Contexte d’étude
L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) vient de publier (mai 2008) une mise au point importante intitulée « Evaluation et prise en charge des troubles psychiatriques chez les patients adultes infectés par le virus de l’hépatite C et traités par (peg) interféron alfa et ribavirine ».
Présidé par le Pr J-P Lépine et le Pr D. Vittecoq, un groupe multidisciplinaire d’experts a émis un certain nombre de recommandations devenues nécessaires portant sur le dépistage, la prévention et la prise en charge des troubles psychiatriques mais aussi des conduites addictives au cours de l’hépatite C et de son traitement.
Cette mise au point actualise les recommandations de la conférence de consensus 2002 sur l’hépatite C et 2005 sur la co-infection VIH-VHC, comblant également certaines lacunes préjudiciables à la bonne prise en charge, voire tout simplement à l’accès aux soins, d’un nombre grandissant de patients atteints de comorbidités psychiatriques et addictives. En particulier, le groupe d’experts considère que « les patients devant être exclus de manière définitive, d’un traitement par (peg)interféron-alfa et ribavirine pour des raisons psychiatriques, sont peu nombreux ».
Prévention par traitement AD et outils diagnostiques
Au sujet de la pratique actuelle, fréquente, de mise en place de traitements anti-dépresseurs préventifs, il est souligné le fait qu’à ce jour, les données de la littérature « ne permettent pas d’évaluer le rapport bénéfice/risque d’une utilisation préventive des antidépresseurs chez les patients devant recevoir un traitement anti-hépatite C », et que chez les patients présentant de facteurs de risques de troubles psychiatriques, « il est rappelé que tous les antidépresseurs peuvent induire des virages maniaques de l’humeur, particulièrement chez les patients bipolaires. La prise en charge de ces patients doit donc relever d’un avis spécialisé ».
Au cours du traitement par (peg)interféron et ribavirine, un dépistage le plus précoce possible des troubles psychiques est préconisé, conduisant à une réévaluation conjointe par l’hépatologue et le psychiatre de la poursuite du traitement mais le « groupe considère qu’une diminution des posologies de l’interféron alfa n’est pas recommandée », n’ayant pas été évaluée et exposant à un risque de perte d’efficacité sans impact démontré sur les troubles psychiatriques.
L’utilisation d’outils de dépistage diagnostique simples comme le MINI (Mini International Neuropsychiatric Interview), notamment dans ses modules épisode dépressif majeur – état hypomaniaque ou maniaque – risque suicidaire, est recommandée (annexe du document de l’AFSSAPS).
Patients toxicomanes
Les patients usagers de drogues et à risque doivent faire l’objet d’une prise en charge coordonnée (hépatologue, addictologue, équipes concernées) avec un soutien psychosocial renforcé.
L’usage de drogue ne justifie donc qu’une prise en charge plus soutenue et pas l’exclusion des soins.
Chez les patients traités par méthadone, il est recommandé de rechercher d’éventuels « signes ou symptômes de toxicité » (de surdosage ?) lors de l’introduction du traitement par interféron, bien que les études de pharmacocinétique disponibles n’aient à ce jour mis en évidence aucune répercussion clinique significative d’une augmentation des taux plasmatiques variant entre 10 et 16.5%. (1-3)
Prise en charge pluridisciplinaire et globale
Hormis un support de type psychothérapie et des conseils d’hygiène de vie, les stratégies thérapeutiques en cas d’épisodes dépressifs d’intensité modérée à sévère privilégient les inhibiteurs de recapture de sérotonine (IRS) ou les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa). Il n’est par ailleurs pas recommandé d’associer systématiquement des benzodiazépines ou apparentés aux antidépresseurs. La vigilance vis-àvis d’un risque de virage maniaque ou hypomaniaque est soulignée.
Le traitement, s’il est bien toléré, doit être maintenu pendant les 4 à 6 mois qui suivent la fin du traitement par interféron et ribavirine.
De manière plus globale, l’importance d’associer le médecin traitant à la prise en charge est mise en exergue ainsi que la nécessaire multidisciplinarité et l’amélioration des collaborations entre professionnels.
La place du tiers, conjoint ou proche, est également mise en avant dans la démarche d’information et d’accompagnement.
Références
- (1) Sulkowski M, Wright T, Rossi S, et al. Peginterferon alfa-2a does not alter the pharmacokinetics of methadone in patients with chronic hepatitis C undergoing methadone maintenance therapy. Clin Pharmacol Ther. Mar 2005;77(3):214-224.
- (2) Gupta SK, Sellers E, Somoza E, Angles L, Kolz K, Cutler DL. The effect of multiple doses of peginterferon alfa-2b on the steady-state pharmacokinetics of methadone in patients with chronic hepatitis C undergoing methadone maintenance therapy. J Clin Pharmacol. May 2007;47(5):604-612.
- (3) Berk SI, Litwin AH, Arnsten JH, Du E, Soloway I, Gourevitch MN. Effects of pegylated interferon alfa-2b on the pharmacokinetic and pharmacodynamic properties of methadone : A prospective, nonrandomized, crossover study in patients coinfected with hepatitis c and hiv receiving methadone maintenance treatment. Clinical Therapeutics. 2007;29(1):131-138.