Historique
Le traitement d’entretien à la méthadone en substitution à l’usage d’opiacés a été adopté par un certain nombre de systèmes correctionnels à travers le monde ; en tant que mesure de prévention de la transmission du VIH, le traitement offre aux personnes dépendantes d’opiacés une option supplémentaire pour éviter l’usage d’aiguilles et leur partage. Une quantité considérable de données d’études démontre l’efficacité des traitements d’entretien à la méthadone (TEM) dans la réduction des comportements d’injection à risque de transmission du VIH. (210) Les preuves sont aussi convaincantes du fait que le TEM est le traitement le plus efficace pour les UDI dépendants de l’héroïne dans la communauté, en termes de réduction de la mortalité, (211) de consommation proprement dite, (212) et de criminalité. (213) De plus, dans la majorité des pays où il a été adopté, le TEM attire et retient davantage d’utilisateurs d’héroïne que n’importe quelle autre forme de traitement. (214) En outre, on trouve aussi des preuves que les personnes qui sont en TEM mais qui s’en voient retirées parce qu’elles entrent en prison recommencent souvent à utiliser des narcotiques, souvent dans le système carcéral et souvent par voie d’injection. (215)
Les programmes de méthadone dans la communauté ont pris une ampleur rapide dans plusieurs pays au cours des récentes années, incluant le Canada (en particulier la ColombieBritannique), (216) et de nombreux organismes nationaux et internationaux prônent leur expansion ou leur application en prison. (217) Plusieurs sont d’avis que la méthadone est la meilleure option disponible pour prévenir le partage de seringues en prison, (218) et que l’augmentation du nombre de places allouées dans le cadre de ces programmes en prison devrait être considérée comme une mesure urgente à l’intention des détenus UDI séropositifs.(219)
Dans cet ordre d’idée, le CESP (Comité d’Experts sur le Sida et les Prisons) recommandait que pour réduire les risques d’infection posés par l’injection de drogues…le traitement des utilisateurs de drogues et les soins à leur prodiguer comprennent l’accès à la méthadone. Il faudrait effectuer des études en vue de déterminer les moyens les plus efficaces de mettre en oeuvre des programmes d’entretien à la méthadone dans les pénitenciers. Une fois mis en oeuvre, ces programmes devraient être évalués, avec la participation des détenus et de spécialistes de l’extérieur du SCC (Service Correctionnel du Canada). (220)
Cette recommandation a été rejetée, tel que mentionné ci-dessus, parce que le SCC considère qu’il n’y a pas «d’indication médicale» d’offrir de TEM aux détenus dépendants d’opiacés, et «qu’il existe relativement peu de programmes d’entretien, à l’extérieur des établissements du SCC, accessibles après leur libération aux détenus ayant une dépendance à l’égard de la drogue.» (221)
Tandis que le SCC a rejeté la recommandation du CESP, un nombre léger mais croissant de systèmes correctionnels à travers le monde offrent des TEM aux détenus, et une étude menée en Nouvelle-Galles du Sud suggère que les réductions de l’injection et du partage de seringues attribuables au TEM dans le contexte de la communauté sont aussi vérifiables en prison. (222)
En outre, dans le cadre d’une expérience nationale sur la prescription d’héroïne et d’autres drogues aux usagers — afin de déterminer si de telles mesures réduiront l’activité criminelle des usagers et leur risque de contracter et de transmettre le VIH et d’autres agents infectieux — huit détenus d’un établissement en Suisse suivent un programme d’entretien à l’héroïne, avec de bons résultats jusqu’à maintenant.
Nous procédons ici à un sommaire de la provision de méthadone à l’échelle internationale.
Provision de méthadone dans les prisons du monde (223)
Tel que souligné par Dolan et Wodak, peu de documents ont été publiés qui documentent la question de la provision de méthadone dans les systèmes correctionnels. (224) La revue qu’ils ont effectuée par le biais de correspondance avec les autorités correctionnelles d’un certain nombre de pays indique que des TEM sont disponibles dans des prisons d’au moins quatre pays et que la désintoxication à la méthadone est disponible dans au moins huit pays.
