Présentation et bilan d’une année d’activité à la Polyclinique la Concorde
1) « Naissance » administrative des SSR d’addictologie
Les services de soins de suite et de réadaptation (SSR) en addictologie sont des structures de niveau 2, au fonctionnement inscrit dans le cadre de la circulaire DHOS/02/2008/299 du 26 Septembre 2008 relative à la filière hospitalière de soins en addictologie.
Elles répondent notamment aux besoins identifiés dans le cadre du volet addictologie du SROS d’Ile de France arrêté en décembre 2009.
2) Une nouvelle structure dans le champ des addictions
Le SSR d’addictologie se place à mi-chemin entre les structures hospitalières et les postcures, déjà présentes dans le champ spécialisé. Dans notre esprit, le but du séjour en SSR addictologie est de réduire les risques liés à la consommation, réduire le déni, favoriser la motivation à l’abstinence et mettre en place un suivi dans la durée pour la prévention et le traitement précoce des rechutes.
Globalement, la prise en soins s’articule autour de :
- l’analyse des relations entre le patient et le produit, la réduction du déni et la prise de conscience des risques et des dommages,
- la remise en question personnelle, et la place que le produit tient dans l’économie psychique du sujet,
- l’organisation de la sortie : techniques de prévention des rechutes, organisation du suivi, construction du projet de sortie.
Sont assurés, en plus du suivi médical, une aide psychothérapeutique individuelle et collective et un programme socio-éducatif destiné à favoriser la réadaptation du patient.
3) Présentation du service
Le service est situé à Alfortville, en proche banlieue de Paris, dans une clinique privée de 90 lits d’hospitalisation (70 lits de SSR polyvalent et 20 lits d’addictologie). Situé au dernier étage de la clinique, il accueille les patients dans 12 chambres seules et 4 chambres doubles (soit 20 lits). L’existence de chambres doubles permet d’hospitaliser des patients ne bénéficiant que de la CMU sans avoir à facturer de supplément pour chambre individuelle.
Le service dispose d’un réfectoire, d’un salon doté d’une télévision et d’une salle de sport.
Les patients
Le service accueille des patients stabilisés sur le plan somatique, hors phase aigüe.
Ils sont orientés après un sevrage en ambulatoire ou en hospitalisation dans des structures de courts séjours. Ils peuvent être orientés par des structures médico-sociales (CSAPA) ou par leur médecin traitant.
Sélection des patients
Toutes les addictions sont acceptées en dehors des addictions comportementales. Les comorbidités constituant une contre-indication à l’hospitalisation sont : troubles cognitifs sévères (états démentiels), troubles psychiatriques non équilibrés, complications somatiques sévères (cirrhose décompensée).
Les dossiers des patients sont examinés dès le jour de réception et une date d’hospitalisation est proposée dans un délai de 48h à la structure adressante (le plus souvent afin de prévoir l’hospitalisation de sevrage en amont).
L’équipe soignante
Deux médecins addictologues (1,5 ETP), une psychologue clinicienne (0,5 ETP), une IDE, une aide-soignante et un agent hospitalier assurent le fonctionnement de jour. L’équipe paramédicale fonctionne en équipe/contre-équipe sur des durées de 12 heures de travail. La nuit, une permanence infirmière est assurée. Enfin la présence médicale est assurée 24h/24 sous formes d’astreintes les week-ends et la nuit.
Des réunions de services hebdomadaires permettent à l’équipe de faire le point sur l’évolution des patients et le fonctionnement du service. La totalité du personnel médical a été formée à la pratique de l’addictologie par des stages réalisés en convention avec des CSAPA et des structures d’hospitalisation.
Le service d’addictologie utilise pleinement les ressources de la clinique (kinésithérapie sur site, plateau radiologique, consultations de chirurgie).
Le déroulement du séjour
Le patient est vu en entretien dés l’arrivée par le médecin addictologue qui va le suivre tout au long du séjour. Un contrat de soins est signé par les deux parties. Le règlement de fonctionnement, un livret d’accueil et le planning des ateliers thérapeutiques sont remis au patient. Les patients bénéficient d’une consultation d’aide au sevrage tabagique et peuvent bénéficier d’un traitement par substitut nicotinique, s’ils le souhaitent.
Les sorties sont autorisées après une semaine d’observation si l’état clinique du patient le permet. Les visites sont autorisées dès le premier jour d’admission. L’entourage familial du patient peut à tout moment solliciter les médecins pour des entretiens avec l’accord et la présence de celui-ci. Des contrôles des toxiques urinaires et des mesures éthylométriques sont effectués à l’entrée et à tout moment au cours du séjour.
La matinée des patients est dévolue aux consultations médicales et psychologiques ainsi qu’aux cours de sport matinaux (2 à 3 fois par semaine). Les après-midi sont consacrés aux ateliers thérapeutiques et aux groupes de parole. Sur une semaine type, les patients participent à deux groupes de parole et un atelier d’éducation à la santé animés par les médecins et la psychologue. Des ateliers sont animés par les personnels paramédicaux sur les thèmes suivants : soins du visage et des mains, atelier cuisine, atelier cocktail sans alcool, atelier écriture/peinture, atelier musicothérapie et atelier jeux de société. Deux séances de relaxation par semaine sont animées par le médecin en fin journée. Enfin l’association des Narcotiques
Anonymes est invitée mensuellement à venir s’adresser aux patients (sur la base du volontariat des patients).
Tout au long de l’hospitalisation, un contact soutenu est gardé avec les services adresseurs ainsi qu’avec les services sociaux et les postcures si nécessaire. La durée d’hospitalisation, décidée au début de l’hospitalisation pourra ainsi être réévaluée tout au long de la prise en soins.
