Cet article résume les études cliniques et précliniques conduites afin de déterminer le profil pharmacologique “anti-alcool” de l’agoniste prototypique du récepteur GABA-B, le baclofène, ainsi que son potentiel thérapeutique dans le traitement des troubles liés à la consommation d’alcool. De nombreuses études ont montré la suppression, induite par la prise de baclofène, non seulement de la consommation d’alcool – y compris dans des cas de rechute et de consommation massive – mais aussi des propriétés renforçantes, incitatives et stimulantes et de récompense de l’alcool, chez des rongeurs et des singes. Selon la majorité des études cliniques menées à ce jour (y compris des cahiers d’observation, des études rétrospectives et des essais randomisés contrôlés par placebo), le baclofène permettrait de supprimer la consommation, l’envie et les symptômes liés au manque chez des patients alcooliques. L’identification récente d’un siège actif de modulateurs allostériques positifs, ainsi que la synthèse de ligands efficaces in vivo, représentent une possibilité novatrice et favorable pour la manipulation pharmacologique du récepteur GABAB. Par conséquent, selon les données collectées à ce jour, les modulateurs allostériques positifs des récepteurs GABAB reproduiraient plusieurs effets « anti-alcool » du baclofène et proposeraient un indice thérapeutique supérieur (et donc une plus grande séparation, en termes de doses, entre les effets sédatifs et les effets « anti-alcool ».)
Introduction
La consommation abusive et la dépendance à l’alcool sont deux troubles mentaux graves, caractérisés par des accès compulsifs et incontrôlables de consommation d’alcool, et une incapacité à stopper celle-ci, même si le sujet et conscient de ses effets néfastes (American Psychiatric Association, 2000).
Ces troubles fréquents sont en lien avec des maladies chroniques, accidents de voiture, violences domestiques, syndrome d’alcoolisation fœtale, troubles neuropsychologiques, problèmes économiques, perte de productivité et comorbidité psychiatrique (Rehm et al. 2009; Nutt et al. 2010).
Jusqu’à l’avant-dernière publication du Manuel de Diagnostic et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-IV-TR) (American Psychiatric Association, 2000), la consommation abusive et la dépendance étaient classées comme deux troubles séparés liés à la consommation d’alcool. Dans la dernière édition du DSM (DSM-5), elles sont rassemblées en un seul type de troubles mentaux, à savoir les Troubles Liés à la Consommation d’Alcool, ou AUD (Alcool Use Disorders) (American Psychiatric Association, 2013).
Les symptômes des AUD comprennent les symptômes recensés pour le diagnostic de la dépendance à l’alcool et pour celui de la consommation abusive d’alcool, avec l’introduction d’un nouveau critère : une expérience subjective appelée « besoin irrépressible » qui définit l’envie de consommer de l’alcool. (Tiffany and Wray, 2012).
Les objectifs du traitement des AUD sont les suivants : parvenir à l’abstinence ou réduire la consommation d’alcool, réduire la fréquence et la gravité des rechutes et améliorer l’état psychologique et le comportement social du patient. Le processus conduisant à l’abstinence et à son maintien peut exiger une première phase appelée « désintoxication », qui vise à réduire les symptômes de la privation (quand ils sont présents), et une deuxième phase, la « réadaptation », qui vise à maintenir la volonté d’abstinence, à développer un mode de vie sans alcool et à réduire les risques de rechute. Le traitement conduisant à réaliser ces objectifs inclut une thérapie psychologique et pharmacologique.
Le cœur du traitement consiste généralement en un certain nombre d’interventions à caractère psychologique et social (comme chez les Alcooliques Anonymes ou dans le cadre d’autres approches de soutien, cf. Schuckit, 2009). Cependant, ces approches se sont révélées partiellement efficaces. La pharmacothérapie devrait être employée pour accroître l’efficacité des solutions non pharmaceutiques. Malheureusement, les quelques traitements disponibles des AUD ne font preuve que d’une efficacité limitée, tout en comportant de nombreuses restrictions en termes d’utilisation clinique, notamment un faible taux d’observance et des risques d’abus (cf. Chick and Nutt, 2012; cf. Franck and Jayaram-Lindström, 2013).
Durant les 15 dernières années, de nombreuses séries de données expérimentales et cliniques ont mis en évidence le rôle du récepteur GABAB dans le contrôle de plusieurs comportements liés à l’alcool : (pour la documentation concernant le récepteur GABAB, cf. Bettler et al.,2004; Couve et al., 2004; Emson, 2007). L’activation pharmacologique du siège actif orthostérique du récepteur GABA a été évoquée plusieurs fois comme un moyen de supprimer les symptômes liés à la consommation d’alcool et à sa privation sur les rongeurs et les alcooliques, tout en confirmant les propriétés de renforcement et stimulantes sur les rongeurs et la notion de « besoin » chez les alcooliques. Ces données ont mené au développement du récepteur GABAB prototypique agoniste, le baclofène (utilisé pendant plus de 50 ans dans le traitement de la spasticité), un nouveau moyen pharmacothérapeutique prometteur dans le traitement des AUD.
Plus récemment, l’identification d’un siège actif de modulateurs allostériques positifs (séparé du site actif orthostérique) a permis la mise au point d’une nouvelle approche dans la manipulation pharmacologique de la neurotransmission GABAB. L’activation de ce siège actif, par un type d’agents appelés modulateurs allostériques positifs (PAM) du récepteur GABAB, augmente l’affinité des récepteurs GABAB pour le GABA et les agonistes, tout en maximisant de manière synergique leurs effets (voir Froestl, 2010). Les modulateurs allostériques positifs du récepteur GABAB, également appelés GABAB PAM, n’ont aucune activité agonistique substantielle et intrinsèque en l’absence de GABA. Seuls, ils ne perturbent pas le signalement du récepteur, mais développent le potentiel des effets du GABA seulement dans les synapses dans lesquelles un GABA endogène a été diffusé (cf. Froestl, 2010). Par conséquent, les GABAB PAM produiraient moins d’effets secondaires tout en offrant une plus grande tolérance. Les données récoltées d’après les tests sur rongeurs confirment que les GABAB PAM reproduisent plusieurs effets du baclofène in vivo, tout en offrant une séparation notable entre les effets pharmacologiques « souhaités », tels que l’anxiolyse ou les effets « anti-addiction », et les effets « indésirables », tels que la sédation et les problèmes de coordination motrice. C’est pour cela que les GABAB PAM représentent actuellement une grande avancée dans l’étude pharmacologique du récepteur GABAB.
Cet article vise à passer en revue les résultats des études précliniques et cliniques concernant le potentiel pharmacothérapeutique et l’efficacité des GABA PAM et du baclofène dans le traitement des AUD.
Données précliniques
Baclofène
La grande majorité des données actuellement disponibles concernent le baclofène. Certains de ces résultats ont par la suite été reproduits avec des agonistes du récepteur GABAB, comme le CGP44532 et le SKF97541 (également appelé CGP35024).
Choix de la consommation d’alcool
Une première série d’études se sont penchées sur les effets d’une administration sur une très courte période ou répétée de baclofène sur la consommation d’alcool de rats et de souris en cage, soumis au choix conventionnel entre deux bouteilles, l’une contenant de l’alcool, l’autre de l’eau. Dans le cadre de cette expérience, les animaux ont donc le choix entre une solution alcoolique faiblement concentrée (environ 10 % v/v) et de l’eau. Ils sont libres de consommer de l’alcool. Ce procédé, largement utilisé du fait de sa simplicité, fournit des informations sur le simple fait de consommer de l’alcool. Il possède toutefois une valeur prédictive élevée, surtout dans le cas de rats génétiquement sélectionnés pour consommer et préférer l’alcool.
