santé physique et mentale, le comportement à risque et la qualité de vie ont été réalisées en utilisant le test de MannWhitney. Une analyse de sortie du traitement a été utilisée.
Pour ceux qui ont arrêté avant la fin du processus, nous avons utilisé l’extrapolation basée sur la dernière observation. La dernière observation avant le départ a été rapportée au critère d’évaluation. Pour les échantillons d’urine, nous avons utilisé les résultats des quatre dernières analyses pour les opiacés et pour les autres stupéfiants, avant le départ de l’étude, étant donné que nous avions estimé que les patients n’auraient pas de meilleurs résultats sans traitement.
Résultats
Aucun patient n’est décédé pendant l’administration du traitement. Un patient décéda dans un accident non lié à un stupéfiant deux mois après avoir choisi d’arrêter le traitement. Seuls neuf patients du groupe buprénorphine sont allés au bout du traitement, contre 21 dans le groupe de la méthadone (test log-rang, p < 0,005). Les patients de méthadone ont reçu le traitement durant une moyenne de 167 jours, contre 114 jours pour le groupe de buprénorphine ; une différence de 53 jours (intervalle de confiance de 95%, 26 à 80 jours, p < 0,001). Les raisons d’interruption du traitement sont présentées dans le tableau 2.
Tableau 2

Les patients ont été extrêmement satisfaits de l’amélioration de la diminution de l’usage d’opiacés durant leur traitement et ont, à la fin, donné en moyenne un score juste en dessous de 10, représentant la complète sobriété et aucune intoxication. Ils ont perçu eux-mêmes une très grande amélioration en comparaison avec la période précédant le traitement (p < 0,05), mais il n’y a pas eu de différence significative entre les groupes buprénorphine et méthadone. Pour ce qui était du rétablissement auto-perçu pour d’autres stupéfiants, le changement était modeste. Le groupe de la méthadone s’en sortait le mieux (p < 0,05) (tableau 3).
Tableau 3. Amélioration auto-perçue de la sobriété. Evolution du score EVA. un changement positif dans le score indique une plus grande sobriété

Soixante-dix-sept pour cent de tous les échantillons d’urine étaient négatifs pour l’héroïne et les opiacés illégaux.
Soixante-dix-sept pour cent de tous les échantillons d’urine étaient négatifs pour l’héroïne et les opiacés illégaux.
Il y a eu une différence statistiquement significative entre les groupes, en faveur de la méthadone pour les opiacés (80 % contre 76 % pour la buprénorphine, p < 0,01) et le cannabis. La différence était particulièrement remarquable pour le cannabis ; 68 % contre 55 %, p < 0,001.
L’usage de benzodiazépines illégales fut un gros problème dans les deux groupes, l’usage des amphétamines un peu moins. La tendance au cours de la période de 26 semaines a montré une augmentation des échantillons positifs d’urine dans les deux groupes pour les opiacés et les benzodiazépines, et dans le groupe de la méthadone, également pour les amphétamines.
L’usage auto-rapporté de seringues au cours des 30 derniers jours, le partage d’aiguilles et les rapports sexuels non protégés avant et après le traitement ont été utilisés comme critères de changement du comportement à risque.
Une diminution considérable a été observée dans l’usage d’injections, passant d’une moyenne de 18 jours par mois (IC 95% 13-25) à un jour (IC 95% 0,2-2) pour le groupe méthadone, contre six jours par mois (IC 95% 1-11) pour le groupe buprénorphine.
La différence entre les groupes était statistiquement significative (p < 0,05) et avait une importance clinique. Il y a eu peu de partage d’aiguilles. Les rapports sexuels non protégés ont continué.
La santé physique des patients était extrêmement mauvaise au commencement. En utilisant l’indice de santé avant/après du Maudsley Addiction Profile avec des scores initiaux supérieurs à 10, nous avons observé une amélioration dans les deux groupes. Une fois stabilisés et présentant de bons signes de rétablissement, il devient plus facile pour les sujets de faire quelque chose pour ce qui les fait souffrir. L’amélioration était plus marquée dans le groupe de la buprénorphine (p < 0,05).
