Résultats de l’enquête de satisfaction « Subutex® vs génériques » menée dans les Alpes-Maritimes, au cours du 1er trimestre 2008
Contexte
Le réseau GT.06 (Généralistes et Toxicomanie 06) s’est fait l’écho de nombreuses difficultés rencontrées par des médecins prescripteurs de Subutex® face à des patients refusant la délivrance du générique par leurs pharmaciens.
Ces derniers sont en effet « astreints » par la Caisse à un objectif quantitatif de génériques à substituer aux médicaments princeps. Les officines qui délivrent des traitements de substitution par Subutex® se trouvent ainsi quasiment obligées de délivrer un générique du Subutex® à leurs patients, afin de pouvoir atteindre cet objectif.
Le passage au générique est souvent mal « vécu » par les patients, avec plainte auprès de leur médecin.
Les principales raisons invoquées au cours des consultations pour ne pas prendre le générique sont :
- moindre effet, d’où l’augmentation des posologies avec, pour conséquence, des chevauchements thérapeutiques,
- des comprimés non sécables,
- une mauvaise fonte sous la langue,
- un mauvais goût,
- apparition d’effets secondaires
- des comprimés moins facilement injectables (!).
L’équilibre thérapeutique acquis souvent après de nombreuses années, reposant sur une alliance patientmédecin-pharmacien, nous a semblé rompu ou pour le moins remis en question pour de nombreux patients. Afin d’objectiver ce phénomène, GT 06, après en avoir informé la CPAM, a décidé de faire une enquête.
Méthodologie
Un questionnaire rapide et simple à remplir a été adressé à l’ensemble des médecins prescripteurs de Subutex®, connus de GT 06, pour faire partie d’un des CSST (Centre de Soins Spécialisés pour Toxicomanes) du 06, ou pour avoir participé à au moins une réunion de synthèse, dans le cadre du travail en réseau, soit au total une cinquantaine de médecins.
Synthèse des résultats
GT 06 a reçu 110 questionnaires remplis, provenant globalement pour moitié de médecins de CSST et moitié de médecins généralistes de ville.
Sur les 110 patients interrogés, 96 ont essayé le générique (87%), 14 ne l’ont pas essayé (13%).
Nombre de patients n’ayant pas essayé le générique : 14 (13 %)
- Nombre de patients à qui le générique n’a pas été proposé : 7 (6,5 %)
- Nombre de patients ayant refusé l’essai : 7 (6,5 %)
Raisons des refus :
- 1 patient ‘attaché’ au Subutex®
- Comprimés non sécables
- Car ‘shoote’ le Subutex®
- ‘Ce n’est pas pareil’
- Pour ne pas déséquilibrer le traitement annexe (benzodiazépine) en voie de régression.
Sur les 96 essais :
- 69 patients ont refusé de poursuivre le générique, soit 72 % et
- 27 ont souhaité le poursuivre, soit 28 %.
Globalement, avec ou sans essai, 7 + 69 = 76 patients sur 110 ne veulent pas d’un générique du Subutex®, soit 69 % des patients interrogés.
Le principal « incitateur » au générique est le pharmacien, retrouvé dans 85 % des cas.
Le principal générique essayé est celui du Laboratoire MYLAN (55%).
Les raisons invoquées pour ne pas poursuivre l’essai (n = 69 / 96) :
- moindre effet que le Subutex°, d’où augmentation des posologies : 45 (47%)
- mauvaise fonte sous la langue : 20 (21%)
- mauvais goût : 19 (20%)
- comprimés non sécables : 14 (15%)
- effets secondaires ou autres raisons invoquées : 12 (13%)
o ce n’est pas le même médicament
o migraines
o aigreurs d’estomac
o comprimés trop petits
o psychologique
o nausées
o sueurs
o non « shootable »
Les raisons invoquées pour poursuivre l’essai (n = 27 / 96) :
- même effet que le Subutex® à posologie identique : 23 (24%)
- meilleure fonte sous la langue : 13 (13%)
- meilleur goût : 12 (12%)
- sans raison particulière invoquée : 4 (4%)
Entre les 2 groupes, il ressort que les 3 principales raisons objectivées de ne pas passer au générique sont : l’effet, la fonte et le goût du médicament.