Selon les études, le baclofène (1 à 3 mg/kg) administré régulièrement (une fois par jour pendant 10 jours consécutifs) pendant la première phase d’exposition à l’alcool pourrait bloquer complètement le comportement d’acquisition d’alcool chez une espèce spécifique de rats de Sardaigne génétiquement sélectionnés pour préférer l’alcool (sP) (Colombo et al. 2002). Le choix de l’alcool ne se produit qu’une fois le traitement au baclofène interrompu. Ces données suggèrent que l’activation du récepteur GABAB a bloqué efficacement la découverte et l’expérience des effets psychopharmacologiques de l’alcool qui régissent le choix de la consommation d’alcool chez les rats sP.
La réduction de la consommation d’alcool a été accompagnée d’une augmentation compensatoire de la consommation journalière d’eau, si bien que la consommation journalière en liquide est restée, elle, inchangée. Ces données semblent suggérer le caractère sélectif des effets du baclofène sur la consommation d’alcool et tendent rationnellement à exclure l’idée que les effets de blocage du baclofène concernant l’alcool seraient secondaires à de possibles effets d’incapacité motrice ou sédatifs (qui pourraient perturber le rythme de consommation d’alcool normal).
Ces données ont été par la suite reproduites avec du CGP44532 : son administration répétée (0.03 à 1 mg/kg, une fois par jour pendant 10 jours) a complètement bloqué le choix de la consommation d’alcool chez les rats sP (Colombo et al. 2002).
Maintien de la consommation d’alcool
D’autres études se sont penchées sur les effets du baclofène concernant la consommation chez des rats habitués à l’alcool – à savoir des rats chez lesquels une forte consommation d’alcool à des doses significatives du point de vue pharmacologique était déjà consolidée avant le début du traitement au baclofène. Ces rats habitués à la consommation d’alcool sont censés représenter la phase de maintien de la consommation d’alcool, ou « l’alcoolisme actif » que l’on retrouve dans l’addiction humaine. La prise aigue et répétée de doses de baclofène (entre 1 et 10 mg/Kg une fois par jour pendant 4 à 14 jours consécutifs) a permis de supprimer la consommation d’alcool de manière proportionnelle à la dose de baclofène administrée, chez les rats sP génétiquement sélectionnés (Colombo et al., 2000), les rats habitués à l’alcool de l’Université du Chili (UChB) (Quintanilla et al., 2008) et les rats Long Evans non sélectionnés (Daoust et al., 1987; cf. cependant Smith et al., 1999) et chez les rats Wistar (Stromberg, 2004), ainsi que C57BL/6N (Peters et al., 2013) et Swiss (Villas Boas et al., 2012). Ces résultats laissent à penser que le baclofène peut réduire la consommation d’alcool chez des rats et des souris montrant une accoutumance élevée et établie.
Effets de la privation d’alcool
D’autres études encore ont utilisé le principe de libre choix pour étudier les effets du baclofène sur un modèle de rechute reproduit chez les rongeurs, appelé « effet de la privation d’alcool » ou ADE (Alcohol Deprivation Effects). Les ADE représentent une augmentation temporaire de la consommation volontaire d’alcool (qui va souvent jusqu’au double de la dose habituelle), suivant une période d’abstinence forcée ou de sevrage (Martin-Fardon and Weiss, 2013). Une première étude (Colombo et al. 2003a) proposait aux sujets le choix entre deux bouteilles : l’une remplie d’alcool (10 % v/v) et l’autre d’eau. Cette étude a montré que la prise forcée de baclofène (1 à 3 mg/kg), chez des rats sP sevrés depuis 7 jours consécutifs, occasionnait la suppression totale de l’excédent d’alcool consommé pendant la première heure de rechute (période pendant laquelle les ADE sont les plus importants chez les rats sP).
Dans une étude suivante (Colombo et al. 2006), les rats sP avaient le choix entre 4 bouteilles : une bouteille remplie d’eau et trois autres remplies d’alcool à diverses concentrations (10, 20, et 30%, v/v). L’administration sur une très courte période de baclofène (1 mg/kg) à la fin des 14 jours de sevrage provoquait la suppression totale des deux facteurs liés à la demande croissante d’alcool :
- (a) l’augmentation de la quantité d’alcool consommée;
- (b) une préférence nouvelle pour la solution alcoolique la plus concentrée (ce qui conduit à une absorption plus rapide de l’alcool et à une perception accélérée de ses effets psychopharmacologiques).
Il est également à noter que dans les deux études, la consommation de nourriture et d’eau, au même titre que la locomotion, n’ont pas été affectées par la prise de baclofène. Cela laisse entendre que ces effets de blocage sont sélectifs et visent l’alcool, et que les doses prescrites n’entrainent pas d’effets sédatifs. Des données similaires ont été obtenues avec le CGP44532 : l’administration sur une très courte période de ce traitement (0.03 à 1 mg/kg) bloque efficacement, et de manière sélective, les ADE dans le cas de rats sP exposés à l’alcool après une période de sevrage de 14 jours (Carai et al. 2005). Ces données suggèrent que le récepteur GABAB joue un rôle dans le substrat neuronal contrôlant la consommation d’alcool après une rechute chez les rats.
Consommation massive d’alcool
Il a également été observé que le baclofène bloquait la consommation d’alcool dans le cas de deux souris soumises à une consommation massive. La première étude (Moore and Boehm, 2009) utilisait le modèle expérimental Drinking in the Dark (DID), consistant à exposer des souris C57BL/6J qui consomment de l’alcool à des sessions de consommation de deux heures (trois heures dans la phase sombre du cycle lumière/obscurité), avec une seule bouteille à disposition, contenant de l’alcool à 20 % v/v. Suite à une micro-injection de baclofène (0.01 et 0.02 µg) dans la partie antérieure (et non dans la partie postérieure) de l’aire tegmentale ventrale (ATV), on a pu observer une réduction remarquable de la consommation d’alcool. La micro-injection de baclofène n’a pas influé sur la consommation d’eau ou d’eau sucrée, ce qui montre la sélectivité du médicament concernant la consommation d’alcool.
La deuxième étude (Tanchuck et al., 2011) a utilisé le modèle expérimental Scheduled High Alcohol Consumption (Forte Consommation d’Alcool Programmée). Dans ce modèle, des souris servant à observer le Contrôle des Convulsions liées au Sevrage sont exposées à des sessions de 30 minutes de consommation d’alcool, tous les 3 jours, avec de l’alcool à 5 % v/v. A nouveau, une réduction significative de la consommation a été observée suite à l’administration sur une très courte période de baclofène (2.5 à 5 mg/kg).
