Plus de 4 ans après la mise à disposition du premier kit naloxone prêt à l’emploi, administrable par un·e non professionnel·le de santé, il est temps de faire le point sur ce qui pourrait apparaitre déjà comme un échec, si on se réfère aux nombres de kits naloxone (Prenoxad et Nalscue) mis à disposition des usager·ère·s depuis fin 2016.
Près de 20 000 kits Nalscue depuis son lancement en 2016, soit près de 5 000 kits par an en moyenne et près de 7 000 kits Prenoxad en un peu plus d’un an, si on en croit les chiffres communiqués lors d’un webinaire naloxone organisé le 31 août 2020 par la Fédération Addiction à l’occasion de l’OverdoseDay, chiffres fournis par les firmes concernées, Ethypharm et Indivior.
Référence : Fédération addiction – Webinaire : Prévention des surdoses aux opioïdes, 31 août 2020 sur Youtube
27 000 kits, mis à disposition des usager·ère·s dans des conditions parfois confiscatoires et parfois aussi dans une cacophonie, dans laquelle Autorités de Santé, associations et firmes pharmaceutiques ont joué chacune leur partition sans réelle coordination et, parfois, en prenant des positions hors-sol. Pour ce qui est des publics visés et des moyens de diffusion, l’impression générale laisse un sentiment d’improvisation plus que de concertation entre les acteur·rice·s et de ‘tirage de couverture à soi’.
Le début de l’histoire
Naslcue est mis à la disposition des usager·ère·s par le système dit d’ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation) le 25 juillet 2016. Ce dispositif nasal est alors disponible uniquement sur prescription médicale et ne peut être fourni que par les pharmacies des hôpitaux. En clair, seuls les services d’addictologie et les CSAPA hospitaliers peuvent les délivrer. Pas d’antidote dans les CSAPA associatifs, ni dans les CAARUD. Encore moins dans les pharmacies d’officine. Pas étonnant que la diffusion reste confidentielle. En mai 2017, seul·e·s 539 usager·ère·s et patient·e·s se sont vu·e·s délivrer un kit Nalscue, pas de quoi infléchir la courbe des overdoses en France.
Les raisons de cet échec : une procédure administrative trop lourde liée à l’ATU et peut-être aussi un manque de culture RdR en milieu hospitalier. Un prix d’achat de plus de 100 euros par kit, proche de ce que la firme souhaitait sûrement obtenir une fois l’AMM et le remboursement acquis.
Une des conséquences de ce lancement un peu raté : un milieu qui s’est enfermé dans un principe de précaution généré pas les atermoiements de l’ATU avec une surenchère de précautions institutionnelles inutiles et une ultra-protocolisation des modalités de mise à disposition d’une solution qui ne possède pourtant que des avantages en termes de santé publique et très peu de risques.
Le principe de médicalisation de la diffusion de naloxone a prévalu sur le modèle que l’ATU impose, à savoir un médicament, un·e patient·e (plutôt qu’un usager·ère) et un·e médecin. Il est temps de sortir définitivement de cette approche trop loin des bonnes pratiques de Réduction des Risques.
Elargissement de l’ATU de Nalscue
Décembre 2016, l’ANSM élargit la possibilité de diffuser les kits Nalscue par les CSAPA associatifs.
Elle rappelle à l’occasion « qu’une formation à son utilisation est un prérequis indispensable avant sa délivrance ». Cette formation va être confiée à la firme elle-même, qui voit alors certainement une opportunité de préempter le marché, pas encore juteux des kits naloxone. D’autant qu’à cette période, la firme Ethypharm annonce pour ‘bientôt’ la mise sur le marché du kit Prenoxad, qu’elle diffuse à près de 100 000 exemplaires chaque année au Royaume-Uni. On verra que le ‘bientôt’ sera un peu plus tard que prévu.
Toujours est-il que 2017 sera l’année de Nalscue, avec plus de 8 000 kits vendus.