Conclusion
Le paradoxe, au nom du principe d’économie – que GT 06 ne remet aucunement en question – est que de nombreux patients (47 %) resteraient équilibrés quant à leur substitution opiacée, au prix d’une augmentation de la posologie de leur traitement générique. Au final, y aurait il réellement économie ?
Toutes les raisons invoquées par les patients ont été retrouvées dans cette enquête.
D’où la proposition suivante : « Certes les MSO (Médicaments de Substitution Opiacée) sont des traitements à part entière. Il n’empêche que l’investissement psychologique mis dans ces traitements et, pour certains, une efficacité déclarée moindre, nous autorise à recommander à la Caisse de bien vouloir respecter la volonté de ces patients. Le rôle du soignant n’est-il pas de s’adapter à la personnalité de ses patients ? Concrètement, nous demandons à la Caisse de bien vouloir admettre qu’un certain nombre de patients ne veuillent pas du générique et qu’ils se voient donc prescrire des ordonnances avec la mention ‘non substituable’ ».
Commentaire de lecture adressé à la rédaction par le Dr Xavier AKNINE, Médecin Généraliste à Gagny (93)
Publié dans le Flyer 39 (Avril 2010)
L’étude menée par JM Cohen avec le réseau GT 06 sur le degré d’acceptation ou de refus du générique de Subutex® par les patients montre bien qu’il y a un rapport très particulier entre le patient ex-usager d’héroïne et son médicament dit de substitution.
Au fil du temps, au prix d’une énergie sans doute sous-estimée, le patient s’est constitué un certain niveau d’équilibre avec ce traitement qu’il n’est pas prêt à perturber voire à rompre avec l’arrivée des génériques.
La part psychologique est essentielle puisque selon l’étude, 47% des patients ressentent un moindre effet du générique par rapport au Subutex®.
Nombre de patients m’ont dit en effet ressentir des symptômes de manque psychique le soir avec la prise du générique.
Ajoutez à cela le fait que les comprimés ne sont pas sécables et ont une taille plus petite que les comprimés de Subutex® et l’on comprend aisément que l’affaire ne fonctionne pas aussi bien que prévu.
Et le progrès apporté par les dosages intermédiaires du générique ne suffit pas à lever ces obstacles. On peut d’ailleurs constater les mêmes problèmes d’acceptation des génériques pour certains psychotropes (anxiolytiques, hypnotiques…) avec certains patients mais le phénomène est moins important.
Il ne s’agit pas d’idéologie.
Je suis bien sûr favorable à l’idée qu’un patient usager de drogues ait les mêmes droits que tout autre patient mais, il s’agit de constater une particularité clinique qui ne peut être traitée par des discours généraux.
De plus, il me semble que la pression faite autour des génériques sur le patient sous Subutex° est vécue comme un appel supplémentaire à bien se comporter et à rentrer dans le rang comme pour se racheter une conduite, au prix souvent de la dénégation des aspects cliniques.
Il me semble que ce type d’étude mériterait d’être menée dans d’autres départements, dans chaque centre de soins et en ville, auprès des pharmaciens d’officine.
Commentaire de lecture de Stéphane ROBINET, Pharmacien d’officine à Strasbourg, Président de Pharm’addict
Publié dans le Flyer n° 40 (Sept. 2010)
Pour mieux appréhender le contexte « génériques » :
Qu’est-ce qu’un générique ? (source Wikipedia)
Un médicament générique est un médicament ayant « la même composition qualitative et quantitative en substance active, la même forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées » (Extrait de l’article L. 5121 – 1 du Code de la santé publique français).
Pour qu’un médicament soit considéré comme bioéquivalent à la spécialité de référence (médicament princeps), il faut que les valeurs exprimant la quantité et la vitesse de passage de la substance active dans l’organisme ne diffèrent pas de plus de 20 à 25% (80% à 125% par rapport au médicament original). La bioéquivalence d’un médicament générique est évaluée par des études sur des volontaires sains.
En pratique, cela signifie :
- que la spécialité de référence doit exister ;
- qu’elle doit avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) ;
- qu’elle doit être ou avoir été commercialisée en France ;
- que sa substance active doit correspondre à un groupe du répertoire des génériques ;
- que le médicament générique doit être bio-équivalent.
Lorsqu’un médicament est accessible en automédication, l’usager peut choisir librement entre princeps et générique.
La législation spécifique concerne :
- la possibilité pour le médecin de prescrire en DCI (dénomination commune internationale) ;
- l’obligation pour le pharmacien de délivrer un générique lorsque le médecin a prescrit un princeps.