Consommation autonome d’alcool par conditionnement opérant
Plusieurs études ont également testé les capacités du baclofène à bloquer la consommation autonome d’alcool par conditionnement opérant sur des rats. Dans le cadre de ces expériences, le rat doit fournir une réponse comportementale à une demande (il s’agit, souvent, d’actionner un levier un certain nombre de fois) pour obtenir une dose d’alcool. Ceci permet d’évaluer les propriétés renforçantes et incitatives de l’alcool, autrement que par sa simple consommation. Le processus de conditionnement opérant est différent des autres procédés de consommation: l’alcool n’est pas disponible librement, un certain niveau d’«effort » est nécessaire pour se le procurer. Le baclofène a été testé dans les trois modèles de consommation autonome d’alcool les plus fréquents : (a) un programme de renforcement à ratio fixe (FR), durant lequel la réponse exigée (RR, c’est à dire le « coût » de chaque dose d’alcool obtenue en termes de nombre d’actions sur le levier) est déterminée à l’avance et reste inchangée pendant la durée de la session. Cela permet de mesurer à la fois la consommation d’alcool et les propriétés incitatives de l’alcool. (b) Un programme de renforcement du ratio progressif au cours la durée de la session (PR), au cours de laquelle la Réponse Exigée augmente peu à peu après chaque dose incitative et le ratio le plus faible non atteint (le point de rupture) est pris comme indicateur de mesure des propriétés gratifiantes de l’alcool; (c) une session avec arrêt des réponses (ER), au cours de laquelle les actions exercées sur le levier ne sont jamais renforcées : le nombre de le plus élevé d’actions sur le levier (RE) est pris comme indicateur de mesure des propriétés gratifiantes de l’alcool.
Les études utilisant un programme de renforcement à ratio fixe (qui varie de FR1 à FR4) ont montré qu’un traitement de très courte durée (généralement par l’utilisation d’un modèle de carré latin) et répété (des sessions de 3 jours consécutifs de consommation autonome) au baclofène (0.5 à 5.6 mg/kg, chez les rats; 1 à 17 mg/kg, chez les souris) réduit à la fois le nombre de réponses pour l’obtention d’alcool et la quantité consommée en autonomie dans les cas suivants : (a) chez des rats sP génétiquement sélectionnés pour préférer l’alcool (Maccioni et al., 2005, 2012), chez les rats P de l’Université de l’Indiana (Liang et al., 2006; Maccioni et al., 2012), et chez les rats Alko Alcohol (AA) (Maccioni et al., 2012) (b) des rats Long Evans non sélectionnés (Anstrom et al., 2003; Janak and Gill, 2003) et des rats Wistar (Petry, 1997; Walker and Koob, 2007; Dean et al., 2011), et enfin (c) des souris C57BL/6J (Besheer et al., 2004).
Confirmant les conclusions de ce vaste ensemble de données sur le baclofène, un traitement de très courte durée de SKF97541 (0.1 à 1 mg/kg) a montré la réduction de la consommation autonome d’alcool par conditionnement opérant chez les souris C57BL/6J (Besheer et al., 2004).
Des données similaires ont été obtenues dans le cadre d’expériences de type PR et ER. L’administration de baclofène (1 à 3 mg/kg) selon le modèle du carré latin a permis (a) de réduire le point de rupture chez les rats sP (Maccioni et al., 2008b, 2012), chez les rats P (Maccioni et al., 2012), chez les rats AA (Maccioni et al., 2012) et chez les rats Wistar (Walker and Koob, 2007) tout en (b) supprimant presque entièrement l’Action sur Levier chez les rats sP (Colombo et al., 2003b).
Les données concernant la consommation autonome d’alcool, une fois recoupées, montrent qu’un traitement à base de doses non sédatives de baclofène réduit efficacement, en plus de la consommation d’alcool, les propriétés renforçantes et gratifiantes de l’alcool. Puisque les expériences par conditionnement opérant sur des rongeurs comportent une validité prédictive concernant le besoin d’alcool chez les humains (cf.Markou et al., 1993), ces données sont pertinentes dans leur application humaine. Concernant une application concrète de ce traitement, il est à noter que le baclofène s’est montré particulièrement efficace sur les rats consommant de grandes quantités d’alcool (qu’ils aient été génétiquement sélectionnés à ces fins ou rendus physiquement dépendants) (Walker and Koob, 2007; Maccioni et al., 2012). Cette observation possède des points communs avec les données cliniques collectées.
En effet, comme on le verra par la suite, l’hypothèse selon laquelle le baclofène serait plus efficace sur les patients atteints de formes graves d’AUD a été avancée afin d’expliquer les écarts entre certains rapports cliniques. Les rapports traitant des patients les plus gravement dépendants à l’alcool montrent des preuves plus évidentes, en ce qui concerne les effets bloquants du baclofène sur le manque et la consommation d’alcool, que les études concernant des patients moins dépendants.
Après une étude minutieuse, la sélectivité des effets « anti-alcool » du baclofène a été revue à la baisse. Les traitements au baclofène ont, en effet, montré qu’ils tendaient à diminuer la consommation autonome et la consommation par RE de saccharose, de solutions à la saccharine ou encore de boulettes de nourriture (utilisées comme récompense alternative) dans des proportions comparables aux résultats obtenus dans le cadres des expériences avec de l’alcool (Anstrom et al., 2003; Colombo et al., 2003b; Janak and Gill, 2003; Maccioni et al., 2005, 2008b, 2012).
Restauration du désir d’alcool
Les procédés de consommation autonome d’alcool par conditionnement opérant peuvent être utilisés de manière avantageuse dans l’étude de la restauration du désir d’alcool. Dans cette expérience, on remet en place auprès du sujet un système de réponse exigée par levier récompensée par de l’alcool, auquel on avait jusque-là mis un terme. Ce système peut être réinstauré par le biais de stimuli liés à l’alcool, par de l’alcool, par des agents stressants ou encore par diverses drogues comme la nicotine ou les cannabinoïdes. La restauration du désir d’alcool représente un modèle expérimental de la perte de contrôle de la consommation d’alcool et un modèle de rechute sur des patients dépendants (voir Martin-Fardon and Weiss, 2013).
Comme ont pu le montrer les résultats des expériences menées avec les ADE (voir plus haut), un traitement de très courte durée à base de baclofène (3 mg/kg) peut réduire de manière significative le nombre de réponses par levier chez des rats sP. Ceux-ci ont été entraînés, jusque-là, à répondre par levier pour obtenir de l’alcool selon un programme de renforcement FR4, puis ils ont été soumis à une phase d’arrêt des réponses avant de passer finalement par une session unique de réinstauration, dans laquelle les réponses par levier sont remises en place par la présentation d’un ensemble de stimuli lié à l’alcool (Maccioni et al., 2008a).
Une étude récente (Duke et al., 2014) a généré, pour la première fois, une série de données concernant les effets « anti-alcool » du baclofène sur des primates, fournissant par là une clé de lecture translationnelle cruciale entre les études sur les rongeurs et les études sur les humains. Des babouins mâles adultes ont été entraînés en suivant un programme de renforcement en trois étapes liées. Pour obtenir de l’alcool à consommer (4 % v/v), les babouins ont dû fournir la réponse exigée requise pour chaque étape. Suite à une injection forcée intramusculaire de baclofène (1.8 à 2.4 mg/kg) on a pu observer une baisse significative des réponses destinées à obtenir de l’alcool, du nombre de consommations alcooliques souhaitées et de la quantité consommée de manière autonome.
Une expérience complémentaire a montré que le baclofène provoquait également la baisse des réponses par levier au cours d’une session unique d’ER. Tout comme pour les tests sur les rongeurs, la sélectivité s’est révélée relativement modeste dans le sens où le baclofène a également réduit la consommation autonome d’un produit alternatif, à savoir une boisson à l’orange proposée comme récompense, et à des doses semblables à celles des expériences menées avec l’alcool. Cependant, ces résultats montrent que le baclofène atténue également les effets incitatifs de l’alcool chez les primates.
