La nouvelle est apparue sur un des sites américains d’informations médicales , relayant des informations spécialisées et grand public. Le Dr Lisa Tseng, 46 ans, ostéopathe en Californie, est un des rares médecins américains à être jugée pour meurtre (en lien avec ses prescriptions) et, à notre connaissance, c’est la première à être condamnée à une peine de 30 ans de prison.
Les faits reprochés sont sa responsabilité dans le décès de trois hommes de 28, 24 et 21 ans datant de 2009. Ce dernier en particulier est largement commenté dans la presse. Ce jeune étudiant de l’Arizona, en voyage en Californie, a consulté le cabinet d’ostéopathie pour douleurs lombaires et anxiété. Il s’est vu prescrire « sans examen clinique ni évaluation de ses antécédents de prescription », alprazolam, oxycodone et un relaxant musculaire. Il décède d’overdose quelques jours après et ces substances sont retrouvées à l’autopsie.
Plusieurs axes d’analyse sont proposés :
- l’histoire du médecin. Les faits reprochés datent de 2009. La DEA l’accuse d’avoir réalisé plus de 27 000 prescriptions d’opioïdes en 3 ans (entre 2007 et 2009), ce qui correspond à environ 25 par jour. Un gain financier non négligeable semble avoir été constaté. 9 de ses patients sont décédés d’overdose pendant cette période (3 ont été retenus pour le procès). La plupart des patients étaient jeunes. Il est reproché au Dr Tseng de ne pas avoir suivi les recommandations en matière de prise en charge de la douleur. Cependant, on note que la durée de prescription pour le patient décédé n’était que de 5 jours, impliquant un certain degré de prudence.
- l’histoire du patient. Il est décrit comme un étudiant à quelques mois du passage de son examen de fin d’études, en voyage avec des amis. On observe qu’il a consommé de l’alcool en prenant ses médicaments. Ses parents ont créé après sa mort en 2010 la « National Coalition Against Prescription Drug Abuse ».
En quelques heures, sur le site professionnel ayant passé cette annonce, de très nombreuses réactions (de médecins) sont publiées. La plupart d’entre elles sont très profondément choquées de ce jugement et insistent sur la « responsabilité » de la victime ayant consommé d’autres substances que celles prescrites et pratiquant peut-être le « doctor-shopping ». Il est noté que les substances ont été toxiques du fait de leur association. Il est également dit que sur les 880 000 médecins américains prescripteurs, seuls 200 à 300 auraient des pratiques « douteuses ».
Des éléments objectifs qui auraient permis de se faire une idée plus précise « de ce qui s’est vraiment passé » et de la pratique de ce médecin, ne sont pas dans l’article.
Il existe un vrai défi malgré ces accidents, de maintenir dans la population une confiance forte envers les opioïdes et les médecins qui les prescrivent, que ce soit pour la douleur ou pour la substitution.
Un autre élément important est le constat des difficultés de prescrire et de suivre des traitements antalgiques chez des patients « à risques ». En marge de cette douloureuse histoire de prescription « jugée coupable », et même si les habitudes américaines diffèrent des habitudes françaises, la place des opioïdes chez les sujets jeunes, pour des douleurs non cancéreuses, doit être réfléchie (en utilisant probablement des outils de recherche des facteurs de risques) et accompagnée.