Ndlr ; Ce commentaire d’Andrew BYRNE est disponible sur le site bilingue (français-anglais) www.toxicomanies.info . Il est reproduit ici avec l’autorisation de son auteur et le Directeur de « The Baron Edmond de Rothschild Chemical Dependency Institute » qui gère ce site le Dr Robert G. Newman, que nous remercions vivement.
Chers collègues,
Troublé par le taux de mortalité excessif par overdose en Angleterre chez les héroïnomanes, Strang a eu l’excellente idée d’examiner, de façon prospective, les candidats à une cure de ‘désintoxication’ (sevrage de l’héroïne ou de leur traitement de substitution). Il ressort de son étude que sur 137 patients inscrits dans un centre de ‘désintoxication’, 5 (3,6 %) sont morts en moins de 12 mois. Cela correspond à l’ordre de grandeur enregistré pour les populations de personnes souffrant de toxicomanie aux opiacés qui ne suivent pas de traitement d’entretien (2 – 7 % par an). Trois décès étaient dus à une overdose et les deux autres pourraient avoir été liés à la drogue (infection pour l’un et insuffisance rénale pour l’autre, conséquences d’une reconsommation). Mais aussi et surtout, ces chercheurs de Maudsley ont contacté et interviewé la plupart des survivants (103, soit 78 %, au bout de 9 mois en moyenne). Le résultat de ces interviews confirme l’étroite relation qui existe entre décès ou survie ; (1) le fait de vivre seul (80 % contre 16 %) et les questions potentiellement connexes telles que (2) passer plus longtemps en ‘désintoxication’ (25 jours contre 15 jours) et (3) suivre le traitement complet de ‘désintoxication’ de 28 jours (100 % contre 67 %).
Comme on a pu l’observer dans d’autres études, toutes les victimes étaient des hommes et probablement des usagers de drogue intermittents et non de grands consommateurs réguliers. Le plus regrettable est que, pour les 71 % qui suivaient un traitement à la méthadone (et qui entraient dans le programme de ‘désintoxication’), la posologie quotidienne moyenne était d’environ 29 mg. Le professeur Strang recommande une dose minimum de 60 mg pour être efficace. Il se peut que ces patients aient suivi un traitement à la méthadone inadéquat et donc inefficace. Ces patients traités dans ce cas n’étaient peut-être pas “prêts” pour la ‘désintoxication’.
Il est regrettable que, malgré l’administration de questionnaires de suivi, on ne nous dise pas quelle proportion de patients en désintoxication sont restés neuf mois sans prendre d’opiacés, bien qu’on sache que seulement 37 (27 %) sont parvenus à une abstinence totale, formant ce que ces chercheurs appellent la catégorie “perte de tolérance” (“lost tolerance” – LT). Les 5 décès sont survenus dans ce petit groupe, ce qui donne un taux de mortalité parmi les sujets ayant “réussi” (“achevé”) leur désintoxication de 13,5 % au bout d’un an (trois étaient morts au bout de quatre mois).
Il existe actuellement au moins cinq bonnes études qui indiquent un accroissement apparent du taux de mortalité chez les héroïnomanes désintoxiqués des opiacés, y compris chez les personnes sorties de prison (voir références ci-après). Chacune de ces études vient s’ajouter à l’inquiétant nombre de publications sur les décès par overdose. Peu de personnes pourraient être plus dissuadées par des sanctions pénales contre la consommation d’héroïne que les détenus récemment sortis de prison. Pourtant, ce sont ces individus qui courent un risque très élevé en ce qui concerne l’usage de drogue et les complications qui s’ensuivent, y compris le risque de décès (jusqu’à 14 fois plus élevé selon une étude). On pense que la tolérance réduite des patients qui ont suivi une forme quelconque de désintoxication (y compris la “désintoxication rapide”) peut les rendre plus vulnérables à une overdose de drogue illégale, par nature de ‘puissance’ inconnue.
On sait que les cas d’overdose sont plus fréquents chez les usagers occasionnels, qui vivent seuls, sont de sexe masculin et, paradoxalement, ont suivi un traitement de ‘désintoxication’. Ces auteurs trouvent ce dernier résultat “contre-intuitif” mais reconnaissent que la tolérance réduite et la force inconnue des drogues illégales peuvent être incriminés.
Cette étude ne signifie pas que la ‘désintoxication’ n’est pas recommandée, mais elle démontre que ce n’est pas une intervention fondée sur des résultats cliniques et qu’elle doit être prescrite sur la demande du patient lorsque les autres options ne sont pas satisfaisantes ni appropriées.
La désintoxication ne devrait jamais être obligatoire puisqu’on sait qu’elle entraîne un accroissement du taux de mortalité, comme l’ont démontré de rigoureuses études suédoises. La plupart des overdoses peuvent être évitées en informant les toxicomanes sur les règles à observer : ne pas utiliser seul des drogues injectables, utiliser si possible dans des centres surveillés et utiliser de plus faibles doses.
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