La préoccupation d’un soignant, intervenant en addictologie, est bien sûr de permettre au patient addict de retrouver une qualité de vie satisfaisante mais, plus précisément, c’est aussi de lui éviter les rechutes. C’est vrai en particulier pour les patients sous traitement de substitution (TSO). La grille que nous proposons se veut un outil pratique de prévention des rechutes à partir d’une quantification d’items se rapportant au craving.
Un véritable changement de paradigme
Depuis les définitions de GOODMAN en 1990, notre vision de la « toxicomanie » a été profondément modifiée. La généralisation de l’utilisation des TSO dans le traitement des addictions aux opiacés a été le point de départ d’une nouvelle conception de cette pathologie. L’addiction est une maladie chronique, dont la rechute est le signe cardinal. Le craving en est un des symptômes précurseurs, et probablement le plus utilisable en clinique. C’est devenu la cible de la prise en charge thérapeutique.
Les deux molécules dont nous disposons pour l’addiction aux opiacés, la méthadone et la buprénorphine, ont une action essentielle à court terme pour la réduction des risques en luttant contre les symptômes de sevrage. Mais elles ont aussi et c’est essentiel, une efficacité à long terme contre le craving, mais à posologie plus élevée.
Pouvoir quantifier le craving (comme on mesure la douleur, la TA, la température) pour évaluer le risque de rechute lors de l’accompagnement d’un patient, c’est l’objectif initial de notre travail.
A partir de quelques questions simples qui font partie de l’interrogatoire habituel de toutes consultations en addictologie, nous proposons une grille sur deux composantes fondamentales du craving : l’obsession et la compulsion. Nous nous sommes volontairement limités à ces deux éléments, conscients que nous ne recouvrons pas la dimension globale du craving.
Conception du questionnaire
En respectant certaines obligations : la nécessaire rapidité de la saisie, la reproductibilité entre plusieurs partenaires, la fiabilité (compréhension par le patient), tout en explorant un maximum d’items.
Le résultat est fait de deux chiffres : un score obsession et un score compulsion. La question 3 est comptabilisée dans les deux scores.
Le questionnaire a été expérimenté sur trois sites et sur deux mois et réécrit en groupe.
Les sites de l’expérimentation : Un cabinet de médecine générale (Pôle de santé Marennes Oléron, Le Château d’Oléron), Le CSAPA Synergie 17 de La Rochelle (17), Le CSAPA hospitalier de St-Jean-d’Angély (17)
Les résultats de l’expérimentation sont parlants
148 patients (71 sous méthadone et 77 sous bhd) ; 28% de femmes 72% d’hommes et un âge moyen de 32 ans.
- 99 patients avaient des scores obsessions et compulsion inférieurs à 10.
- Les rechutes sur un mode compulsif (score compulsif supérieur à 10) ont toujours été en rapport avec un score obsession supérieur à 13
- 49 patients avaient un craving obsession supérieur à 13 et ont justifié d’une augmentation de posologie ; augmentation qui s’est traduite par une diminution des scores sur l’évaluation de la consultation suivante
- 4 patients avaient un score obsession nul mais signalaient des rechutes : 1 festif et 3 reprises du sniff sous buprénorphine.
En conclusion, cette expérimentation nous a permis de vérifier que les objectifs de faisabilité et de fiabilité étaient respectés. Nous sommes conscients que pour valider cette grille, une expérimentation sur d’autres sites et sur un nombre plus important de patients est nécessaire.
S’agit-il vraiment d’une évaluation du craving ? Ou peut-être plutôt d’une évaluation du risque de rechute ? Pratiquement, cette grille permet une adaptation thérapeutique, que ce soit pour des patients en ville ou suivis en CSAPA. C’était l’objectif !
Et plus qu’une aide à la prescription, c’est aussi une aide au dialogue et une aide au partenariat.
Le questionnaire
