LA RÉDUCTION DES RISQUES (RDR) s’applique à l’usage de tous les produits psychoactifs, mais de façon différente, en fonction des caractéristiques propres à chaque substance et à leurs modes et circonstances de consommation. Pourtant, si les stratégies d’origines de la RdR envers les risques infectieux liés à l’injection de drogues sont relativement bien établies et connues des usagers, il en est différemment pour les autres modes de consommation et pour les risques liés aux substances psychoactives licites (alcool, tabac, médicaments…).
Règles générales
Des conseils généraux de RdR sont applicables à toute consommation de substance psychoactive et peuvent être résumés ainsi :
Il est préférable d’éviter d’abuser des drogues, voire d’en consommer. Si consommation il y a, mieux vaut :
- Fractionner les prises,
- Espacer les consommations dans le temps,
- Ménager des moments de repos (récupération),
- Eviter les mélanges,
- Manger et s’hydrater régulièrement,
- Ne pas consommer seul,
- Connaître le produit que l’on prend (sa composition mais aussi ses effets et effets secondaires),
- Ne pas consommer de produits psychoactifs si l’on conduit…
La RdR rejoint la prévention en cherchant à préserver la santé et en « débanalisant » l’usage des produits psychoactifs, légaux ou non. Y compris les médicaments psychotropes qui sont les produits plus banalisés aujourd’hui malgré les nombreux risques sanitaires qu‘ils comportent. Elle ne se satisfait pas de messages généraux et ne se situe pas dans la dissuasion de toute consommation. Elle vise à diminuer les méfaits en donnant aux usagers des conseils pratiques et des moyens concrets pour diminuer les risques spécifiques de leur consommation.
Les spécificités par produit sont déterminées par le profil de dangerosité pharmacologique propre à chaque substance qui se définit selon trois axes :
La toxicité somatique (atteintes physiologiques, intoxications aiguës et overdoses…) L’intensité des effets psychiques (ivresse, troubles cognitifs, angoisse, bad trip, troubles psychiatriques…)
Le potentiel de risque de dépendance (dépendance à court ou long terme, manifestations de manque, craving…).
Ce modèle donne des premiers éléments utiles pour la réduction des risques (Morel, Couteron, Fouilland, 2010). Par exemple, le tabac a une dangerosité principalement liée à la conjonction de son potentiel toxique et de son potentiel addictif. La consommation quotidienne de tabac fumé expose l’usager à la toxicité pulmonaire des centaines de substances générées par l’inhalation de la fumée. Les conseils de RdR concernant le tabac seront donc centrés sur la réduction de la durée de consommation du tabac fumé et sur l’incitation à utiliser d‘ autres modes d’usage de nicotine.
Ce modèle de dangerosité qui rend compte de façon simple des spécificités pharmacologiques de chaque produit, complété par les attentes – culturelles et individuelles – qui sont attachées à leurs consommations, va déterminer des risques particuliers et, en conséquence, des conseils de RdR spécifiques.
Le problème de la qualité des produits consommés est une limite aux informations qui peuvent être apportées. Le marché parallèle des drogues présente des différences entre le contenu annoncé par les revendeurs et le contenu réel consommé par les usagers. Un produit n’est qu’exceptionnellement dosé à 100 % et présente donc au moins un produit de coupe associé au produit recherché.
Parfois, le produit annoncé par le revendeur n’est même pas présent dans l’échantillon…
Cette question touche aussi les substances licites, comme on l’a vu avec le tabac vendu depuis des décennies avec des composés accroissant les propriétés addictives des cigarettes.
Qu’ils soient inertes (diluants) ou pharmacologiquement actifs (adultérants), les produits de coupes peuvent en effet induire des dommages du fait de leurs propriétés physicochimiques (altération du système véno-lymphatique chez les injecteurs par exemple) et/ou du fait de leur activité pharmacologique propre.
En attendant de pouvoir apporter des éléments de réponse personnalisés et adaptés à chaque échantillon acheté (le droit commun français n’est pas aujourd’hui doté d’un dispositif d’analyse de drogues utilisé comme outil de RdR), nous devons essayer d’apporter des éléments de réponse à ce sujet pour améliorer le savoir global sur les drogues.
La composition des drogues est une des préoccupations majeure des usagers (composition qualitative, quantitative, pureté…) elle doit aussi être une préoccupation des acteurs de RdR.
Se renseigner sur l’évolution du contenu réel des produits issus du marché parallèle et échanger sur ce sujet avec les usagers (savoirs, savoir-faire, pratiques…) permet donc de mieux réduire les risques. Nous présentons, dans cet article et dans ceux qui vont suivre dans les prochains numéros de la revue, les données essentielles pour huit types de produits parmi les plus courants, « D’autres chapitres de l’Aide-mémoire abordent ces mêmes questions, mais à partir d’autres « portes d’entrée » : voir notamment le chapitre 10 « Modes d’administration des drogues et outils de réduction des risques » et le chapitre 13 « Réduction des risques et prévention des complications sanitaires »,en déclinant brièvement pour chacun l’origine de la substance, ses effets, ses méfaits et les messages clés pour réduire les risques.
Une telle approche « globale » (englobant tous les types de produits) de la RdR est assez récente, et les données d’expérience vont certainement permettre d’affiner progressivement les messages les plus utiles et opérants. La RdR se nourrit de l’expérience des usagers, s’attache à faire de ces derniers des partenaires de prévention et promeut la création de groupes d’entraide et d’auto-support (Sueur, Bastianelli et al., 1999). La RdR se définit aussi par ce mode de relation avec les usagers, quel que soit le type de produit et les modalités de consommation.