Alcool
La question de la RdR appliquée à l’alcool est très récente mais d’une très grande importance, étant donné d’une part l’impact de la consommation d’alcool sur la santé publique dans des pays comme la France, et d’autre part les changements des pratiques soignantes et préventives que cela engage dans un domaine où, jusqu’ici, le dogme de l’abstinence comme seule solution est profondément ancré.
Qu’est-ce que c’est ?
L’alcool est obtenu par fermentation de végétaux riches en sucre ou par distillation. Il entre dans la composition ‘de nombreuses boissons: vin, cidre, bière, rhum, et alcools distillés, vodka et whisky, etc. L’alcool n’est pas digéré: il passe directement du tube digestif aux vaisseaux sanguins.
C’est une substance légale dont l’usage est réglementé. Les limites et interdits concernent l’âge, les lieux de vente, les circonstances d’usage : vente interdite aux mineurs de moins de 18 ans, taux d’alcool au volant limité à 0,5 g/l de sang, implantation des débits de boissons alcoolisées ou publicité encadrés, etc. L’étiquetage des boissons alcoolisées doit donner le pourcentage d’éthanol présent, plus le degré indiqué est élevé, plus la quantité nécessaire pour obtenir les mêmes effets est faible.
Effets et méfaits
Ils apparaissent en quelques minutes, le pic arrive une heure après le dernier verre et la durée d’action est de plusieurs heures. Ils sont présents dans tous les secteurs de la vie. Aux effets de plaisir et d’euphorisation présents à faible dose succèdent une désinhibition voire une excitation et des troubles cognitifs (attention, jugement…), qui marquent le début de l’ivresse.
À forte dose, les méfaits prennent le pas: perte de la notion de temps, de la mémoire, apparition de troubles de l’équilibre et de la parole, tableau de confusion, désorientation et troubles du comportement (discours incohérent, agressivité, agitation. . .).
A court terme, la consommation excessive d’alcool est responsable de troubles digestifs (nausées, vomissements…) et de la coordination, d’une baisse d’acuité visuelle. Elle peut provoquer un coma éthylique par surdose, conduire à des rapports sexuels non protégés avec leurs risques de contamination.
Les troubles neuropsychiques accroissent fortement les risques majeurs d’accidents par diminution de la vigilance, tandis que la perte du contrôle de soi peut induire des comportements de violence, agressions sexuelles, suicide, et une vulnérabilité aux agressions.
La consommation régulière et excessive, augmente le risque de nombreuses pathologies:
- cancers (notamment de la bouche, de la gorge, de l’œsophage),
- maladies du foie (cirrhose) et du pancréas,
- troubles cardiovasculaires,
- hypertension artérielle,
- troubles psychiques (anxiété, dépression, troubles du comportement)
- et des maladies neuropsychiques (lésions neurologiques graves accompagnées de troubles irréversibles de la mémoire).
La dépendance à l’alcool peut être très sévère, avec l’apparition de nombreux symptômes lors de la consommation ou de l’arrêt : tremblements, crampes, déshydratation, anorexie, troubles du comportement. Elle s’accompagne de difficultés majeures d’ordre relationnel, social, professionnel, sanitaire, judiciaire.
L’alcool est l’un des plus puissants neurotoxiques consommés en France et dans le monde.
Quelques repères et messages clés pour réduire les risques liés à l’alcool
Lutter contre les idées reçues
Difficile de les citer toutes, d’autant qu’elles se déclinent aussi par type de boisson, de milieu, de région, etc.
Son utilisation très banale et répandue, et sa présence dans des boissons jouissant d’un enracinement culturel très valorisant (vins, alcool et spiritueux régionaux…) tendent à le faire oublier, mais l’alcool est l’une des substances les plus toxiques pour l’organisme (foie, cerveau…), qui induit une dépendance à long terme très forte et dont l’abus peut conduire à des risques sociaux très graves.