Australie — Nouvelle-Galles du Sud
Dans environ la moitié des prisons de la N.-G.S. — un mélange d’établissements à sécurité maximum, moyenne et minimum — le TEM est offert aux détenus, qui doivent obtenir une évaluation effectuée par le personnel de santé afin d’y être éligibles. Ce programme a débuté par un projet pilote qui visait principalement à réduire la récidive mais qui, en s’élargissant, a embrassé des objectifs de continuité des programmes offerts dans la communauté, et de prévention de la propagation du VIH et des hépatites en prison. Plus récemment, ce dernier objectif en est devenu le but principal, tout comme dans la communauté. (225)
En vertu des HIV/AIDS Policies, Procedures and Management Guidelines à l’intention des établissements correctionnels de la N.-G.S, le programme d’entretien à la méthadone en prison a deux grands objectifs :
- la réduction des méfaits, afin de réduire la propagation de maladies infectieuses/transmissibles conséquentes à l’utilisation de drogue par injection. Ceci est spécialement important dans le contexte correctionnel lorsqu’il n’y a pas de programmes d’échange de seringues;
- l’adaptation aux besoins de chaque détenu en matière de traitement. (226)
Un manuel de politiques et procédures relatives à la méthadone a été développé pour l’administration efficace du programme. Au moment de la préparation du présent document, on s’attendait à une expansion des programmes de TEM en prison car la demande a largement dépassé l’offre, l’opposition du personnel correctionnel a diminué, et on se préoccupe de plus en plus de la transmission du VIH et de l’hépatite entre détenus.
États-Unis — Rikers Island (N.Y.)
Le seul programme de TEM en prison aux États-Unis se trouve à l’établissement de Rikers Island, dans la ville de New York.
Espagne
La moitié des détenus de la prison «Modelo» de Catalogne (Espagne), sont traités à l’entretien à la méthadone. (227) À l’origine, les détenus n’étaient admissibles au TEM que s’ils avaient le sida, s’ils étaient déjà entretenus à la méthadone ou s’ils étaient diagnostiqués comme psychotiques, mais dans un effort pour réduire la transmission du VIH en prison, les critères d’admissibilité ont été assouplis pour inclure les détenus qui ne sont pas séropositifs.
Suisse
Selon un sondage effectué par un groupe de travail suisse sur la méthadone, (228) la majorité des prisons de la Suisse offre le traitement d’entretien à la méthadone. Dans la plupart d’entre elles, les personnes qui suivent déjà un TEM au moment de leur incarcération peuvent le poursuivre en prison — la plupart du temps pour une durée indéterminée, mais dans quelques prisons pour une durée limitée seulement. Par ailleurs, un peu moins de la moitié des prisons suisses permettent qu’un détenu commence un TEM en prison même.
Le groupe de travail a recommandé que les détenus opiomanes de toutes les prisons puissent poursuivre un TEM amorcé dans la communauté ou en amorcer un en prison avec les mêmes conditions et critères d’éligibilité que dans la communauté. Il a souligné que la vaste majorité des établissements où le TEM est disponible ont rapporté qu’ils n’avaient jamais éprouvé de difficultés avec ce programme. (229)
Un projet amorcé en janvier 1996 dans les deux prisons du canton de Bâle vise à accroître encore l’accès aux programmes de méthadone et autres traitements ou thérapies concernant l’usage de drogue. Le projet comprend un programme souple de méthadone et la possibilité de s’injecter de la méthadone avec des aiguilles stériles fournies par l’établissement. On attend les résultats de ce programme vers la fin de 1996. (230)
Allemagne
Dans certaines prisons de Hambourg, les détenus qui étaient en TEM avant leur admission en prison peuvent poursuivre ce traitement durant leur détention. De plus, un nombre limité de détenus a reçu la permission de l’amorcer en prison. (231)
La commission mandatée par le sénateur à la Justice de Hambourg pour développer une politique carcérale en matière de drogue, a recommandé que les programmes de TEM soient rendus disponibles dans toutes les prisons. Selon la commission, les résultats probants de ces programmes dans la communauté seront obtenus aussi en prison.
