Dès lors qu’elle est en âge de procréer, une femme, qu’elle soit dépendante à l’héroïne, ou encore substituée avec la méthadone ou le Subutex®, est susceptible d’être enceinte. Tout au long de la grossesse, le fœtus est imprégné passivement par les opiacés consommés par la mère (héroïne, morphine, méthadone, ou même codéine, dextropropoxyphène, …). Ces opiacés peuvent induire un syndrome de sevrage chez le nouveau-né. Le syndrome de sevrage est l’ensemble des manifestations cliniques que risque de présenter le nouveau-né du fait de l’arrêt brutal des opiacés (le « manque » désignant les sensations ainsi engendrées). Il associe principalement des signes neurologiques, digestifs et respiratoires, les symptômes pouvant persister quelques jours à quelques mois (1, 2). Ce syndrome apparaît dans des délais et à des degrés variables, de quelques heures à quelques jours après la naissance, avec une fréquence de 55 à 94 % (1, 3, 4). On notera que ce syndrome est beaucoup plus rare (voire inexistant) quand il s’agit d’un usage médical et ponctuel d’opiacés en fin de grossesse pour traiter, par exemple, une douleur.
1. MECANISME
Bien que les drogues utilisées et les retentissements cliniques de la toxicomanie chez l’adulte sont bien connus, on sait peu de choses sur les processus biochimiques et physiologiques gouvernant le syndrome de sevrage aux opiacés chez le nouveau-né (5). Les mécanismes en jeu font donc l’objet d’hypothèses discutées et restent, aujourd’hui encore, indéterminés (2). Par exemple, chez l’adulte, le syndrome ne se définit pas par une caractéristique mais bien par une série de modifications comportementales et physiologiques et les mécanismes gouvernant chaque aspect du syndrome peuvent être différents. Le système sympathique entre en jeu mais pour la plupart des symptômes, c’est le SNC (Système Nerveux Central) qui intervient en premier lieu (5).
En 1994, Barr et Jones ont réussi à faire le lien entre certaines structures cérébrales de l’adulte (SNC) et des signes spécifiques du syndrome de sevrage (et notamment implication du locus coeruleus dans les symptômes physiques). Mais il n’y a pas de données concernant l’implication de cette structure cérébrale dans le sevrage du nouveau-né (5). Par ailleurs, chez le nouveau-né, la barrière hématoencéphalique est immature et le métabolisme de la morphine est vraisemblablement différent de chez l’adulte : cette immaturité empêcheraitelle l’expression de certains signes ? On constate, par exemple chez l’adulte, et peu ou pas chez l’enfant, une augmentation de la pression artérielle par stimulation sympathique (SNA : Système Nerveux Autonome) ou une mydriase. Ainsi, le syndrome de sevrage n’est pas le même chez l’enfant : certains signes n’apparaissent pas ou apparaissent moins chez le nouveau-né (5).
2. TABLEAU CLINIQUE
Lors de la prise en charge prénatale, une rencontre avec le pédiatre amené à suivre l’enfant paraît importante ; les symptômes attendus du syndrome de sevrage et leur prise en charge seront clairement expliqués pour faire de la mère un « partenaire » de soin de son enfant (6). Les signes du syndrome de sevrage chez le nouveau-né sont classés en quatre catégories selon le système atteint : le système nerveux central (SNC), le tractus gastro-intestinal, le système respiratoire et le système nerveux autonome (SNA) (7, 8). Les signes neurologiques sont au premier plan du tableau clinique et existent dans pratiquement 100 % des cas (6, 9).
Dès 1974, A. B. Soule a montré que les nouveau-nés de mère sous méthadone pleuraient beaucoup, présentaient une irritabilité neurologique, avec souvent des tremblements, de l’hypertonie. Il constatait une immaturité motrice et ces enfants semblaient répondre plus difficilement aux stimuli visuels qu’aux stimuli auditifs (certains bébés étaient incommodés pour fixer des yeux un élément, la taille de la pupille atteignant à peine la normale) (10). Dans cette description, il y a effectivement des manifestations de sevrages, cette étude privilégiant l’analyse des différences d’état parmi des nouveau-nés exposés ou non à la méthadone.
En 1975, M. E. Strauss retrouvait, dès la 48ième heure de vie, des nouveau-nés irritables mais ayant des capacités à se calmer ou à répondre aux stimulations peu différentes des autres nouveau-nés (11). En 1987, A. Bourrillon, C. Lejeune et C. Olivier remarquent, par le biais d’études électrophysiologiques, que ces nouveau-nés ont une sensibilité auditive élevée mais qu’ils sont moins réactifs aux stimuli visuels (12).
Ainsi, les signes centraux du manque sont représentés notamment par une hyperactivité, une hyperexcitabilité (d’où l’irritabilité, l’agitation excessive avec pleurs), et des cris aigus voire incessants (11, 13, 14). Francoual dit « ne jamais observer, contrairement à ce qu’on observe chez un nouveau-né normal, de périodes d’éveil calme pendant lesquelles on a l’impression de pouvoir communiquer avec l’enfant » (15).
Le nouveau-né présente des troubles du sommeil (insomnies, périodes de sommeil de plus en plus courtes) (8, 15, 16…). Des enregistrements électro-encéphalographiques montrent une réduction significative du temps de sommeil calme, mais une augmentation du sommeil à mouvements oculaires rapides (paradoxal) et du sommeil indéterminé par rapport à des nouveaunés témoins (12). Ce syndrome associe également des mouvements anormaux. Les nouveau-nés développent initialement, selon une fréquence moyenne à élevée, des trémulations bénignes qui progressent en sévérité (2). Au début, ces trémulations apparaissent seulement quand l’enfant est dérangé. Par la suite, elles surviennent spontanément sans aucune stimulation (13).
D’après Lipsitz, les trémulations peuvent être assez sévères jusqu’à les confondre avec des crises d’épilepsie mais peuvent être contrôlées en tenant le bébé et représentent plus des mouvements myocloniques excessifs que de l’épilepsie (17). On peut constater une hypertonie, une hyperréflexie (réflexes tendineux augmentés). Le réflexe de Moro est parfois exagéré (2, 14). Le nouveau-né peut présenter des myoclonies, voire des convulsions. La majorité de ces convulsions semblent apparaître en moyenne à 10 jours de vie. Elles peuvent néanmoins être très précoces ou plus tardives jusqu’à la fin du premier mois (18). L’électroencéphalogramme est anormal uniquement lors des crises (19). On observe chez ces enfants des signes digestifs notamment des troubles alimentaires et un réflexe de succion anormal (ces deux derniers étant représentatifs de dysfonctionnements du SNC pour certains (11) ou du tractus gastro-intestinal pour d’autres (14)). Les nouveau-nés sucent donc souvent et frénétiquement leurs poings ou pouces. Ils ont néanmoins des difficultés à se nourrir parce que leur succion est excessive ou mal coordonnée et inefficace. La tétée ou la prise du biberon devient alors malaisée et insatisfaisante, d’où perte de poids possible ou gain de poids non optimal (2, 8, 13, 20).
En outre, il a été remarqué que les nouveau-nés de mère toxicomane prenaient apparemment moins souvent de pauses lors de l’allaitement (la maman toxicomane retirant ou mettant ellemême le mamelon dans la bouche du bébé, et ceci plus souvent que les autres mères) (21). En effet, la mère peut interpréter comme un signe de faim la succion frénétique du nouveau-né et nourrir le bébé pour le calmer. Dans ce cas, la sur-alimentation qui en résulte peut aggraver les symptômes gastro-intestinaux (22). Les régurgitations sont fréquentes. Des vomissements et des diarrhées liées à un hyperpéristaltisme intestinal peuvent survenir et entraîner éventuellement déshydratation et déséquilibre de la balance hydroélectrolytique (2, 13, 18). A ces signes digestifs, on peut ajouter des douleurs abdominales, un gain de poids faible (16). Certains ont observé une hyperphagie (20, 23).
A. Martinez a mené une étude sur 44 enfants nés de mères substituées par la méthadone afin d’en préciser l’importance clinique. L’hyperphagie est donc un symptôme possible, surtout lors de la deuxième semaine de vie, et peut persister chez un certain nombre. Elle n’est pas associée à un gain de poids du nouveau-né (la perte de poids étant plus importante chez les nouveau-nés hyperphagiques la première semaine de vie) et n’entraîne ni effets gastro-intestinaux néfastes, ni complications cliniques. Cet appétit vorace peut apparaître chez des enfants qui ont des demandes (ou des pertes) métaboliques élevées du fait de signes cliniques du syndrome de sevrage non contrôlés par un traitement médicamenteux (20).
Les troubles respiratoires sont représentés par une tachypnée ou polypnée (respiration trop rapide, > 60/min), une hyperpnée (respiration d’amplitude exagérée) pouvant amener une alcalose respiratoire (11, 12). Les désordres cardiaques se traduisent par des accès de tachycardie (18). Plus redoutable est la survenue d’arythmie respiratoire avec apnées entraînant des troubles d’hypoxie (18). On constate des cyanoses, un encombrement nasal (8, 14, 16). Les perturbations du Système Nerveux Autonome amènent à des bâillements, des éternuements (attribués à une excitabilité neurologique par l’AAP – American Academy of Pediatrics) (14). Une transpiration excessive est possible, ainsi qu’une température instable (hypo ou hyperthermie : fièvre). La peau de l’enfant pourra se couvrir de marbrures (1, 8, 11, 16…). Enfin, la peau du nouveau-né pourra s’altérer du fait des diarrhées ou du frottement sur les draps (hyperactivité). Ces excoriations cutanées toucheront le nez, les pieds, les genoux (7, 15, 16). On pourra observer des accès de rougeur cutanée, des hoquets, des larmoiements (1).