L’AMM de Nalscue
En juillet 2017, l’ATU de cohorte de Nalscue débouche naturellement sur une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché). Désormais, « les CAARUD dont le personnel a été formé peuvent désormais délivrer de la Naloxone à leur public, y compris via des bénévoles formé·e·s. Cette délivrance est rendue possible par l’Article D3121-33-4 du code de la santé publique, dont dépend l’arrêté du 5 mai 2017 qui fait entrer la Naloxone et l’eau PPI dans le cadre des produits de santé dont la délivrance est autorisée en CAARUD. Les CAARUD doivent néanmoins, pour s’approvisionner avoir passé une convention avec un CSAPA ou avec une pharmacie d’officine, convention qu’il leur faudra également transmettre au directeur général de leur ARS », comme l’indique le communiqué de la Fédération Addiction, qui rappelle la dispensation de la formation par la firme et par elle-même.
Ce nouveau dispositif reste teinté d’une épaisse couche administrative qui rebutera beaucoup de CAARUD. Et le prix, toujours aux alentours de 100 euros, alors que la firme engage des discussions avec le Comité Economique pour obtenir un remboursement et, de ce fait, une possible diffusion en pharmacie d’officine.
Cet élargissement, dont on aurait pu penser qu’il propulse Nalscue à des niveaux supérieurs à 2017, n’aura pas l’effet escompté.
Le prix reste rédhibitoire (100 euros), ainsi que la nécessité pour les CAARUD de passer une convention avec un·e pharmacien·ne d’officine ou un CSAPA et toujours l’obligation de formation sans que l’on sache de quoi il s’agit exactement (contenu, organisme/firme et ‘certification’ – par qui ? pour qui ?). Résultats : 5 000 kits vendus en 2018, presque moitié moins que sous le régime de l’ATU en 2017. Le train n’est toujours pas sur les rails.
« Concernant le prix, c’est évidemment incompatible avec l’objectif de diffusion dans les milieux communautaires afin d’avoir une efficacité et un réel effet d’opportunité, c’est-à-dire une disponibilité optimale d’un kit en cas d’overdose.«
David Gautré
L’arrivée de Prenoxad
Annoncé plus discrètement, avec moins de relais institutionnels que pour Nalscue, Prenoxad arrive sur le marché. Annoncé pour fin 2018, il arrivera finalement en juin 2019. Il n’est pas passé par la case ATU, obtient rapidement un prix très bas avec remboursement, 23,00 euros en pharmacie, 19,00 euros en CSAPA-CAARUD et hôpital. Il est d’emblée disponible partout. Hôpitaux, CSAPA, CAARUD moyennant une convention avec un·e pharmacien·ne d’officine et, surtout, tout·e pharmacien·ne d’officine amené·e à honorer une prescription d’un·e médecin ou une demande d’un·e usager·ère. En effet, il est ‘délisté’ et à, ce titre, peut être délivré sans ordonnance à un·e client·e de la pharmacie.
Pas de remboursement pour Nalscue
Quelques mois avant la diffusion de Prenoxad, on apprend que la firme Indivior ne s’est pas entendue avec le Comité Economique. Elle souhaitait probablement obtenir un prix de remboursement aux alentours de 100 euros (prix pratiqué aux Etats-Unis pour un kit équivalent) et le Comité Economique est resté sur sa proposition d’un prix plus bas. Il a probablement considéré qu’une molécule ancienne de plusieurs décennies, dans un dispositif dont le coût doit être de quelques euros, ne méritait pas un prix aussi élevé que celui attendu par la firme. Résultat de cette transaction ratée : toujours pas de Nalscue en pharmacie d’officine et un prix d’acquisition pour les structures hospitalières et associatives ramené à 35 euros. Qu’à cela ne tienne, la firme par la voix d’une de ses cadres entend s’appuyer sur le « maillage important avec plus de 600 structures destinées aux usager·ère·s de drogues où il·elle·s pourront se procurer gratuitement ce kit ». Gratuit pour les usager·ère·s, pas pour les structures et les finances publiques.
Référence : 20minutes, 27/09/18, Opioïdes: L’antidote aux overdoses Nalscue ne sera finalement pas accessible à tous en pharmacie
Une triste fin pour Nalscue
Ainsi titrait Le Quotidien du Pharmacien sous la plume de Charlotte Demarti en avril 2019.