Stimulation par l’alcool et effets de récompense
En plus des nombreuses études précédemment citées concernant les effets du baclofène sur le désir et la consommation d’alcool, des études complémentaires sur les rongeurs ont cherché à montrer les effets du baclofène sur d’autres réactions et d’autres comportements liés à l’alcool. Il a été notamment remarqué que la prise sur une très courte période de 1 à 3 mg/kg de baclofène bloquait la stimulation des activités locomotrices induites, chez les rats de l’Université du Chili (Quintanilla et al., 2008), génétiquement sélectionnés pour préférer l’alcool, et chez les rats non sélectionnés Sprague-Dawley (Arias et al., 2009) ainsi que chez différentes espèces/souches de souris (dont les NMRI, BALB/c, DBA/2J, et les FAST élevées spécifiquement) (Cott et al., 1976; Humeniuk et al., 1993; Shen et al., 1998; Broadbent and Harless, 1999; Chester and Cunningham, 1999; Boehm et al., 2002; Holstein et al., 2009) par un traitement à des doses d’alcool faibles à modérées. Ces données sont pertinentes, puisque la stimulation locomotrice induite par une drogue psychoactive, comme l’alcool, est censée modéliser ses propriétés euphorigènes. L’hyperactivité locomotrice chez les rats et les souris, ainsi que la stimulation et l’euphorie chez les êtres humains sont des phénomènes homologues, développés par l’activité de systèmes neuronaux semblables (voir Wise and Bozarth, 1987).
La capacité du baclofène de supprimer l’activité locomotrice stimulée par l’alcool, chez les rongeurs, peut donc laisser prévoir l’hypothèse d’un effet bloquant de la stimulation alcoolique et des actions euphorisantes chez l’homme. Une micro-injection sur une très courte période de doses non sédatives de baclofène dans la zone tegmentale ventrale a supprimé la préférence de place conditionnée par l’alcool chez les souris (Bechtholt and Cunningham, 2005). Puisque la préférence de place conditionnée est une technique d’étude du comportement valide pour évaluer les propriétés gratifiantes des drogues psychoactives (voir Tzschentke, 2007), ces données suggèrent que l’activation pharmacologique du récepteur GABAB peut supprimer le procédé psychologique de « récompense » par l’alcool.
Hypothèses concernant le(s) mécanisme(s) d’action
En ce qui concerne le(s) mécanisme(s) d’action sous-jacent(s) aux effets « anti-alcool » du baclofène, les données collectées à ce jour semblent montrer la contribution de deux facteurs :
- (a) les récepteurs GABAB situés dans l’aire tegmentale ventrale, de manière à la fois présynaptique (sur le corps cellulaire d’un neurone dopaminergique) et postsynaptique (sur les terminaux des neurones glutamatergiques afférents) (voir Bowery et al., 1987) et
- (b) le système mésolimbique de « récompense » par dopamine, dont les neurones proviennent de l’ATV, se prolongent dans le nucleus accumbens et servent à transmettre les propriétés stimulantes, renforçantes, gratifiantes et incitatives de l’alcool (cf.Weiss and Porrino, 2002).
Cette hypothèse se fonde sur plusieurs séries de preuves expérimentales démontrant qu’une micro-injection de non sédatives de baclofène dans l’ATV supprime :
- (a) la consommation excessive d’alcool chez les souris (Moore and Boehm, 2009);
- (b) le désir d’alcool chez les rats (Leite-Morris and Czachowski, 2006; Leite-Morris et al., 2008);
- (C) la libération de dopamine stimulante induite par la consommation d’alcool dans le nucleus accumbens du rat (K.A. Leite-Morris, communication personnelle);
- (d) l’activité locomotrice stimulée par l’alcool chez les souris (Boehm et al., 2002; Leite-Morris, 2004);
- (e) la préférence de place conditionnée induite par l’alcool chez les souris (Bechtholt and Cunningham, 2005).
Ces résultats, comparés permettent d’émettre l’hypothèse selon laquelle les récepteurs GABAB dans l’ATV induiraient une inhibition de la libération des neurones dopaminergiques liée à la consommation d’alcool, une inhibition de la libération de dopamine causée par l’alcool dans le nucleus accumbens et, à tour de rôle, l’inhibition de multiples réactions et comportements contrôlés par l’afflux de dopamine et par la consommation d’alcool.
Syndrome de sevrage alcoolique
Plusieurs études ont démontré que le traitement au baclofène (1.25 à 20 mg/kg) était également efficace pour supprimer les signes du syndrome de sevrage alcoolique suivants : (a) une augmentation de la consommation autonome d’alcool chez des rats Wistar rendus dépendants à l’alcool suite à une exposition prolongée à des vapeurs d’alcool (Walker and Koob, 2007), ce qui montre que le baclofène est en mesure de bloquer les propriétés renforçantes négatives de l’alcool. (b) des comportements anxieux chez des rats Lister et de Sprague-Dawley rendus dépendants à l’alcool par une exposition forcée et prolongée à une diète comprenant de l’alcool (File et al., 1991; Knapp et al., 2007) et enfin (c) des tremblements et des convulsions chez des rats Wistar rendus dépendants à l’alcool par l’administration répétée de doses élevées d’alcool (Colombo et al., 2000).
Comme nous allons l’expliquer plus loin, ces données, témoignant de la capacité du baclofène de supprimer plusieurs signes du Syndrome de Sevrage Alcoolique chez les rats, possèdent un potentiel translationnel remarquable dans plusieurs études cliniques. En ce qui concerne le(s) mécanisme(s) d’action, l’activation des récepteurs GABAB compense certainement le fonctionnement accru du glutamate comme neurotransmetteur stimulant en rapport avec le syndrome de sevrage alcoolique (Colombo et al., 2000; Knapp et al., 2007).
Modulateurs allostériques positifs
Consommation d’alcool
Pratiquement toutes les études conduites à ce jour démontrent que les effets « anti-alcool » du baclofène et d’autres agonistes du récepteur GABAB peuvent être reproduits par traitement avec les GABAB PAM actuels, in vivo, à savoir : CGP7930, GS39783, BHF177, rac-BHFF, et ADX71441. Qui plus est, le traitement au CGP7930 (25 à 100 mg/kg), au GS39783 (6.25 à 100 mg/kg), et au rac-BHFF (50 à 200 mg/kg) répété (une fois par jour pendant 5 à 7 jours consécutifs), a révélé son efficacité en termes de réduction de la consommation quotidienne d’alcool sur des rats sP confrontés au choix entre une bouteille d’eau et une bouteille d’alcool (Orrù et al., 2005; Loi et al., 2013). Par ailleurs, la consommation quotidienne d’eau compensant la consommation d’alcool a été accrue, ce qui exclut le fait que la réduction de la consommation d’alcool soit un effet secondaire d’un sédatif.
Plus récemment, un traitement de très courte durée avec de l’ADX71441 (3 à 30 mg/kg) a permis de réduire la consommation d’alcool de souris C57BL/6J exposées :
- (a) à un régime de consommation excessive d’alcool basé sur un accès intermittent, une fois tous les deux jours, à de l’alcool à 20 % (v/v) [ce procédé entraîne efficacement des consommations en alcool journalières supérieurs à 20 g/kg chez les souris C57BL/6J (Hwa et al., 2011)], et
- (b) au modèle de consommation excessive d’alcool DID (Hwa et al., 2014). On a observé une suppression complète de la consommation excessive d’alcool engendrée par ce modèle sur des souris C57BL/6J à la suite d’un traitement de très courte durée à base de 30 mg/kg de GS39783 (Linsenbardt and Boehm, 2013).
