Le premier colloque organisé par le GCSMS (Groupement de Coopération Social et Médico-Social) Cup RdR s’est déroulé à Tours le 13 avril 2013 et a réuni plus de 170 personnes autour des deux thématiques de la journée :
1. La notion d’éthique en réduction des risques, étudiée lors des plénières matinales avec les interventions d’Emmanuel Hirsch sur l’éthique dans la prise en charge des populations précaires, d’Elisabeth Avril sur le travail en collaboration avec les usagers lorsqu’il s’agit d’intervenir en RdR et de Jean-Pierre Couteron sur les enjeux et les évolutions des pratiques de RdR au sein de la Fédération Addiction.
2. La réduction des risques en milieu rural, étudiée sous deux angles :
- La répartition de l’offre de RdR sur l’ensemble du territoire français.
- Les pratiques concrètes de RdR via la présentation d’actions en ateliers répondant à trois thématiques : la couverture territoriale, les bonnes pratiques et les pratiques innovantes.
Quel bilan pouvons-nous dresser du premier colloque s’intéressant à la RdR en milieu rural ? Quelles pistes de réflexion a-t-il ouvert ?
Ethique de la RdR
Pour reprendre les mots d’Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris Sud, la réduction des risques est « un parti-pris inspiré par les valeurs de respect et de confiance réciproques. Un risque à tenter, mais certainement préférable aux positions réfractaires à tout engagement, aux attentismes stériles, ou aux jugements sommaires qui accentuent les discriminations ».
En d’autres termes, il est plus responsable d’accompagner une personne dans les risques qu’elle prend, en tentant de les limiter, que de s’entêter à vouloir faire du consommateur une personne abstinente quitte à la condamner pénalement si elle ne le souhaite pas. Penser la réduction des risques, c’est faire preuve de non-abandon, de non-indifférence ; c’est être éthiquement responsable.
Par ailleurs, pour continuer de faire évoluer la RdR, il est important de maintenir une parité dans la relation avec l’usager et de faire appel à son savoir. Nous voyons de plus en plus un décalage se créer entre l’usager et le professionnel et ce sont les pratiques de RdR qui en pâtissent. L’éthique, c’est aussi reconnaitre l’usager comme un sujet doté de savoirs. Se priver de ses connaissances, c’est se priver d’un savoir, non pas supérieur, mais complémentaire.
RdR en milieu rural
L’offre de réduction des risques est répartie inégalement (plusieurs départements n’ont pas de CAARUD) et de façon inéquitable sur le territoire français (certains CAARUD n’ont qu’un ETP pour couvrir leur territoire). Encore trop d’usagers ont difficilement accès à la réduction des risques simplement à cause de leur implantation géographique. La création/répartition des structures de RdR doit être un des enjeux prioritaires des politiques de santé publique.
Les CAARUD et autres structures de réduction des risques ne sont pas en manque d’idées lorsqu’il s’agit de penser la RdR et d’aller vers les usagers. Il existe de nombreuses pratiques desquelles nous pourrions tous nous inspirer et nous n’en avons eu qu’un échantillon : le PES Postal, l’utilisation des réseaux sociaux et des nouvelles technologies, les réunions « Tupperware » qui visent à présenter le matériel à plusieurs usagers au domicile de l’un d’eux, le décloisonnement soin/RdR au sein d’une unité mobile, la création de réseaux partenariaux (pharmacies, CSAPA, police, gendarmerie, CAARUD), l’optimisation du travail avec les usagers relais ou le travail de quadrillage d’un travailleur social et le service à la demande sur tout un territoire, etc.
Retenons la pluralité de ces solutions. Il n’en existe pas une seule et il n’en existe pas une meilleure que l’autre. Il en existe une multitude plus ou moins adaptées aux différents territoires. Il faut continuer à faire preuve d’ingéniosité quand il s’agit de s’inspirer de dispositifs car la vérité d’une zone rurale n’est pas forcément la même que celle de sa voisine.
Dans le meilleur des cas, les bonnes pratiques ont besoin d’être ajustées au contexte local ; il est impossible de calquer un dispositif d’un territoire à l’autre.
Dans le pire des cas, certaines actions ne sont pas compatibles avec la zone visée, et ce, pour diverses raisons inhérentes ou pas aux structures (moyens humains, politiques, culturels, etc.). La mise en place d’unités mobiles en est une illustration. Certains échanges ont opposé des professionnels où les uns clamaient qu’il fallait oser s’afficher « dispositif RdR » quand les autres appelaient au contraire à une grande discrétion. Qui peut affirmer avoir raison ? Personne. Les opinions de chacun se basent sur les vérités du territoire sur lequel s’inscrit l’action des professionnels concernés.
Cet article n’émet volontairement aucune conclusion car le colloque a vocation à introduire une réflexion générale sur la RdR en milieu rural et doit appeler d’autres rassemblements pour continuer les échanges et pour ouvrir d’autres pistes de réflexion. A ce sujet, nous en appelons à vous, lecteurs et/ou professionnels de la RdR, pour venir travailler avec nous et nous proposer des thématiques à aborder avec toujours en toile de fond l’ancrage en milieu rural.