Référence : Le Quotidien du pharmacie, 19/04/2019, Overdose : une triste fin pour Nalscue
« Le kit nasal Nalscue (naloxone en spray, Laboratoire Indivior) ne sera plus commercialisé après écoulement du stock. Le médicament ne sera plus disponible après décembre 2020, date de péremption des 28 000 kits encore détenus en stock par le laboratoire. Cet arrêt de commercialisation serait dû à un manque de rentabilité de la spécialité. D’une part, son prix a été négocié à 35 euros, alors que le laboratoire en espérait 100 euros. D’autre part, Nalscue est peu utilisé, car il n’est disponible que dans les centres d’addictologie (CSAPA, CARUUD, etc.). »
Le soutien quasi-exclusif inter-associatif au spray nasal
S’organise alors un mouvement de défense du spray nasal par plusieurs associations, relayé par de puissantes associations comme Aides, la Fédération Addiction ou encore Safe.
Leur plaidoyer est essentiellement tourné vers l’accès à la naloxone par voie nasale à tel point qu’il va, selon nous, nuire à l’accès à la naloxone (en général) en se focalisant sur la fin de Nalscue pourtant irrémédiable, et en mettant l’accent sur le relais vers une forme nasale à venir, Nyxoid.
Le message est brouillé, sans forme nasale point de salut ! Les arguments sont hors-sol. « Les usager·ère·s sont réticent·e·s à la forme injectable » (nous y reviendrons), « Le kit Prenoxad n’est pas vraiment disponible en pharmacie » (comme tout médicament non encore prescrit, les pharmacien·ne·s doivent le commander car ils ne l’ont pas en stock). Ce dernier message sera répété à l’envi lors d’une conférence de presse en 2019 à l’occasion de la journée mondiale des overdoses.
Référence : Bouderbala B., Monge J., Reyne B., Diffusion de la Naloxone en France, Analyses et recommandations, Hôpital Marmottan, 2 septembre 2019
Tout cela va nuire effectivement à l’accès à la naloxone (toutes formes confondues) et le soutien très appuyé des associations (certaines) à la firme Indivior qui commercialise Nalscue va poser des questions sur des conflits d’intérêt entre les parties. Notamment le collectif PCP (Policiers Contre la Prohibition) qui va établir l’existence de ces liens.
PCP revient également sur le sujet de l’accès à Prenoxad en pharmacie : « Au lieu de ça, à l’occasion de l’OverdoseDay d’août 2019, une campagne médiatique hors sol est déclenchée contre les pharmacien·ne·s, qui pour la plupart et très logiquement, ignoraient tout de ce médicament (Prenoxad) 2 mois seulement après son autorisation de mise sur le marché. »
Référence : Police contre la prohibition (PCP). Naloxone, laboratoires pharmaceutiques, subventions et réduction des risques, 31 août 2020
La note DGS (juillet 2019)
Cette ‘promotion’ d’une forme (le nasal) plutôt qu’un autre (l’IM) va mettre une partie du milieu en situation d’attente. C’est d’autant plus dommage que la DGS diffuse à l’été 2019 une note définissant les conditions d’accès aux kits naloxone, les publics cibles, les soignant·e·s concerné·e·s ainsi que l’obligation pour les pharmacien·ne·s hospitalier·ère·s de mettre à disposition des soignants des kits naloxone.
Cette note DGS aura peu d’effets au regard des ventes constatées pendant la période. En cause, peut-être un problème de timing (diffusion de la note en plein été) et les discussions interminables sur l’accès aux kits dans le cadre d’un lobbying organisé en faveur du kit naloxone intranasal alors que son retrait du marché est annoncé pour fin 2020.
Pas de quoi mobiliser les troupes ! Plutôt l’inverse.
« Pas vraiment sur Axess, où nous nous sommes orienté·e·s rapidement et exclusivement (à l’issue des stocks Nalscue que nous avions achetés) vers la solution Prenoxad, privilégiant l’éducation thérapeutique autour de cette solution IM qui s’installe durablement dans le paysage addicto au détriment d’une solution vouée à disparaitre. Et ce, malgré un intérêt du nasal remonté par les équipes et les usager·ère·s.«
David Gautré
La campagne du Ministère de la Santé (Juillet 2020)
En avril 2020, c’est le Ministère de la Santé qui s’y colle. La campagne aura un vrai succès, avec affiches à l’appui. Un groupe de travail est constitué avec un collectif d’associations qui va, lui-aussi, faire la part belle à la forme nasale. Une formation en ligne proposée par Safe est disponible avec une vidéo de démonstration d’administration de naloxone… par voie nasale (exclusivement).