Pour que ces deux choses soient possibles, il faut :
- que la DCI soit inscrite au répertoire des génériques (en France, établi par l’Afssaps) ;
- que le médecin ne s’oppose pas à la substitution : en France, le médecin peut inscrire la mention manuscrite « non substituable » en toutes lettres sur l’ordonnance sur chaque ligne de médicament dont il souhaite la délivrance du princeps par le pharmacien ;
- que le patient ne s’oppose pas à la substitution.
On remarque ici que le médicament générique peut donc différer du médicament princeps par ses excipients, ce qui est le cas du médicament générique du Subutex® qui est plus petit et ne contient pas les mêmes et la même quantité d’excipients.
« Objectifs Génériques » des pharmaciens
Par convention entre les syndicats de pharmaciens et les CPAM, il est demandé aux pharmaciens d’atteindre, individuellement, un « taux » de substitution dans son officine. Ce taux est calculé à partir d’objectifs départementaux négociés par les syndicats et le CPAM. Un pharmacien qui n’atteint pas ces objectifs reçoit un « rappel à l’ordre » des CPAM.
Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de sanctions financières envers les pharmaciens qui n’atteignaient pas les objectifs.
Mesure « tiers payant contre générique »
Toujours, par convention entre les syndicats de pharmaciens et les CPAM, il est demandé aux pharmaciens de ne pas proposer le tiers payant aux patients qui refuseraient de se faire délivrer des génériques.
En d’autres termes, un patient qui refuse de se faire délivrer un ou plusieurs génériques de médicaments prescrits doit payer intégralement les médicaments prescrits à la pharmacie, à charge pour lui de demander par la suite le remboursement de ses médicaments à sa CPAM. Ceci, même si le patient bénéficie d’une CMUC ou d’une ALD exonérante.
Enfin, il faut également préciser que le pharmacien a plutôt intérêt à délivrer des médicaments génériques, sa marge bénéficiaire étant meilleure, même si le prix du médicament est moindre. Ceci permettant de mieux comprendre les raisons pour lesquelles le pharmacien propose, ou ne propose pas des génériques à ses patients.
Sur l’étude menée par GT06 :
Sur 96 patients ayant essayé le médicament générique, 69 ont refusé de la poursuivre, 27 ont souhaité le poursuivre. 45 patients ressentent un « moindre effet », 23 lui trouvent le « même effet », soit près d’1 sur 2. 20 patients trouvent qu’il se dissout moins bien dans la bouche, 13 trouvent qu’il se dissout mieux. 19 trouvent qu’il a un mauvais goût, 12 trouvent qu’il a meilleur goût…
Face à ces résultats, on pourrait se poser les questions suivantes :
- Quel est cet « effet » recherché, obtenu de la buprénorphine par rapport au princeps, à l’héroïne ?
- N’a-t-on pas toujours présenté ce médicament de substitution à l’héroïne comme un médicament qui ne devrait pas provoquer d’effet particulier, mais uniquement occuper la place de l’opiacé de rue sur les récepteurs pour en bloquer les effets ?
- Sur la fonte du médicament en sublingual, n’at-on pas dit que le médicament mettait 10 minutes pour fondre correctement sous la langue ?
- Sur le goût du médicament, certains trouvent un médicament meilleur que l’autre et viceversa.
Ces raisons invoquées pour accepter ou non le générique sont-elles des raisons recevables ?
Par contre, si certains patients invoquent le fait d’avoir des migraines, des nausées ou des sueurs avec le médicament générique, ces raisons semblent être plus recevables que les précédentes.
Sans vouloir remettre en question l’alliance thérapeutique établie parfois au bout de plusieurs mois avec le patient, une mise en confiance de celui-ci pourrait être obtenue en l’accompagnant mieux pendant la phase d’essai du médicament générique.
Dans tous les cas, il faut tout de même savoir que le médecin a toujours la possibilité de noter la mention « non substituable » sur l’ordonnance et que dans ce cas là la CPAM devrait en tenir compte pour le calcul des objectifs « génériques » du pharmacien et que la mesure « 1/3 payant contre générique » ne devrait pas s’appliquer pour le patient.
