« A 39 ans, elle ressent de la douleur pour la première fois ! ».
Sciences et Avenir relève en effet qu’une patiente norvégienne atteinte d’une insensibilité congénitale à la douleur vient, sous l’effet d’un médicament, d’éprouver une sensation douloureuse. Le magazine explique que cette patiente norvégienne avait 32 ans quand, en 2009, des médecins portèrent définitivement le bon diagnostic : « insensibilité congénitale à la douleur ». Durant son enfance et son adolescence, elle fut fréquemment traitée pour des ecchymoses et coupures. Elle subit l’ablation de l’appendice à titre préventif à l’âge de 2 ans. Durant l’intervention chirurgicale, le chirurgien ne nota aucune modification de la pression artérielle lors de la traction du péritoine, ce qui signait déjà une incapacité totale ou partielle à ressentir une douleur d’origine viscérale.
Sciences et Avenir ajoute que son insensibilité à la douleur lui valut par la suite plusieurs complications infectieuses osseuses, faute de pouvoir alerter à temps les médecins. De même, une infection oculaire survenue après un traumatisme entraîna une chute de la vision et nécessita finalement une greffe de cornée, là encore du fait d’une absence totale de douleur pouvant donner l’alerte. Elle souffrit en outre de multiples fractures, qui ne furent reconnues que lorsqu’elles provoquèrent craquements, instabilité et luxation ! Elle confia même n’avoir jamais eu mal à la tête, ni de douleurs lors de ses deux accouchements. « L’examen neurologique ne révéla qu’une anosmie bilatérale, autrement dit une perte quasi-totale de l’odorat », précise Sciences et Avenir.
L’article explique qu’en 2009, des généticiens norvégiens rapportèrent la cause de son insensibilité congénitale à la douleur : la présence de deux mutations sur le gène SCN9A, qui gouverne la production d’un canal aux ions sodium, baptisé Nav1.7. Ce canal sodique se trouve notamment à la surface de neurones sensitifs du système nerveux périphérique ainsi que sur les neurones olfactifs.
Sciences et Avenir décrit ces travaux publiés dans Nature Communications : « L’équipe de James Wood de l’University College London a conduit des expériences sur des rongeurs génétiquement manipulés, dont l’expression du gène SCN9A a été abolie. Ces souris mutantes, qui n’expriment donc pas le canal sodique Nav.1.7, présentent une insensibilité congénitale à la douleur comparable à celle observée chez l’être humain ». « Les chercheurs ont montré que l’absence du canal Nav.1.7 entraîne dans les neurones sensoriels des rongeurs une augmentation de production d’enképhalines, sortes de morphines naturelles. Il existe chez ces souris mutantes une surproduction de substances naturelles anti-douleur. Il […] existe un lien direct entre une perte totale de la fonction des canaux sodium Nav.1.7 chez les souris mutantes et une suractivation du système opioïde de l’organisme, qui aboutit à une inhibition des messages douloureux provenant de neurones de la moelle épinière », explique le magazine. Sciences et Avenir note que les chercheurs ont ensuite évalué l’impact de l’administration de naloxone, un médicament qui s’oppose à l’action des substances agissant dans l’organisme comme des morphiniques, un « antagoniste des morphinomimétiques » dans le langage des spécialistes ».
« L’administration de naloxone […] a eu pour conséquence de considérablement diminuer l’insensibilité à la douleur de ces animaux, et de restaurer les seuils douloureux thermiques et mécaniques. Les chercheurs ont également montré l’excitation de neurones sensitifs de la moelle épinière en réponse à des stimulations normalement douloureuses chez les souris mutantes recevant de la naloxone », indique l’article.
Le magazine indique donc que les chercheurs « ont cherché à déterminer quel pouvait être l’effet de la naloxone chez la patiente norvégienne. […] Ils ont constaté que cette femme pouvait ressentir, uniquement lorsqu’elle recevait de la naloxone, une douleur thermique lors de l’application sur la peau de brèves impulsions thermiques issues d’un laser. Par ailleurs, elle s’est alors plainte, pour la première fois, de douleurs dans une jambe qui avait été le siège de multiples fractures ! ».
Sciences et Avenir retient que « selon les chercheurs, une perte totale de flux d’ions sodium s’avère nécessaire (chez la patiente norvégienne ou chez les souris mutantes) pour entraîner une suractivation de la production de molécules anti-douleur naturelles par le système opioïde endogène. […] Ils en déduisent, a contrario, qu’une association d’agents capables de bloquer de façon sélective le canal sodique Nav.1.7 et de médicaments opioïdes pourrait s’avérer utile dans le traitement de douleurs chroniques ».