Consommation autonome d’alcool par conditionnement opérant
Plusieurs études récentes ont exploré les effets des GABAB PAM sur la consommation autonome d’alcool par conditionnement opérant sur des rats génétiquement sélectionnés pour préférer l’alcool. Une première étude a prouvé qu’un traitement de très courte durée au CGP7930 (10 et 20 mg/kg) réduisait les réponses exigées par levier chez des rats P exposés à un programme de renforcement FR3 (Liang et al., 2006). Par la suite, certaines études conduites avec des rats sP exposés à un programme de renforcement FR4 ont montré les apports du GS39783 (25 à 100 mg/kg) (Maccioni et al., 2007), du BHF177 (12.5 à 50 mg/kg) (Maccioni et al., 2009), et du rac-BHFF (50 à 200 mg/kg) (Maccioni et al., 2010) dans la réduction des réponses par levier motivées par l’alcool — ces médicaments étant administrés selon le modèle du carré latin. Dans les quelques études dans le cadre desquelles le baclofène et les GABAB PAM ont été testés séparément (Liang et al., 2006; Maccioni et al., 2012), le baclofène s’est montré plus puissant et plus efficace dans la réduction des réponses par levier motivées par l’alcool.
Cependant, contrairement aux résultats collectés avec le baclofène, les effets bloquants du GS39783, du BHF177 et du rac-BHFF (au moins dans une gamme de dosage donnée pour cette dernière substance) se sont révélés particulièrement remarquables en termes de sélectivité relative à la consommation autonome d’alcool. En effet, les traitements administrés avec ces substances n’ont pas altéré les réponses par levier concernant la solution de saccharine, sur des groupes séparés de rats sP. Des études complémentaires sont nécessaires pour comprendre le fondement des différents niveaux de sélectivité des effets « anti-alcool » du baclofène et des GABAB PAM ; cependant, ces données relatives à la « sélectivité » sont très proches des résultats de différentes études (Cyran et al., 2004); Malherbe et al.2008; Paterson et al.2008), ce qui semble suggérer la capacité des GABAB PAM de produire les effets comportementaux « souhaités » – l’anxiolyse ou des effets « anti-addictifs » – à des doses bien moins élevées que celles occasionnant des difficultés locomotrices et une certaine sédation, avec un indice thérapeutique supérieur et un meilleur profil, en termes d’effets secondaires que celui du baclofène.
Testés lors d’expériences comprenant des programmes de renforcement PR, le GS39783 (25 à 100 mg/kg) (Maccioni et al., 2008b) et le BHF177 (12.5 à 50 mg/kg) (Maccioni et al., 2009) — administrés selon le modèle du carré latin — ont conduit à une réduction des réponses par levier et du point de rupture pour l’alcool chez les rats sP. Les effets bloquants des deux produits se sont à nouveau montrés totalement sélectifs concernant l’alcool. Aucune dose n’a modifié, même de manière infime, le point de rupture concernant une solution à la saccharine.
Une étude plus récente (Maccioni et al., 2012) a comparé les effets du GS39783 sur la consommation autonome d’alcool chez des rats P, sP et AA soumis aux mêmes programmes de renforcement FR4 et PR. Si le traitement au GS39783 a réduit le nombre de réponses par levier, la quantité d’alcool consommée de manière autonome et le niveau du point de rupture chez tous les sujets, l’efficacité et la puissance du GS ont varié de manière significative entre les trois types de rats : le GS, en effet, s’est montré le plus efficace sur les rats pour qui l’alcool possède de fortes propriétés motivantes et renforçantes (le type P) et moins efficace sur les rats pour qui l’alcool possède de faibles propriétés motivantes et renforçantes (le type AA). Théoriquement, si ces données étaient adaptées à une administration du GS39783 sur l’homme, elles montreraient qu’il est plus efficace sur les patients atteints de formes graves d’AUD.
Dans ce sens, une étude récente a montré l’efficacité du BHF177 (3.75 à 30 mg/kg), administré sur de très courtes périodes, dans la réduction de la consommation autonome d’un mélange assimilable à la bière, contenant 9 % d’alcool, sur des souris C57BL/6J entraînées à répondre par levier selon un programme de renforcement FR3. (Orrù et al., 2012).
Données cliniques
Le baclofène et le syndrome de sevrage alcoolique
Le traitement clinique du sevrage alcoolique [AWS] vise :
- (a) à réduire l’importance des symptômes,
- (b) à empêcher des manifestations plus graves des symptômes, telles que des convulsions ou des accès de delirium tremens, et enfin
- (C) à faciliter l’adhésion du patient à des programmes de traitement, afin de maintenir l’abstinence sur le long terme (Hall and Zador, 1997; Mayo-Smith, 1997).
L’évaluation clinique des symptômes de l’AWS peut utiliser différents types d’échelles, telles que la Clinical Institute Withdrawal Assessment for Alcohol-revised scale (CIWA-Ar) (Mayo-Smith, 1997). Ce système de score permet d’évaluer quantitativement la gravité de l’AWS tout en améliorant l’identification des besoins potentiels du patient, en termes de traitement pharmacologique. L’administration de benzodiazépines, en plus de fluides, de thiamine et d’électrolytes, constitue actuellement le traitement de choix en matière d’AWS (Amato et al., 2010, 2011). Toutefois, les benzodiazépines peuvent créer une dépendance, ce qui limite grandement leur utilisation chez les patients atteints d’AUD (Leggio et al., 2008).
Des données préliminaires issues de case reports (Addolorato et al., 2002a, 2003), d’études rétrospectives (Stallings and Schrader, 2007), et d’essais randomisés contrôlés (Addolorato et al., 2006; Lyon et al., 2011) confirment l’efficacité du baclofène dans le traitement de l’AWS chez l’homme.
Case reports
Une première étude a montré que l’administration de baclofène supprimait rapidement les symptômes dans des cas graves d’AWS (Addolorato et al., 2002a). Dans cette étude, 5 patients (4 hommes et une femme, consommation moyenne d’alcool par jour : 24 verres, score CIWA-A moyen : 27) ont suivi un traitement relativement léger par des doses de baclofène administrées par voie orale (10 mg, trois fois par jour, soit 30 mg en tout). La gravité des symptômes de l’AWS a été mesurée toutes les heures, pendant 4 à 8 heures. Après la prise de baclofène, les scores CIWA-Ar ont rapidement baissé et l’on a pu noter une amélioration du bien-être des patients. Ceux-ci ont poursuivi le traitement par la prise de 30 mg de baclofène par jour pendant 30 jours, et ils ont tous maintenu leur abstinence sans effets secondaires particuliers.
Addolorato et al. (2003) ont également noté la capacité du baclofène (75 mg/jour, en trois doses de 25 mg) de faire cesser les cas de delirium tremens, le symptôme le plus grave de l’AWS. Une prise unique de baclofène a notamment fait baisser à 8 le score CIWA-Ar d’un patient présentant un grave syndrome d’AWS, aggravé par un delirium tremens. En 4 jours de traitement, l’efficacité du baclofène a été confirmée par une normalisation progressive des marqueurs biologiques d’une consommation excessive d’alcool (par exemple : GGT, AST, ALT, et MCV). Après stabilisation, la dose de baclofène a été réduite à 30 mg/jour et le patient a maintenu son abstinence pendant les 30 jours qui ont suivi, sans que l’on ait observé des effets secondaires particuliers.
