A propos du Dr Andrew Byrne…
Le Dr Andrew Byrne est médecin généraliste en Australie. Dès 1986, il a été un des premiers praticiens du pays à instaurer des traitements par méthadone pour ses patients usagers de drogues dépendants aux opiacés.
En parallèle de sa pratique, il publie régulièrement de nombreux courriels, commentaires et avis dans des revues telles que l’Australian Medical Journal, Addiction Research, Journal of Maintenance in the Addictions, British Medical Journal, Addiction, British Journal of Psychiatry, Australian Family Physician, The International Journal of Drug Policy ou encore the New York Times.
Il contribue également à de nombreuses discussions sur Internet dans le cadre de son blog http://methadoneresearch.blogspot.fr/. Le Dr Andrew Byrne est un habitué de nos colonnes. La rédaction apprécie tout particulièrement son indépendance vis-à-vis des firmes pharmaceutiques et c’est toujours avec un énorme plaisir que nous publions des versions françaises de ses analyses en direction des lecteurs francophones.
L’analyse suivante a été réalisée en anglais à partir de deux études « Effects of sublingually given naloxone in opioid-dependent human volunteers. Preston KL, Bigelow GE, Liebson IE. Drug Alcohol Dependence 1990 25:27-34 » et « Urine naloxone concentration at different phases of buprenorphine maintenance treatment. Heikman P, Häkkinen M, Gergov M, Ojanperä I. Drug Test Anal. 2013 Mar 19. doi: 10.1002/dta.1464»
Elle a été publiée en anglais sous le titre « Something old and something new ». Nous la retranscrivons ici en français avec l’aimable autorisation du Dr Byrne.
Cher(e)s collègues,
Une ancienne publication m’a été envoyée après plusieurs discussions autour de l’association de la naloxone à d’autres opiacés, comme tentative pour prévenir ou empêcher l’usage par voie injectable.
Mon sentiment a toujours été que les preuves étaient minces en faveur de ce concept attractif et la poursuite du mésusage était en pratique prévisible.
Par conséquent, je préconise toujours l’utilisation de la buprénorphine seule.
Dans l’étude de Preston et al., de taille modeste mais très bien construite, la prise de naloxone par voie sublinguale a entraîné un syndrome de sevrage précipité pour 2 usagers d’héroïne sur 6 et pour 3 patients sous méthadone, lorsque l’on administrait des posologies croissantes par voie sublinguale (de 2 à 8 mg).
La conclusion des auteurs était que « la naloxone peut être administrée par voie sublinguale jusqu’à des posologies de 1 – 2 mg chez des usagers abuseurs/dépendants aux opiacés, sans entraîner la survenue d’un syndrome de sevrage ». La croyance populaire veut que la naloxone ne soit pas absorbée par voie sublinguale dans des proportions cliniquement significatives. Cette étude réalisée par des auteurs éminents montre le contraire plus de 20 ans après.
L’étude plus récente réalisée par l’équipe finlandaise du Dr Heikman, s’est intéressée à la mesure des concentrations urinaires en naloxone et en buprénorphine. Elle montre que le concept d’association avec de la naloxone est toujours en cours de discussion.
L’étude a été menée sur 40 personnes reparties selon 3 groupes (patient à l’entrée du traitement, patient considéré comme stable et patient instable) et suggère que les concentrations urinaires en substances pourraient aider à vérifier la compliance. Les patients « instables » présentaient des niveaux de naloxone significativement plus élevés (ndlr : du fait de l’injection de Suboxone). Actuellement, face à un patient non stabilisé sous buprénorphine, il serait plus logique d’envisager la méthadone (ndlr : cette opinion n’est pas issue de l’étude mais reflète la pratique professionnelle du Dr Andrew Byrne et n’engage que lui).
Cette étude semble également confirmer que la plupart des patients faisaient usage de buprénorphine avant d’entrer en traitement et, comme en Nouvelle-Zélande 20 ans plus tôt, la buprénorphine était l’opiacé illicite injecté le plus populaire en Finlande.
Concernant l’association avec de la naloxone, à ma connaissance, les tests les plus élémentaires d’équivalence thérapeutique (avec la buprénorphine seule) n’ont toujours pas été effectués.
Selon moi, les preuves indispensables pour une large utilisation sont insuffisantes.
En effet, certaines observations et certains rapports anecdotiques indiquent que les personnes ayant changé de traitement pour l’association ont nécessité des posologies de buprénorphine significativement plus élevées (de plus de 50% dans l’étude pilote de Bell à Sidney – 2004).
Selon d’autres auteurs, le besoin de recourir à de telles augmentations est de courte durée (références sur demande). Ces résultats nécessitent des éclaircissements et le travail pourrait être réalisé de manière relativement simple.
Des posologies plus élevées de buprénorphine signifient :
- 1 – une posologie plus élevée de naloxone,
- 2 – des coûts plus élevés pour le système de santé et
- 3 – des profits plus importants pour les firmes.
Malgré le franc succès rencontré par la commercialisation de l’association buprénorphine/naloxone dans certains pays (ndlr : pas en France malgré la forte et ancienne implantation des traitements par burpénorphine seule, ce qui pourrait être aussi une explication), les notifications de mésusages sont maintenant courantes et l’histoire est en train de se répéter.
Une substance pure sera toujours plus attractive pour une personne dépendante.
Quel que soit le produit associé : avec de l’eau par exemple, un jus de fruit, de la craie, de la vitamine D, du paracétamol ou du caramel, le potentiel de mésusage sera probablement réduit – mais cela pourrait aussi avoir des effets délétères. Il n’est pas certain que la naloxone ait un quelconque bénéfice contrebalançant son coût ou ses effets secondaires potentiels (Ndlr : en France, il n’y a pas de surcoût pour Suboxone® à posologie égale à Subutex®, car son prix est aligné sur celui des génériques). Sans surprise, ni les firmes, ni les autorités dans la plupart des pays, ne veulent assumer l’utilisation de l’association pendant la grossesse ou en instauration de traitement. Malgré cela, cette recommandation a été largement ignorée aux Etats-Unis et en Australie.
Il ne fait aucun doute que la buprénorphine est un excellent traitement de substitution opiacée pour les patients ne souhaitant ou ne pouvant pas prendre de la méthadone et chez ceux pour lesquels la méthadone n’est pas disponible ou n’est pas satisfaisante pour différentes raisons.
L’ajout d’une solution alternative (la buprénorphine) a facilité notre exercice professionnel, offrant un choix pour des patients qui n’en avait auparavant aucun (à part le sevrage, qui est toujours un choix possible pour les patients dépendants).
Conflit d’intérêt : le Dr Andrew Byrne n’a aucun conflit d’intérêt avec les firmes qui commercialisent des spécialités à base de buprénorphine (seule ou en association) ou de méthadone.