C’est probablement la substance qui cumule le plus de dangerosité (Nutt, 2011 ; Morel, Couteron, 2011).
Il n’existe pas de méthode pour « dessaouler » plus vite. Seul le temps permet de diminuer l’alcoolémie (un homme de 65 kg devra attendre une heure et demie par verre d’alcool consommé pour un retour à une alcoolémie nulle).
L’alcoolémie est la plus élevée une heure après le dernier verre. Il est donc nécessaire d’attendre une heure après le dernier verre avant de la tester.
Connaître les limites entre l’usage « simple » et l’usage « nocif » ou « excessif »
L’OMS a défini la notion de « verre standard », et donné des normes de consommation permettant de définir notamment une limite entre l’usage simple et l’usage nocif (engendrant un surcroît de risque pour la santé).
Ces normes sont :
- Deux verres par jour maximum pour les femmes et trois pour les hommes,
- Pas plus de 4 verres en une seule occasion,
- Et une journée d’abstinence minimum dans la semaine.
Savoir qu’un verre standard contient toujours la même quantité d’environ 10 g d’éthanol (ainsi, un demi de bière = 1 whisky = 1 verre de vin, une flûte de champagne…) est une donnée utile pour mesurer sa consommation et gérer son alcoolémie.
Néanmoins, ce volume standard, s’il s’applique effectivement dans les lieux publics, les cafés etc. est moins utilisable dans les consommations privées « à la maison » où le verre de whisky ou de vin représente bien souvent des volumes et une quantité d’alcool supérieurs.
Enfin, le taux d’alcool dans la boisson n’est qu’un élément dans ce qui conduit à l’abus (sont aussi importants la vulnérabilité individuelle, le contexte et les pressions sociales, la répétition des excès…).
Connaître les signes précoces de consommation à risques
Plusieurs signes peuvent alerter sur une consommation problématique d’alcool (états d’ivresse répétés lors de soirées, consommations fréquentes, pertes de contrôle, etc.). Le piège est de n’avoir comme repère que l’image de l’alcoolique dépendant buvant du soir au matin ce qui contribue à banaliser sa propre consommation (« je ne suis pas alcoolique, je bois comme tout le monde »…). Il existe des questionnaires d’ auto évaluation qui sont un bon moyen de faire le point et d’adapter son comportement en fonction de ses résultats. L’intervention précoce est destinée précisément à aider à ce type d’auto-observation, sans moralisation et en dépassant les auto-appréciations banalisantes.
Quelques conseils et messages clés pour une consommation responsable
Dans un premier stade, les conseils vont concerner des personnes dont l’objectif est de diminuer ponctuellement l’intensité de l’expérience vécue et ses éventuelles conséquences nocives.
Ils peuvent être regroupés sur trois types de risques à minimiser :
- les conséquences sanitaires,
- les risques sociaux
- et la dépendance.
Tenir compte des effets et contre-effets
Une consommation intense s’accompagnera automatiquement d’une phase de récupération pénible (« gueule de bois ») qui ne peut être escamotée (l’organisme a besoin de retrouver un équilibre). D’autant plus qu’il y a des mélanges (tabac, cannabis, cocaïne. . .).
Ne pas consommer d’alcool avant de conduire un engin
« Boire ou conduire, il faut choisir », le slogan est très connu. Si l’on boit, ne pas dépasser les 2 verres standards. Si l’on a consommé plus, attendre le temps nécessaire pour que l’alcoolémie soit inférieure à 0,50 g/l (d’où l’utilité des outils de mesure comme l’éthylotest).
Consommation précoce
Eviter toute consommation d’alcool précoce du fait des effets et dangers accrus durant l’enfance et à l’adolescence, période de maturation cérébrale et de vulnérabilité neurobiologique et psychique. Pour l’alcool comme pour toutes les substances, la précocité des usages est un important facteur de « sur-risques ».