Lors du sevrage du nouveau-né à l’héroïne, les symptômes les plus communs apparaissent suivant la fréquence reportée dans le tableau ci-après (7, 24) :
Ces différents signes constituent ainsi le syndrome de sevrage, syndrome qui peut être bénin et transitoire, d’apparition retardée, ou de sévérité croissante.
Remarque : Le syndrome peut même être intermittent ou biphasique : on constate alors dans un premier temps un syndrome de sevrage aigu suivi d’une amélioration et dans un second temps, une réaction subaiguë ou encore une exacerbation du syndrome (2, 13). Les symptômes vont persister quelques jours à quelques mois, communément 8 semaines selon Franck et Vilardi, avec une irritabilité persistant pendant 3 à 4 mois (7).
3. DIAGNOSTIC ET EVALUATION
3.1. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Il est important de savoir penser au syndrome de sevrage quand l’intoxication est méconnue, devant l’association des troubles neurologiques, des signes digestifs et généraux étudiés précédemment. Mais distinguer les symptômes d’un sevrage d’une irritabilité du SNC résultant de désordres infectieux ou métaboliques n’est pas si évident : aucun signe clinique ne peut être attribué spécifiquement au syndrome de sevrage aux opiacés sans évaluation appropriée, test ou diagnostic visant à écarter d’autres étiologies (1, 14, 25c). Ainsi, un médecin ne connaissant pas la toxicomanie de la mère peut confondre les signes du syndrome de sevrage avec certaines pathologies néonatales. Il faudra différencier le syndrome de sevrage de troubles métaboliques (hypoglycémie), d’un déséquilibre électrolytique (hypocalcémie), d’infections, de septicémie ou encore de troubles digestifs banaux (coliques, reflux). De même, il est essentiel d’écarter des causes possibles telles que hyperthyroïdie, hémorragie ou ischémie du SNC, anoxie (1, 8, 11, 14).
D’après B. Roques, l’augmentation du taux plasmatique de magnésium, associé à des signes végétatifs et neuronaux, semble caractériser le syndrome de sevrage aux opiacés (26). Et selon Francoual, la façon la plus facile pour un observateur de faire le diagnostic de début de syndrome de sevrage est d’observer l’enfant et de s’apercevoir que, contrairement à un nouveau-né normal, ces enfants sont, soit en train de dormir, soit en train de pleurer (15). Dans ce contexte, l’identification des enfants à risques est primordiale (un syndrome de sevrage est possible pour des drogues non opiacées). La présence de certaines caractéristiques maternelles ou néonatales peut indiquer une analyse d’échantillons d’urine afin de vérifier l’exposition in utero aux opiacés (absence de soins prénataux, mort inexpliquée du fœtus, travail précipité, changements importants d’humeur, avortements spontanés à répétition…). Notons que l’analyse toxicologique précoce des premières urines reste une méthode facilement réalisable et les toxiques et leurs métabolites y sont souvent retrouvés en concentration supérieure à celle du plasma (27, 28).
D’autre part, n’oublions pas que, chez le nouveau-né, peuvent être associés à une toxicomanie maternelle une prématurité, un RCIU (Retard de Croissance Intra-Utérin) inexpliqué, etc. On essayera donc, dans la mesure du possible, de connaître l’histoire maternelle (drogues licites et illicites, habitudes des parents…), tout en sachant que la maman sous-estimera souvent sa consommation de drogues (polytoxicomanie possible), qu’un screening des urines maternelles lors de la grossesse ne parvient pas à identifier toutes les consommations de drogues et que les analyses d’urine ne permettent de détecter que les expositions récentes (14, 28).
NB : Rappelons que l’héroïne est rapidement hydrolysée en 6-monoacétylmorphine, puis en morphine ou en glucuronides de la morphine, éliminés dans l’urine. La codéine est partiellement métabolisée en morphine, retrouvée dans l’urine avec notamment des glucoronides de morphine. Ainsi, l’analyse des premières urines, bien qu’ayant un certain intérêt « pratique », est une technique limitée car trop souvent négative, d’où l’utilisation d’autres méthodes de détection pour confirmer une imprégnation anté-natale.
3.2. ANALYSES COMPLEMENTAIRES
Comme on l’a déjà vu, les recherches toxicologiques dans les urines des nouveau-nés exposés in utero à une quelconque drogue se révèlent parfois infructueuses si la toxicomanie de la mère a été arrêtée plusieurs jours avant l’accouchement, ou bien lorsque les urines sont prélevées plusieurs jours après la naissance (27, 28). L’analyse du méconium est, quant à elle, un meilleur reflet de l’exposition fœtale. Ceci est basé sur le fait que les drogues sont métabolisées par le foie du fœtus et éliminées par voies biliaire et urinaire. Or, le méconium, qui représente les premières matières fécales excrétées par le nouveau-né, est composé entre autres, de bile et n’est expulsé dans le liquide amniotique qu’en cas de souffrance fœtale (les médicaments ou autres produits et leurs métabolites sont donc accumulés dans le méconium tout au long de la gestation) (8). Cette analyse est intéressante si on suspecte rapidement, dans les deux à trois premiers jours de vie, une éventuelle toxicomanie maternelle.
Sur le plan pratique, la technique biologique de l’analyse du méconium reste assez complexe par rapport à l’analyse urinaire, mais plus fiable (27, 28). Plus récemment, des essais réalisés sur des échantillons de cheveux de la mère et de l’enfant ont élargi la possibilité de détecter les expositions intra-utérines (8). Les toxiques et leurs métabolites présents dans le secteur plasmatique sont incorporés dans la matrice du cheveu au cours de sa croissance et y demeurent jusqu’à sa chute. Les cheveux restent donc le seul milieu utilisable lorsque les enfants ne sont vus qu’après 3 ou 4 jours de vie, lorsque les selles ne sont plus méconiales, rendant même possible le diagnostic de l’intoxication fœtale chez des enfants âgés de plusieurs semaines au moment de leur hospitalisation (28).
En pratique, chaque type de prélèvement possède ses avantages et ses inconvénients :
- Le prélèvement des premières urines permet une analyse rapide et à moindre coût, mais les faux négatifs sont fréquents.
- Les dosages dans le méconium et les cheveux permettent de déceler l’intoxication du dernier trimestre de la grossesse, même s’il y a eu un arrêt quelques jours ou quelques semaines avant la naissance. –
- Ainsi, le prélèvement méconial, offrant a priori une plus grande sensibilité que les urines, peut être réalisé pour compléter les analyses (mais il n’est praticable que les premiers jours de vie).
L’étude des cheveux peut être faite en dernier recours et même après plusieurs semaines de vie, mais peut poser problème quant à la quantité prélevable, parfois trop faible pour autoriser une grande sensibilité (27, 28). Ainsi, chez les enfants à risque, les analyses toxicologiques complètent la recherche, dès la naissance, de la séméiologie du syndrome de sevrage aux opiacés, ceci afin de poser le diagnostic. De plus, cet ensemble de symptômes aspécifiques sera codifié afin de distinguer précisément l’absence et la présence d’un syndrome de sevrage (7).
3.3. SCORES
Les scores, qui sont en fait des systèmes de codification, ont été développés pour contrôler le nouveau-né exposé aux opiacés et estimer ainsi objectivement l’apparition, la progression et la diminution des symptômes du sevrage, ainsi que leur sévérité. Certains permettent d’adapter le traitement du syndrome de sevrage aux opiacés. Pour examiner les adaptations neurocomportementales des nouveau-nés de mères pharmacodépendantes, l’échelle de Brazelton a été très employée. Celle-ci évalue les réponses à des stimuli, les éléments comportementaux (sommeil, réveil, pleurs…), l’état neurologique (irritabilité, « consolabilité »,…), et le développement moteur. Par exemple, sont étudiées l’adaptation aux stimuli tels que lumière et sonnerie ainsi que la réponse à des stimuli animés et inanimés (visage, voix, hochet…). Trente-trois points sont évalués sur une échelle de 1 à 9. Le caractère « consolabilité » donnera un score faible quand le nouveau-né est inconsolable et un score élevé quand la seule présence d’un visage suffit à rassurer l’enfant. L’avantage de ce score réside surtout dans le large éventail d’attitudes étudiées.
En 1974, A. B. Soule a testé ce score sur des nouveau-nés de mère sous méthadone et y a trouvé de l’intérêt pour le diagnostic précoce d’une addiction, également pour le suivi des enfants atteints, et les soins qui leur sont prodigués. Par exemple, cette étude a montré une réponse pauvre des nouveau-nés aux stimuli visuels. Néanmoins, l’intérêt du score de Brazelton, dans le cas du syndrome de sevrage du nourrisson, est modéré du fait de son objectivité relative et de son imprécision quant aux données de causalité, certaines variables n’étant pas isolées (conditions pré et postnatales, complications de l’accouchement, poids de naissance…) (10, 11).
L. Franck et J. Vilardi citent le NNWI (Neonatal Narcotic Withdrawal Index) qui évalue 7 indicateurs notés de 0 à 2. Sa validité a été déterminée en comparant les scores de 40 enfants non exposés avec 50 nouveau-nés exposés aux opiacés, lors de leur deuxième jour de vie (les scores des enfants exposés étaient significativement supérieurs) (7). Ostrea classe le syndrome de sevrage en trois catégories : sévère, modéré, faible (Annexe 1). Ainsi, un tableau à double entrées reprend 6 critères (vomissements, diarrhée, perte de poids, irritabilité, trémulations et/ou myoclonies, tachypnée) selon leur intensité (faible, modéré, sévère) (29).