A la fin du séjour le patient se voit remettre un questionnaire de satisfaction qu’il pourra remplir de manière anonyme. De plus un livre d’or est mis à la disposition du patient à destination de l’équipe.
4) Bilan de la première année de fonctionnement
Nous avons réalisé une étude incluant tous les patients hospitalisés (date d’entrée) entre le premier janvier 2010 inclus et le 31 Décembre 2010 inclus, soit 164 patients (le service ne comptait que 18 lits en 2010). Les résultats sont les suivants : 77 % d’hommes et 23 % de femmes, âge moyen 44 ans (mêmes âges moyens pour les hommes et les femmes, respectivement 44,18 ans et 43,81 ans).
L’âge médian des patients est de 43 ans et 3 mois.
Parcours de soin des patients
Demande d’hospitalisation : 85 % des patients ont été adressés par des structures hospitalières (ECIMUD ou service hospitaliers) et 12 % par des CSAPA. Sur les 3% restants, 2 patients ont été adressés par leur médecin traitant, 1 par un CMP et 1 par son psychiatre. 75% des patients ont été transférés directement d’une structure hospitalière, 25% sont venus de leur domicile.
Situation sociale des patients :
- 48% des patients étaient salariés, retraités ou allocataires des indemnisations du chômage,
- 35% des patients percevaient le RSA, 16% percevaient l’AAH et 1% (soit 2 patients) étaient étudiants à la charge de leurs parents,
- 64% des patients avaient un logement stable (appartement personnel ou thérapeutique) et 36% un logement précaire (SDF, CHRS, hôtel social, accueil temporaire par amis ou familles).
Produit principal ayant motivé l’hospitalisation : L’alcool représentait le produit principal ayant motivé l’hospitalisation pour 74% des patients, la cocaïne 13%, les benzodiazépines 5,5%, le cannabis 4%, les opiacés 3,5%.
25,5 % des patients étaient substitués (19,5 % par la méthadone et 6% par la buprénorphine).
Autres produits consommés par les patients dans les 3 derniers mois précédant l’hospitalisation :
- Alcool : 91,5%
- Tabac : 96%
- Cannabis : 40%
- Cocaïne : 19,5%
- Benzodiazépines (hors prescription) : 16%
- Opiacés (héroïne, opiacés hors prescription) : 11%
Le pourcentage de poly-toxicomanie vie entière (trois produits différents en dehors du tabac) s’élevait à 53% des patients.
Prise en soins paramédicale
6% des patients ont été pris en soin par les kinésithérapeutes de la clinique.
52% ont bénéficié de séances de psychothérapie individuelle avec la psychologue clinicienne du service.
Pathologies virales
- 11% des patients étaient porteurs des virus VHC, VHB ou VIH,
- 15 patients avaient une hépatite C active, parmi ceux-ci 4 avaient une co-infection VIH et seuls 2 de ces patients co-infectés étaient traités,
- 2 patients étaient séropositifs pour le VIH seul (dont un seul traité pour son infection),
- 1 patient avait une co-infection VIH-VHB (sous traitement).
La durée moyenne de séjour
La durée moyenne de séjour a été de 31,5 jours.
Orientation à la sortie et poursuite des soins
Orientation des patients à la sortie de l’institution :
- 77 % des patients sont retournés au domicile.
- 13% ont quitté le service vers une post-cure.
- 9% ont été transférés vers un service hospitalier.
- 1% (2 patients) ont fugué du service.
La poursuite de la prise en soins a été assurée par :
- Les structures hospitalières (ECIMUD, services hospitaliers d’addictologie) pour 59%.
- Les CSAPA pour 30% des patients.
- Les CMP et les médecins traitants pour 5% chacun.
- Le psychiatre traitant pour 1% des patients.
Interprétation des données
La durée moyenne de séjour (environ un mois) correspond à l’estimation réalisée avant l’ouverture du service. Le faible pourcentage de départ vers une postcure (13%) semble montrer que le SSR d’addictologie n’est pas utilisé comme une simple transition vers une structure de long séjour mais comme un véritable temps de consolidation de leur sevrage.
L’alcool reste le principal produit motivant l’hospitalisation.
L’importance de la consommation de cannabis reflète sa banalisation.
La constance d’une intoxication tabagique massive (96% auprès des usagers de drogues) prouve l’importance de continuer à porter une attention soutenue à cette problématique (réalisation de questionnaires de consommation, proposition de substituts nicotiniques).
4) Conclusion
Après une année de fonctionnement, nous avons pu tirer les conclusions suivantes :
- Les SSR en addictologie répondent à un besoin de santé publique. Nous pensons que la souplesse des procédures d’admission (faible temps d’attente, possibilité de prise en soins de patients encore trop lourds pour les postcures tant sur le plan de la consommation que sur les plan des comorbidités psychiatriques et somatiques) ainsi que la coopération étroite avec les structures adressantes expliquent le succès de ce service. Nous avons noté un taux de remplissage moyen supérieur à 90% durant cette année.
- Les SSR en addictologie ne sont pas utilisés comme une simple structure de consolidation en attendant une poursuite des soins en postcure mais bien comme un temps de réflexion et de consolidation à part entière.
- Les SSR en addictologie nous apparaissent donc comme une nouvelle pièce importante du réseau de prise en soin addictologique, à mi-chemin entre l’hospitalisation et la postcure classique, présentant l’avantage d’une grande souplesse d’utilisation (durée d’hospitalisation plus courte, délai d’attente réduit) et porteuse d’un véritable projet de soins permettant le travail en profondeur de la problématique des patients (suivi psychologique et nombreux ateliers thérapeutiques).
Les patients sortent de la structure avec un compte-rendu d’hospitalisation. Le médecin généraliste ou le médecin de la structure qui a adressé le patient reçoit une copie dans les 48 heures.