La recherche de l’ivresse et la sédation du sevrage sont des motifs fréquemment avancés par les toxicomanes aux opiacés pour justifier la consommation de benzodiazépines (BZD). Pour mieux connaître le profil des consommateurs de BZD, une étude israélienne les a comparé aux sujets non consommateurs dans un centre méthadone de l’hôpital universitaire de Tel-Aviv. Tous traités par méthadone depuis au moins un an, 148 sujets ont participé à l’étude à l’aide de l’Addiction severity index, de la SCL-90-R, de la Profile of mood state et d’analyses toxicologiques urinaires hebdomadaires à la recherche de BZD, d’héroïne, de cocaïne et de cannabis. Défini par des analyses toxicologiques régulièrement positives durant un an, l’abus de BZD concernait 57% des patients.
Les consommateurs de BZD ont montré davantage de signes de gravité que les sujets non consommateurs : plus grande consommation d’héroïne, de cocaïne et de cannabis, doses de méthadone plus élevées, conduites à risque sexuelles d’infection par les VIH et VHC accrues, psychopathologie plus sévère, notamment sur les dimensions dépressive, phobique, obsessionnelle-compulsive et de paranoïa. Les patients utilisaient davantage les BZD comme automédication que dans un but récréatif. Il s’agisait cependant d’automédication « sauvage », la prescription de BZD par un médecin du centre ne concernant que 8 sujets seulement.
Commentaires
Dans une étude similaire portant sur 231 sujets traités par méthadone à Baltimore, 60% des sujets avaient abusé des BZD, dont un tiers toujours dépendants au moment de l’étude (Chutuape et al. J Nerv Ment Dis 1997; 185:289-297). Comme dans l’étude de Bleich et al., les sujets consommaient davantage d’autres drogues. En revanche, il n’y avait pas de différence entre les 2 groupes pour les troubles psychiatriques, sauf les troubles de personnalité psychopathiques surreprésentés chez les consommateurs de BZD. Pour les auteurs américains, l’abus de BZD serait davantage lié à la sévérité de la polytoxicomanie qu’à l’automédication de troubles psychiatriques. Quoi qu’il en soit, la consommation de BZD détournées de leur usage reste préoccupante dans cette population. A fortes doses, les BZD induisent fréquemment des états de désinhibition psychomotrice avec amnésie post-critique, potentiellement médico-légaux. Le potentiel d’abus et la nécessité de sevrage progressif des BZD rend leur prescription délicate pour les médecins, d’où l’intérêt de renforcer l’alliance thérapeutique.
Conclusions
L’abus de benzodiazépines témoigne de la gravité de la dépendance opiacée. La difficulté de distinguer abus et automédication incite à accentuer la prise en charge psychothérapeutique.