Les tests urinaires à lecture rapide (5 min)
Il s’agit de tests qualitatifs permettant de vérifier si des métabolites de diverses substances sont présents dans les urines d’un patient. Ils ne permettent donc pas de préciser la quantité réelle de substance consommée.
La méthadone et les spécialités à base de buprénorphine (Subutex® et ses génériques, Suboxone®), molécules de synthèse, ont des métabolites urinaires spécifiques et différents des autres opiacés (héroïne, morphine, codéine, opium…)
A quoi servent les tests urinaires rapides en consultation d’addictologie au cabinet du médecin généraliste ?
Ces tests servent à aider le praticien dans la prise en soins de patients dépendants aux opiacés et devraient faire partie intégrante de l’examen clinique comme la mesure de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque… C’est en tous cas l’avis de nombreux cliniciens exerçant dans le domaine des addictions.
Ils permettent de :
- Vérifier au cabinet la réalité d’une consommation récente d’opiacés pouvant appuyer le diagnostic d’une dépendance à l’héroïne ou tout autre opiacé. Comme pour toute maladie chronique nécessitant un traitement long, voire à vie, la dépendance majeure aux opiacés doit être confirmée avant l’instauration d’un TSO (Traitement de Substitution Opiacée : buprénorphine, ou méthadone). Ces analyses urinaires sont donc un outil d’aide au diagnostic. Elles sont très couramment effectuées dans les centres et services hospitaliers spécialisés en addictologie et peuvent être misesen oeuvre dans tout cabinet de médecin généraliste.
- Vérifier, en cas de doute, que le traitement prescrit est bien pris par le patient et qu’il ne se retrouve pas sur le marché parallèle.
- Vérifier qu’après instauration d’un traitement par la buprénorphine, le patient ne consomme plus d’opiacés illicites ou de complément. Si l’abstinence aux opiacés autres que le MSO est un objectif pour le patient, la connaissance d’une consommation persistante permet d’ouvrir le dialogue et d’adapter le traitement, sans jugement ni punition.
- D’éviter toute analyse avec les urines d’une tierce personne, notamment pour celles qui seraient effectuées en laboratoire de ville.
- D’éviter les doublons (prescription d’un MSO chez quelqu’un déjà bénéficiaire d’une prescription).
Comment utiliser les tests urinaires rapides en addictologie ?
Le réseau Addictions des Alpes-Maritimes & GT 06 met à la disposition de ses médecins adhérents 3 types de tests :
- BUP : buprénorphine
- MTD : méthadone
- MOP (ou MOR selon les fabricants) : opiacés (autres que Subutex® et méthadone) : morphine, héroïne, codéine, opium…
Chaque kit contient : une cassette, une pipette et un sachet anti-moisissure.
Quel que soit le produit recherché dans les urines, la méthode est la même.
Déposer 3 gouttes d’urine dans le puits prévu à cet effet grâce à la pipette de prélèvement.
L’urine migre le long de la membrane et remonte vers le haut de la fenêtre de lecture.
S’il apparaît :
- 2 traits : test négatif. Le produit recherché n’est pas présent dans les urines du patient.
- 1 trait supérieur : test positif. Le produit recherché est présent dans les urines du patient.
- Pas de trait : test invalide à refaire.
Questions diverses
Ces tests sont-ils fiables ?
OUI: Ils permettent en routine, en temps réel, de résoudre bien des situations difficiles en évitant des interprétations hasardeuses quant à la réalité des consommations.
Ces tests sont-ils obligatoires, notamment au plan médico-légal ?
NON : Le cadre légal de prescription d’un traitement par la buprénorphine en cabinet de ville n’oblige pas à une première analyse urinaire pour vérifier la réalité d’une consommation récente d’opiacés ni à des analyses urinaires au cours du traitement.
OUI, pour la méthadone, dont la prescription initiale est toujours réservée aux médecins exerçant en milieu spécialisé et dont la prescription doit s’accompagner d’un suivi biologique défini dans le cadre légal de prescription.
Le diagnostic de dépendance majeure aux opiacés repose sur des éléments tels que ceux du DSM IV, de l’anamnèse ou encore d’un constat d’un syndrome de sevrage. Pour autant, le recours aux analyses urinaires, à l’instauration d’un traitement par la buprénorphine ou au cours du suivi, pourrait être une aide efficace pour aider au diagnostic comme pour évaluer l’efficacité du traitement. A condition que ce suivi biologique soit facile à mettre en oeuvre (ce qui est le cas avec les tests rapides).
Combien de temps, les substances sont-elles décelables dans les urines ?
En moyenne, Opiacés : 1-2 jours ; Buprénorphine : 1- 2 jours ; Méthadone : 3-7 jours. Mais ces durées peuvent varier et dépendent de nombreux facteurs.
Ces tests permettent-ils de préciser la quantité de produit consommé ?
NON : Il s’agit de tests qualitatifs permettant de savoir si tel ou tel produit est consommé, mais sans pouvoir en préciser la quantité.
Ces tests permettent-ils de préciser le mode de consommation du produit (sous la langue, per os, en fumette, en sniff, en injection…) ?
NON. Ces tests ne préjugent pas du mode d’absorption. Une fois passée dans le sang, la substance est métabolisée et éliminée dans les urines. Il ne faut donc pas oublier le reste de l’examen clinique : interrogatoire clinique, recherche de traces d’injection par exemple, pour déterminer le mode de prise.