Le site qui s’appelle naloxone.fr ressemble à s’y méprendre à un site Indivior/nalscue.fr, alors que des vidéos de démonstration d’administration de Prenoxad sont en ligne par ailleurs et auraient mérité de côtoyer celle de l’administration de Nalscue. Peu importe, les ventes des 2 médicaments s’envolent dans les mois qui suivent mais pendant 2 mois seulement…
Référence : Santegouv. Campagne « Surdoses (overdose) d’opioïdes : la naloxone est utilisable par tous et peut sauver la vie »
L’annonce de l’arrivée de Nyxoid, le sauveur
Le collectif ‘pro-nasal’, visiblement dépité de n’avoir pu convaincre Indivior de rester sur le marché, mise tout désormais sur Nyxoid. Ce dispositif intranasal a eu son AMM européenne et obtenu un prix (autour de 31 euros) cet été 2020.
Très clairement, il s’agit encore une fois de maintenir le nasal à bout de bras, en demandant par ailleurs de prolonger la péremption des kits Nalscue de 6 mois, histoire de liquider les stocks (20 000 kits) et de tenir le plus longtemps possible avant le ‘relai’ par Nyxoid. À la date de cette rédaction, nous ne savons toujours pas ce qu’il en est. De son côté, Nyxoid a été annoncé au printemps 2021, puis à l’été et enfin à l’automne…
L’embout nasal, le MAD
Ultime ‘promotion’ de la naloxone par voie nasale ‘à tout prix’, l’utilisation du MAD pour transformer un kit injectable en kit nasal. Seul problème, cette utilisation est empirique, on ne sait rien de l’absorption d’une telle quantité de liquide (contenu dans la seringue de Prenoxad) par la muqueuse nasale. La firme, contactée sur l’utilisation du kit Prenoxad par pulvérisation nasale, n’a d’autre choix que de rappeler que c’est une utilisation hors-AMM et que cette utilisation est classée par l’agence du médicament comme un mésusage.
À nouveau, il s’agit de promouvoir l’accès à la naloxone, sous des formes ‘certifiées’ et disponibles sur le marché, pas de faire la promotion d’un mode d’administration plutôt qu’un autre. Le fait de diffuser des outils de RdR n’exclut en rien l’application d’un minimum de rigueur scientifique.
Référence : Safe Le « kit spray nasal »
Qui va distribuer Nyxoid ?
Les rumeurs vont bon train.
Bouchara qui commercialise la méthadone et qui pourrait voir un intérêt de disposer de l’antidote aux overdoses à cette même méthadone, qui ont fait l’objet d’une alerte de l’ANSM en juillet 2020.
Référence : ANMS, 16/07/2020, L’ANSM rappelle les risques de la méthadone et l’importance de disposer de la naloxone
Indivior, qui pourrait récupérer le bébé et capitaliser sur son expertise quant à la diffusion des kits nasals de naloxone avec le soutien d’une partie du milieu associatif.
Mundipharma, même si c’est aujourd’hui une entreprise en difficulté avec un lourd passif en matière d’addiction au travers de sa responsabilité dans la crise américaine des opioïdes.
Ethypharm enfin, qui pourrait proposer une offre complète de kits naloxone.
L’obligation de formation
Un credo qui date de la période ATU et qui va être relayé par de nombreuses voix.
Il faut donc absolument former les professionnel·le·s au cas où leur viendrait l’idée saugrenue de distribuer des kits naloxone sans savoir ce qu’est la naloxone, ce qu’est une overdose et comment administrer des kits. Certain·e·s vont même jusqu’à ‘certifier’ les professionnel·le·s à condition bien sûr qu’ils aillent se former sur le site naloxone.fr, sur les modules qu’elles ont mis eux-mêmes en ligne.
Beaucoup de professionnel·le·s vont surseoir la diffusion des kits naloxone, comprenant mal cette obligation de formation. Qu’en est-il exactement ? Depuis les AMM octroyées aux kits Nalscue et Prenoxad, il n’y a aucune certification à obtenir de qui que ce soit. Cette pression mise sur la formation, plus forte que celle mise sur la formation à la prescription des opioïdes (!) s’avère contre-productive.