Si nous avions considéré tous les patients impliqués évalués en utilisant le SCL-90-R, aucun changement dans la santé mentale n’aurait été enregistré. Toutefois, en excluant ceux qui déclaraient avoir des maladies mentales et qui avaient un score supérieur à 1,0 au Global Symptom Index (GSI) à l’admission, nous avons trouvé une amélioration dans les deux groupes, mais statistiquement significative (p < 0,05) uniquement pour le groupe de la méthadone.
Discussion
Nous avons montré que la méthadone et la buprénorphine à haute dose (et équivalentes) sont deux modalités efficaces dans le traitement de maintenance dans le cadre de la dépendance aux opiacés.
Dans notre échantillon d’individus âgés, dépendants aux opiacés avec un long passé de consommation, une forte comorbidité et des traitements infructueux sans substitution opicée, la méthadone semble être plus appropriée. Cela est visible dans les taux de rétention, les analyses d’urine et le comportement à risque.
La différence la plus frappante entre les groupes était lors des fins de traitement choisis par les patients eux-mêmes.
Les patients ayant arrêté le traitement par la buprénorphine se plaignaient de besoins impérieux constants de consommer, d’une intoxication constante à l’héroïne, ou d’effets secondaires comme l’anxiété, la tension, les maux de tête, la transpiration, des rougeurs et des problèmes de sommeil. La majorité des plaintes concernaient l’anxiété et la tension. Toutefois, aucun n’a exprimé l’avis que la posologie était trop faible, et il n’y a pas eu de demande de posologie plus forte. L’impression, par conséquent, est que plusieurs patients étaient mécontents des effets de la buprénorphine. Un plus grand nombre de personnes ont également triché avec leurs échantillons d’urine et ne sont pas venus prendre leur médicament dans le groupe buprénorphine.
Ceux qui ont achevé la période de traitement par la buprénorphine ont déclaré qu’ils étaient stables, alerte et lucides. Cela a été perçu comme étant une chose positive.
Dans le groupe de la méthadone, deux sujets seulement ont quitté l’étude plus tôt, l’un en raison d’effets secondaires, l’autre parce qu’il souhaitait ne plus prendre de médicament. Au plan international, plusieurs études comparatives ont été réalisées, mais les critères d’inclusion variaient d’un pays à l’autre, comme la posologie, le temps d’observation et les objectifs du traitement (5-10).
Aucune n’a été réalisée en Scandinavie. Il y a eu trois méta-analyses, et les conclusions de celles-ci étaient que les médicaments semblaient équivalents, mais que la méthadone s’en sortait un peu mieux pour ce qui était d’amener les patients à continuer le traitement (13). Cela est corroboré par notre étude avec un taux de rétention de 36 % pour la buprénorphine et de 85 % pour la méthadone.
Les patients des deux groupes ont rapporté de bons signes d’amélioration par rapport à l’usage de l’héroïne et d’opiacés illégaux. Néanmoins, les échantillons d’urine ont indiqué quelques abus. 80 % des échantillons d’urine étaient négatifs pour les opiacés dans le groupe de la méthadone et 76 % dans le groupe de la buprénorphine, une différence significative en faveur de la méthadone. Le résultat est considéré comme extrêmement bon, en prenant en compte que tous les échantillons attendus mais non fournis ont été estimés positifs pour les opiacés, comme pour ceux qui quittaient l’étude. Pani et al. (9), par exemple, ont eu de plus mauvais résultats, avec 66 % et 60 % d’échantillons négatifs pour les opiacés.
Il n’y a eu qu’une modeste amélioration ou pas d’amélioration du tout dans l’usage d’autres stupéfiants. De leur propre avis, les patients étaient un peu moins satisfaits, même si l’amélioration est ici évaluée comme étant de huit sur dix points possibles. Les échantillons d’urine ont indiqué 1/5 comme positifs pour les amphétamines et un peu moins de 1/3 pour les benzodiazépines illégales, et que l’abus avait augmenté au cours de la période d’étude. L’étude montre que, ni la buprénorphine, ni la méthadone ne protège contre l’abus d’amphétamines et de benzodiazépines.
