Les données disponibles des gabapentinoïdes, prégabaline et gabapentine, dans le traitement de la lombalgie chronique sont limitées et insuffisantes pour démontrer leur efficacité, selon une métaanalyse de la littérature publiée dans Plos Medecine en août 2017.
La publication de cette revue de la littérature nous a amené à en discuter et à mettre ses conclusions en perspective avec d’autres données.
Harsha Shanthanna & al. Benefits and safety of gabapentinoids in chronic low back pain: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials, PLOS medecine
D’après une dépêche APM du 31 août 2017.
La lombalgie chronique est très fréquente, touchant entre 50 % et 80 % de la population à un moment de la vie selon les études. Une grande part des patients sont traités par des antalgiques classiques sans obtenir un soulagement satisfaisant de leur douleur, rappellent Harsha Shanthanna de la McMaster University à Hamilton et ses collègues dans Plos Medicine. La prégabaline et la gabapentine sont deux anti-épileptiques qui sont également indiqués dans les douleurs neuropathiques périphériques. Malgré l’absence de recommandations, ces deux gabapentinoïdes sont de plus en plus utilisés dans le traitement de la lombalgie chronique. Mais leur utilisation chronique favorise le risque d’effets indésirables et augmente les dépenses de santé.
Pour faire le point sur l’intérêt de ces médicaments dans la lombalgie chronique, les chercheurs ont effectué une revue de la littérature, identifiant 8 essais cliniques évaluant de manière randomisée et contrôlée des gabapentinoïdes chez des adultes pendant plus de 3 mois.
Les 3 études comparant la gabapentine à un placebo étaient de très faible qualité et globalement, la gabapentine était associée à une diminution minimale et non significative de la douleur (différence moyenne de 0,22 unité sur l’échelle d’évaluation numérique).
Pour les 5 études évaluant la prégabaline contre un comparateur actif, de mauvaise qualité également, les chercheurs n’ont pas pu analyser les données de manière poolée en raison de leur trop grande hétérogénéité. Les résultats de la plus grande d’entre elles montrent que l’ajout de la prégabaline au tapentadol n’a pas permis de soulager la douleur.
Les données de sécurité et de tolérance suggèrent un risque accru d’effets indésirables avec les gabapentinoïdes : avec la gabapentine, des vertiges (RR=1,9 par rapport au placebo), une fatigue (RR=1,85), des difficultés mentales (RR=3,34) et des troubles de la vue (RR=5,72).
Pour la prégabaline, les vertiges étaient aussi plus fréquents qu’avec le comparateur actif (RR=2,7).
Cette étude confirme que les données sur l’efficacité des gabapentinoïdes dans la lombalgie chronique non spécifique sont limitées et que les résultats disponibles ne justifient pas leur usage dans cette indication, concluent les chercheurs.
……
En France, dès 2008, l’intérêt limité des gabapentinoïdes dans cette indication était évoqué :
Revue du rhumatisme. Les antiépileptiques ont-ils une place dans le traitement des douleurs rhumatologiques. Is there a role for anticonvulsivants in the management of rheumatic pain ?
La spécialité Lyrica® est prescrite en grande partie dans des indications hors-AMM, notamment maladies du système ostéo-articulaire, comme on peut le lire dans l’avis de la HAS en 2017 :
COMMISSION DE LA TRANSPARENCE, Avis, 3 mai 2017, prégabaline
En 2016, l’étude PRECISE (Pregabalin in Addition to Usual Care for Sciatica), randomisée multicentrique conduite en double aveugle et contrôlée versus placebo, a été réalisée entre septembre 2013 et mars
- Les résultats de cette étude n’incitent pas à la prescription de prégabaline pour le soulagement des douleurs de la sciatique.
Univadis, 6 avr. 2017, La prégabaline, inefficace sur la sciatique
Concernant la gabapentine, moins utilisée semble-t-il en France (hors-AMM), elle fait l’objet d’un usage détourné croissant aux USA. Son nom de rue est « Johnnys » et on en parle comme du nouvel « Oxy ».
WXYZ. Sep 12, 2017. Abuse on the rise of prescription drug gabapentin, known as ‘Johnnys’
En 2016, l’agence du médicament en France (l’ANSM) avait émis un signal concernant le détournement de Lyrica® à des fins récréatives.
France TVinfo, 04/07/2016, L’ANSM alerte sur le détournement du Lyrica® à des fins récréatives