Sauf à considérer que les professionnel·le·s de la réduction des risques sont incapables de s’approprier un outil aussi simple que l’antidote aux overdoses.
La réticence des usager·ère·s (au kit IM, à la naloxone elle-même)
Les défenseur·e·s à tout prix de la forme nasale, ‘rien que la forme nasale’, évoquent la réticence des usager·ère·s à se voir remettre un kit d’injection intramusculaire ! Nous verrons plus loin que cette réticence, que l’on peut comprendre, vient plus de professionnel·le·s convaincu·e·s que des usager·ère·s eux·elles-mêmes. La plupart des antidotes s’injectent (IM ou sous-cutané) pour des raisons de biodisponibilité (absorption de la naloxone par l’organisme, plus variable avec le nasal).
Par ailleurs, ces antidotes ne sont pas destinés à un usage régulier mais uniquement à être administrés en cas d’urgence, voire pas administrés du tout dans la plupart des cas. Au Royaume-Uni, le kit intramusculaire est très largement distribué, à près de 100 000 unités chaque année, soutenu par les associations d’usagers qui l’ont adopté, sans réticence.
Le modèle de diffusion est démédicalisé et il est délivré à des usager·ère·s, pas forcément pour eux·elles-mêmes, mais pour être en situation de secourir d’autres usager·ère·s (« approche bon·ne samaritain·e, plus positive qu’usager·ère à risques »). Il faut enfin accepter l’idée que les kits naloxone délivrés ne serviront pas et qu’il faut probablement en donner une ou plusieurs centaines pour sauver une vie.
Notons, pour clore ce chapitre, que lorsque les 2 kits (nasal et IM) sont proposés et présentés de façon claire et non orientée, les usager·ère·s choisissent autant l’un que l’autre, voire les 2, et c’est comme cela que cela devrait se passer.
« Utilisation des kits naloxone au CSAPA de Lisieux (associatif, sans pharmacien·ne). Nous avons commencé la délivrance de kits Prenoxad aux usager·ère·s depuis janvier 2020 (déjà 25 kits délivrés aux primo-consultant·e·s ou personne sans CMU ou mutuelle, à une personne dont la pharmacie a refusé de commander le Prenoxad,, ou à des usager·ère·s venant chercher du matériel de RDR). Pour des patient·e·s suivi·e·s depuis quelques temps, j’ai proposé en systématique la prescription du kit (au moins une cinquantaine de patient·e·s déjà concerné·e·s). Seul·e·s 10 % environ ont refusé la prescription soit car il·elle·s voulaient pas quelque chose d’injectable ou parce qu’il·elle·s ne se sentaient plus concerné·e·s par le risque d’overdose. »
Dr Céline Jehanne
Secouru après une overdose à la méthadone
C’est le CAARUD ASUD de Nîmes qui nous relate cette histoire en même temps que sa pratique de diffusion des kits naloxone.
Un usager qui fréquente le CAARUD s’est fait délivrer un kit Prenoxad il y a quelques mois. Il a secouru un autre usager à son domicile en situation d’overdose après avoir pris vraisemblablement 2 gélules de 40 mg de méthadone. Ce n’est pas un patient régulier sous méthadone plutôt un expérimentateur. Bien que sensibilisé à la naloxone, il a eu malgré tout un moment d’hésitation (que connaissent beaucoup de témoins d’overdose). Il a injecté une dose contenue dans la seringue de Prenoxad et a appelé les secours qui sont intervenus dans la foulée (transfert à l’hôpital). L’issue a été favorable. L’usager ‘secouriste’ a demandé 2 kits Prenoxad, un pour chez lui et un pour mettre dans son sac. C’était la première fois qu’il était témoin d’une overdose.
En ce qui concerne la diffusion des kits, le CAARUD de Nîmes a commencé en septembre 2019, et, sur la période de septembre 2019 à décembre 2019, il a délivré 13 kits, à 5 femmes et 8 hommes dont une mère d’un consommateur.