La commission recommandait particulièrement :
- que les détenus en TEM avant leur admission puissent toujours poursuivre le traitement pendant leur détention ;
- que l’on permette aux détenus opiomanes de commencer un TEM en prison ; • que le support psychosocial offert aux détenus en TEM soit adéquat ; • que des mesures soient prises pour assurer que les détenus en TEM puissent continuer ce traitement après leur libération. (232)
Le traitement d’entretien à la méthadone est disponible ou le deviendra aussi dans des prisons d’autres Länder de l’Allemagne. Par exemple, un représentant de la province de SchleswigHolstein annonçait au symposium de Berne que le TEM sera offert dans ses prisons.
Danemark
Le traitement à la méthadone est offert régulièrement aux détenus opiomanes qui recevaient ce traitement au moment l’incarcération. Selon une lettre reçue du ministre danois de la Justice, un tel traitement est offert principalement aux détenus dont on s’attend à ce qu’ils passeront moins d’un an en prison. Il est essentiel que la décision sur la prescription de méthadone soit prise en collaboration avec le centre de traitement de la communauté qui traitera le détenu après sa libération. (233)
Canada
La méthadone est rarement prescrite à qui que ce soit dans les prisons du Canada, mais cette situation est appelée à changer, à l’issue d’une affaire juridique récente. Tel que mentionné cidessus, en avril 1996, une femme séropositive a été condamnée à une peine d’emprisonnement de 21 jours au Burnaby Correctional Centre for Women (BCCW), en Colombie-Britannique. À l’époque où sa peine fut prononcée, elle suivait un traitement d’entretien à la méthadone sous la surveillance de son médecin de premier recours.
Conformément à une politique de longue date du service correctionnel de la ColombieBritannique, le BCCW a refusé de lui fournir de la méthadone. À la suite de ce refus, elle a déposé une requête auprès de la Cour suprême de la Colombie-Britannique pour obtenir la délivrance d’un bref d’habeas corpus.(234) La plaignante soutenait, entre autres, que le fait de ne pas lui permettre de continuer son programme de traitement contrevenait à l’article 15 de la
Charte canadienne des droits et libertés
En général, le BC Corrections Branch offre aux détenus un traitement médical approprié à leurs maladies ou blessures. En raison de son double statut de personne séropositive et dépendante de la méthadone, l’entretien à la méthadone constituait le traitement médical approprié pour la plaignante. Par conséquent, la politique de ne pas lui donner de méthadone est une distinction fondée sur sa condition physique, puisque si elle présentait une quelconque autre condition on lui aurait prodigué les soins médicaux appropriés.
En réponse à la requête, le BCCW a déposé un affidavit par lequel il contestait l’opinion du médecin de la requérante comme quoi le sevrage de la méthadone était contre-indiqué pour les patients méthadonomanes séropositifs et l’intégrité physique de la requérante était compromise par son sevrage. Le BCCW a tout de même vu à ce qu’un médecin examine la plaignante ; ce médecin lui a prescrit de la méthadone. Dans un affidavit déposé en l’espèce, la directrice des services de santé du service correctionnel de la Colombie-Britannique a indiqué que la politique du service serait modifiée pour reconnaître la validité du modèle de la réduction des méfaits pour les détenus et pour permettre le traitement à la méthadone des détenus dans certaines situations.
Dans une autre affaire récente,(234a) un homme présentant depuis longtemps un «problème sérieux d’héroïne», qui avait commis un certain nombre de crimes en s’en procurant et qui avait déjà reçu des traitements à plusieurs reprises, mais sans succès, a été condamné à une peine d’emprisonnement de 2 ans moins 1 jour — donc à l’incarcération dans un établissement provincial au Québec — parce que cet établissement a accepté de lui offrir un traitement à la méthadone. Son avocat a fait valoir dans la défense qu’il était nécessaire de s’occuper des causes qui sont à la base des crimes du prévenu, précisément sa dépendance à l’héroïne, et que le traitement à la méthadone était essentiel pour surmonter cette dépendance.
Selon la connaissance de l’auteur, ceci est la première fois qu’un prévenu dans une affaire criminelle recevait une sentence d’emprisonnement axée spécifiquement sur l’objectif qu’il puisse suivre un traitement à la méthadone.