Le score de Lipsitz (1975) mesure 11 symptômes cliniques. Ils sont notés selon leur intensité de 0 à 3 (7, 14, 17) (Annexe 2). Les trémulations, l’irritabilité, l’hyperréflexie, l’hypertonie et la tachypnée (fréquence respiratoire supérieure à 55/min) sont les signes les plus impressionnants et donc les plus notés (0 à 2 ou 3). Les autres signes moins frappants sont l’importance des selles, les éraflures de la peau (0 à 2), les éternuements et bâillements répétitifs, les vomissements, la fièvre (0 ou 1). Le score total va de 0 à 20 (des symptômes significatifs donneront un score supérieur à 4). Il peut être utilisé 2 fois par jour, une heure après un repas (7, 17).
En 1975, Finnegan et ses collègues notent chacun des 20 symptômes les plus communs, sur une échelle de 0 à 5, en fonction de leur absence ou présence, de leur durée et intensité (Annexe 3).On y retrouve par catégorie les troubles du SNC, les troubles métaboliques et respiratoires, les troubles gastro-intestinaux. Par exemple, on notera la sévérité des trémulations (quand elles existent) de 1 à 4 selon qu’elles sont faibles ou sévères, et provoquées ou non. Ou encore, des selles normales donneront un score de 0, des selles molles un score de 2, des selles liquides un score de 3. Si l’enfant éternue plus de 3 ou 4 fois de suite ou éternue une ou deux fois mais fréquemment dans l’intervalle séparant deux scores, les éternuements ont la note de 1. Les scores sont ensuite additionnés (7).
D’une façon générale, le score de Finnegan est régulièrement évalué toutes les 4 à 6 heures dans la journée. Il permet l’adaptation des traitements du nouveau-né en fonction de la symptomatologie (1, 6). Par exemple, L. Franck et J. Vilardi évaluent les enfants 2 heures après la naissance, ensuite, toutes les 4 heures dans les 5 premiers jours de vie ou jusqu’à ce que les symptômes diminuent. Si le score de 8 est atteint, on note des périodes de 2 heures. Les observations cliniques sont également reportées (le score de chacun des critères indique la présence des symptômes dans la période précédant l’établissement du nouveau score total) (7, 8). P. Benos établit également le score toutes les 4 heures les premiers jours, et ce, jusqu’à l’expression du syndrome de sevrage. Lorsque la symptomatologie est bien contrôlée, le score est établi toutes les 8 heures ; après quelques jours de stabilité clinique, le traitement est diminué progressivement, le contrôle devant être maintenu au moins 48 h après son arrêt (6). Le syndrome de sevrage est dit minime ou moyen tant que le score de Finnegan reste inférieur à 11 (C. Lejeune, (1)).
Parmi les méthodes reconnues, on compte celles d’Ostrea, Lipsitz et Finnegan :
- Les 6 points d’Ostrea sont très abordables, mais cette méthode est limitée par l’usage d’un simple classement plutôt qu’une échelle numérique, empêchant ainsi d’additionner les sévérités des divers symptômes d’un syndrome de sevrage.
- Le score de Lipsitz, avec 11 symptômes pris en compte, présente l’avantage d’être un système numérique relativement simple.
- Plus complet, le score de Finnegan comprend non moins de 31 critères, ce qui peut être lourd au quotidien dans un service clinique bien occupé.
NB : notons que ces scores peuvent parfois manquer de précision pour des symptômes d’importance moyenne ( L. Franck et J. Vilardi, (7)).
En conclusion, ces scores permettent de distinguer précisément l’absence et la présence d’un syndrome de sevrage aux opiacés chez le nouveau-né ainsi que sa sévérité. En outre, ils vont guider l’action thérapeutique. En effet, indépendamment du système choisi, l’utilisation de scores permet une meilleure objectivité quant aux modes de prise en charge de l’enfant (notamment instauration et modifications d’un traitement) (14).
4. PRISE EN CHARGE
Le syndrome de sevrage est un moment difficile à vivre pour l’enfant et pour la mère car il perturbe les relations mère-enfant. Les enfants apparaissent difficiles, peu valorisants pour des mères elles-mêmes en souffrance… (1). En maternité, des structures type « unité Kangourou » ou « secteur mère-enfant » doivent être privilégiées pour l’accueil de ces patientes, afin de maintenir autant que possible le nouveau-né auprès de sa mère et favoriser leur attachement. Pour une bonne prise en charge de l’enfant, la maman doit être préparée et accompagnée par le personnel soignant, y compris les pédiatres (1, 6). En effet, les jeunes mamans sont souvent décrites comme « perdues, dépassées par les événements » ; certaines d’entre elles sont irritables, voire agressives, ou même incohérentes, refusant de se laisser examiner par exemple (30). Selon J. P. Aubert, dans la majorité des cas, aucun traitement médicamenteux n’est nécessaire pour l’enfant si la mère est prévenue de la symptomatologie et peut « faire face » par un « nursing » très attentif de son bébé, pendant les quelques heures ou jours d’un syndrome de manque léger (16).
4.1. LE NURSING
Ce « nursing » montre l’aspect psychologique du traitement du sevrage : pour un syndrome d’intensité faible à modérée (score de Finnegan < 7), le simple fait de s’occuper du nouveau-né, de le bercer (contacts maternels), améliore son état. Le traitement initial consiste donc à ce que la mère berce son enfant pour diminuer son irritabilité. A cela, on ajoutera des conditions de repos et de calme (ambiance tamisée) pour la mère et son enfant, afin de réduire les stimuli sonores et lumineux (l’emmaillotement y contribuerait (14)) (11). Cet « aménagement de l’environnement » est jugé inefficace par certains (23). Le nouveau-né doit être encouragé à manger (en petites quantités et fréquemment) ; si nécessaire, on utilisera des laits épaissis anti-régurgitations (1, 6).
NB : Aux dépenses caloriques dues aux activités du bébé, il faut ajouter les pertes consécutives aux vomissements et diarrhées. La ration de calories peut être évaluée quotidiennement afin de fournir les 150 à 250 cal/kg/jour nécessaire à la bonne croissance du nouveau-né souffrant de syndrome de sevrage (14).
Si la ration alimentaire, hydrique et calorique, ne peut être prise de façon satisfaisante ou en présence de troubles digestifs, il faut recourir à l’alimentation entérale par sonde ou aux perfusions (sérum glucosé à 10 %, 100 ml/kg/jour enrichi de 2 mEq/kg/jour de sodium et potassium) (18). Une tétine sera utilisée en dehors des prises de nourriture pour les succions excessives. On préviendra ou minimisera les complications telles que les excoriations cutanées par des draps doux (7, 13). Ce nursing doit être complété par une surveillance des rythmes de sommeil, de la température, du poids, ou de toute modification clinique que pourrait occasionner une autre pathologie (14). Bien sûr, le nouveau-né sera transféré en Néonatalogie si le syndrome de sevrage est grave, à risque de déshydratation ou de convulsions et naturellement s’il y a prématurité ou RCIU (1).
4.2. L’ALLAITEMENT
La méthadone, comme l’héroïne, passe dans le lait maternel, mais de faibles quantités sont détectées. Les doses ingérées par le nouveau-né sont donc faibles (11, 16). Ainsi, l’allaitement n’est pas contre-indiqué chez la femme sous méthadone, mais certaines recommandations de prudence s’imposent.
Plusieurs paramètres sont à prendre en compte :
- les sérologies maternelles et le risque de transmission (notamment pour le Sida) doivent être évalués pendant et après la grossesse car cette infection contre-indique l’allaitement ;
- la mère consomme-t-elle d’autres produits ? Peut-on évaluer son risque de rechute ? Par exemple, la cocaïne passe dans le lait et on peut craindre des intoxications avec notamment des troubles respiratoires chez le nouveau-né (1, 2, 13, 31) ;
- l’allaitement peut être plus facilement proposé si la dose journalière de méthadone est inférieure ou égale à 30 mg, car au-delà, il y a risque de syndrome retardé, alors sans suivi médical. Ce risque existe aussi si l’allaitement est prolongé (11, 32). Remarque : certains auteurs ont trouvés de faibles taux dans le lait de mamans maintenues à 50 mg et aucun effet secondaire ne semble avoir été constaté chez des enfants dont les mères recevaient de 50 à 80 mg de méthadone par jour (31). Mais de plus amples recherches sont nécessaires pour conclure.
On notera que la méthadone atteint sa concentration maximale dans le lait maternel 4 heures environ après son ingestion. Afin d’éviter d’allaiter le nouveau-né lors du pic de concentration, certains suggèrent de donner la dose quotidienne de méthadone après une tétée et de nourrir l’enfant avec un lait pour nourrisson au repas suivant. Ceci réduirait alors la quantité totale de méthadone reçue par le nouveau-né (31). Ainsi, en cas de sérologies négatives et de toxicomanie bien contrôlée, certains conseillent l’allaitement. En effet, ses bénéfices immunologiques et relationnels sont essentiels. Il semble que l’allaitement peut limiter (voire même traiter) les conséquences du sevrage chez le nouveau-né (1, 11, 32). Les avis diffèrent néanmoins, les quantités de méthadone dans le lait ne permettant pas de maintenir les concentrations auxquelles le fœtus était exposés in utero (2, 33).
NB : Le Subutex®, d’usage plus récent que la méthadone et donc moins étudié dans ce cadre, est contre-indiqué lors de l’allaitement, « du fait de son passage dans le lait maternel et de ses propriétés morphiniques » (34).
Mais par exemple, Jernite a dosé la buprénorphine et son métabolite, la norbuprénorphine, dans le lait de 4 mamans sous Subutex® (0.4 mg, 2 mg, 4 mg et 6 mg respectivement) (35). La quantité de buprénorphine absorbée par l’enfant restait faible pour les doses maternelles les plus élevées, ne contre-indiquant pas l’allaitement (36). Néanmoins, cela ne suffit pas à prévenir le syndrome de sevrage observé chez les deux nouveau-nés des mères sous 4 et 6 mg.