Depuis janvier 2020 à aujourd’hui, le CAARUD en a délivré 11. Ils ne donnent que du Prenoxad. Il n’y a aucune réticence à la voie IM chez les usager·ère·s dès lors qu’on prend le temps de bien décrire la procédure d’administration. Il y a une question qui revient fréquemment : « Est-ce dangereux d’injecter de la naloxone si l’OD n’est pas due à des opioïdes ? » La réponse est non, bien sûr. Le seul danger sur une overdose majoritairement en lien avec une prise mise de benzodiazépines et que la naloxone soit inefficace.
Le kit est systématiquement proposé aux consommateur·rice·s d’opioïdes avec une explication quant au mode d’utilisation et comment reconnaitre les signes d’une OD. Il n’y a eu aucun refus, hormis une personne qui ne se sentait pas directement concernée, et qui a eu besoin d’en parler avec son entourage. Le postulat est que les usager·ère·s sont généralement tout à fait capables d’évaluer le bénéfice/risque entre sauver une vie ou prendre son courage à deux mains pour injecter à autrui un produit (qu’ils ne connaissent pas réellement) et évidemment appeler les secours. Enfin, du côté de l’équipe, il est tout aussi indispensable de bien évaluer à quel moment il est judicieux et opportun de promouvoir le kit. On peut décaler dans le temps mais nous veillons à le proposer systématiquement.
Enfin, les usager·ère·s qui bénéficient d’une délivrance kit Prenoxad sont pour une partie des injecteur·rice·s ou ancien·ne·s injecteur·rice·s, mais au moins un tiers d’entre eux·elles sont des sniffeur·se·s, pas plus ni moins réticent·e·s que les usager·ère·s injecteur·rice·s à recevoir un kit IM.
Il y a bien sûr aussi des vies sauvées grâce à l’administration du kit nasal.
Pour conclure
Il est grand temps de franchir une étape nouvelle dans la diffusion des kits naloxone sans s’appesantir sur des considérations contre-productives : Quel kit, nasal ou IM ? Quelle formation, par qui ? Un nouveau kit, pour quand et à quel prix ?
Ces considérations ne dépendent pas de nous et nous devons diffuser des kits naloxone, outil de réduction des risques par excellence, sans attendre qu’hypothétiquement d’autres arrivent, quand et dans quelles conditions de délivrance (il est question pour le kit Nyxoid d’une prescription médicale obligatoire) ou encore s’il vaut mieux donner l’un ou l’autre. Souvent, les structures qui ont fait le choix de donner un kit (nasal ou IM) plutôt qu’un autre mettent tout naturellement en évidence la préférence des usager·ère·s pour celui qu’ils ont choisi de délivrer.
Les deux kits sont efficaces en cas d’overdose et l’expérience, en France comme dans d’autres pays, montrent qu’ils bénéficient, quelle que soit la forme, d’une bonne acceptabilité.
Dans l’enquête OPPIDUM 2019, seuls 1/3 des usager·ère·s (des CSAPA) ont connaissance de la mise à disposition d’un kit naloxone en prévention des surdosages.
La priorité désormais est de :
- Délivrer les kits disponibles, en proposant un choix de mode d’administration s’il est possible, dans les structures et dans les pharmacies d’officine vers des usager·ère·s à risque,
- Mais surtout aussi vers des usager·ère·s susceptibles d’être témoin d’une overdose.
- Les sortant·e·s de prison avec un passé de consommation d’opioïdes devraient systématiquement se voir délivrer un kit avant ou, au plus tard, au moment de la sortie,
- Ainsi que ceux·celles qui sortent d’une hospitalisation pour sevrage.
- Il en est de même pour des usager·ère·s hospitalisé·e·s pour une overdose qui ne devraient pas quitter l’hôpital sans un kit en poche.
- Si les usager·ère·s de drogues opioïdes sont concerné·e·s, il faut également s’intéresser aux patient·e·s qui ont des traitements antalgiques opioïdes à des doses élevées et/ou qui peuvent perdre le contrôle de leur consommation.
Cela veut dire qu’il faut sortir la naloxone du ‘ghetto’ des usager·ère·s de drogue et du milieu de l’addictologie et de la RdR. Cela ne se fera pas sans passer par une campagne grand public en faveur de la diffusion de la naloxone. A moins de considérer que le nombre de mort par overdoses dans notre pays soit trop faible pour que l’on s’y intéresse…