2015 aura été l’année de l’annonce de la mise à disposition d’un kit nasal de naloxone, conçu et développé par la firme Indivior, multinationale née de la séparation des activités pharmaceutiques (Subutex® et Suboxone® notamment) et domestiques de Reckitt-Benckiser.
Depuis plus d’un an en effet, le prochain lancement de ce kit nasal occupe l’actualité en addictologie, et les dépêches APM et Medscape nous tiennent en haleine.
Dès la fin de l’été 2015, on nous a annoncé le projet d’une ATU permettant de mettre sur le marché le kit de naloxone conçu par Indivior et cela, avant même le dépôt d’une demande d’AMM pour ce dispositif. La mise à disposition dans le cadre de l’ATU était alors prévue pour janvier 2016.
Mi-octobre 2015, un arrêté est publié permettant de sortir la naloxone de la liste des substances vénéneuses et autorisant ainsi une large diffusion des kits de naloxone dans la population visée, y compris par le biais des Caarud, sans prescription médicale. Et ce, pour une dose de naloxone pouvant aller jusqu’à 3,6 mg.
Vers le 20 novembre 2015, la FDA accorde une autorisation de mise sur le marché à Narcan®, une nouvelle présentation de naloxone sous la forme d’un kit nasal (un conditionnement de 2 kits, contenant chacun 4 mg de naloxone).
Le 27 novembre, nous apprenons que la présentation de naloxone développée par Indivior vient de voir son autorisation de mise sur le marché américain refusée par la FDA.
Voici ce que nos abonnés ont pu lire dans la newsletter (E-dito n° 12) qui leur est adressée le 28 novembre :
Une autre information est tombée cette semaine concernant le kit nasal de naloxone et notamment le rejet de la demande d’AMM pour le médicament d’Indivior (celui dont on parle depuis plusieurs mois).
Indivior a fait savoir en effet mardi que la Food and Drug Administration (FDA) avait rejeté la demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) déposée aux Etats-Unis pour leur naloxone intranasale en spray dans le traitement d’urgence des overdoses aux opiacées.
Les données sur l’efficacité du produit ne seraient pas en ligne avec les attentes de la FDA, qui se base sur les résultats de la forme injectable, disponible sur le marché américain depuis plus de 40 ans.
L’agence américaine a octroyé la semaine dernière une première AMM à une naloxone en spray nasal, en l’occurrence à Narcan® (Adapt Pharma), dans le traitement des overdoses aux opiacées.
Les deux médicaments ne se présentent pas avec le même dosage de naloxone, et la FDA aurait estimé que la dose de naloxone d’un dispositif Indivior (0,9 mg) pourrait être insuffisante contrairement à celui d’Adapt qui a obtenu son AMM (4 mg).
La question désormais est la suivante : » est-ce que l’ANSM va accorder une ATU comme il était prévu dès début 2016 pour un médicament rejeté par la FDA ? »
L’arrêté de mi-octobre permettant l’exonération de la liste des substances vénéneuses du kit naloxone a été taillé sur mesure pour le dispositif d’Indivior (délivrance possible au public à une dose maximale de 3,6 mg, soit exactement le conditionnement de 4 kits de 0,9 mg du médicament d’Indivior) mais malheureusement il n’est pas applicable au dispositif d’Adapt (2 kits de 4 mg).
Notons aussi l’utilisation, notamment au Danemark, d’un kit nasal ‘artisanal’, composé d’une seringue de 2 mg de naloxone (dans 2 ml), équipée d’un embout permettant une pulvérisation du produit en intranasal. Mais ce dispositif n’a pas de ‘label’ d’une agence du médicament, aucune étude nécessaire à l’enregistrement n’ayant été réalisée. Il était question que Médecins du Monde diffuse de façon expérimentale ce dispositif en France (?).
Nous ajoutons par ailleurs que la piste de la naloxone par voie intramusculaire (Prenoxad®), que l’on peut considérer comme le gold-standard pour la prise en charge des overdoses opiacées, n’a pas été évoquée dans les discussions de 2015. C’est pourtant cette forme qui a fait jusqu’alors la preuve de son efficacité et elle est largement utilisée au Royaume-Uni, et en particulier en Ecosse.
A ce stade de la discussion, on ne peut que féliciter la firme Indivior d’avoir fait ce qu’il fallait pour porter auprès des Autorités de Santé un projet de kit nasal de naloxone, pouvant être mis sur le marché assez rapidement.
On peut aussi s’étonner que les firmes qui ont à disposition des médicaments autorisés depuis longtemps (Prenoxad®, Martindale) ou plus récemment (Narcan®, kit nasal, Adapt) n’aient pas jugé utile de solliciter une ATU et une demande d’AMM en France, alors qu’un boulevard leur est proposé.
Peut-être qu’elles estiment le ‘marché’ trop restreint pour leurs ambitions. Le marché français et ses 200 overdoses opiacées annuelles représente effectivement une ‘niche’ comparée aux 5 000 overdoses par opioïdes (oxycodone principalement) comptabilisées aux USA. Nous savons qu’il y a eu une possibilité d’une licence française pour Prenoxad®, via Ethypharm (cela a été confirmé lors d’un Séminaire Naloxone le 7 octobre 2015 au cours d’un échange oral entre William Lowenstein et un représentant de la firme) mais, à ce-jour, les discussions n’auraient pas abouti et semble-t-il, toujours aucune perspective de disposer du kit d’injection de naloxone, à côté du kit nasal (à l’heure où nous rédigeons cet article).
Pas étonnant donc que les Autorités de Santé aient accompagné le seul projet, celui soumis par Indivior, avec un kit nasal disponible rapidement, si la firme tient ses promesses.
A suivre avec attention !