Depuis de nombreuses années, les médicaments de substitution aux opiacées sont présentés comme des médicaments « comme les autres ». De même, les patients substitués sont présentés comme des patients « comme les autres ». Il semblerait alors logique que ces patients puissent accepter les génériques du Subutex® comme tout autre patient.
Ou alors, on admet que les génériques de Subutex® ne sont pas réellement les mêmes médicaments que le princeps, avec des inconvénients mais aussi des avantages …
Mais ça, c’est une autre question !
Commentaire de lecture adressé à la rédaction par le Dr Emmanuel PETIT (CSAPA de Ploërmel)
Publié dans le Flyer n° 41 (Déc. 2010)
C’est avec intérêt que j’ai lu l’article du Dr Jean-Marc Cohen (Flyer n°38) concernant la buprénorphine sous forme de Subutex® et autres marques, qui me laissent dubitatifs…
Dans notre centre, le passage du « subu » aux autres marques de buprénorphine s’est passé sans problème, mais la présentation au patient n’a peutêtre pas été la même.
L’aspect financier joue à peine, les patients sont très majoritairement en ALD.
Il a été systématiquement donné l’information que « c’était la même chose » et qu’il n’y avait pas de raison d’être « accro » à une marque, un labo ou à la couleur de la boite.
Au niveau du retour, quelques rares patients ont pensé que « peut-être » il y avait une « petite différence » pendant quelques jours.
Un seul est revenu à Subutex®, qui ne représente donc qu’un seul patient sur notre centre (je suis à peu près certain que c’est lié à un détournement d’usage).
La prescription se fait en DCI, le fait de changer de marque lors des diminutions (ou même une fois sur l’autre comme pour le paracétamol), me parait contribuer à la banalisation du produit. Cela ne pose pas de problème aux patients qui en parlent très peu.
Les résultats des tests de dépistage ne semblent pas varier.
La question que je me pose est de savoir qui a la religion du « subu » ? Est-ce le patient … ou le médecin ? Est-ce que les comportements des patients ne seraient pas induits par leur médecin ?
Le fait de présenter le passage d’une marque à une autre comme une « expérience » me plonge dans un abime de réflexion.
La question subsidiaire est de se demander qui induit ce comportement chez les médecins ? (qui a intérêt ?).
Sur le marché parallèle je note, dans mon secteur, que les génériques ne valent rien, leur commerce est difficile.
Raison de plus pour en prescrire.
Commentaires de lecture adressés à la rédaction par le Dr Serge CONTARD, Médecin généraliste, Narbonne (11)
Publié dans le Flyer n° 43 (Mai 2011)
A propos d’un commentaire de lecture dans le Flyer 41, adressé par le Dr Emmanuel PETIT
Quoi de neuf à Ploërmel ?
Le numéro 41 du Flyer nous apporte une information importante constituée par la facilité avec laquelle les patients du CSAPA de Ploërmel sont passés du princeps au générique…
Et notre confrère d’écrire, « le générique ne vaut rien sur le marché parallèle, raison de plus pour le prescrire… ».
Est-ce que le prescripteur doit descendre dans la rue pour se tenir au courant du prix des divers TSO avant de faire son choix ?
Au-delà de cette anecdote bretonne, il y aurait, à mon sens, une question plus importante à se poser : à ce jour, il existe des médicaments princeps et des génériques. Ces médicaments sont bioéquivalents et reconnus comme tels par l’Afssaps.
Mais, dans la plupart des cas, le prix du princeps n’est pas équivalent à celui du générique, même lorsque le médicament est sur le marché de longue date.
Dans le cas des TSO, il existe le Subutex®, médicament dont l’AMM date de 1995.
Ce médicament est génériqué depuis quatre années par cinq sociétés et il est commercialisé sous le nom de la molécule comme c’est souvent le cas.
Voici les tarifs de remboursement :

Il est incompréhensible que deux médicaments considérés comme similaires, à nouveau selon les critères de l’Afssaps et de toutes les agences du monde, puissent continuer à être commercialisés à des tarifs si différents.
Au contraire, il me semblerait logique que le princeps voit son prix de remboursement aligné d’office sur celui du générique, sauf à
vouloir donner au princeps une « prime » qu’il a pu mériter un jour mais qu’il ne mérite plus.
Ainsi, le prescripteur pourrait prescrire le TSO sans excessive contrainte économique. Et sans devoir aller dans la rue pour connaître le prix des divers TSO sur le marché parallèle !