5. TRAITEMENT MEDICAMENTEUX
Actuellement, il n’existe pas de consensus concernant le traitement médicamenteux du syndrome de sevrage néonatal (9). Notons que 50 à 70 % des nouveau nés exposés aux opiacés en ont besoin pour contrôler les signes (7). Selon certains auteurs, le syndrome peut même mettre en jeu le pronostic vital s’il est sévère et non traité (1, 11).
La technique apparemment logique pour atténuer le syndrome de sevrage est l’utilisation de médicaments de la même classe que la molécule responsable du syndrome, à savoir les opiacés. Par exemple, aux Etats-Unis, la seule thérapie approuvée en 1998 par la Food and Drug Administration (US FDA) pour le traitement d’un sevrage aux opiacés est la méthadone. Néanmoins, en pratique, de bons résultats ont été rapportés avec d’autres médicaments, opiacés ou non : morphine, Elixir parégorique, ou encore diazépam, chlorpromazine… (8, 14, 23).
Remarque : Selon l’AAP, des solutés intraveineux et des électrolytes peuvent être nécessaires pour stabiliser l’enfant dans la phase aiguë sans avoir recours forcément au traitement pharmacologique (14).
5.1. CONDUITE DU TRAITEMENT
La décision d’instaurer une médicalisation est individualisée en fonction de la sévérité des symptômes :
- les enfants, dont l’exposition à une drogue a été confirmée, mais qui ne présentent pas de signes de sevrage, n’ont pas besoin de traitement (13, 14) ;
- on traite le nouveau-né si les symptômes tels que la perte de poids due aux diarrhées, aux vomissements, à la fièvre ou encore à la tachypnée sont assez importants pour menacer l’équilibre physiologique de l’enfant (la sévérité du syndrome étant évaluée grâce aux observations cliniques et aux scores) (7, 14).
Remarque : F. Hervé propose un traitement préventif chez tout nouveau-né de mère substituée (1).
Pour initier le traitement selon les scores, les avis diffèrent. J. Bouchez et C. Carlus considèrent que l’évaluation faite à partir du score de Finnegan et par des mesures répétées implique un traitement par des opiacés à partir d’un score général supérieur à 11, ou à 2 reprises supérieur ou égal à 8 et un avis clinique (11). D’autres préconiseront un traitement sédatif pour des scores de Finnegan supérieurs à 7 (à au moins 3 reprises selon F. Ferraro) ou pour des syndromes de sevrage sévères (par exemple, 2 scores supérieurs à 12 (7)) (27, 29). La majorité semble néanmoins initier un traitement médicamenteux lorsque le score de Finnegan est supérieur (ou égal) à 8 au moins à 2 reprises (pour S. R. Kandall, 3 scores consécutifs de 8 ou plus chacun) (1, 7, 8, 37).
Le score est ensuite évalué (toutes les 3 à 4 heures selon les possibilités) pour adapter le traitement en fonction de l’évolution, et ceci de la façon suivante la plupart du temps :
- si le score augmente, le traitement l’est aussi (le traitement est ainsi progressif jusqu’à l’extinction des signes de manque) ;
- lorsque le score est stable, on ne change rien (c’est-à-dire qu’une fois les symptômes contrôlés, le traitement est maintenu 3 à 5 jours) ;
- les symptômes disparaissant, le score diminue. Les médicaments (et en particulier les opiacés) sont alors administrés à dose dégressive (1).
La réponse clinique de l’enfant au traitement médicamenteux est suivie grâce aux scores. Ceux-ci aident à choisir le moment approprié pour diminuer les doses de la molécule, de manière progressive et avec une observation rigoureuse (1, 11, 13, 14).
NB : Quand les dérivés morphiniques sont diminués progressivement, des signes de manque modérés peuvent réapparaître. Selon J. Bouchez et C. Carlus, la reprise des opiacés peut alors être évitée par les soins environnementaux et le nursing évoqués précédemment (11).
Dans tous les cas, seront estimés comme des critères d’efficacité thérapeutique (et ceci, en plus du contrôle des symptômes) :
- la bonne prise des biberons,
- la qualité du sommeil,
- une courbe pondérale ascendante pendant 3 à 5 jours autorisant la réduction progressive des doses par paliers successifs.
A. Bourrillon signale qu’en aucun cas, l’irritabilité, les trémulations ou les troubles du sommeil susceptibles d’être observés jusqu’à l’âge de 6 mois, ne sauraient à eux seuls prolonger la durée du traitement (12). Concernant la durée du traitement, celui-ci peut se prolonger jusqu’à 4 à 6 semaines, selon F. Hervé (1). Pour la majorité des auteurs, l’idéal est d’arrêter le traitement médicamenteux avant la sortie de la maternité.
Remarque : Les médicaments, quels qu’ils soient, seront administrés au moment des biberons afin de respecter les phases de sommeil de l’enfant (il faut éviter de réveiller le nouveau-né pour leur administration) (9, 11).
5.2. LES MORPHINIQUES
En France, le nouveau-né est traité de façon symptomatique par de la morphine le plus souvent, sous des formes diverses.
5.2.1. La morphine
En première intention, on utilise souvent le chlorhydrate de morphine, analgésique en solution buvable. Les différentes publications sont assez disparates. En effet, les recommandations se font soit en gouttes (ce qui est plutôt aléatoire), soit en mg de morphine base, en mg de chlorhydrate de morphine, ou encore en ml de la solution en question (ces données étant plus précises). De plus, les posologies peuvent différer.
NB : N’oublions pas que la prescription des morphiniques doit être individuelle et nominative et que la conservation du produit doit se faire dans un endroit sous clef (régime des stupéfiants) (11).
La solution orale de morphine peut avoir la formule suivante :
- 10 ml de morphine à 0.1 % (chlorhydrate de morphine trihydraté à 10 mg/10 ml, soit en base anhydre 7.6 mg/10 ml),
- 90 ml d’eau stérile
ce qui fait une solution buvable aqueuse à 0,01 % de chlorhydrate de morphine soit 0,076 mg/ml de morphine base.
NB : Il existe des solutions buvables en ampoules de 10 ml à 10 mg/10 ml, ou 20 mg/10 ml, composées de chlorhydrate de morphine trihydraté, avec comme seul excipient de l’eau ppi (soit en base anhydre 7,6 mg/amp ou 15,2 mg/amp) (Cooper, Vidal 2000 ®).
J. Bouchez et C. Carlus recommandent la solution buvable de morphine base à 0.02 à 0.04 mg/kg toutes les 4 à 6 heures, soit environ 0,26 ml à 0,52 ml/kg/prise de la solution citée précédemment en exemple. La posologie peut être augmentée par paliers de 0,02 mg/prise (soit 0,26 ml/prise), et ce, jusqu’à la dose adéquate (qui est maintenue 3 à 5 jours) (11).
D’après M. Vibert (et selon l’AAP), le traitement repose sur une solution aqueuse à 0,02 % (1 ml = 0,2 mg de chlorhydrate de morphine), à la dose de 0,02 à 0,04 mg/kg de chlorhydrate de morphine toutes les 4 heures sans dépasser 0,12 mg/prise. On adapte la posologie en fonction du score de Finnegan : si le score augmente, on ajoute 0,01 mg/prise/jour ; s’il diminue, on enlève progressivement 0,01 mg/prise tous les 2 jours (1). D’autres préconiseront des doses plus élevées : par exemple, la solution de chlorhydrate de morphine peut être utilisée à la dose de 0,056 à 0,075 mg/kg toutes les 4 à 6 heures (9). Ou encore la solution orale de chlorhydrate de morphine à 10 mg/10 ml est prescrite à la dose initiale de 0,5 mg/kg/jour en 4 prises, éventuellement augmentée à 0,75 ou 1 mg/kg/jour. La posologie est ensuite diminuée progressivement par paliers de 2 à 4 jours selon le suivi du score (37, 38).
On recommande de ne pas dépasser la dose de 1 mg/kg/jour (risque de détresse respiratoire).
Remarque : Certains ont suggéré d’utiliser la morphine par voie IV pour traiter le syndrome de sevrage. Ceci semble peu pratique et les formulations peuvent contenir des sulfites, éventuellement responsables de réactions allergiques de type anaphylactique. Il ne faut pas oublier qu’une dose parentérale a plus d’effet qu’une dose identique per os (14, 31).
5.2.2. Les dérivés morphiniques
D’autres morphiniques existent pour traiter les nouveau-nés. Ainsi, l’Elixir parégorique fut l’un des premiers traitements du syndrome de sevrage aux opiacés chez le nouveau-né (14).
NB : Il est aussi appelé Teinture d’opium benzoïque camphrée, dénomination usitée mais impropre (39). Là aussi, les posologies énoncées dans les différentes publications diffèrent quelque peu. En effet, elles sont faites, soit en gouttes (mais alors par quel compte-gouttes ?), soit en ml, et les concentrations citées, bien que voisines, ne sont pas forcément identiques.
L’Elixir parégorique contient de la poudre d’opium, de l’acide benzoïque, de l’essence d’anis, du camphre et de l’alcool à 60° (11).
En France (Codex 1965), les proportions sont les suivantes (en grammes) (39, 40) :
- poudre d’opium 5
- acide benzoïque 5
- essence d’anis 5
- camphre (naturel ou synthétique) 2
- alcool à 60 ° 985 (macération 8 jours puis filtration).
NB : 10 g de ce produit contiennent 0.05 g de poudre d’opium, soit 5 mg de morphine (la poudre d’opium renfermant 10 % ± 0,2 % de morphine) (39).