Etudes comparatives
Dans une étude suivante, Addolorato et al. (2006) a comparé l’efficacité du baclofène à celle des benzodiazépines. Des patients en consultation externe (18 sujets) ont été randomisés dans deux groupes, dont un soumis à un traitement au baclofène (30 mg/jour pendant 10 jours consécutifs) et l’autre à un traitement au diazépam (19 sujets, 0.5 à 0.75 mg/kg/jour pendant 6 jours consécutifs, suivi d’une consommation dégressive de 25 % du septième au dixième jour). Les deux traitements ont fait baisser de manière égale les scores CIWA-Ar des patients. Cependant, dans un récent compte-rendu de la Cochrane, il a été estimé que les preuves de l’efficacité du baclofène étaient insuffisantes pour le recommander dans le traitement du syndrome de sevrage alcoolique (Liu and Wang, 2011).
Etudes rétrospectives
Une étude basée sur les données collectées au Centre Médical des Patients Hospitalisés du St. Anthony’s Hospital, à Oklahoma City, Stallings and Schrader (2007) a montré que l’administration de baclofène empêchait le développement des symptômes du syndrome de sevrage alcoolique dans 12 cas sur 17.
Cependant, aucun détail n’a été communiqué concernant les dosages utilisés.
Etudes randomisées contrôlées par placebo
Enfin, les résultats d’un essai en double-aveugle randomisé et contrôlé par placebo ont également confirmé l’efficacité du baclofène dans la réduction de l’intensité du syndrome AWS (Lyon et al., 2011). Dans le cadre de cette étude, 44 patients présentant des symptômes de sevrage alcoolique ont été randomisés en deux groupes, dont un soumis à un traitement au baclofène (30 mg/jour) et l’autre à un placebo. Des benzodiazépines ont été administrées à tous les patients, en fonction de leurs symptômes. Suite à l’administration du baclofène, on a pu noter une réduction significative de l’utilisation des benzodiazépines dans le contrôle de l’AWS, sur une durée de 72h d’observation.
Le baclofène en tant que moyen pour atteindre et maintenir l’abstinence
Malgré les résultats prometteurs concernant le traitement de l’AWS, les études conduites à ce jour pour évaluer l’efficacité du baclofène dans le but d’atteindre et de maintenir l’abstinence n’ont pas fourni des résultats convergents.
Case reports
Une série de cahiers d’observation rapporte que l’administration de baclofène, dans des doses allant de 75 à 400 mg/jour (divisés en 3 prises) a réduit ou complètement arrêté la consommation d’alcool chez des patients atteints d’AUD (Ameisen, 2005; Agabio et al., 2007; Bucknam, 2007; Dore et al., 2011). Un de ces articles raconte, de manière très pertinente, l’histoire d’un docteur français qui, pour soigner son propre AUD, avait développé une courbe originale en vue de l’établissement de la posologie de traitement au baclofène (Ameisen, 2005). Après avoir essayé tous les médicaments prescrits pour traiter l’AUD (disulfirame, naltrexone, acamprosate, ou encore topiramate), le Dr. Olivier Ameisen a testé l’admnistration de baclofène par voie orale. Il a commencé par une dose « normale » de 30 mg/jour. Il a ensuite augmenté la dose quotidienne de baclofène à 270 mg (9 fois plus que la dose « normale »), atteignant pour « la première fois dans son expérience d’alcoolique », une abstinence totale et le blocage du désir d’alcool. A cause d’effets de somnolence, Ameisen a progressivement baissé le dosage du baclofène à 120 mg/jour, rajoutant 40 mg en cas de situations stressantes. Cette dose « moyenne » lui a permis un contrôle total de son désir d’alcool, sans créer d’effets secondaires particuliers.
Ameisen souffrait également de troubles anxieux concomitants, et la dose moyenne de 120mg/jour de baclofène a complètement mis fin à ces troubles. D’autres études ont montré que l’administration de baclofène soulageait l’anxiété chez les patients alcooliques. Ceci permet d’avancer que les effets « anti-alcool » du baclofène sur les patients atteints de troubles anxieux concomitants sont peut-être dus, au moins en partie, au soulagement des symptômes anxieux (Krupitsky et al., 1993; Addolorato et al., 2002b; Flannery et al., 2004; Garbutt et al., 2010).
Deux de ces case reports ont indiqué que l’administration de fortes doses de baclofène était efficace dans le traitement de patients atteints d’AUD ou d’autres maladies psychiatriques, et présentant une résistance aux traitements précédents (Agabio et al., 2007; Dore et al., 2011). En outre, ces patients n’ont pas développé d’effets secondaires causés par le mélange du baclofène et d’autres médicaments psychoactifs (en l’occurrence la paroxétine, l’halopéridol et les benzodiazépines).
Etudes d’observation
Deux études d’observation récentes ont confirmé l’efficacité du baclofène administré à fortes doses (jusqu’à 330mg/jour; dose moyenne efficace 147 mg/jour) pour réduire la consommation d’alcool (de Beaurepaire, 2012; Rigal et al., 2012). Par exemple, une étude a montré, au bout de 3 mois d’observation, que sur 100 patients souffrant d’AUD et présentant une résistance aux traitements habituels, 80 avaient réduit leur consommation, passant d’un stade à « haut risque » à un stade à « faible risque » ou à « moyen risque ». Au bout de 2 ans d’observation, 60 % de ces patients étaient restés à un stade de « faible risque » ou de « risque moyen » (de Beaurepaire, 2012).
La deuxième étude montre que sur 132 patients initialement considérés comme buveurs à « haut risque », 80 % étaient abstinents ou avaient réduit leur consommation à un niveau présentant un « faible risque », après un an de traitement au baclofène administré à fortes doses. (Rigal et al., 2012).
Etudes ouvertes
Deux études ouvertes ont évalué l’efficacité d’une faible dose de baclofène (30 mg/jour) dans le traitement de l’AUD (Addolorato et al., 2000; Flannery et al., 2004). Le premier test s’est étendu sur 4 semaines consécutives et a concerné 10 hommes souffrant d’AUD (Addolorato et al., 2000). La seconde étude a duré 12 semaines consécutives et a été menée sur 12 sujets souffrant d’AUD (3 femmes et 9 hommes) (Flannery et al., 2004). Les deux études ont montré que cette dose de baclofène réduisait efficacement la consommation quotidienne d’alcool des patients ainsi que les épisodes de consommation excessive journalière et la gravité des crises d’anxiété et l’importance du désir d’alcool. Toutefois, dans la seconde étude, aucun patient n’a atteint ni maintenu l’abstinence totale (Flannery et al., 2004).
Etudes randomisées contrôlées par placebo
Deux séries d’essais cliniques randomisés, menés en Italie et aux Etats-Unis, sont parvenues à des résultats divergents, en utilisant une dose de 30 mg/jour de baclofène (Addolorato et al., 2000, 2002b, 2007, 2011; Garbutt et al., 2010). Les résultats de l’étude italienne montrent que l’administration par voie orale de cette dose de baclofène réduit la consommation d’alcool et l’importance du désir d’alcool (Addolorato et al., 2000, 2002b, 2007, 2011), tandis que ceux de l’étude américaine avancent des perspectives moins prometteuses (Garbutt et al., 2010). La première étude randomisée, en double-aveugle, contrôlée par placebo, réalisée en Italie, rassemblait 39 patients souffrant d’AUD : 20 d’entre eux recevaient du baclofène (30 mg/jour), tandis que les 19 autres recevaient un placebo (Addolorato et al., 2002b). Ce traitement a duré 4 semaines consécutives et les patients ont été soumis à un suivi psychologique hebdomadaire. Les résultats de cette étude ont montré que le baclofène entraînait une hausse du nombre de patients atteignant l’abstinence totale (respectivement 14/20 et 4/19, pour le groupe ayant reçu le baclofène, et le groupe ayant reçu le placebo) et une baisse de la consommation d’alcool chez les patients qui n’atteignaient pas l’abstinence totale (le nombre de verres d’alcool consommés est passé de 18 au début du traitement a moins de 0,5 dans le groupe au baclofène. Il est passé de 10 à environ 4 dans le groupe au placebo). Le baclofène s’est également montré efficace en termes de réduction du désir d’alcool et des crises d’anxiété.