Fondements du traitement d’entretien à la méthadone en prison (TEMP)
Des cycles d’usage de drogue, de crime, d’arrestation, d’emprisonnement, de libération et de retour à l’usage de drogue suivi de nouvelle criminalité constituent des séquences récurrentes dans la vie de nombreux UDI. Ce cycle de criminalité, le potentiel d’infections transmissibles par le sang en prison, et les preuves maintenant convaincantes de l’efficacité des TEM dans la communauté sont des assises solides pour considérer l’application de TEM en prison [référence omise]. (235)
L’objectif principal de l’entretien à la méthadone, tel que cité par Gore est d’aider les personnes à cesser de s’injecter, non pas à cesser l’usage de drogue. La réduction de la dose de méthadone — avec pour but ultime d’aider le client à cesser l’usage de drogue — est un objectif à plus long terme. (236)
Avec l’avènement du VIH/sida, les arguments en faveur du TEMP s’imposent : en prison, bon nombre d’UDI continuent de s’injecter de la drogue, et partagent souvent du matériel d’injection, engendrant un risque élevé de transmission du VIH entre détenus et au public. On trouve d’abondantes preuves sur le fait que les UDI sont généralement surreprésentés en prison. Leur concentration parmi les détenus suggère qu’il serait probablement efficace et rentable de cibler cette population pour le traitement. À moins d’être traités, les détenus UDI ne changeront pas leurs habitudes en prison, ou les reprendront à leur libération et retourneront en prison. En outre, l’incarcération constitue un facteur de stress qui ne peut qu’être exacerbé par le sevrage. Le traitement à la méthadone s’est révélé efficace dans la réduction des symptômes de sevrage.
La méthadone peut aussi être prescrite dans le contexte carcéral à des fins de désintoxication ou de pré-libération, dont les motifs diffèrent : la désintoxication vise à ce que le détenu cesse l’usage de drogue, alors que les programmes pré-libération visent à favoriser les liens vers des programmes qui permettent la continuité du traitement dans la communauté. D’autres objectifs sont de réduire les décès par surdose, et de réduire le taux de récidive dans le crime.
Obstacles
Face aux préoccupations quant à l’usage de drogue en prison, les autorités correctionnelles réagissent généralement en recommandant des mesures de détection accrues et des sanctions plus sévères pour la possession de drogue illicite en prison. Ces mesures entrent souvent en conflit avec les aspects liés à la réhabilitation par le système carcéral. Les drogues injectables semblent continuer de pénétrer malgré des contrôles accrus et risquent d’exacerber les risques, même si ces risques peuvent être moins nombreux. L’un des principaux obstacles à l’implantation de TEMP réside dans le fait que ceci équivaut à un aveu des autorités carcérales à l’effet que les drogues injectables ne peuvent être enrayées des établissements. (237)
Abstinence forcée
Dolan et Wodak mentionnent que les autorités correctionnelles considèrent généralement que l’incarcération devrait être une période où les UDI sont forcés de s’abstenir de consommer de la drogue, pour leur bien et celui de la communauté :
Plusieurs employés correctionnels considèrent la méthadone simplement comme un autre stupéfiant, dont la provision retarde encore la croissance personnelle requise pour se sortir d’une existence axée sur la drogue. (238)
Manque d’éducation sur les fondements du TEM
Plusieurs employés correctionnels et certains systèmes, dont le SCC, comprennent mal les fondement du TEM. Tel que souligné par Hall et coll., (239) en l’absence d’éducation sur ses fondements, certains employés correctionnels considèrent que de prodiguer un TEM équivaut à se plier aux caprices des détenus toxicomanes en leur donnant un accès gratuit à un opioïde.
Ils ont l’impression que son fondement principal est de réduire la récidive plutôt que de réduire la transmission du VIH dans les prisons. Ainsi, le SCC affirmait dans sa réponse aux recommandations du CESP qu’il n’y avait «pas d’indication médicale» d’offrir l’entretien à la méthadone, tout en négligeant de considérer l’effet potentiellement salutaire de tels programmes et en adoptant une position fort conservatrice qui donne l’impression d’avoir été adoptée avant l’avènement du VIH/sida. Par contraste, les tenants du TEMP soulignent qu’il est nécessaire de le rendre disponible pour sauver des vies : il réduirait l’usage de drogue par injection et son risque de transmission du VIH. En d’autres mots, l’entretien à la méthadone n’est peut-être pas inoffensif, mais ses méfaits possibles sont négligeables lorsque comparés à ceux beaucoup plus importants de l’injection de drogue, notamment en ce qui concerne le VIH et l’hépatite.