Il n’y a pas d’âge limite clairement établi si ce n’est pour l’achat (interdit aux mineurs de 18 ans), mais la limite de 15/16 ans est souvent avancée. L’âge moyen de la première consommation d’alcool en France, généralement dans le cadre familial, est aujourd’hui de 13/14 ans.
Rythme de consommation
Avant ou pendant le temps de la consommation, il est préférable de s’alimenter un minimum et éviter ainsi l’état d’ivresse de survenue rapide.
Boire de l’eau tout au long du temps de consommation d’alcool permet de lutter contre la déshydratation induite par la consommation d’alcool, diminue la sensation de soif et atténue les maux de têtes dus à une éventuelle « gueule de bois ». Alterner boisson alcoolisée et eau ou commencer la soirée par un verre de boisson non alcoolisée (eau de préférence), peuvent être des méthodes de réduction des quantités d’alcool absorbées en une occasion. La tolérance à l’alcool peut vite s’installer, poussant à augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets ce qui ouvre la porte aux contre effets dangereux (perte de contrôle, agressivité, déni…).
Ménager des temps de non-consommation (pendant un moment de consommation et dans le parcours global de l’usager) permet de prévenir la survenue de ce phénomène de tolérance. L’excès d’alcool peut induire somnolence et vomissements. Si une personne s’endort en état d’ivresse, mieux vaut qu’elle se couche sur le côté pour éviter l’étouffement en cas de vomissement et qu’elle reste sous surveillance.
Polyconsommation
La consommation d’alcool est souvent associée à celle d’autres produits (tabac, cocaïne..). Les effets en sont modifiés, les risques augmentés et la gestion plus compliquée. Il est donc préférable pour un usager ayant décidé de consommer d’autres drogues d’éviter de consommer de l’alcool et vice versa.
Traitements médicaux
L’alcool aggrave les complications et perturbe les traitements de nombreuses maladies (maladies infectieuses, VHC, VIH, troubles psychiques et neurologiques, cancers…), des conseils de réduction des risques adaptés et des aides à la modération voire à l’arrêt sont donc très importants dans ces situations.
Grossesse
Alcool et grossesse font mauvais ménage et c’est le développement cérébral du foetus qui peut être affecté tout au long de la grossesse. Nous ne connaissons pas de quantité d’alcool où ce risque d’atteinte neurologique (1e Syndrome d’Alcoolisation Foetale) est nul. Cependant, nous savons que le risque est croissant en fonction des quantités et des fréquences de consommation.
RdR alcool
Une stratégie qui reste à penser et à développer en tant que telle Réduire les risques est, depuis longtemps, un axe de stratégie de prévention dans le domaine de l’alcool, mais il a du mal à se penser et à se développer en tant que tel (Batel, 2011).
La RdR s’affronte au dogme selon lequel le seul problème de l’alcool est celui de la dépendance dont l’unique issue est l’abstinence totale et définitive. Ce dogme ne laisse guère de place à l’accompagnement « pas à pas », ni à la prévention (l’intervention précoce), ni à des alternatives pour sortir d’un usage problématique (gestion de la consommation). On retrouve des difficultés similaires avec le tabac.
Pourtant, des expériences existent qui montrent la pertinence et l’efficacité de la RdR dans le domaine de l’alcool. Tel le « Sofa Bar » de Kiel en Allemagne ou d’autres expériences de ce type menées par des Centres d’Hébergements et de Réinsertion Sociale (CHRS) en France qui reçoivent des publics particulièrement en difficulté, y compris avec l’alcool, et qui créent des lieux proposant des boissons sans alcool mais où l’on peut amener sa boisson alcoolisée et bénéficier d’un accompagnement social et sanitaire. À l’image de lieux de consommation supervisés pour usagers de drogues illicites, ces lieux de réduction des risques alcool ouvrent l’accès aux soins et à la dignité pour des personnes qui en sont souvent largement privées.
