Synthétisée pour la première fois en 1912, l’ecstasy ou MDMA (3,4-méthylène-dioxyméthylamphétamine) fut également utilisée en psychiatrie en complément des psychothérapies dans les années 70 aux Etats-Unis. Rapidement retirée du marché en raison de ses effets secondaires indésirables et de la dépendance qu’elle engendrait, son utilisation comme drogue récréative s’est banalisée dans les sociétés occidentales dans des contextes festifs.
Depuis plusieurs années, l’ecstasy a été réintroduite dans des essais cliniques aux Etats-Unis notamment comme traitement éventuel du syndrome de stress post-traumatique, en raison du sentiment d’euphorie et de chaleur émotionnelle qu’elle procure.
De ce fait, certains chercheurs sous tendent que les dangers de l’ecstasy ont été largement exagérés (John H. Halpern et al. Residual Neurocognitive Features of Long-Term Ecstasy Users With Minimal Exposure to Other Drugs. Addiction, 2010).
Pourtant, des modifications chroniques, voire permanentes, de la fonction cérébrale liées à la consommation d’ecstasy ont pu être mises en évidence lors d’une récente étude réalisée par l’équipe de recherche du Pr. Cowan (Addiction Center, Vanderbilt University) et publiée dans l’édition de mai de la revue Neuropsychopharmacology.
Le Pr. Cowan explique cette situation : « Il y a une tension dans les domaines de la psychiatrie et de la psychothérapie entre ceux qui pensent que l’ecstasy pourrait être un précieux outil thérapeutique qui n’est pas mis à l’essai en raison de craintes exagérées, et ceux qui sont préoccupés par les effets potentiellement nocifs de la drogue. Nous ne sommes pas d’un côté ou de l’autre, nous essayons simplement de savoir ce qui se passe dans le cerveau et avant cette étude, il n’existait aucune preuve scientifique de changements durables dans le cerveau ».
Les chercheurs ont examiné l’activation cérébrale en utilisant l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), chez des sujets ayant consommé de l’ecstasy (mais pas dans les 2 semaines précédant l’imagerie, n=20) et chez des sujets non consommateurs d’ecstasy (n=20). L’équipe a identifié une activation cérébrale augmentée dans 3 zones associées au traitement visuel (Aires 17 et 18 de Brodmann soit le cortex visuel primaire et secondaire, et le corps genouillé latéral) chez les usagers d’ecstasy avec exposition élevée à la drogue.
Les résultats étaient conformes aux prévisions des chercheurs sur la base des résultats obtenus chez l’animal: la consommation d’ecstasy est associée à une perte de signalisation de la sérotonine, ce qui conduit à une hyperexcitabilité cérébrale. Et selon le Pr Cowan, l’hyperexcitabilité suggère une perte d’efficacité du cerveau, car le cerveau utilise plus d’espace pour traiter une information ou exécuter une tâche.
Autre découverte, il semblerait que ce changement dans l’excitabilité corticale ne revienne pas à la normale chez les sujets n’ayant pas consommé d’ecstasy depuis plus d’un an. Les auteurs pensent que celle-ci pourrait être chronique, de longue durée, voire même permanente.
En conclusion, selon cette étude, l’usage récréatif de MDMA pourrait donc bien être associé à une augmentation durable de l’excitabilité corticale, par la perte d’entrée de sérotonine dans les régions corticales et sous corticales. Replacé dans le contexte des résultats antérieurs, cette hyperexcitabilité corticale pourrait être un biomarqueur de la neurotoxicité de la MDMA.
Si les essais cliniques montrent que l’ecstasy présente des bénéfices thérapeutiques, il est essentiel de connaître les risques et les facteurs pouvant les influencer (doses toxiques, vulnérabilité génétique etc…).