La différence était statistiquement significative en faveur de la méthadone lorsqu’il s’agissait des échantillons d’urine positifs pour le cannabis. Ceci peut être relié aux propriétés stimulantes de la buprénorphine, qui a provoqué des troubles du sommeil chez plusieurs personnes. Pour les patients, la tendance générale était d’expliquer qu’ils fumaient du haschich pour s’aider à dormir. L’étude est importante dans ce domaine. Dans la littérature internationale, les études sur les abus de cannabis sont rares.
Le comportement à risque sous forme d’utilisation de seringues s’est amélioré dans les deux groupes, mais le plus grand changement a été observé dans le groupe de la méthadone. Étant donné que beaucoup de patients dans le groupe de la buprénorphine continuaient à utiliser des seringues, tout indique que les médecins devraient être prudents dans la fourniture de doses pour l’usage à domicile. L’association buprénorphine + naloxone pourrait réduire ce problème.
La conception de notre étude pourrait être critiquée par l’absence de méthodologie en aveugle et de bras placebo. Un essai en double aveugle avec deux formes d’administration différentes n’aurait pas pu être réalisé en termes pratiques, à l’intérieur de notre structure. L’autre objection est que nous avons déterminé une posologie fixe de buprénorphine contre une posologie flexible de méthadone.
Des posologies à la fois fixe versus flexible et flexible versus flexible ont été utilisées dans des études internationales. Notre choix d’une posologie flexible de méthadone reposait sur le fait, qu’en plus de l’effet clinique, nous avions également un taux sérique thérapeutique recommandé auquel se fier lorsqu’il s’agissait de déterminer la posologie. Ce n’était pas le cas pour la buprénorphine. Ling et al. (5) ont déterminé que 8 mg, qui était la posologie la plus souvent utilisée et comparée, n’était pas optimale et Caplehorn et al. (14) étaient d’avis que 12,5 mg serait idéal. Ceci était néanmoins basé sur une solution alcoolique et non sur des comprimés sublinguaux, qui sont moins bien absorbés. La solution de buprénorphine a une biodisponibilité de 30 à 50 %, les comprimés sublinguaux de 20 à 40 % (15, 16). Nous avons par conséquent opté pour une posologie fixe de buprénorphine de 16 mg. Cette posologie devait se rapprocher étroitement des 106 mg de méthadone, qui était la valeur moyenne du groupe méthadone (1 mg de méthadone = 0,15 mg de buprénorphine).
Un degré d’incertitude demeure pour ce qui est du fait que certains patients auraient pu avoir besoin d’une posologie plus importante. Il serait intéressant de déterminer le taux sérique de référence pour la buprénorphine pour une évaluation clinique de soutien.
Conclusion
Dans cette étude ouverte, randomisée, le traitement à la méthadone s’est révélé meilleur, à la fois en termes d’analyses d’urine négatives et d’améliorations dans le comportement à risque et la santé mentale. Les patients eux-mêmes, à la fois dans le groupe de buprénorphine et dans le groupe de méthadone, ont rapporté une amélioration globale. Cependant, beaucoup plus de patients ont arrêté prématurément le traitement avec la buprénorphine, et la différence était plus marquée que dans la plupart des études internationales. Considérée dans son ensemble, la méthadone à posologie élevée paraît toujours être la référence du traitement de maintenance de la dépendance aux opiacés chez des patients plus âgés, plus influençables avec un long passé d’abus de substances et une forte comorbidité.
Nos remerciements à Helge Waal pour ses conseils durant la préparation de cet article. L’étude a été financée par le Département Norvégien de la Santé et des Affaires Sociales.
Conflits d’intérêts déclarés : La participation d’Øistein Kristensen et Olav Espegren à un congrès international a été financée par Schering-Plough.
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