Quand pratiquer un test ?
Par exemple :
- avant l’instauration d’un traitement, notamment pour éviter un doublon (initiation d’un traitement pour un patient déjà suivi par un autre médecin ou une structure spécialisée) ou pour établir objectivement une prise récente d’opiacés illicites,
- en cas de doute quant à la prise effective du médicament,
- pour évaluer l’efficacité du traitement sur les consommations illicites…
Quelques situations cliniques
Patient prétendant être dépendant à l’héroïne, demandeur d’un traitement par la buprénorphine mais le test urinaire MOP est négatif
Soit ce patient ne consomme pas d’héroïne. Soit il en consomme, mais pas régulièrement et donc sa dernière prise remonte à plus d’une semaine et aucun métabolite urinaire n’est décelable. Il ne serait donc pas dépendant majeur aux opiacés. La mise en place du traitement n’est pas justifiée. Sur la base de ce résultat négatif et en cas de dépendance aux opiacés toujours possible, il est pertinent de se demander si le patient ne prend malgré tout des opiacés de synthèse (auto-substitution sur le marché illégal ou en dépannage (méthadone, buprénorphine))…La mise en place d’un traitement peut alors se justifier avec un engagement du patient à renoncer à son auto-substitution.
Patient sous buprénorphine ayant un test urinaire BUP négatif
Le traitement n’est probablement pas suivi correctement.
Que fait le patient de son traitement ? En a-til besoin dans ce cas là ? Le praticien est en droit de ne plus le prescrire.
Patient à qui vous prescriviez de la buprénorphine, perdu de vue pendant plusieurs mois ou années (suivi par un autre médecin par exemple), revenant à votre consultation pour une nouvelle prescription de buprénorphine
On doit considérer ce patient comme un nouveau patient et pratiquer a minima un test BUP, pour confirmer la prise du médicament, voire MOP, pour savoir où il en est de ses consommations actuelles.
Patient sous Skénan®, souhaitant une prescription de ce médicament !
Quand bien même le test MOP serait pratiqué et positif, le Skénan® n’est pas un médicament de substitution opiacée autorisé. C’est donc une prescription hors AMM, tolérée uniquement dans de très rares cas. Notre conseil pour aider ce patient, est de lui proposer un TSO avec un médicament ayant une AMM : buprénorphine (au cabinet) ou méthadone (en CSAPA ou service hospitalier pour l’initiation).
Conclusions
Ces tests rapides, à l’instar d’autres analyses biologiques, doivent permettre d’instaurer la confiance et non la défiance qui prédomine dans ce type de prise en soins. En addictologie, il n’est pas rare, pour des dépendances à d’autres substances, de faire appel à la biologie.
De nombreuses discussions ont été ouvertes sur la pratique des analyses urinaires au cours des prises en soin des usagers de drogue, par les autorités de tutelle, Commission Nationale des Stupéfiants et Psychotropes en 2009 (1) ou au cours d’essais cliniques. Certains estiment que le self-report (la déclaration du patient) serait aussi efficace que les recherches de toxiques dans les urines, notamment quand il s’agit d’évaluer les consommations de substances illicites. D’autres études montrent l’inverse (2, 3).
Si elles n’ont pas pour vocation de « punir » un patient (si le résultat n’était pas celui attendu par le médecin), mais plutôt d’ouvrir un espace de dialogue sur la base d’informations objectives quant aux consommations réelles, la pratique des tests rapides peut s’avérer un outil précieux. Les patients qui souhaitent vraiment modifier leurs comportements accepteront d’être accompagnés dans un cadre intégrant des examens biologiques.
Quant à ceux qui obtiennent un traitement et qui n’en bénéficient pas eux-mêmes, nous pensons que l’emploi des tests rapides les dissuadera et peut permettre au médecin de s’extraire de situations inconfortables (prescriptions de MSO avec forte suspicion de revente). Ces tests doivent donc permettre d’établir un climat de confiance étayée, pour les patients demandeurs de soins ! Dans ce cas, il peut se nouer une alliance thérapeutique efficiente avec le patient.
Quant aux patients qui refuseraient de se soumettre aux analyses urinaires, il appartient à chaque médecin, en son âme et conscience, en fonction de sa pratique clinique habituelle et de sa conception du soin aux usagers de drogues, de mettre en place et de suivre un patient en TSO ou de refuser de le faire. Il faut bien admettre que la majorité des TSO mis en oeuvre en médecine de ville ne bénéficient pas de suivi biologique. La question est de savoir si cela doit changer ou rester dans l’état.
Dans le premier cas, les avantages de ces tests sont leur facilité d’emploi, leur fiabilité ainsi que leur rapidité, permettant ainsi de travailler en temps réel au cabinet. Ils peuvent être un complément pertinent de l’examen clinique.
Bibliographie
- (1) Compte-rendu de la Commission Nationale des Stupéfiants et Psychotropes du 23 juin 2009. Point 7 : Intérêts et limites des contrôles urinaires dans l’initiation et le suivi des traitements de substitution aux opiacés: 23-29.
- (2) Musshoff et al. Results of hair analyses for drugs of abuse and comparison with self-reports and urine tests. Forensic Sci.Int. 2006 Jan 27;156(2-3): 118-23.
- (3) Ledgerwood et al. Comparison between self-report and hair analysis of illicit drug use in a community sample of middle-age men. Addict Behav. 2008 September ; 33(9): 1131–1139.