Tabac
Qu’est-ce que c’est ?
Le tabac est une plante cultivée dans le monde entier. Après séchage, les feuilles sont mises à fermenter pour obtenir un goût spécifique.
On peut distinguer deux grandes catégories de produits du tabac, ceux qui se fument (cigarettes, cigares, tabac à rouler et pipes) et ceux qui ne se fument pas (tabac à priser ou à chiquer).
La nicotine est le composant principalement responsable de l’effet psychoactif et addictogène du tabac, les nombreux produits chimiques ajoutés apportent des effets de goût, humectants, facilitant l’absorption de la nicotine vers le cerveau…
Lors de sa combustion se dégagent des milliers d’autres substances particulièrement nocives pour l’organisme (goudrons, monoxyde de carbone…). « Une cigarette contient 2500 composés chimiques. La fumée d’une cigarette en contient 4000 ! »
Effets et méfaits du tabac fumé
Le délai d’apparition des effets est de quelques secondes quand il est fumé. Ces effets sont globalement stimulants : maintien de l’éveil, diminution de l’anxiété et de l’appétit.
Les méfaits les plus graves sont induits par l’inhalation des toxiques produits par la combustion :
- Cancers du poumon, des voies aérodigestives supérieures, de la vessie, du pancréas ;
- Effets cardiovasculaires par l’augmentation de la pression artérielle, l’accélération du rythme cardiaque, la détérioration des artères ;
- Effets respiratoires par l’atteinte des capacités pulmonaires, risque de bronchite chronique,
- Effets digestifs avec une augmentation de la sécrétion acide dans l’estomac ;
- Limitation de l’apport d’oxygène au cerveau et aux muscles provoquant des maux de tête, des vertiges et une diminution de la résistance à l’exercice ;
- Troubles de la fonction érectile ;
- Altération de la santé buccodentaire (muqueuse buccale, gencives, dents) ;
- Risque d’une dépendance forte due notamment à la nicotine et qui peut être évaluée à l’aide de tests simples comme celui de Fagerström.
« Le test de Fagerström permet une auto-évaluation de la dépendance à la nicotine. Un nombre de point est attribué selon les réponses aux questions. La personne additionne les résultats de chaque question. Plus le score est élevé, plus la dépendance est forte. »
Il s’agit de risques essentiellement sanitaires, à moyens et longs termes.
Conseils et repères de réduction des risques pour le tabac
La réduction des risques, ça marche aussi pour le tabac
Il a longtemps été considéré que tout fumeur dépendant n’avait d’autre solution que l’arrêt total et définitif du tabac. Ce dogme a pour conséquence de culpabiliser et de laisser sans solution un nombre important de personnes très dépendantes du tabac, conscientes des risques mais ne parvenant pas à s’arrêter totalement. Ainsi, les broncho-emphysémateux comme les malades cardiaques savent que le tabac va les faire mourir, mais 10 % à 20 % d’entre eux seulement réussissent à arrêter de fumer à long terme. De même, 25 % de femmes enceintes continuent de fumer durant toute la grossesse alors que leur motivation pour arrêter est très élevée.
Les avis évoluent progressivement aujourd’hui, notamment à la suite d’études comme la « lung health study » (Lagrue, 2006). Cet essai mené en 1993 aux États- Unis était à l’origine destiné à étudier une population de bronchitiques chroniques emphysémateux tentant de se sevrer par des gommes nicotiniques.
Il a permis de constater que les personnes qui n’avaient pas atteint l’objectif de sevrage mais qui avaient réduit leur consommation de cigarettes en utilisant des substituts nicotiniques étaient dans un état clinique nettement meilleur (Gross, 1994).
D’autres études ont montré par la suite que l’exposition à un programme de réduction de la fréquence et du nombre de cigarettes fumées améliorait sensiblement les résultats de programmes d’arrêt pour les usagers qui s’y engagent ultérieurement.
