Dans cette étude publiée dans la revue Addiction, et soutenue financièrement par le NIDA (National Institute of Drug Abuse), les auteurs ont mesuré l’intervalle QT auprès de patients traités par de la méthadone. Il s’agissait de retenir une population de patients suivis dans le cadre d’une étude sur des hauts dosages de méthadone. Au total, 138 patients recevant un traitement à une posologie stable depuis au moins 2 semaines ont été inclus dans l’étude. La posologie se situait entre 40 et 290 mg/jour.
Les patients ont eu un électrocardiogramme au moment d’une prise de sang, nécessaire aux dosages des concentrations plasmatiques de méthadone, soit 24 heures après la prise de méthadone.
La posologie moyenne dans cette étude était de 170,9 ± 50,3 mg par jour, largement supérieure à la posologie moyenne habituelle. Les méthadonémies étaient en moyenne de 708,2 ± 363,1 ng/ml, elles aussi supérieures au seuil habituellement recommandé, aux alentours de 400 ng/ml. L’intervalle QT moyen corrigé (QTc) était de 418,3 ms ± 32,8 millisecondes, valeur considérée comme normale. Il n y’a pas, dans cette étude, de corrélation entre la posologie de méthadone ou les concentrations sanguines et le QTc.
Après 2±0,4 ans de suivi, 2 patients sont décédés ; ils avaient un QTc > 500 ms mais l’origine de leur décès n’est pas d’origine cardiaque (1 cirrhose hépatique et une BPCO).
19 patients avaient un QTc compris entre 450 et 499 ms, mais aucun d’entre eux n’a de problème cardiaque secondaire à cet intervalle QT long.
Les auteurs concluent que le traitement de maintenance à la méthadone est globalement sûr, mais rappellent également, qu’à une posologie élevée (> 120 mg/jour), il est nécessaire de pratiquer un ECG.
Ndlr : Dans un mail, que nous avons reçu à la rédaction du Flyer, Andrew Byrne (Redfern, Australie), un des spécialistes reconnus en matière de traitement par la méthadone, évoque cette publication ainsi qu’un article publié dans le Lancet ces derniers mois sur le sujet, par Mori Krantz (Krantz MJ, Mehler PS QTc prolongation: methadone’s efficacy-safety paradox. [Journal Article] Lancet 2006 Aug 12; 368(9535), à l’origine des publications sur l’allongement du QT imputables à la méthadone.
Andrew Byrne rappelle que la publication initiale de Krantz était un recueil de 17 cas, traités pour des douleurs, dont 15 avaient des antécédents cardiaques sévères et une posologie moyenne ‘stratosphérique’ de 400 mg/jour. Krantz propose, soit d’éviter de prescrire des posologies élevées de méthadone (alors qu’elles ont fait la preuve de leur efficacité), soit de prescrire de la buprénorphine.
Ces solutions pourraient ‘paradoxalement’ conduire à plus de problèmes liés au QT (selon Byrne), au travers d’une augmentation de la prise de substances, prescrites ou illicites.
Il convient avec Krantz, qu’un ECG préalable au traitement par la méthadone n’est pas justifié, mais qu’à une posologie élevée de méthadone (200 mg dans le texte d’A. Byrne), il pourrait être réalisé (120 mg dans le RCP de la méthadone commercialisée en France).
L’étude de PELES et KREEK, ainsi que les discussions ‘publiées’ entre expert, confirme la relative innocuité cardiaque de la méthadone en pratique courante pour des patients recevant une posologie habituelle de méthadone, et sans facteurs de risques majeurs associés.
Un QT long étant retrouvé chez des patients à des posologies élevées, il n’y a pas lieu de faire un ECG chez un usager de drogues entrant en traitement.
A ce stade du traitement, il y a peu de chances d’être face à un patient naïf de substances psychoactives, avec un résultat de l’ECG difficile donc à interpréter.