Objections d’ordre moral
Certains s’opposent au TEM pour des raisons d’ordre moral, prétendant qu’il ne fait que remplacer une drogue par une autre. Par exemple, une minorité de participants à l’Atelier VIH/sida et prisons à Kingston, a exprimé avec véhémence son opposition à l’accessibilité de la méthadone en prison et à l’extérieur en soutenant que «la méthadone n’aide pas réellement les gens à se défaire de leur dépendance aux drogues» et que «les personnes qui suivent des programmes d’entretien à la méthadone ne font qu’échanger une dépendance, celle à une drogue narcotique, pour une nouvelle dépendance, celle à la méthadone».
Si l’on disposait d’autres méthodes permettant de parvenir à une abstinence durable, on pourrait considérer que les bienfaits de la méthadone sont minces ; cependant, il n’existe pas de telles alternatives et la majorité des patients dépendants de l’héroïne recommencent à s’en injecter après la désintoxication ; peu d’entre eux sont attirés par un traitement d’abstinence ou le poursuivent assez longtemps pour parvenir au but. Tout traitement qui, comme le TEM, réussit à conserver la moitié de ceux qui l’entreprennent, réduit considérablement leur usage d’opioïdes illicites et leur activité criminelle, et améliore leur santé et leur bien-être, accomplit en fait beaucoup plus que de «seulement» substituer une drogue à une autre. (240)
Évaluation
La plupart des bienfaits attribués dans la communauté à la désintoxication à la méthadone et à l’entretien à la méthadone peuvent probablement être étendus aux prisons. Ces bienfaits ne devraient toutefois pas être pris pour acquis, car l’environnement institutionnel et les conditions de sécurité sévères des établissements correctionnels rendent incertaine la question d’étendre aux prisons les résultats d’études menées sur le TEM dans la communauté. Par conséquent, il convient de procéder à des recherches sur l’usage de la méthadone à des fins de désintoxication, d’entretien et de pré-libération. (241)
Réduction de l’injection et du partage de matériel
Dolan et coll. ont évalué l’efficacité du TEM dans la réduction des comportements à risque de transmission du VIH chez les détenus.
Leur étude suggère que la réduction de l’injection et du partage de seringues par le TEM dans la communauté s’observent aussi en prison. Toutefois, les détenus ont besoin d’une dose quotidienne d’au moins 60 mg de méthadone et le traitement doit durer jusqu’à la fin de l’incarcération pour que ces bienfaits se concrétisent. (242)
En 1993, Dolan et coll. interrogeaient 185 ex-détenus de la Nouvelle-Galles du Sud présentant un dossier d’usage de drogue par injection, dont 64 ont indiqué avoir suivi un TEM avant, pendant et après leur incarcération, et 80 ont indiqué n’en avoir jamais suivi à aucune de ces trois périodes :
- dans une proportion considérable, les UDI ayant suivi un TEM dans les 3 mois précédant l’incarcération étaient moins susceptibles de rapporter des pratiques d’injection quotidienne (42% contre 60%) et de partage de seringues (13% contre 26%) que les UDI qui n’en avaient pas suivi ;
- les UDI qui avaient suivi un TEM au cours de leur détention rapportaient une fréquence d’injection par semaine inférieure à celle de ceux sans TEM, mais seulement lorsque la dose maximale était supérieure à 60 mg par jour et que le TEM avait été prodigué pour toute la durée de la détention.
Dolan et coll. ont conclu que «le TEM peut jouer un rôle important de réduction de la propagation du VIH et de l’hépatite en prison.»