Ainsi, l’Elixir parégorique a une concentration d’environ 0.45 mg/ml de morphine base pour certains (11) ou 0,05 % (soit 0,5 mg/ml) pour d’autres, 10 gouttes représentant 0,1 mg de morphine selon A. Bourrillon, C. Lejeune, et C. Olivier (12). En France, on recommande l’Elixir parégorique à raison de 2 à 4 gouttes/kg toutes les 3 à 4 heures (en fait, 4 à 6 prises régulièrement réparties sur 24 heures), sans dépasser 12 gouttes/prise (soit 0,12 mg selon l’équivalence citée par Bourrillon) (6, 15).
NB : on remarquera que ces doses correspondent à celles de la solution buvable de morphine (0,02 à 0,04 mg/kg toutes les 4 à 6 heures).
L’American Academy of Pediatrics (AAP) cite un Elixir parégorique avec une concentration de 0.4 mg/ml (l’Elixir parégorique de la pharmacopée des Etats-Unis n’a pas tout à fait les mêmes proportions que celui du Codex, (39)). Pour un bébé né à terme, la posologie initiale alors recommandée est de 0.1 ml/kg lors des repas toutes les 4 heures. Ce qui fait 0.04 mg/kg/prise (soit 2 gouttes/kg/prise selon l’article américain en question : on ne peut alors pas utiliser l’équivalence en gouttes citée (14). Ceci souligne l’importance de raisonner en termes de concentration et volume (et non en gouttes) pour éviter les erreurs). On peut augmenter la dose de 0,1 ml/kg toutes les 3 à 4 heures jusqu’au contrôle des signes. Une fois les signes maîtrisés pendant 3 à 5 jours, les doses doivent être diminuées graduellement (mais sans modifier l’intervalle des prises) (14, 23).
D’autres publications américaines recommandent de débuter par des doses de 0,2 ml (soit 0.08 mg) toutes les 3 heures. Cette dose peut être augmentée de 0.05 ml (0,02 mg) à chaque prise jusqu’à une dose maximale de 0,4 ml (0,16 mg) si le syndrome ne s’atténue pas. Une fois le nouveau-né stabilisé, la dose est maintenue 3 à 5 jours puis diminuée par paliers de 0,05 ml chaque jour. Le traitement peut être arrêté une fois le sevrage contrôlé pour une dose de 0,05 ml toutes les 3 heures, mais le nouveau-né doit être surveillé pendant un à deux jours à l’hôpital (S. R. Kandall, (8)). L. P. Finnegan et K. Kaltenbach proposent une administration toutes les 4 heures, avec un dosage basé sur la sévérité du score et sur le poids de l’enfant (doses globalement plus importantes que précédemment). Les nouveau-nés avec des scores de Finnegan de 8 à 10 sont traités avec une dose totale de 0,8 ml/kg/jour (0,32 mg/kg/jour) ; quand le score est de 11 à 13, on utilise 1,2 ml/kg/jour (0,48 mg/kg/jour), de 14 à 16 : 1,6 ml/kg/jour (0,64 mg/kg/jour) et pour 17 et plus : 2 ml/kg/jour (0,8 mg/kg/jour). Une fois l’enfant stabilisé, on réduit chaque jour les doses de 10 % par rapport à la dose quotidienne totale, en suivant la sévérité des scores. On arrête de traiter une fois la dose de 0,5 ml/kg/jour atteinte (0,2 mg/kg/jour) avec stabilité de l’enfant (8).
L’Elixir parégorique semble traiter à la fois les troubles centraux et gastro-intestinaux : il est particulièrement actif pour prévenir les convulsions, calmer l’agitation (18, 23) et améliorer le comportement digestif en cas de diarrhée (l’effet antidiarrhéique est obtenu plus aisément avec l’opium qu’avec la morphine) (24, 39). En comparaison avec les nouveau-nés sous diazépam ou phénobarbital (que l’on verra plus loin) et selon l’AAP, les enfants traités avec l’Elixir parégorique présentent une assimilation améliorée des éléments nutritifs et un gain de poids supérieur. Les troubles de la succion semblent être corrigés plus vite qu’avec les autres médicaments (traitement plus « physiologique » avec un temps de succion et une pression meilleurs) (14, 24). Une étude sur 176 enfants a démontré que, comparativement au phénobarbital et au diazépam, l’Elixir parégorique diminuait la durée du traitement (7, 8). Mais sur ce propos, on ne peut tirer de conclusion car les résultats des différentes études ne concordent pas. M. Jernite évoque une amélioration moins rapide et une durée de traitement plus longue avec l’Elixir parégorique qu’avec le chlorhydrate de morphine (9).
Actuellement, les pédiatres utilisent moins cet Elixir parégorique en raison des effets toxiques potentiels et connus de ses composants (14, 39) :
- En plus de la morphine, la poudre d’opium contient des dérivés isoquinoléiques et notamment la thébaïne ou la noscapine, qui peuvent s’avérer convulsivantes.
- Le camphre, stimulant du SNC, peut entraîner à doses excessives des accidents à type de convulsions chez le nourrisson (de plus, il est éliminé lentement du fait de sa grande liposolubilité et de la glucuronoconjugaison nécessaire à son excrétion urinaire).
- L’Elixir parégorique contient de fortes proportions d’éthanol (la poudre d’opium y est très soluble), mais celui-ci est dépresseur du SNC et responsable d’accoutumance.
On citera pour mémoire la Teinture d’opium, solution alcoolique d’extrait d’opium, beaucoup plus dosée que l’Elixir parégorique, et qui, de ce fait, est difficilement utilisable chez le nouveau-né (à moins qu’elle ne soit très diluée) (14, 15).
La méthadone a été utilisée pour traiter le syndrome de sevrage aux opiacés chez un petit nombre d’enfants aux Etats-Unis (la formule américaine contient de l’éthanol). Les doses initiales étaient de 0,05 à 0,1 mg/kg toutes les 6 heures, avec des augmentations de 0,05 mg/kg/prise jusqu’au contrôle des signes (A. Bongain, M. Huss et J. Y. Gillet citent une dose moyenne de 0,25 mg toutes les 6 heures, avec au maximum 0,5 mg par dose). Une fois les symptômes contrôlés, la méthadone peut être administrée toutes les 12 à 24 heures puis cessée après un sevrage de 0,05 mg/kg par jour. Une fois le traitement interrompu, on constate une baisse régulière des concentrations plasmatiques du fait de la longue demi-vie de la méthadone (7, 14, 23, 29). Selon C. Martin, la méthadone a été employée avec de bons résultats mais moins constants que ceux obtenus avec l’Elixir parégorique, surtout en ce qui concerne la prévention des convulsions (18).
On constate ainsi que les avis diffèrent selon les morphiniques, avec néanmoins une certaine cohérence. On retiendra que les schémas thérapeutiques comportent 4 à 6 prises par jour, avec des doses pouvant être augmentées en fonction des scores (et donc de la symptomatologie), puis diminuées progressivement par paliers jusqu’à l’arrêt. On retiendra également que les morphiniques utilisés permettent de réduire le syndrome de manque, de poursuivre l’alimentation régulière et préviennent des crises convulsives (11). Si nécessaire, on pourra utiliser d’autres traitements en fonction de la clinique.
5.3. ALTERNATIVES
D’autres médicaments peuvent être utilisés pour traiter le syndrome de sevrage, mais ceux-ci sont plus ou moins controversés (1, 37). Comme précédemment pour la morphine, les traitements seront adaptés en fonction de l’évolution du nouveau-né, évaluée toutes les 4 à 6 heures (1).
NB : Certains seront des traitements adjuvants selon la clinique (11).
5.3.1. Le diazépam (Valium®)
C’est une benzodiazépine (deuxième famille de médicaments utilisés après les solutions de morphine (15)), qui a l’avantage d’agir très rapidement (23). Les benzodiazépines agissent en potentialisant l’action du GABA (neurotransmetteur inhibiteur principal dans le SNC) au niveau des récepteurs benzodiazépiniques. L’ouverture du canal chlore est alors favorisée. D’où les actions myorelaxante, anxiolytique, sédative, hypnotique, anticonvulsivante et amnésiante (41, 42).
NB : Les benzodiazépines ont tendance à entraîner une dépendance en cas d’usage prolongé et/ou à doses élevées.
Le diazépam peut être utilisé au cours de la diminution des doses de morphiniques. Il peut traiter les trémulations, et surtout, calmer les convulsions (11). L’AAP constate une rapide suppression des signes du syndrome chez les enfants traités par diazépam (notamment, effet favorable sur l’irritabilité et l’insomnie) (1, 14). En France, il existe une solution buvable à 1 % (3 gouttes représentent 1 mg). On utilise des doses de 0,5 mg à 2 mg trois fois par jour (soit toutes les 8 heures) (ou 0,5 mg/kg/jour en 2 prises selon J. Bouchez et C. Carlus), ceci en fonction du poids de l’enfant et de la gravité des signes (6, 11, 18, 29).
Cependant, certains problèmes relatifs à cette benzodiazépine sont soulevés (14, 23, 24) :
- La capacité du nouveau-né à métaboliser le diazépam est limitée et l’élimination totale du diazépam et de ses métabolites peut prendre plus d’un mois (demi-vie d’élimination longue de 32 à 47 heures). Le diazépam a donc une action très prolongée chez le nouveau-né.
- Des succions faibles lors des tétées et une sédation importante ont été rapportées.
- Certains ont observé des convulsions d’apparition tardive chez les enfants traités par diazépam (14).
Ce traitement, qui met l’enfant en état de sédation, demande une surveillance particulière de la respiration (effet dépresseur respiratoire du diazépam), surveillance qui ne doit pas être relâchée avant une quinzaine à une vingtaine de jours (18). C. Francoual recommande une alimentation artificielle par gavage ou perfusion (les enfants sous Valium® étant le plus souvent incapables de s’alimenter) (15).