Le deuxième essai randomisé en double-aveugle contrôlé par placebo a été réalisé aux Etats-Unis (Garbutt et al. 2010). Cette étude a rassemblé 80 patients souffrant d’AUD : 40 patients (22 hommes et 18 femmes) ont reçu du baclofène (30 mg/jour), et 40 autres patients (22 hommes et 18 femmes) ont reçu un placebo. Le traitement a duré pendant 12 semaines consécutives et les patients ont été soumis à un suivi psychologique à 8 reprises, tout au long de l’étude. Les résultats de cette étude ont montré que le baclofène n’était pas efficace en termes de réduction de la consommation d’alcool, d’obtention de l’abstinence ou de réduction du désir d’alcool. Cependant, le baclofène a permis une réduction de l’anxiété chez les patients.
Les divergences constatées dans ces résultats ont été attribuées, du moins en partie, aux différences de méthode entre les deux études (entre autres en ce qui concerne: la durée de l’étude, le type et la fréquence du suivi psychologique, le nombre de femmes participant à l’expérience) (Leggio et al. 2010). Par exemple, la consommation moyenne d’alcool au début du traitement au baclofène était d’environ 14 verres dans l’étude italienne et de 7 verres dans l’étude américaine. Cette différence montre que l’étude italienne s’est basée sur les résultats de patients plus sévèrement atteints d’AUD que l’étude américaine. Ceci indique que le baclofène pourrait être plus puissant et plus efficace dans le traitement des cas les plus graves d’AUD que dans les cas les moins graves (Leggio et al., 2010).
Cette hypothèse expliquerait également l’extrême efficacité du baclofène en faibles doses sur des sujets souffrant de cirrhose du foie et d’AUD, et dont la gravité de l’AUD est susceptible d’empêcher l’abstinence, malgré la maladie du foie dont ils sont atteints (Addolorato et al., 2007). Cet essai randomisé en double-aveugle, contrôlé par placebo a rassemblé 84 patients (61 hommes et 23 femmes): 42 patients ont reçu du baclofène (30 mg/jour), et 42 patients ont reçu un placebo, pendant 12 semaines consécutives. Les patients ont été soumis à un suivi psychologique chaque semaine pendant le premier mois, puis une fois toutes les deux semaines. Les résultats de cette étude ont montré que plus de patients atteignaient et maintenaient l’abstinence grâce au baclofène (30/42 pour le groupe au baclofène contre 12/42 pour le groupe placebo), mais également que leur abstinence cumulée (c’est à dire le nombre de jours cumulés d’abstinence totale) durait plus longtemps (63 jours pour le groupe au baclofène et 31 jours pour le groupe au placebo), avec une baisse du désir d’alcool.
Plus récemment, une étude randomisée en double-aveugle contrôlée par placebo n’est pas parvenue à atteindre le niveau prévu de participation (Addolorato et al., 2011). Il s’agissait d’une étude internationale multicentrique visant à évaluer l’efficacité de deux dosages différents de baclofène (30 et 60 mg/jour). Malheureusement, en raison de limitations de nature méthodologique, seules les données collectées en Italie ont pu être analysées et l’on a pu observer une réduction de la consommation d’alcool proportionnelle à la dose de baclofène administrée.
En fin de compte, les résultats obtenus par les études randomisées semblent moins prometteurs que ceux obtenus par l’étude des cahiers d’observation. Parmi les nombreuses raisons ayant pu contribuer à de tels écarts entre les études, les différences de dosage du baclofène administré semblent être parmi les plus pertinentes. En outre, la majorité des essais randomisés utilisent un quart de la dose « moyenne » établie par Ameisen comme étant efficace et sûre. Il est possible que la dose utilisée par les essais randomisés soit insuffisante, au moins pour certains patients. Des études complémentaires devraient être menées afin de savoir si des doses plus importantes de baclofène pourraient conduire à des résultats plus satisfaisants dans le traitement de l’AUD. Ces études devraient prendre en compte la typologie des patients (par exemple, s’il s’agit de cas graves ou modérés d’AUD), leur sexe, les éventuels troubles mentaux concomitants et/ou la fonction rénale des patients (voir ci-dessous).
En résumé, le nombre limité d’études réalisées et leurs résultats contrastés ne permettent pas de tirer des conclusions concernant l’efficacité du baclofène dans le traitement de l’AUD. Cependant, aujourd’hui, un très grand nombre de patients souffrant d’AUD en France demandent et reçoivent de fortes doses de baclofène pour se soigner (Gorsane et al., 2012; Rolland et al., 2012, 2013; Pastor et al., 2013).
Effets du baclofène sur d’autres substances addictives
Des études précliniques ont montré que le baclofène est efficace dans la réduction de l’importance du syndrome de sevrage d’opiacés chez les rats et les souris. Une étude clinique en double-aveugle, rassemblant 62 patients souffrant du syndrome de sevrage d’opiacés, a confirmé ces résultats chez l’homme (cf. Agabio et al., 2013).
En revanche, bien qu’un grand nombre d’études précliniques semblent suggérer que le baclofène est en mesure de bloquer les effets d’une injection intraveineuse de cocaïne, d’héroïne, de nicotine et de méthamphétamine sur des rongeurs, les études clinique réalisées n’ont pas permis de confirmer ces résultats sur l’homme (voir Vlachou and Markou, 2010). Une seule étude randomisée en double-aveugle contrôlée par placebo a fait état d’une baisse du nombre de cigarettes fumées quotidiennement sur 60 patients dépendants à la nicotine suite à l’administration de baclofène (60 mg/jour). A l’inverse, quatre études randomisée en double-aveugle contrôlées par placebo ont montré que l’administration de baclofène (60 mg/jour) ne réduisait d’aucune manière la consommation de cocaïne, d’opiacés et de méthamphétamines, respectivement sur 160, 40 et 80 patients toxicomanes, (cf. Agabio et al., 2013).
Encore une fois, les écarts entre les résultats obtenus en étude préclinique et ceux obtenus dans le cadre d’une étude clinique laissent entendre que de plus vastes études sont nécessaire pour savoir si de plus fortes doses de baclofène pourraient fournir des résultats plus satisfaisants dans le traitement de différentes dépendances, autres que l’alcoolisme.
Profil de sécurité du baclofène
Pharmacocinétique
Le baclofène est disponible sous différentes formes : pour une administration orale ou intrathécale. Ce dernier mode d’administration est utilisé dans le traitement de spasticités empêchant la prise orale du baclofène (Dario and Tomei, 2004). La dose quotidienne de baclofène recommandée pour une administration par voie orale varie entre 15 et 80 mg, en commençant par 15 mg/jour (3 doses de 5 mg), puis en augmentant progressivement la dose, de 5mg par prise, tous les trois jours. Seuls les patients hospitalisés devraient être concernés par des dosages plus importants (jusqu’à 120 mg/jour). Après administration, le baclofène est rapidement absorbé, jusqu’à 80% d’une dose orale étant excrétés par les urines (en fonction de la clairance de la créatine), avec un métabolisme hépatique limité (Gerkin et al., 1986; Wuis et al., 1989).