En Espagne, d’importantes réductions dans le partage du matériel d’injection ont été observées chez les détenus UDI en TEMP, comparativement à un groupe témoin. (243) En N.- G.S, les détenus en TEMP rapportaient des diminutions dans leur usage de drogue, dans la violence rattachée à la drogue en prison, dans le crime après la libération, et ils considéraient que le TEM était plus efficace dans la prévention du VIH en prison que dans la communauté. (244)
Bienfaits pour le personnel et le public
On a démontré que les TEMP sont bénéfiques aux systèmes correctionnels : ils réduisent l’anxiété du personnel correctionnel, (245) qui constate que les détenus en TEM sont moins irritables et plus faciles à «gérer»; par ailleurs, ils ne remarquent pas de conflit entre les détenus en traitement et les autres. On a observé que la désintoxication à la méthadone, pour les détenus dépendants de l’héroïne à leur admission dans les prisons suisses, réduit la tension et facilite la gestion de la détention. (246) Tel que souligné par Dolan et Wodak, moins de transmission d’infections virales par le sang et plus de facilité à gérer les prisons, ce sont là des gains importants pour l’ensemble de la société. La diminution de la prévalence d’infections transmissibles par le sang parmi les détenus augmente la sécurité du milieu de travail pour le personnel correctionnel. (247)
Pas de marché noir de la méthadone
En N.-G.S., trois études n’ont noté aucune tactique d’accumuler ou de receler la méthadone. (248)
En Suisse, l’analyse d’urine a montré que seulement 7% des détenus sous TEMP avaient fait usage d’héroïne, alors qu’en Écosse, on a remarqué que les détenus participant à un programme de réduction de l’usage de drogue avaient effectivement consommé moins de drogue qu’un groupe de contrôle. (249)
Bibliographie de cet extrait
- (210) D. Riley, «La méthadone et le VIH/sida», Bulletin canadien VIH/sida et droit, 1995, 2(1): 1, 14-16. Voir aussi O. Blix, L. Grondbladh, «AIDS and the IV Heroin Addicts: The Preventive Effects of Methadone Maintenance in Sweden», Drug and Alcohol Dependence, 7: 249-256; D.M. Novick et coll., «Absence of Antibody to Human Immunodeficiency Virus in Long Term, Socially Rehabilitated Methadone Maintenance Patients», Archives of Internal Medicine, 1990: 150 (janvier).
- (211) K. Dolan, A. Wodak, «An International Review of Methadone Provision in Prisons», Addiction Research, 1996, 4(1): 85-97, à la p. 85, avec référence à J.R.M. Caplehorn, «Retention in Methadone Maintenance and Heroin Addicts’ Risk of Death», Addiction, 1994, 89: 203-207.
- (212) Ibid., avec référence à E. Gottheil et coll., «Diminished Illicit Drug Use as a Consquence of Long-Term Methadone Maintenance», Journal of Addictive Diseases, 1993, 12(4): 45.
- (213) Ibid., avec référence à R.G. Newman et coll., «Arrest Histories before and after Admission to a Methadone Maintenance Program», Contemporary Drug Problems, 1973 (automne): 417-430.
- (214) Ibid., avec référence à J. Ward et coll., Key Issues in Methadone Maintenance Treatment, Sydney, University of New South Wales Press, 1992.
- (215) Rapport final du CESP, supra, note 15, à la p. 88, avec référence. Voir aussi D. Shewan et coll., Evaluation of the Saughton Drug Reduction Programme: Main Report, Édimbourg, Central Research Unit, 1994.
- (216) Voir J. Anderson, «Sida et morts par surdose en Colombie-Britannique», Bulletin canadien VIH/sida et droit, 1996, 2(3): 1, 28-29; D. Riley, «La réduction des méfaits à travers le monde», Bulletin canadien VIH/sida et droit, 1996, 2(4): 17-20, à la p. 19.
- (217) Voir par exemple les Lignes directrices de l’OMS, supra, note 13; Advisory Committee on the Misuse of Drugs, AIDS and Drug Misuse Update, Londres, HMSO, 1993; Scottish Affairs Committee, supra, note 130.
- (218) F. McLeod, Methadone, Prisons and AIDS, dans J. Norberry et coll. (éds), HIV/AIDS and Prisons, Canberra, Australian Institute of Criminology, 1991, aux p. 245, 248.
- (219) H.Heilpern, S. Egger, AIDS in Australian Prisons — Issues and Policy Options, Canberra, Department of Community Services and Health, 1989, à la p. 94.
- (220) Rapport final du CESP, supra, note 15, à la p. 94.
- (221) Réponse du SCC au Rapport final du CESP, supra, note 21.
- (222) Voir K. Dolan et coll., «Methadone Maintenance Reduces Injecting in Prison», British Medical Journal, 1996, 312: 1162.
- (223) La majeure partie du texte qui suit provient du texte de Dolan et Wodak, supra, note 211.