Remarque : L’American Academy of Pediatrics considère que le diazépam utilisé seul n’est pas efficace (réalisation d’essais comparatifs). De plus, elle formule quelques remarques concernant l’usage parentéral, s’il est pratiqué, et les additifs alors présents dans la formulation : – Le benzoate de sodium déplace la bilirubine de l’albumine et certains ont démontré que la capacité de liaison de l’albumine serait diminuée lors du traitement par diazépam. Ainsi, l’AAP considère l’ictère ou la prématurité comme une contre-indication à l’usage du diazépam. – La présence d’éthanol et de propylène glycol incite à la prudence (suspicion de risque de dysfonctionnements cérébraux ou hépatiques, d’hyperosmolarité) (14).
5.3.2. Le phénobarbital
Bien que n’étant pas une thérapie de premier choix pour le syndrome de sevrage aux opiacés, le phénobarbital (Gardénal®) sera essentiellement utilisé en tant qu’antiépileptique pour traiter les crises convulsives avérées (11, 14). Ce barbiturique est un agoniste des récepteurs allostériques du complexe gabaergique et favorise l’ouverture du canal chlore en sensibilisant le récepteur au GABA, d’où ses effets anticonvulsivant et sédatif (41). D. Unal recommande le phénobarbital quand les phénomènes centraux ne sont pas contrôlés par l’Elixir parégorique (24). C. Martin le propose à titre préventif (2 à 5 mg/kg/jour) ou curatif (5 à 8 mg/kg/jour) (18). Lorsque la mère consomme d’autres substances que les opiacés, le phénobarbital (associé à l’Elixir parégorique par exemple) pourrait soulager la souffrance du nourrisson (14, 18, 23, 43).
L’administration de phénobarbital modifie l’hyperactivité du nourrisson (effet sédatif du barbiturique). Il a une action favorable sur l’irritabilité et l’insomnie, tout comme le diazépam. Mais ce médicament n’atténue pas les signes gastro-intestinaux (1, 6, 14). Les convulsions associées au syndrome de sevrage peuvent être initialement traitées avec une dose de charge de 10 à 20 mg/kg en une prise (voie IM et exceptionnellement IV). Si c’est la dose la plus basse qui est utilisée, une seconde administration de 10 mg/kg est possible 10 minutes plus tard si les convulsions persistent. Le relais se fait à 48 heures en général avec une dose de maintien de 3 à 5 mg/kg/jour en une ou deux prises (voire 5 à 8 mg/kg/jour en deux ou trois prises pour certains (1, 6, 29)) (8, 11). On conseillera d’ajuster la dose d’entretien en fonction de la clinique du bébé et du score (signes contrôlés ? sommeil excessif du nouveau-né ?…). D’ailleurs, si les autres pathologies neurologiques ont été exclues, ces convulsions seront limitées et la médication sera réduite progressivement sous observation (normalité des EEG).
NB : Certains proposent un relevé fréquent des taux plasmatiques de phénobarbital.
Par exemple, une dose de charge de 16 mg/kg/jour, qui engendre des concentrations sanguines de 20 à 30 µg/ml, semble contrôler efficacement les signes du sevrage ; elle sera donc suivie de la dose d’entretien. L. P. Finnegan et K. Kaltenbach proposent alors de maintenir la dose 72 heures (pour un taux optimal de 20 µg/ml environ et un score inférieur à 8). Sinon, si le score est supérieur à 8, le phénobarbital sera administré toutes les 12 heures à 10 mg/kg jusqu’au contrôle des symptômes, ou un taux sanguin de 70 µg/ml, ou même jusqu’à la limite de la toxicité. S’ensuit la période stable de 72 heures puis la diminution progressive (de façon à entraîner une baisse des concentrations de 10 à 20 % par jour), et l’arrêt (taux plasmatiques en dessous de 10 µg/ml et score inférieur à 8) (8, 14).
Tout comme le diazépam, le phénobarbital semble supprimer significativement le réflexe normal de succion de l’enfant, et ceci contrairement aux opiacés (7, 8, 11). Il a, lui aussi, une demi-vie longue, de 40 à 70 heures (et par conséquent une élimination lente). Il a un effet inducteur (attention à l’augmentation du métabolisme des médicaments coadministrés ! ). A doses élevées, il peut entraîner une dépression centrale ou respiratoire (1, 18, 23). L’AAP signale l’établissement rapide d’une tolérance quant aux effets sédatifs (14). Une dépendance peut s’installer (ce qui impose l’arrêt progressif).
Remarque : En 2001, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) a suspendu l’AMM des médicaments contenant du phénobarbital dans les indications autres que l’épilepsie. En effet, le phénobarbital pouvait être utilisé comme sédatif léger dans différentes affections. Or, une enquête de pharmacovigilance a mis en évidence des cas de réactions cutanées, extrêmement rares, mais graves (à type de syndrome de Lyell et de syndrome de StevensJohnson). Celles-ci ont été observées au cours des 10 dernières années avec des médicaments contenant du phénobarbital et se manifestaient dans les deux premiers mois de traitement, indépendamment de la dose administrée. Ainsi, l’utilisation du phénobarbital comme sédatif léger est remis en cause (et non pas en tant que traitement de l’épilepsie).
5.3.3. La chlorpromazine (Largactil®)
La chlorpromazine est un neuroleptique, de la famille des phénothiazines. Elle a donc des propriétés antidopaminergiques auxquelles est imputé son effet antipsychotique. La molécule possède également des propriétés antihistaminiques (à l’origine d’une sédation), adrénolytiques et anticholinergiques marquées.
NB : Chez l’enfant, elle est généralement utilisée pour traiter les troubles graves du comportement avec agitation et agressivité (l’usage sera réservé à des situations exceptionnelles, en milieu spécialisé).
Dans le cas du syndrome de sevrage aux opiacés, la chlorpromazine semble contrôler les signes neurologiques et gastro-intestinaux (14, 24). La chlorpromazine peut être utilisée par voie orale aux doses de 1 à 3 mg/kg/jour en 3 ou 4 prises, avec une posologie maximale de 5 mg/kg/jour selon P. Benos (par exemple, 2 mg/kg/jour pendant 3 à 4 jours puis dose dégressive pendant 8 à 20 jours) (1, 6, 18).
Remarque : La voie IM est théoriquement réservée à l’adulte ; les sulfite et disulfite de sodium présents peuvent entraîner une réaction allergique. Une surveillance particulière s’impose : tension artérielle, comportement neurologique (et notamment, somnolence), fonctions digestives (effets anticholinergiques à type de constipation ou même d’iléus paralytique), problèmes hématologiques, … (1, 6, 14, 24). Ses multiples effets indésirables (abaissement du seuil épileptogène, effets extra-pyramidaux, etc) et son élimination lente chez le nouveau-né en limitent l’usage (14, 23, 24).
5.3.4. La clonidine
Dans le cadre d’une cure de sevrage aux opiacés chez l’adulte, le produit le plus utilisé est la clonidine (Catapressan®). C’est un agoniste α2 adrénergique qui agit sur les centres bulbaires et entraîne une baisse du tonus sympathique périphérique et de la tension artérielle, avec bradycardie modérée (41, 42). Cet antihypertenseur d’action centrale s’oppose à l’hyperfonctionnement adrénergique, considéré comme responsable des symptômes du manque.
La clonidine agit sur l’agitation, l’instabilité, la lacrymation, la rhinorrhée et la transpiration. L’administration est uniquement orale, en prises espacées et en augmentant progressivement la dose (surveillance de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque). La posologie est réduite progressivement jusqu’à l’arrêt (44). L’expérience de la clonidine chez le nouveau-né présentant un syndrome de sevrage aux opiacés est très limitée. L. Franck et J. Vilardi rappellent qu’elle n’a pas d’effet sur les signes gastro-intestinaux, qu’elle n’est pas la plus efficace sur les troubles du sommeil et qu’elle peut produire hypotension et somnolence.
Dans un rapport de 1981, la clonidine semblait néanmoins diminuer les symptômes du sevrage, sans effet secondaire, chez deux nouveau-nés exposés in utero à la méthadone (7). Dans une étude de 1984, 6 de 7 enfants présentant les signes d’un syndrome de sevrage aux opiacés furent traités efficacement avec de la clonidine par voie orale (0.5 à 1 mg/kg en une dose, suivi de doses de maintien de 3 à 5 mg/kg/jour, administrées en 4 à 6 prises dans la journée). Certains des nouveau-nés furent soulagés dès la première dose. Les taux plasmatiques étaient de 0.1 à 0.3 ng/ml.
Les enfants restés symptomatiques lors du traitement par clonidine étaient issus de mère traitée non seulement par méthadone, mais aussi par halopéridol (antipsychotique neuroleptique), désipramine (antidépresseur), et théophylline (traitement continu de l’asthme). Le seul symptôme qui semblait réfractaire à la clonidine était le sommeil de mauvaise qualité. Une acidose métabolique moyenne, résolue spontanément ou par un changement du traitement, est apparue chez 2 enfants. Il n’y eu pas d’autres effets indésirables. La durée du traitement par clonidine était significativement plus courte en comparaison avec le phénobarbital (13 jours versus 27 jours) (14). De plus amples études sont nécessaires pour préconiser la clonidine dans le traitement du syndrome de sevrage aux opiacés chez le nouveau-né.