Les principes de la réduction des risques face au tabac
- La fumée augmente le nombre de dommages liés à l’usage de tabac. La combustion rend en effet le produit encore plus toxique. Par ailleurs, la durée de tabagisme est plus importante que la dose. « Concernant le tabac fumé: à durée égale, quand la quantité de cigarettes double, le risque de cancer est multiplié par 2, alors qu’à quantité de cigarettes égale, quand la durée double, le risque de cancer est multiplié par 23 ! »
- Trouver le plus tôt possible une alternative à la voie fumée est donc le moyen le plus efficace de diminuer les risques.
- La nicotine est responsable, sans doute avec d’autres composants, de l’effet addictogène du tabac. L’utilisation de substituts nicotiniques permet donc de limiter les effets du sevrage tout en offrant d’autres modes d’administration moins toxiques.
- Réduire les risques liés à la consommation de tabac revient donc à arrêter de consommer du tabac ou, lorsque ce n’est pas possible, de consommer du tabac sans combustion ou simplement de la nicotine.
Intérêt limité de la diminution du nombre de cigarettes
La diminution de la quantité de tabac consommé n’est pas clairement reliée à une réduction des dommages. Lorsqu’un fumeur décide de diminuer la quantité de cigarettes, sa manière de fumer va évoluer: il va tirer de plus fortes bouffées en un laps de temps plus court afin d’obtenir la quantité de nicotine dont il a besoin pour combler le manque physique. Le bénéfice peut donc être très faible voire nul. Le même phénomène est observé avec les cigarettes dites légères pour compenser leur moindre teneur en nicotine.
De surcroît, le type de dommages induits par ce changement de comportement s’avère plus néfaste pour l’organisme (développement de cancers plus difficiles à traiter).
Parvenir à une diminution du nombre de cigarettes consommées peut cependant aider des personnes dépendantes à reprendre confiance en elle en réalisant, même partiellement, des objectifs de consommation maîtrisée. La diminution devient une source de motivation pour l’usager qui ne se sent pas prêt à l’arrêt brutal. Des programmes d’accompagnement à l’autolimitation de la consommation peuvent être envisagés (notamment avec l’aide de substituts nicotiniques), mais, en l’état actuel de nos connaissances, il faut sans doute envisager cette diminution comme une étape vers l’arrêt total du tabac fumé.
Les alternatives au tabac fumé
L’alternative la plus sûre est de consommer des substituts nicotiniques, disponibles en pharmacie, sous diverses formes (comprimés orodispersibles, gommes, patchs, système à inhaler).
Des inhalateurs de nicotine ont été récemment mis à disposition en pharmacie par les laboratoires qui commercialisent les substituts nicotiniques. Chaque inhalateur comprend un embout buccal et une cartouche qui libère 4 mg de nicotine sous forme de vapeur. Cette vapeur est absorbée par la muqueuse de la bouche et de la gorge. Ce « médicament » diminue les symptômes de sevrage, et il est conseillé pour aider les personnes de plus de 18 ans à arrêter de fumer.
La cigarette électronique pourrait être une autre alternative. C’est un dispositif électronique qui diffuse de la nicotine avec des aromates mais sans produits de brûlage. Elle ne diminue pas le risque de dépendance et son utilisation sollicite les mêmes gestes que ceux du fumeur de cigarette. Mais elle n’aurait que peu d’effets toxiques, même si nous manquons encore de données. Elle ne possède pas le statut de médicament en France et sa vente en pharmacie est interdite.
Une autre alternative est d’utiliser du tabac sans le fumer : chiquer et/ou priser le tabac diminue les risques (pas d’atteinte pulmonaire, pas de tabagisme passif, risques de cancers nettement moins élevés, pas de risque d’incendie…). En revanche, la dépendance n’est pas diminuée.
