Contexte
La méthadone est une drogue de synthèse légale et rigoureusement testée qui agit sur les mêmes cibles cérébrales que l’héroïne. Comme la méthadone reste beaucoup plus longtemps dans le corps que l’héroïne, les patients sous méthadone ne subissent pas les hauts et bas extrêmes ressentis par les personnes consommant de l’héroïne (les hauts et bas résultent de l’augmentation et de la diminution des taux d’héroïne dans le sang).
La méthadone est employée depuis plus de 30 ans pour aider les patients à surmonter la dépendance à l’héroïne. Si des patients prennent la méthadone selon la prescription, ils ont moins de chance d’éprouver des symptômes de manque lorsqu’ils arrêtent de prendre de l’héroïne, ou bien les symptômes de manque sont beaucoup moins sévères. De plus, la méthadone bloque l’euphorie produite par l’héroïne de sorte que la prise de l’héroïne n’est plus gratifiante.
Les patients sous méthadone restent physiquement dépendants des opiacés, mais la plupart d’entre eux n’ont plus le comportement incontrôlé, compulsif et perturbateur causé par la dépendance à l’héroïne. Il a été démontré qu’un traitement prolongé à la méthadone sous surveillance médicale ne présentait pas de risque et il permet au patient de mener une vie « normale » tout en prenant une dose quotidienne de méthadone.
Pourquoi cette étude a-t-elle été réalisée ?
Dans de nombreuses études de la précédente décennie, les chercheurs ont tenté de déterminer les posologies de méthadone qui agissaient le mieux pour aider des patients à surmonter la dépendance à l’héroïne. Sur la base de ces études, des posologies d’au moins 60 mg/jour sont recommandées.
Cela dit, les médecins des centres délivrant de la méthadone observent souvent une fourchette large des posologies efficaces et certains d’entre eux traitent des patients avec des posologies inférieures ou supérieures à la quantité recommandée.
Dans cette étude, les chercheurs ont examiné la fourchette des posologies qui ont aidé des patients à réussir l’abstinence d’héroïne. Ils ont également voulu trouver les facteurs qui influençaient le fait qu’un patient ait besoin d’une dose supérieure ou inférieure.
Qu’ont fait les chercheurs et qu’ont-ils trouvé ? Ils ont étudié 222 héroïnomanes volontaires qui ont commencé le traitement à la méthadone et les ont suivis pendant une année. Sur l’ensemble, seulement 168 ont réussi au moins un mois d’abstinence d’héroïne. La fourchette des posologies efficaces de méthadone (chez les patients ayant réussi l’abstinence) était très large, allant de 1,5 mg à 191,2 mg par jour. Trente-huit pour cent des patients ont réussi à être abstinents avec moins de 60 mg par jour et 16 % des patients abstinents ont reçu une posologie supérieure à 100 mg par jour.
Par ailleurs, près de la moitié des patients qui n’ont pas réussi l’abstinence d’héroïne ont reçu la posologie quotidienne recommandée de 60 mg de méthadone ou plus. En tout, les patients des centres qui adhéraient généralement aux directives de traitement (et ont traité la plupart des patients avec 60 mg par jour ou plus) avaient plus de chances de réaliser l’abstinence. Parmi les patients qui ont réussi l’abstinence, des posologies plus élevées de méthadone étaient retrouvées chez ceux avec un syndrome de stress post-traumatique, une dépression, un nombre plus élevé d’épisodes antérieurs de sevrage et quelques autres facteurs.
Que-ce que cela signifie ?
Cette étude confirme que des posologies efficaces de méthadone (définies par une abstinence d’héroïne pendant au moins un mois) varient très largement. Elle montre que même une posologie élevée efficace pour un patient peut être trop faible pour un autre patient et qu’une fraction substantielle de patients réalise l’abstinence à une dose inférieure à la dose recommandée. Les résultats suggèrent également qu’il existe certains facteurs qui pourraient permettre de prédire si un patient aura des chances d’avoir besoin d’une posologie plus importante, comme un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique ou de dépression.
Le plus surprenant est que les résultats suggèrent que les tentatives d’arrêt de l’usage inadéquat de la méthadone peuvent en réalité, augmenter le besoin de méthadone à long terme. Il semble par conséquent raisonnable pour les médecins de surveiller les effets du traitement pour chaque patient afin de déterminer la dose la plus efficace pour cet individu.
Toutefois, comme les patients des centres qui adhèrent aux directives ont en moyenne plus de succès, la posologie recommandée devrait servir de point de référence, qui peut être ajusté vers le haut ou le bas.