6. APPARITION, INTENSITE ET DUREE DU SYNDROME DE SEVRAGE : LES DIFFERENTS FACTEURS
Les nouveau-nés exposés avant la naissance aux opiacés présentent un taux élevé de syndrome. Ainsi, la fréquence du syndrome de sevrage varie de 55 à 94 %, selon les articles. De nombreux facteurs influencent le syndrome de sevrage aux opiacés chez le nouveau-né, que ce soit pour son apparition, sa durée ou sa sévérité. Des éléments sont confondus (polytoxicomanie par exemple) et il est difficile d’apprécier chacun des facteurs de façon indépendante. De plus, les avis sont parfois disparates. Dans un premier temps, nous verrons donc l’importance du sevrage en fonction des opiacés consommés par la mère, et dans un second temps, nous essaierons d’apprécier les autres facteurs pouvant être mis en cause.
6.1. LES OPIACES EN QUESTION
Pour l’héroïne et autres opiacés à courte durée d’action, la majorité des signes surviennent en moyenne dans les 3 premiers jours, mais leur délai d’apparition est variable (parfois 2 semaines après la naissance) (1, 6, 8, 13, 37). Le syndrome de sevrage semblerait d’installation plus progressive et plus tardive avec la méthadone : il surviendrait alors vers le 2ème ou 3ème jour, jusqu’au 10ème jour. Il peut même apparaître 2 à 3 semaines après la naissance et persister sous une forme atténuée jusqu’à 6 mois (11, 18, 19, 25, 38). Dans une revue de la littérature, J. J. Volpe compare ainsi les dates de survenue du syndrome de sevrage entre méthadone et héroïne ; il constate également une survenue plus tardive avec la méthadone (38) :
Le syndrome de sevrage retardé pourrait s’expliquer par la pharmacocinétique de la méthadone : stockage dans les tissus du fœtus (et notamment au niveau du SNC) et clairance faible (12, 19). Mais les prévisions sont difficiles (variation de la clairance et de l’excrétion de la méthadone en période post-natale) (8, 11). Avec la méthadone, on remarquera que pour certains, le syndrome reste inapparent ou d’intensité modérée chez 50 % des nouveau-nés (11) ; ou alors, la méthadone ne modifie ni la fréquence ni même la sévérité du syndrome de sevrage (25, 27). Néanmoins, beaucoup considèrent que fréquence et sévérité sont plus importantes avec la méthadone qu’avec l’héroïne et la durée du syndrome prolongée (2, 4, 9, 13, 45, 46). Une aggravation de la symptomatologie digestive et neurologique est parfois décrite avec la méthadone (38). Une étude dans un hôpital new-yorkais observait principalement des différences pour l’hypertonie, l’irritabilité, les vomissements, la fièvre et les convulsions (47). Et les convulsions associées au syndrome semblent apparaître chez environ 1 à 3 % des nouveau-nés exposés à l’héroïne contre 5 à 10 % quand il y a eu exposition à la méthadone (8, 11, 19).
De même, le syndrome de sevrage néonatal est au moins aussi fréquent, parfois plus intense, plus retardé et plus durable avec la méthadone qu’avec la morphine (6, 18). Le syndrome de sevrage du nouveau-né à la buprénorphine est moins bien documenté et des investigations supplémentaires sont nécessaires. Néanmoins, le syndrome semble moins grave et moins long avec le Subutex®, ceci en comparaison avec la méthadone et en excluant les intoxications associées (1, 16, 36, 48). P. Marquet suggère d’ailleurs de considérer la buprénorphine pour le traitement des femmes enceintes dépendantes à l’héroïne, comme une alternative à la méthadone, connue pour induire des sevrages modérés à sévères chez le nouveau-né (49). Par exemple, G. Fischer a mené une étude sur 15 patientes (prenant 1 à 10 mg/jour de Subutex®) : le syndrome fut absent chez 8 nouveau-nés, bénin (sans traitement) chez 4, et modéré (avec traitement) chez 3 des nouveau-nés (3).
Néanmoins, certains exemples font penser qu’il existe une susceptibilité individuelle vis-à-vis de la buprénorphine, comme pour la méthadone (thèse de 1998 avec des exemples de sevrage sévère – scores de Finnegan jusqu’à 15 – et durant jusqu’à 8 jours, pour des nouveau-nés de mère recevant plus de 4 mg de Subutex ®) (30). Avec la buprénorphine, le syndrome de sevrage serait d’apparition plus précoce qu’avec la méthadone (9).
NB : Concernant la durée ou l’intensité du syndrome de sevrage, reprenons ici les aspects pharmacodynamiques et pharmacocinétiques des molécules citées :
Le syndrome de sevrage chez l’enfant né de mère sous buprénorphine, de 1 à 8 jours, semble plus court que lesyndrome de sevrage à la méthadone (7 à 10 jours, voire plus). Le syndrome de sevrage à l’héroïne se manifesterait 1 à 4 jours. Ceci s’expliquerait par la demi-vie des molécules : 2 heures pour l’héroïne, 24 à 36 heures pour la méthadone. Il est à noter que la méthadone se lie de façon importante à l’albumine et aux autres protéines plasmatiques et tissulaires, d’où effets cumulatifs et vitesse lente d’élimination (les urines ne seront exemptes de drogue qu’à 7 à 21 jours).
Pour la buprénorphine, le schéma est plus compliqué : sa demi-vie est de 2 à 5 heures mais son élimination se fait sur 20 à 25 heures. Cette durée d’élimination est intermédiaire entre celle de l’héroïne et celle de la méthadone, ce qui expliquerait une durée de sevrage également intermédiaire (3, 4, 18, 19, 30). G. Fischer souligne la forte affinité de la buprénorphine pour certains récepteurs opiacés, et il faut y ajouter le caractère très lipophile de la molécule. En découlent une très faible vitesse de dissociation, et par conséquent, un sevrage moins marqué que la méthadone. Elle souligne également la faible activité intrinsèque de cet agoniste partiel, comparativement aux agonistes purs comme la méthadone (d’où certains effets plus faibles) (3, 34).
Probablement du fait de pharmacocinétiques différentes, Kandall cite généralement plus souvent, pour les enfants exposés à la méthadone, des traitements à des doses supérieures et pour des durées plus longues que les nouveau-nés exposés à l’héroïne (8). La codéine entre dans la composition de nombreuses spécialités pharmaceutiques prescrites ponctuellement, particulièrement à visée antitussive ou prises dans le cadre d’une toxicomanie maternelle. Giroux a étudié quelques nouveau-nés de mères intoxiquées à la codéine (5 à 38 cp par jour de Néo-Codion® soit 75 à 570 mg de codéine) (50). L’un des bébés a présenté une symptomatologie importante et durable.
Remarques : Le syndrome de sevrage aux opiacés chez un nouveau-né de mère non toxicomane est rare, mais quelques cas sont décrits après prescription de dérivés opiacés en fin de grossesse. Par exemple, la codéine a parfois été mise en cause. Khan et Chang décrivent un syndrome de sevrage chez un nouveau-né dont la mère (diabétique insulino-dépendante) avait pris, lors des deux derniers mois de grossesse et ce, de façon régulière, un analgésique à base de paracétamol et de codéine pour des maux de tête et douleurs de dos. La dose de codéine a été estimée à 90 mg/jour. Les symptômes constatés étaient caractéristiques du syndrome de sevrage (trémulations, agitation, irritabilité, pleurs, tachypnée, fièvre, hypertonie, diarrhées…), bien que tous les signes ne se manifestaient pas (molécule et dosage en cause ?) (51). Des rapports anecdotiques sur un syndrome de sevrage au propoxyphène décrivent une irritabilité, des trémulations, des cris aigus, des selles liquides et dans un exemple, des convulsions tonico-cloniques généralisées à l’âge de 36 heures (l’apparition précoce de convulsions étant peu habituelle du syndrome) (8, 51). On rencontre une courte durée de la pathologie avec la codéine et le propoxyphène (Antalvic® aujourd’hui supprimé et Diantalvic®) (51). Des symptomatologies similaires au syndrome de sevrage ont été décrites suite à une exposition intra-utérine prolongée à la pentazocine (Fortal®) (8, 18, 29).
6.2. AUTRES ELEMENTS INTERVENANT SUR L’APPARITION, L’INTENSITE OU LA DUREE DU SYNDROME
Différents facteurs se confondent et sont diversement appréciés, du fait notamment des consommations erratiques de drogues, d’histoires maternelles imprécises, de méthodes diverses d’analyse pour détecter une exposition prénatale… (2).
Pour beaucoup des auteurs, interviennent, en plus de la nature du toxique :
- l’ancienneté de la toxicomanie,
- la durée d’exposition à l’opiacé, les doses utilisées,
- la date de la dernière prise par rapport à l’accouchement,
- les associations de toxiques et/ou de médicaments (7, 9, 14, 18, 25c, 27, 29, 50).
Des symptômes sévères semblent apparaître chez des nouveau-nés dont la mère a consommé de grandes quantités de drogues depuis longtemps (2). Ainsi, plus la toxicomanie est ancienne, supérieure à 5 ans, plus la dernière prise est proche de l’accouchement, plus le syndrome de sevrage serait grave et sévère, nécessitant le recours au traitement (Ostrea cependant, réfute ces facteurs de risque) (25c). Pour la date de survenue, leavis divergent. L. Finnegan considère que plus le délai entre la dernière prise de drogue et l’accouchement est court, plus le syndrome apparaît tardivement (2). Alors que pour C. Lejeune, il est d’autant plus précoce que la dernière prise est récente (45).
Certains préconisent une dose maternelle de méthadone inférieure à 20 mg afin d’éviter ou de réduire le syndrome de sevrage néo-natal (4). Et les femmes elles-mêmes réclament souvent une diminution de posologie dans l’espoir d’atténuer le syndrome. Or, la corrélation entre la dose de méthadone reçue par la mère au moment de l’accouchement et l’intensité du syndrome de sevrage du nouveau-né est difficile à établir : certaines études montrent un rapport important entre dose et sévérité (34, 40, 50), tandis que d’autres ne trouvent pas de différence (7, 11, 52, 53). Ce qui remet en cause le fait d’essayer de diminuer la posologie au 3ème trimestre de grossesse (38).