Ces caractéristiques pharmacocinétiques font du baclofène un traitement pharmacologique idéal pour les patients alcooliques atteints de maladies du foie, mais devrait être évité chez les patients souffrants d’une défaillance des fonctions rénales (Chen et al., 1997; Smith et al., 1999). Les fonctions rénales devraient, donc, être examinées avec précaution avant une administration de baclofène (Agabio et al., 2013). Lorsqu’il est administré à faible dose, ou en dose moyenne, le baclofène possède une demi-vie assez courte (2 à 6h) et nécessite 3 à 4 prises quotidiennes pour maintenir ses effets thérapeutiques (Lal et al., 2009). Quand il est administré à des doses plus importantes, ou chez des patients atteints de défaillances rénales, sa demi-vie est rallongée, et il peut alors demander moins de prises quotidiennes. (Gerkin et al., 1986; Chen et al., 1997; Smith et al., 1999).
Effets secondaires
L’utilisation massive du baclofène dans le traitement de la spasticité a permis d’étayer les informations collectées concernant sa sûreté et ses effets secondaires (Dario and Tomei, 2004). En général, les effets secondaires observés suite à l’administration d’une dose faible ou moyenne de baclofène sont bénins et passagers. Ces effets incluent la sédation, la somnolence, une faiblesse excessive et des vertiges (Agabio et al., 2013). Les symptômes sont rarement graves et ils diminuent et disparaissent avec la poursuite de la thérapie.
Il a également été démontré que de faibles doses de baclofène pouvaient être administrées en toute sécurité à des patients atteints d’AUD (Krupitsky et al., 1993; Addolorato et al., 2000, 2002a,b, 2003, 2007, 2011; Flannery et al., 2004; Garbutt et al., 2010). Dans le cadre de ces études, les effets secondaires se sont révélés tolérables, bénins ou modérés (même chez des patients atteints de cirrhose du foie) et aucune étude n’a fait état d’un syndrome de sevrage ou d’une dépendance, après l’arrêt du baclofène. La sédation étant l’effet secondaire le plus courant lié au baclofène, les effets sédatifs cumulés du baclofène et de l’alcool pourraient théoriquement poser problème pour les patients qui n’atteignent pas l’abstinence. Cependant, aucune augmentation de la sédation n’a été remarquée chez les patients traités au baclofène qui ont continué à boire (Flannery et al., 2004; Bucknam, 2007; Garbutt et al., 2010; Rigal et al., 2012). Les résultats des études menées par deux laboratoires ont confirmé ces observations empiriques (Evans and Bisaga, 2009; Leggio et al., 2013). Ces résultats, analysés en même temps, laissent penser que l’administration de faibles doses de baclofène peut être jugée sûre, même si le patient continue à boire.
Les doses les plus fortes de baclofène sont généralement bien tolérées si l’augmentation s’accompagne d’une interruption graduelle. Une interruption brutale et un sevrage du traitement au baclofène pourraient déclencher des convulsions, des symptômes psychologiques et une hyperthermie (Dario and Tomei, 2004). Un cas de delirium lié au sevrage après l’interruption d’un traitement au baclofène a été constaté, sur un patient souffrant d’AUD et ayant reçu 75 mg/jour pendant 6 mois (Nasti and Brakoulias, 2011).
Le risque de symptômes liés au sevrage devraient toutefois être minimisés en évitant l’interruption brutale du traitement, en réduisant le dosage de 5 mg par prise, tous les trois jours, jusqu’à la fin de la thérapie, et sous contrôle médical strict (Agabio et al., 2013).
Lors de l’administration orale de baclofène, une intoxication peut être causée par une erreur de dosage, une tentative de suicide ou une défaillance rénale. Les symptômes peuvent être les suivants : nausée, hypotonie, étourdissements, dépression respiratoire, coma, convulsions, troubles de la conduction cardiaque ou encore anomalies EEG (Lee et al.,1992; Dario and Tomei, 2004). En général, l’issue d’une intoxication au baclofène est bonne. On a même pu noter le rétablissement total de patients ayant subi un coma suite à l’administration intrathécale de très hautes doses de baclofène (Agabio et al., 2013). Les cas de consommation excessive volontaire de baclofène sont rares, sauf en cas de tentatives de suicide (Lee et al. 1992; Perry et al. 1998; Weisshaar et al., 2012). A ce jour, aucun effet addictif n’a été constaté sur des patients atteints d’AUD traités au baclofène.
Conclusions
Plusieurs séries d’essais expérimentaux semblent suggérer invariablement qu’un traitement au baclofène (un agoniste du récepteur GABAB) permet d’empêcher efficacement de nombreux comportements liés à l’alcool, tels que la consommation excessive d’alcool, la consommation autonome d’alcool par conditionnement opérant, la restauration du désir d’alcool ou la préférence de place conditionnée chez les souris, les rats et les babouins exposés à des expériences représentant les différents aspects de l’AUD chez l’homme.
Le traitement au baclofène a également permis de bloquer plusieurs symptômes de l’AWS chez les rats. Bien qu’encore rares, les données cliniques disponibles à ce jour suggèrent qu’une majorité des découvertes réalisées à partir de ces animaux peuvent être appliquées aux patients alcooliques.
La plupart de ces recherches montrent effectivement que le traitement au baclofène peut aider à atteindre l’abstinence et à faire baisser la consommation et le désir d’alcool et à atténuer la gravité des symptômes du syndrome de sevrage alcoolique (comme le delirium tremens), chez des patients alcooliques. Des études complémentaires sont aujourd’hui nécessaires pour fournir des conclusions plus sûres concernant le potentiel thérapeutique du baclofène, notamment en ce qui concerne le traitement à haute dose inspiré de la recherche d’Ameisen.
Il est intéressant de noter que le potentiel du baclofène en termes, à la fois, d’atténuation des symptômes du syndrome de sevrage alcoolique et d’obtention de l’abstinence est perçu comme un plus, car il facilite l’intégration du patient dans un programme de maintien de l’abstinence à long terme sans qu’aucun changement d’agent pharmacologique ne soit nécessaire.
Enfin, les GABAB PAM semblent représenter une grande avancée dans la pharmacologie du récepteur GABAB. Les données précliniques collectées à ce jour démontrent la capacité des GABAB PAM de reproduire les effets bloquants du baclofène sur plusieurs comportements liés à la dépendance alcoolique. Cette aptitude, ajoutée au profil d’innocuité positif du médicament, plaide en faveur du remarquable potentiel de cette nouvelle catégorie d’agents. Qui plus est, certains GABAB PAM sont proches, aujourd’hui, de leur évaluation clinique (site web Addex Therapeutics), ce qui pourrait signifier qu’ils seront testés, à court terme, sur des patients alcooliques.
Remerciements
Les auteurs remercient Mme Anne Farmer pour la révision linguistique du manuscrit (version originale). Ce travail a été financé par la subvention n°CRP-17596, de la Regione Autonoma della Sardegna (L.R. 7 août 2007, n. 7).
Déclaration en matière de conflit d’intérêts : Les auteurs déclarent que la recherche a été menée en l’absence de toute relation commerciale ou financière qui pourrait être interprétée comme un potentiel conflit d’intérêt. Giancarlo Colombo est l’un des inventeurs du brevet n. EP1217999 intitulé « Usage du baclofène dans le traitement de l’alcoolisme. »
La bibliographique pléthorique à laquelle font référence les auteurs et la publication originale sont disponibles sur le lien suivant : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2014.00140/full