- (224) Ibid., à la p. 89, avec référence à W. Hall et coll., «Methadone Maintenance Treatment in Prisons: The New South Wales Experience», Drug and Alcohol Review, 1993, 12: 193-203; S Magura et coll., «The Effectiveness of In-Jail Methadone Maintenance», Journal of Drug Issues, 1993, 23(1): 75-99; R. Jeanmonod et coll., «Treatment of Opiate Withdrawal on Entry to Prison», British Journal of Addiction, 1991, 86(4): 457-463; V.P. Dole, «Methadone Treatment of Randomly Selected Criminal Addicts», The New England Journal of Medicine, 1969, 280(25): 1372-1375.
- (225) Methadone Maintenance Treatment in Prisons, note 224, à la p. 197.
- (226) New South Wales Department of Corrective Services Prison AIDS Project, HIV/AIDS Policies, Procedures and Management Guidelines, Sydney, le ministère, 1994.
- (227) Dolan et Wodak, supra, note 211, aux p. 89-90, avec référence à Ministerio de Justicia e Interior, Memoria, Delegación del Gobierno para el Plan nacional sobre Drogas, Madrid, le ministère, 1993.
- (228) Commission fédérale des stupéfiants — Groupe de travail Méthadone de la sous-commission «Drogue», Rapport sur la méthadone: Utilisation d’un succédané opiacé dans le traitement des héroïnomanes en Suisse, 3e édition, Berne, Office fédéral de la Santé publique, 1995.
- (229) Ibid., aux p. 64-68.
- (230) Réponse de D. Zeegers Paget au Document de travail en date du 24 janvier 1996.
- (231) Abschlußbericht, supra, note 70, à la p. 72.
- (232) Ibid., à la p. 75.
- (233) Réponse de A. Reventlow au Document de travail en date du 7 mars 1996.
- (234) Voir C. McLeod, supra, note 162. Le texte qui suit est une version légèrement modifiée de son article.
- (234a) R. v M. Povilaitis, jugement non publié du 27 juin 1996 (Cour supérieure, section criminelle, province de Québec, no 450-01-004040-965, juge G. Desmarais).
- (235) Dolan et Wodak, supra, note 211, à la p. 86.
- (236) Réponse de S. Gore au Document de travail en date d’avril 1996.
- (237) Dolan et Wodak, supra, note 211, aux p. 88-89.
- (238) Ibid.
- (239) Methadone Maintenance Treatment, supra, note 224, à la p. 197.
- (240) Ibid.
- (241) Dolan et Wodak, supra, note 211, à la p. 93.
- (242) Methadone Maintenance Reduces Injecting, supra, note 222.
- (243) Dolan et Wodak, supra, note 211, à la p. 91, avec références.
- (244) Ibid., avec référence à S. Bertram, A. Gorta, Inmates’ Perceptions of the Role of the NSW Prison Methadone Program in Preventing the Spread of Human Immunodeficiency Virus, Sydney Evaluation of the NSW Department of Corrective Services Prison Methadone Program, Study no 7, Research and Statistics Division, 1990.
- (245) Ibid, avec référence à Magura et coll., supra, note 224; A. Gorta, Moniroting the NSW Prison Methadone Program, A Review of the Research 1986-1991, Sydney, Research Publication Department of Corrective Services Publication no 25, 1992; C. Herzog et coll., Methadone Substitution as an AIDS-Preventive Measure in Prison Environment, texte présenté au Symposium européen sur la toxicomanie et le sida, Siena, Italie, 4-6 octobre 1993.
- (246) Ibid., avec référence à Shewan et coll., supra, note 215, et à Herzog, supra note 245.
- (247) Ibid., à la p. 93.
- (248) Ibid., à la p. 91, avec référence à S. Wale, A. Gorta, Views of Inmates Participating in the Pilot Pre-Release Methadone Program, Sydney, Process Evaluation of NSW Department of Corrective Services Pre-Release Methadone Program, Study no 2, Research and Statistics Division, 1987; S. Bertram, Results of Gaol Urinalyses Update – July-December 1989, Sydney, Process Evaluation of NSW Department of Corrective Services PreRelease Methadone Program, Study no 10, Research and Statistics Division, 1991.