Cette étude intéressante vient d’être publiée dans la revue Addiction. Dans le cadre d’un essai contrôlé (randomisé) avec suivi longitudinal sur une période de 10 ans, l’étude des taux de mortalité pour les patients traités (n=405) par méthadone et par BHD ne montre pas différence significative entre les modalités de traitement. C’est la première étude prospective méthodologiquement rigoureuse comparant, les taux de mortalité ces deux MSO, BHD et méthadone.
Le taux de mortalité, légèrement inférieur à 1% par année de suivi, est comparable dans les deux groupes de patients, mais également comparable à celui d’autres études [DOLAN (1) par exemple, ou SOYKA (2)]. Dans l’étude de SOYKA, le taux de mortalité est également le même chez les patients sous BHD et sous méthadone.
Le point commun des études de SOYKA et de GIBSON (et BELL ci-dessous) est qu’elles sont réalisées avec une méthodologie permettant d’éviter un « biais de recrutement » (randomisation dans l’étude australienne, et une égalité d’accès aux deux traitements* dans l’étude de Soyka).
Les auteurs évoquent la possibilité de biais de recrutement pour expliquer les résultats d’études antérieures montrant une différence entre les taux de mortalité par buprénorphine et méthadone (recrutement de patients présentant une dépendance plus sévère ou comorbide d’autres affections notamment psychiatriques du fait de circuits de soins différents comme en France pour la méthadone).
Dans le même ordre d’idée, lors du congrès EUROPAD qui s’est tenu à Sofia du 29 au 31 mai 2008, le Dr James BELL a présenté les résultats d’une étude non encore publiée et dont l’abstract est disponible sur www.europad.org/europad8.pdf « Mortality in patients treated with methadone and buprenorphine ». Dans cette étude, plus de 6 000 patients entrant pour la première fois en traitement entre 2003 et 2007 ont été suivis.
En dehors de la période d’induction du traitement, au cours de laquelle le taux de mortalité est plus élevé avec la méthadone qu’avec la buprénorphine (2 décès sur 7421 inductions BHD contre 7 décès sur 4 672 inductions méthadone (RR=0,18, 95 % CI [0,04-0,89], p=0,0335), les taux de mortalité avec les deux traitement sont comparables. Au total, 67 décès sont survenus dans la cohorte BHD (3 513 patients) contre 65 décès dans la cohorte méthadone (2 646 patients).
Cette étude rappelle surtout que la mortalité au cours des périodes de traitement est inférieure à la mortalité au cours des périodes hors traitement (RR=0,354, 95 % CI[0,222-0,547], p<0,001).
En cela, elle confirme les études précédentes de Soyka, de Dolan, de Strang, de Brugal… Les décès dans les populations suivies sous TSO surviennent majoritairement lorsque les patients sont sans traitement, toutes causes de mortalité confondues, overdose incluse, ou en phase d’initiation du traitement.
La question essentielle pourrait donc être de s’attacher à favoriser la rétention en traitement et notamment identifier dans la littérature les facteurs associés à une meilleure rétention pour en tirer les conclusions qui s’imposent dans la pratique clinique et l’organisation des soins.
*: les médecins généralistes allemands prescrivent la méthadone et la BHD dans les mêmes conditions, peu souples mais identiques.
Bibliographie
- (1) Four-year follow-up of imprisoned male heroin users and methadone treatment:mortality, re-incarceration and hepatitis C infection. Dolan, K et al. Addiction, 2005 (Vol. 100) (No. 6) 820-828.
- (2) One-year Mortality Rates of Patients Receiving Methadone and Buprenorphine Maintenance Therapy. A National Representative Cohort Study in 2694 Patients. Michael SOYKA et al. Journal of clinical psychopharmacology 2006, vol. 26, n°6, pp. 657-660.