Introduction
La transmission du virus de l’hépatite C (VHC) en cas d’usage de drogue intraveineux est un problème de Santé Publique (1,2) dont l’ampleur en 2008 est toutefois mal connue.
Le dépistage de l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) sur prélèvements salivaires est une technique simple, fiable et reproductible qui permet de dépister environ 75% des usagers anticorps (ac) anti-VHC sériques positifs et 90 % des usagers virémiques avec une excellente spécificité (3).
Le but de cette étude prospective multicentrique était d’évaluer la prévalence et les facteurs de risque de l’infection par le VHC parmi les usagers de drogue intra-veineux présumés ac anti-VHC négatifs.
Méthodes
Entre janvier et avril 2008, un dépistage du VHC sur prélèvement salivaire a été réalisé dans 18 centres de soins du Nord et de l’Est de la France aux usagers de drogue présumés ac anti-VHC négatifs. Un contrôle des ac anti-VHC sériques et un dosage de l’ARN-VHC en cas de positivité des ac anti-VHC dans la salive étaient proposés.
La population cible était les usagers âgés de plus de 18 ans ayant des antécédents d’utilisation de drogue par voie intraveineuse au moins une fois dans la vie et dont la sérologie VHC était négative ou inconnue.
Une lettre informant sur les objectifs et le déroulement de l’étude était remise aux usagers susceptibles d’être dépistés.
L’inclusion était effectuée après obtention d’un consentement éclairé.
En cas de résultat positif, une confirmation par dépistage sanguin par Ac anti-VHC, ARN-VHC en PCR qualitative, TGO, TGP et Ac anti-VIH était proposée. En cas de résultat négatif, l’étude était terminée.
Pour chaque usager, le médecin remplissait un questionnaire qui comportait : âge et sexe du malade, état veineux quasi-normal, altéré ou très altéré, les années de première et de dernière injections, la date éventuelle de la dernière sérologie négative et le traitement de substitution éventuel au moment de l’étude.
Les échantillons de salive ont été prélevés à l’aide du système Salivette® (Sarstedt) puis testés par la technique Monolisa anti-HCV (Biorad, Marnes La Coquette, France) à un rythme bi-mensuel (3).
Résultats
298 usagers ont été inclus. 20 usagers (6,7%) ont été exclus pour usage non intraveineux et 16 (5,3%) pour prélèvement salivaire insuffisant. 262 usagers de drogue intraveineux (81% d’hommes, âge médian : 30 ans) ont été analysés.
190 usagers (72,5%) avaient débuté les injections après 1995. 222 usagers (85%) étaient sous traitement de substitution [(méthadone (n=154), buprénorphine (n=68)]. 99 usagers (38%) n’avaient jamais été dépistés antérieurement.
Dans 115 cas (44%), l’état veineux était altéré ou très altéré. 78 usagers (30%) avaient pratiqué une injection au moins une fois dans le mois et 48 autres (18%) entre le second et le douzième mois précédent l’inclusion.
17 usagers (6,5%) (16 hommes et une femme d’âge médian 36 ans) ont été dépistés VHC positifs.
Les caractéristiques des usagers selon les résultats des Ac anti-VHC figurent dans le tableau 1.
Tableau 1. Caractéristiques des usagers testés selon le statut VHC
En analyse multivariée, l’année de début de l’usage intraveineux et un état veineux altéré ou très altéré étaient des facteurs indépendants de positivité des Ac anti-VHC salivaires (p<0,05) (Tableau 2).
Tableau 2. Facteurs liés à la présence des Ac anti-VHC en analyse multivariée (262 usagers)
Une positivité des ac anti-VHC a été mise en évidence chez respectivement 10/66 (15%) et 7/195 (3,6%) des usagers selon un début des pratiques d’injection antérieur ou non à 1995.
Aucun test positif n’a été mis en évidence parmi les 101 usagers ayant débuté les pratiques d’injection après 2002.
Parmi les 17 usagers dépistés positifs sur prélèvement salivaire, 7 ont été confirmés par ac antiVHC avec ARN-VHC sérique positif dans 6 cas et négatif dans un cas. Dans les 10 autres cas, aucun prélèvement de confirmation n’a pu être obtenu.
Conclusion
Dans cette étude, la majorité des nouveaux cas dépistés positifs (59%) concerne des usagers ayant débuté les pratiques d’injection avant la mise en place des stratégies de réduction des risques.
Bien que le dépistage de l’infection par le VHC sur prélèvement salivaire soit moins sensible que le test de référence (3), l’incidence de l’infection par le VHC parmi les usagers de drogue intraveineux ayant débuté les pratiques d’injection depuis moins de 10 ans aurait diminué de façon très nette par rapport aux deux décennies précédentes.
Ces conclusions doivent toutefois rester prudentes car les usagers inclus dans des centres de soins aux toxicomanes du Nord et de l’Est de la France n’étaient peut-être pas représentatifs de l’ensemble de la population des usagers de drogue.
Références
- (1) Lucidarme D, Bruandet A, Ilef D, Harbonnier J, Jacob C, Decoster A, et al. Incidence and risk factors of HCV and HIV infections in a cohort of intravenous drug users in the North and East of France. Epidemiol Infect 2004, 132 : 699-708
- (2) Jauffret-Roustide M, Le Strat Y, Couturier E, Thierry D, Rondy M, Quaglia M, et al. A national crosssectional study among drug-users in France: epidemiology of HCV and highlight on practical and statistical aspects of the design. BMC Infectious Diseases 2009, 9 : 113
- (3) Lucidarme D, Decoster A, Delamare C, Schmitt C, Kozlowski D, Harbonnier J, et al. Etude inter laboratoires de la détection des anticorps anti-VHC sur prélèvements salivaires. Gastroenterol Clin Biol 2003;27:159-62.
Remerciements
Les auteurs remercient le Dr Durot (CH Cateau Cambresis), le Dr Megueil (Pont Neuf Valenciennes), le Dr Girka (Jeu de Paume Béthune), Dr Colbeaux (USID Douai) pour leur participation à cette étude.
Ce travail a été réalisé avec le soutien du Laboratoire Roche