Pour J. Dashe, la dose maternelle de méthadone à l’accouchement est corrélée avec la probabilité d’apparition du syndrome. Ainsi, il lui semble être un avantage que de sevrer la mère avant l’accouchement (54). A. Bourrillon considère que le syndrome de sevrage sévère serait la traduction possible d’une élimination rapide de la drogue (12). T. S. Rosen précise que l’excrétion urinaire de la méthadone et de ses métabolites serait à son maximum les premiers jours de vie (elle diminuerait ensuite progressivement) (12). Pour Doberczak, la sévérité des signes centraux du syndrome est corrélée à la vitesse de diminution des taux plasmatiques de méthadone durant les 4 premiers jours de vie. En fait, des taux initialement élevés de méthadone provoqueraient cette diminution rapide, probablement par un mécanisme d’induction enzymatique et d’augmentation de la N-déméthylation et de la cyclisation de la méthadone dans le foie (13, 52). Et les pics sanguins seraient d’autant plus élevés que la posologie est forte lors de l’accouchement. Dans une étude de Malpas, les symptômes semblaient s’aggraver avec la dose maternelle de méthadone mais cela n’était pas statistiquement significatif (se posait aussi la question de l’influence de l’allaitement et de la polytoxicomanie, ces deux paramètres étant fréquents dans l’étude) (52). Mack, quant à lui, n’a pas trouvé de lien entre les niveaux plasmatiques chez le nouveau-né et l’intensité du sevrage, tout comme K. Kaltenbach (52, 38). Brown ne constate pas de différence de fréquence, que la mère reçoive moins de 50 mg de méthadone par jour ou plus de 50 mg (53).
Pour la buprénorphine, M. Jernite, après une analyse de 24 cas, ne trouve pas non plus de corrélation entre la dose prise par la mère et la sévérité du syndrome (9). De fait, aucune relation n’a pu être établie entre les doses de drogue, les taux sanguins, urinaires, amniotiques et le syndrome de sevrage (8). Des investigations nouvelles sont donc nécessaires pour conclure. En cas de polytoxicomanie impliquant des benzodiazépines et des barbituriques, le syndrome sera retardé (16). Par exemple, M. Jernite rapporte dans l’une de ses études un délai long de 10 jours pour un enfant dont la mère prenait 24 mg de buprénorphine associé à une benzodiazépine ; le nouveauné en question a eu une somnolence et une hypotonie pendant 8 jours dues à une imprégnation par les benzodiazépines avant de débuter son syndrome de sevrage néonatal (9).
Comme on l’a déjà vu, la prise simultanée de benzodiazépines peut entraîner des troubles de succion chez le nouveau-né, parfois de façon prolongée et un syndrome de sevrage en 2 vagues, avec une augmentation du risque de convulsions (38). La prise de cocaïne peut provoquer des lésions d’ischémie chez le fœtus par vasoconstriction (38). Le tabagisme, quant à lui, aggrave le retard de croissance intra-utérin et le risque de souffrance anoxique fœtale tardive (d’ailleurs, Fischer pose la question du rôle du tabac dans le syndrome de sevrage aux opiacés, car, dans l’une de ses études, les mères dont les enfants n’ont pas présenté de syndrome – ou alors un syndrome bénin – fumaient moins que les mères de nouveau-nés ayant présenté un syndrome (3)). L’alcoolisme fœtal, en raison de son action délétère sur la morphogénèse cérébrale, augmente la tendance convulsivante, et peut entraîner une foetopathie (18, 38).
Outre la nature du ou des toxiques déjà évoquée précédemment (méthadone, héroïne, alcool,…), les facteurs métaboliques favorisant les convulsions (hypoglycémie, hypocalcémie, …) doivent être envisagés (on pratiquera des examens approfondis à type de ponction lombaire, d’EEG, etc). On prendra éventuellement en compte la conduite du sevrage (4 % de convulsions en cas de traitement par l’Elixir parégorique, 42 % avec le diazépam selon C. Martin) (18). On considérera les disparités possibles concernant le métabolisme et l’excrétion des drogues chez la maman et le nouveau-né. L’adaptation et l’expression des récepteurs opiacés au niveau du SNC du fœtus puis du nouveau-né peuvent également jouer un rôle dans la manifestation du syndrome (3, 7, 14).
Pour Doberczak, le syndrome de sevrage serait d’autant plus grave que d’apparition plus précoce, nécessitant plus fréquemment un recours au traitement chez le bébé né à terme (25). Les symptômes seraient donc plus sévères chez les enfants nés à terme. Par exemple, dans une étude américaine, les enfants nés à moins de 35 SA dont les mères recevaient de la méthadone ont des scores significativement plus bas que les enfants nés à terme de mamans recevant des doses similaires de méthadone (7, 14). Trémulations, cris aigus, tachypnée, et alimentation difficile sont plus probables en cas de prématurité alors que les scores des troubles du sommeil, du tonus, des réflexes, de l’hyperthermie et des troubles du transit sont moins élevés.
D’après L. Finnegan, la maturité des fonctions métaboliques et excrétoires notamment joue un rôle important (2). Les prématurés excrètent généralement plus lentement les drogues : l’apparition du syndrome semble alors moins brutale (50). En outre, le métabolisme est retardé, l’adaptation neurologique altérée, le SNC immature, l’exposition totale moins importante du fait du temps de gestation raccourci, d’où des signes moindres à la naissance des prématurés (7, 11, 14, 25). Giroux a observé 3 nouveau-nés de mère intoxiquées à la codéine. Les 2 prématurés (des jumeaux) n’ont obtenu des taux urinaires nuls qu’au 8ème jour alors que le nouveau-né à terme montrait une négativité dès 48 heures de vie. Les prématurés semblent donc immatures pour le système enzymatique de biotransformation et d’élimination de la codéine en morphine. Or, la présence d’un syndrome de sevrage a été surtout constaté pour le bébé né à terme. Le syndrome de sevrage apparaîtrait alors lorsque l’élimination du toxique est rapide (nouveau-né à terme) (50).
Remarque : Le système des scores ayant été développé chez des enfants nés à terme ou quasiment à terme, l’évaluation de la sévérité des symptômes semble être plus difficile chez les prématurés (les scores étant moins sensibles et alors inadéquats) (7, 14). Un syndrome de sevrage chez des jumelles d’une mère sous méthadone a été étudié récemment (38). Les caractéristiques du syndrome étaient très différentes : une jumelle a présenté un syndrome retardé, au 10ème jour et moins sévère que l’autre jumelle hypotrophe, qui a eu un syndrome de sevrage précoce au 1er jour et prolongé pendant 6 semaines. Le seul paramètre différenciant les jumelles semblant l’hypotrophie de la 2ème, se pose non seulement la question d’une pharmacocinétique de la méthadone différente entre ces jumelles, mais aussi celle d’un passage trans-placentaire différent et le rôle éventuellement aggravant, de l’hypotrophie. Cet exemple rappelle également la variabilité de l’expression clinique et les difficultés de prévisions quant au syndrome de sevrage aux opiacés chez le nouveau-né. Enfin, certains citent comme autres facteurs le mode d’accouchement, le protocole d’anesthésie ou d’analgésie alors employé, la nutrition et la présence de pathologies intrinsèques à l’enfant (13, 50). Ces facteurs peuvent donc intervenir sur la séméiologie du syndrome de sevrage lors des premières semaines de vie.
En guise de conclusion
Il est extrêmement difficile de fournir une synthèse précise à l’issue d’une analyse aussi large de la littérature internationale traitant de ce sujet. Cette analyse s’est volontairement voulue la plus exhaustive possible. Par ailleurs, il n’existe pas de consensus en matière de prise en charge du syndrome d’abstinence néo-natale de l’enfant né de mère pharmaco-dépendante aux opiacés. Toutefois les pratiques des services de néo-natalogie se sont affinées par l’expérience de ces prises en charge au cours des dernières années.
On peut retenir les éléments suivants :
- Chez le nourrisson, différents symptômes orientent le pédiatre vers le diagnostic de syndrome de sevrage aux opiacés. Les scores permettent d’en évaluer la gravité. Aujourd’hui, le plus fréquemment utilisé est le score de FINNEGAN.
- Le nouveau-né est généralement traité par de la morphine per os, qui pour des raisons de simplicité d’emploi et de maniabilité a été globalement préféré aux autres traitements médicamenteux ; les posologies sont adaptées en fonction de l’expression des signes cliniques et par le biais des scores.
- Le rôle des parents est essentiel à la prise en charge du nouveau-né lors du sevrage (« nursing »), mais aussi une fois le syndrome résolu.
- L’intervention d’un réseau de soignants informés et motivés reste un des facteurs prépondérants de la réussite de la prise en charge du syndrome d’abstinence néo-natale du nouveau-né.
Annexe 1 : Evaluation du syndrome selon Ostrea. D’après A. Bongain, M. Huss, J. Y. Gillet : Toxicomanie et Grossesse. Rev. Prat (Paris), 1992, 42, 8, 1004-1009
Annexe 2 : Score de Lipsitz. D’après Lipsitz P. J., Clin Pediatr. 1975, 14, 6, 592-594 (17).
Annexe 3 : Syndrome de sevrage néonatal : Score de Finnegan. D’après Finnegan L. P . Neonatal Abstinence Syndrome : Assessment and Pharmacotherapy. Neonatal Therapy : An Update. Rubaltelli FF and Granati B. (Eds) Experta Medica, Amsterdam, New-York, Oxford 1986. (23) et (38).
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