Le « snus », forme de tabac à priser vendue principalement en Suède et en Norvège, est devenu une alternative au tabac fumé dans ces pays, mais il n’y a pas de consensus sur son innocuité, et sa vente est interdite dans tous les autres pays de l’Union Européenne.
Le tabagisme passif
Ne pas faire courir de risques à l’entourage est un argument de poids pour susciter des changements de comportement des usagers. La confirmation des conséquences nocives d’un tabagisme « passif » pour la santé des personnes en contact avec des fumeurs ou travaillant dans des lieux de consommation a été le moteur des lois d’interdiction de la consommation de tabac dans les lieux publics. L’adoption très majoritaire des nouvelles règles par les usagers a démontré les effets positifs de leur responsabilisation. Toutefois, les cafés et lieux festifs mais aussi les hôpitaux psychiatriques et autres lieux de vie collective, sont confrontés à la nécessité de concevoir des solutions qui permettent aussi à des usagers de consommer dans ces lieux sans gêner autrui (terrasses aménagées, espaces extérieurs couverts…).
Comme pour l’alcool et comme ce fut le cas pour les drogues illicites, la RdR face au tabac pâtit du dogme de l’abstinence comme seule solution au seul « vrai » problème de la dépendance. Néanmoins, les preuves scientifiques de la pertinence de stratégies alternatives au sevrage dans certains cas ouvrent la voie à de futurs développements de la RdR dans ce domaine aussi.
Lire l’article suivant : Réduction des risques selon les produits 3/5. Le cannabis
Commentaire de lecture adressé à la Rédaction par le Dr Didier BRY, membre du Comité de Lecture, Médecin Psychiatre Coordinateur RESAD Vaucluse Camargue
L’avis négatif des « experts » (évoqué dans l’article de Grégory Pfau) concernant la réduction des risques tabac me laisse dubitatif. C’est probablement lié à mon âge, ayant connu dans le passé des avis d’experts tout aussi négatifs concernant les consommations de drogue et d’alcool.
La réduction de la quantité consommée aurait peu d’influence, sinon sur la motivation à arrêter complètement : la durée de la consommation est beaucoup plus importante et les fumeurs qui réduisent leur nombre de cigarettes ont tendance à modifier leur façon de fumer afin d’absorber plus de substances toxiques. Ceci dit, on parle toujours du risque de cancer bronchique, quid des autres risques (autres cancers, notamment rein et vessie, risques cardio-vasculaires, etc.).
Par ailleurs, le fait de diviser par 2 le risque de cancer bronchique en diminuant de moitié sa consommation ne me paraît pas si négligeable. On craint que le message soit brouillé, l’arrêt étant bien préférable.
Mais est-ce un bon message que de dire à quelqu’un qui est passé de 2 paquets à 10 cigarettes/jour que ça ne sert pas à grand-chose…
Et que de frilosité concernant les autres formes de consommation. Le « snus » a fait tellement peur que l’on en a interdit l’exportation à la Suède dans son traité d’adhésion à la Communauté Européenne. Il y a une légère augmentation des cancers buccaux, mais la Suède est le pays d’Europe qui a le plus faible taux de cancers bronchiques.
Et maintenant, le même scénario avec l’e-cigarette : on ne connaît pas les risques à long terme de l’inhalation des aromes et du glycol. Soit, mais on connait bien ceux du tabac et on peut raisonnablement penser qu’ils très largement supérieurs. Et si les ados commencent à fumer avec l’e-cigarette plutôt qu’avec le tabac est-ce si grave ? Avec l’idée assez utopique qu’il vaut mieux qu’ils ne fument pas, ne va-t-on pas favoriser l’initiation directe avec le tabac ?
Il me semble qu’on est face au problème récurrent : les messages de réduction des risques sont perçus par certains comme brouillant le seul message qui tienne au terme de santé « l’abstinence ».
PS : Je n’ai pas de conflit d’intérêt, je suis non fumeur et partisan de l’arrêt du tabac (quand c’est possible).